🐬 A Chaque Jour Suffit Sa Peine Parole

PassLeMotPassLeMot "Ne vous inquiĂ©tez pas du lendemain. A chaque jour suffit sa peine" (Mt 6:34) Vis ce jour avec Lui, le jour de demain est Ă  Dieu, remets-le Lui. PassLeMot.fr. Matthieu 6.34. Je pass' le mot. PassLeMot PassLeMot "Ne vous inquiĂ©tez pas pour le lendemain car le lendemain aura soin de lui-meme. A chaque jour suffit sa peine Nevous inquiĂ©tez donc pas du lendemain; car le lendemain aura soin de lui-mĂȘme. A chaque jour suffit sa peine. (Matthieu 6:34) Chaque jour a dĂ©jĂ  sa dose de problĂšmes. Pas vrai? La plupart d’entre nous sommes partagĂ©s entre deux choses: hier et demain. Lundise lever tĂŽt Pour amener toto Chez le vĂ©to.. Mardi se lever tard Car j’ai le cafard Trois loyers de retard.. Mercredi c’est pĂŽle emploi Faudra qu’il me revoit. Ah si je parlais chinois ! Jeudi la cantine de Coluche Avec Lulu ma greluche, Penser Ă  ĂŽter ma capuche.. Vendredi manche dans le mĂ©tro Quelques euros mais jamais trop. Un petit noir dans ce vieux bistro. Cherchezd’abord le royaume de Dieu et sa justice, et tout cela vous sera donnĂ© par surcroĂźt. Ne vous faites pas de souci pour demain : demain aura souci de lui-mĂȘme ; Ă  chaque jour suffit sa peine. » – Acclamons la Parole de Dieu. Chaqueparole manquĂ©e est une voix qu'on Ă©touffe Souviens-toi de ShĂ©hĂ©razade ! - Une citation d'Abdellatif LaĂąbi ÀCHAQUE JOUR SUFFIT SA PEINE Paroles et musique : Jean-Claude GIANADDA Disques : Commencer chaque jour - Veiller n° 2 Refrain : À chaque jour suffit sa peine, À chaque jour, jour aprĂšs jour, À chaque jour suffit sa grĂące, Jour aprĂšs jour, À chaque jour de ton amour. 1.-Pourquoi trembler de mille peurs, Lorsque se fanent trop de fleurs, Ne vous inquiĂ©tez pas du lendemain, car le lendemain s’inquiĂ©tera de lui-mĂȘme. À chaque jour suffit sa peine” Mt 6. 34 L a vie se charge, au quotidien, de nous apporter divers tracas et inquiĂ©tudes ; elle serait insupportable si, en plus des peines du jour, nous devions porter celles de demain et d’aprĂšs-demain. Le Ne vous inquiĂ©tez pas (3) Lire la suite » Achaque jour suffit sa peine ." (Mt 6,34) Et il est vrai que beaucoup de nos angoisses ne sont pas relatives Ă  des problĂšmes rĂ©els qui se posent aujourd’hui : elles sont trĂšs souvent relatives Ă  ce qui pourrait nous arriver demain des problĂšmes encore imaginaires. Et les problĂšmes qui n’existent pas sont les plus insolubles. A la fin de cette parole Ă©vangĂ©lique se trouve un cĂ©lĂšbre octosyllabe en version française : « Ă  chaque jour suffit sa peine » (Matthieu 6.34), dans lequel on peut remplacer « jour » par « annĂ©e » pour cĂ©lĂ©brer les douze mois qui se terminent en dĂ©cembre et les douze qui vont suivre. Dominique ThiĂ©baut Lemaire Remixde Isleym en Lyrics.C'est ma 1e vidĂ©o. Le 25 (dĂ©cembre) est une date trĂšs Ă©loignĂ©e dans ce type de conflit. À chaque jour suffit sa peine! Nous espĂ©rons bien que d’ici lĂ , des Àchaque jour suffit sa peine. PubliĂ© par L'HEXA-DOM ''regards sur l'Actu'' le 6 mai 2021. PubliĂ© dans: ActualitĂ©s politiques. Poster un commentaire. Il faut faire face aux difficultĂ©s d’aujourd’hui sans s’inquiĂ©ter de celles que peut rĂ©server l’avenir. Share this: E-mail; Imprimer; Plus; WordPress: J’aime chargement Articles similaires. Navigation des articles. Tune craindras ni les terreurs de la nuit, ni la flĂšche qui vole au grand jour, ni la peste qui rĂŽde dans le noir, ni le flĂ©au qui frappe Ă  midi.” (Psaumes 90, 4-6) A chaque jour suffit sa peine “Ne vous faites pas de souci pour demain : demain aura souci de lui-mĂȘme ; Ă  chaque jour suffit sa peine.” (Matthieu 6, 34) SiĂ  chaque jour suffit sa peine, c'est parce que chaque jour A SA PEINE ; chaque jour comprend une certaine « peine » dont on ne peut Ă©chapper et cette peine est suffisante pour le jour prĂ©sent. C'est Editer l'article Suivre ce blog Administration Connexion + CrĂ©er mon blog. Venerianus Secret de l'infaillibilitĂ© PensĂ©es cartĂ©siennes >> 17 septembre 2017 7 17 / 09 / Achaque jour suffit sa peine. 1,293 likes. Bienvenue Ă  tous, Notre page « A chaque jours suffit sa peine » Comme l’indique le nom de notre page, nous avons des sentiments, des Ă©tats d’ñmes que nous n5meVbR. [Imani] Hey, y a R À chaque jour suffit sa peine Hey, y a R À chaque jour suffit sa peine À chaque jour suffit sa peine [Youssoupha] J'suis loin du paradis, putain, que quelqu'un m'aide Y a ceux qui fument bĂ©do, y a ceux qui fument le calumet Moi, j'surveillais le monde derriĂšre un fusil Ă  lunette Et puis, quand j'allume un feu, j'dis qu'c'est la faute aux allumettes Visage nĂ©groĂŻde, l'esclave a dĂ©passĂ© le maĂźtre Et maman est partie, j'vais sĂ»rement jamais m'en remettre Je crois en la lumiĂšre mĂȘme quand l'obscuritĂ© m'appelle NĂ©gro, noir privilĂšge, Ă  chaque jour suffit sa peine, va leur dire [Imani] Hey, y a R À chaque jour suffit sa peine Hey, y a R À chaque jour suffit sa peine À chaque jour suffit sa peine [Youssoupha] À chaque jour suffit sa peine Ă  chaque jour suffit sa peine Y a R y a R, y a rien y a rien [Youssoupha] Yo, j'arrive plus Ă  respirer, en vrai, j'en peux plus Donc enlĂšve tes genoux de ma nuque, fils de pute Double culture, j'ai du french lingala dans la voix J'suis bilingue, j'suis bilingue comme un chat qui aboie Champs-ÉlysĂ©es, je passe la rĂ©e-soi Faut qu'j'arrĂȘte de penser Ă  l'Afrique seulement quand la France me déçoit Et tous ces Blancs qui attendent qu'tu t'taises J'fais du rap, musique de Noir, ils m'ont rebaptisĂ© "pop urbaine" Faudra bien du courage Ça sent l'racisme, comme les commentaires d'ici sur Aya Nakamura Tu vois, me faites pas croire qu'mon art est en crise Quand c'est du rap de Blanc, on appellera ça toujours du "rap de ient-cli" Vu qu'au-dessus, c'est rarement nous qu'on recrute Ma culture est sous rĂ©cup' en crachant sur ma rĂ©put' Putain, le monde est grand mais on en fera le tour Les autres pensent que j'ai la haine, mon peuple sait que j'le dis par amour Y a R, Ă  chaque jour suffit sa peine [Imani] Hey, y a R À chaque jour suffit sa peine Hey, y a R À chaque jour suffit sa peine À chaque jour suffit sa peine [ Imani] À chaque jour suffit sa peine À chaque jour suffit sa peine À chaque jour suffit sa peine Paroles2Chansons dispose d’un accord de licence de paroles de chansons avec la SociĂ©tĂ© des Editeurs et Auteurs de Musique SEAM Paroles de la chanson A Chaque Jour Suffit Sa Peine par Furlax J'raccroche quand le passĂ© m'appel Je m'enfume jusqu'Ă  avoir des ailes Fuck un thĂšme ma vie c'est le thĂšme A chaque jours suffit sa peine A chaque jours suffit sa peine Fuck un thĂšme ma vie c'est le thĂšme A chaque jours suffit sa peine Fuck un thĂšme ma vie c'est le thĂšme La moula la moula c'est tout ce que j'aime Si j'en fais pas je prĂ©fĂšre m'ouvrir les veines Sous tise ou sous beuh c'est comme ça que je la ken J'ai du sang de sayen dans mon adn Devant le micro je dĂ©bite mes peines DĂ©bite ma haine comme je dĂ©gaine le gun Devant ta gueule si tu ouvres ta gueule Une me-ar baleze et lourde comme Big pun Une me-ar baleze et lourde comme Big pun J'connais des negros qui t'allume pour le fun J'suis suprĂȘme Negro comme toutes ma fashion J'veux des bulles sur mon chĂšque et sur mon seum Oui j'veux des bulles sur mon chĂšque et sur mon seum Plus j'baise Marianne et moins je la trouve cheum J'veux vivre Ă  fond et mourir trĂšs jeune J'veux vivre Ă  fond et mourir trĂšs jeune J'raccroche quand le passĂ© m'appel Je m'enfume jusqu'Ă  avoir des ailes Fuck un thĂšme ma vie c'est le thĂšme A chaque jours suffit sa peine A chaque jours suffit sa peine Fuck un thĂšme ma vie c'est le thĂšme A chaque jours suffit sa peine Fuck un thĂšme ma vie c'est le thĂšme J'suis vers l'au-delĂ  je vais vers l'infini Pour moi c'est le dĂ©but pour toi c'est fini 3-6-5 negro j'tire dans le 1000 7sur7 negro j'suis dans la cuisine J'oublie mon mal avec de la codĂ©ine Et de la og kush de Californie J'enlĂšve leurs putain de chaĂźnes comme Houdini Si je tombe j'aurais les nuages comme tatami Si je tombe j'aurais les nuages comme tatami J'fais une libation pour abreuver mes djinns Y'a que l'argent facile qui me fascine J'arrive comme une Facial sur Marine Negro j'arrive comme une facial sur Marine Plus je baise Marianne et moins je la trouve chime J'veux vivre Ă  fond et mourir sous lean J'veux vivre Ă  fond et mourir sous lean J'raccroche quand le passĂ© m'appel Je m'enfume jusqu'Ă  avoir des ailes Fuck un thĂšme ma vie c'est le thĂšme A chaque jours suffit sa peine A chaque jours suffit sa peine Fuck un thĂšme ma vie c'est le thĂšme A chaque jours suffit sa peine Fuck un thĂšme ma vie c'est le thĂšme COURS T A C T I Q ĂŒ E, p out G. 11 . DUFOUlt, ASCISÎ* IttSTRdCTSI H DU UhSIR ET J>K l.’;TT- M AiUH A l'ÉCOIB UJCITAIRB UK TlU/y, QU A R T 1ER -A J TR T OHSKAAL DE LA UOJf l'K DKH A TlOW , OFHCIIIR ]>K LAC TO N d'hORTI RI’R, ETC. PARIS, AD. CUEKHULIEZ ET COMP., LIimAUlES, RnIUNCn*ES DK STRATÉGIE. 1/ H est clair que ce plan doit se borner aux grandes dispositions stratĂ©giques et n’étre que le canevas des opĂ©rations, laissant ainsi une grande latitude pour les mouvements de dĂ©tail et d’exĂ©cution. Il serait absurde de prĂ©tendre dicter an gĂ©nĂ©ral ce qu’il doit faire jour par jour ; car aprĂšs les premiĂšres marches, et dĂšs qu’on est entrĂ© dans la sphĂšre d’activitĂ© de l’armĂ©e ennemie, on ne fait plus ce qu’on veut, mais ce qu’on peut ; les marches, les manƓuvres , les combats dĂ©pendent de circonstances impĂ©rieuses ; les dĂ©terminations sont soudaines et rĂ©sultent de l’attitude, des ressources, des forces et du moral de l’ennemi. Le gĂ©nĂ©ral doit avoir carte blanche pour l’exĂ©cution du plan de campagne dont un conseil peut bien tracer les premiĂšres directions, mais qu’il est encore mieux de laisser faire Ă  celui qui est chargĂ© de la responsabilitĂ©, et qui est le plus intĂ©ressĂ© au succĂšs. C est ,n s’aidant des meilleures cartes d’un pays que l’on arrĂȘte le plan de campagne, cl pour cela, les cartes Ă  petite Ă©chelle sont prĂ©fĂ©rables, en ce qu’elles montrent tout le pays dans un cadre resserrĂ©. Il suffit, pour remplir leur objet, qu’elles donnent exactement la position des lieux, les cours d’eau, les routes principales, la crĂȘte des montagnes, la limite des Etats. Les plus claires sont les meilleures, parce qu’elles sont plus faciles Ă  consulter. Les cartes h grande Ă©chelle, ou cartes topographiques, sont bonnes pour les questions de dĂ©tail ; mais le grand nombre de feuilles qu’elles comportent empĂȘche de s’en servir pour les dispositions gĂ©nĂ©rales. Une carte gĂ©ographique de moyenne grandeur, par exemple l’Espagne en quatre feuilles, sera toujours prĂ©fĂ©rable aux cartes topographiques les plus dĂ©taillĂ©es, pour discuter ,,n plan de campagne. Si au contraire, il s’agissait d’asseoir un camp, de prendre une position, d’arrĂȘter un ordre de bataille, c’est aux cartes topographiques qu’il faudrait recourir. I- e plan de campagne indique les lieux de rassemblement des troupes, la base et la ligne d'opĂ©rations, les points stratĂ©giques qu’il faut atteindre. -2 -18 PRINCIPES DE STRATÉGIE. Le choix des lieux de rassemblement n’est pas seulement dictĂ© par la facilite des subsistances, quoique cet objet soit toujours trĂšs-important, il I est aussi par la convenance d’occuper des positions qui tiennent l’ennemi dans l’incertitude du point oĂč on veut l’attaquer, et qui permettent de prendre une initiative prompte et foudroyante. On calcule la distance des diffĂ©rents points de rassemblement, de telle sorte que tous les corps puissent arriver en mĂȘme temps au lieu du rendez-vous gĂ©nĂ©ral pour franchir ensemble la frontiĂšre. Ainsi, en 4 815, NapolĂ©on ayant pris le parti d’attaquer les armĂ©es alliĂ©es, dirigea ses forces du cĂŽtĂ© de la Belgique, qui Ă©tait occupĂ©e par les Anglais et les Prussiens. Ceux-ci couvraient tout l’espace compris entre LiĂšge, Mons et Bruxelles, bordant la Sambre et la Meuse sur une Ă©tendue de vingt-cinq lieues; leurs quartiers Ă©taient principalement dissĂ©minĂ©s entre Mons et Namur. NapolĂ©on rassembla ses troupes Ăč Maubeuge, Beaumont et Pbilippeville, menaçant ainsi Mons, Bruxelles, Namur, et forçant l’ennemi Ă  rester sĂ©parĂ©. Il rĂ©solut de passer la frontiĂšre Ă  Charleroi pour tomber sur le milieu des cantonnements ennemis; et calculant ses distances, il fit partir les diffĂ©rents corps aux heures convenables pour arriver tous ensemble sur Charleroi, dont ils s’emparĂšrent sans difficultĂ©. Ils passĂšrent la Sambre, et allĂšrent le mĂȘme jour, 15 de juin , camper en pays ennemi. Ce dĂ©but est intĂ©ressant Ă  Ă©tudier; il montre l’influence d’un bon choix des lieux de rassemblement sur les premiers succĂšs, dont l’effet moral est si grand. Le mĂȘme gĂ©nĂ©ral, deux ans auparavant, opĂ©rant sur une Ă©chelle infiniment plus vaste, obtint la mĂȘme prĂ©cision dans ses rĂ©sultats. Il avait rassemblĂ© ses corps sur le NiĂ©men ; il les fit partir Ă  des Ă©poques et par des routes diffĂ©rentes pour les diriger sur Ostrowno, oĂč ils arrivĂšrent, aprĂšs de longues marches, au moment oĂč les deux armĂ©es allaient en venir aux mains. Le gĂ©nĂ©ral Barclay, aussi prudent que Fabius, Ă©luda l’effet de celte terrible concentration, en abandonnant le terrain h son adversaire. principes de stratĂ©gie. 19 La base d’opĂ©ralions ne peut ĂȘtre un sujet de discussion dans le plan de campagne, que lorsqu’on a le choix entre deux frontiĂšres et qu’on hĂ©site sur celle qu’on prendra. Par exemple, s’il Ă©tait question d’une guerre entre la France et l’Autriche, et que la France, comme c’est assez sa coutume, voulĂ»t prendre l’offensive, on pourrait discuter les avantages rĂ©ciproques de la frontiĂšre du Rhin et de celle des Alpes. C’est ici qu’on prend en considĂ©ration la forme gĂ©nĂ©rale de la base, et qu’on apprĂ©cie 'l’influence qu’elle peut exercer sur l’objet qu’on a en vue. Est-elle concave ou en maniĂšre de tenaille, l’armĂ©e, aprĂšs s’ĂȘtre portĂ©e en avant, y trouvera un appui solide pour ses ailes et ses derriĂšres. Forme-t-elle au contraire un angle saillant, comme la SilĂ©sie dans les États autrichiens, on y trouve l’avantage de tenir, par un seul rassemblement de troupes, l’ennemi incertain sur le cĂŽtĂ© oĂč l’on veut attaquer, et de l’engager ainsi Ă  dissĂ©miner ses forces dans toute la pĂ©riphĂ©rie qu’il a Ă  garder, ce qui ne peut ĂȘtre que trĂšs-fĂącheux pour lui. Mais dans le cas mĂȘme oĂč il resterait rĂ©uni, on a toute la facilitĂ© d’attirer son attention d’un cĂŽtĂ© et de se porter lout-Ă -coup de l’autre par le chemin le plus court, pour le prendre au dĂ©pourvu. Cette forme saillante est donc avantageuse pour le dĂ©but de la campagne, mais elle vous expose, en cas de revers, Ă  vous voir sĂ©parĂ©s de votre base. C’est l’inverse pour la frontiĂšre do forme concave. Des deux frontiĂšres, il y en a nĂ©cessairement une qui est prĂ©pondĂ©rante ; c’est de celle-lĂ  qu’il faut partir, en y rĂ©unissant tous les moyens d’attaque dont on peut disposer. On commettrait une faute si on poursuivait une double offensive, n partant Ă  la fois des deux bases. Il vaut mieux garder simplement la dĂ©fensive sur une des deux frontiĂšres, pour porter sur l’autre plus de troupes et s’assurer de plus grandes clian- ces de succĂšs. Rarement on obtient un bon rĂ©sultat en partageant ses forces, et les mĂȘmes raisons qui rendent dangereuses les lignes doubles d’opĂ©rations, s’opposent Ă©galement 20 PRINCIPES DE STRATÉGIE Ă  ce qu’on se laisse aller Ă  la tentation d’une double offensive. Il faut, au contraire , concentrer le plus possible ses efforts pour que les avantages qu’on obtient soient dĂ©cisifs, et ils le seront toujours plus sur la frontiĂšre prĂ©pondĂ©rante que sur l’autre ; c’est donc sur celle-' faut agir avec vigueur, en retirant de l’autre tout ce qui n’est pas indispensablement nĂ©cessaire Ă  sa dĂ©fense, de mĂŽme que sur un champ de bataille on Lire de l’aile la moins menacĂ©e des renforts pour les porter sur celle qui doit dĂ©cider la victoire, La discussion des diverses lignes d’opĂ©rations qu’on peut suivre est la partie essentielle du plan de campagne. Il y a tant de considĂ©rations Ă  aborder, de motifs Ă  peser, que le choix de la meilleure ligne est toujours fort dĂ©licat c’est lĂ  que l’homme de guerre montre sa capacitĂ©. On ne peut guĂšre Ă©tablir d’autres rĂšgles Ă  ce sujet que ce que nous avons dit plus haut en parlant des lignes d’opĂ©rations. Nous ajouterons que dans la discussion de ces lignes on calculera les distances effectives, c’est-Ă -dire les temps qu’on emploie Ă  les parcourir, et non les distances sur la carte ; toutes choses Ă©gales d’ailleurs, on prendra le chemin le plus court; on se dĂ©cidera aussi pour la meilleure route, quand deS motifs pressants n’engageront pas Ă  en sortir; car une troupe marche toujours plus vite sur une route large et commode que par des sentiers Ă©troits et difficiles. La nature des villes qu’on aura Ă  traverser, les dĂ©filĂ©s, les obstacles peuvent forcer Ă  prendre des chemins dĂ©tournĂ©s, quoique mauvais; car on surmonte plus facilement les difficultĂ©s de la marche qu’on n’enlĂšve des villes ou qu'on ne force des dĂ©filĂ©s. Quand l’armĂ©e, en s’avançant, aura la facultĂ© d’appuyer une de ses ailes Ă  un obstacle naturel, la meilleure ligne d’opĂ©rations sera celle qui s’approchera le plus de cet obstacle, parce qu’elle sera mieux couverte par l’armĂ©e dont le front, pendant la marche, occupe presque toujours quelques lieues d’étendue, du moins tant que la bataille n’est pas imminente. Quand les deux ailes de l’armĂ©e sont sans appui, la ligne d’opĂ©rations doit passer PRINCIPES DE STRATÉGIE. Ăąi par le milieu du front, afin d’ĂȘtre Ă©galement couverte de droite et de gauche, autant que cela est possible dans cette circonstance dĂ©favorable. RĂšgle gĂ©nĂ©rale dans la marche comme dans le combat, il ne faut jamais dĂ©couvrir sa ligne d’opĂ©rations; toutes les dispositions doivent tendre, au contraire, Ă  la couvrir, Ă  la dĂ©fendre le mieux possible. g 6. — Do Plan de DĂ©fense. Le plan de campagne pour la dĂ©fensive s’appelle plutĂŽt plan de dĂ©fense. Il consiste d’abord Ă  dĂ©terminer le genre de guerre qu’on veut soutenir, lequel dĂ©pend du caractĂšre national, des ressources du pays, de sa topographie , de son climat. Le français se dĂ©fend en attaquant; l’allemand soutient patiemment une guerre mĂ©thodique en arriĂšre de ses frontiĂšres ; l’espagnol fait en dĂ©tail une guerre d’extermination ; nous avons vu les Russes dĂ©vaster une province et mettre le feu Ă  leur capitale pour priver l’agresseur de toute ressource. Un peuple courageux , mais qui n’est point accoutumĂ© aux privations, ne traĂźnera pas la guerre en longueur; il cherchera Ă  en finir par des actions Ă©clatantes ; c’est Ăš coups de massue qu’il combattra; il prĂ©fĂ©rera une seule et grande bataille, oĂč, s’il doit succomber, ce sera du moins avec gloire , Ă  une sĂ©rie de combats partiels qui Ă©puisent le pays sans amener de rĂ©sultat. Porter la guerre chez celui qui vient attaquer ou chez ses alliĂ©s, est un moyen sur de lui en faire partager le fardeau et de dĂ©jouer ses projets. Le moral des troupes est exaltĂ© par Ul >e action de cette nature, et les chances favorables en sont au gmentĂ©es. Mais pour rĂ©ussir, il ne faut pas ĂȘtre trop infĂ©rieur en forces, et la disposition des frontiĂšres doit s’y prĂȘter. On ne s en Ă©cartera pas trop afin de ne pas se compromettre. C est la zĂŽne de terrain qui existe entre l’armĂ©e et la fron- i 22 PRINCIPES DF. STRATÉGIE. liĂšrc qui fournira Ă  vos besoins, et que vous dĂ©fendrez Ă  oa- trance, en vous prĂ©cipitant avec toutes vos forces rĂ©unies sur les corps de troupes ennemies le plus Ă  votre portĂ©e. Avez- vous des succĂšs, vous pouvez changer la constitution de la guerre en la tournant Ă  l’offensive. Etes-vous malheureux, vous vous concentrez toujours plus, vous choisissez des camps forts d’assiette, vous vous retirez sous l’appui de quelque place forte, vous vous couvrez de quelque riviĂšre, etc. Vous traĂźnez l’ennemi aprĂšs vous et le promenez dans cette arĂšne dont toutes les dĂ©vastations sont h sa charge. MontĂ©euculi, dans ses MĂ©moires, se prononce hautement pour ce genre de dĂ©fensive sur les terres d’autrui, dit-il, on soulĂšve les mĂ©contents ; la source des hommes, de l’argent et des autres choses nĂ©cessaires ne se trouble et ne se tarit que dans le pays oĂč est le théùtre de la guerre. En combattant chez soi on a beaucoup Ă  souffrir, il est vrai, mais il y a moins de dangers Ă  courir; on a la population pour soi ; elle vous prĂȘte des secours de tout genre ; chacun y espionne l’ennemi et vous instruit de ses dispositions; on combat sur des positions reconnues d’avance et quelquefois prĂ©parĂ©es de longue main, oĂč l’ennemi est obligĂ© de venir vous chercher; on peut se mouvoir dans toutes les directions, parce que tout l’espace qui n’cst pas occupĂ© par l’ennemi sert de base d'opĂ©rations ; on trouve ainsi de grandes facilitĂ©s Ăč menacer ses communications; on le force Ă  faire des dĂ©tachements pour garder les villes dont il s’est rendu maĂźtre et assurer sa marche. Ces dĂ©tachements vous donnent beau jeu; vous pouvez les attaquer partiellement, les battre ou les envelopper. Lorsque la fortune couronne les efforts du dĂ©fenseur, ses victoires sont bien plus dĂ©cisives en deçà des frontiĂšres qu’au delĂ  , parce que l’ennemi vaincu a des dĂ©lilĂ©s Ă  repasser, une retraite Ă  opĂ©rer au milieu d’une population irritĂ©e, prĂȘte Ă  se jeter sur lui. La forme de la frontiĂšre convexe au dehors favorise la dĂ©fensive intĂ©rieure Ă  son dĂ©but, et peut en dĂ©terminer l’adop- 25 l'RINCIPES DE STRATÉGIE. l on. En effet, d’ un point centrai qu’on occupe en forces, on observe toute la pĂ©riphĂ©rie des frontiĂšres vulnĂ©rables et on est }>rĂ©t Ă  se porter par le chemin le plus court sur le point menacĂ©. C’est ainsi que les PiĂ©montais peuvent, en prenant une position dans les environs de Turin, rĂ©pondre Ăźi toutes les attaques qu’on dirigerait contre eux dans toute la ceinture des Alpes. Chez nous-mĂȘmes, un corps placĂ© entre Tusis, Coire etReichenau, observerait avec avantage toute la frontiĂšre des Grisons, de Saint-Luciensteig au SplĂŒgen, sur un dĂ©veloppement de quarante lieues. Le genre de guerre adoptĂ©, les dĂ©tails viennent ensuite, et c’est ce qui compose, Ă  proprement parler, le plan de dĂ©fense. La dĂ©termination des lieux oĂč il convient de faire rĂ©sistance, de ceux sur lesquels on doit se replier en cas de revers, et des chemins Ă  suivre dans la retraite ; la disposition prĂ©alable des troupes dans l’attente de l’ennemi, de maniĂšre Ă  le prĂ©venir sur toutes les routes qu’il peut prendre; l’indication des points de concentration en arriĂšre de la frontiĂšre, dĂšs que ses projets sont dĂ©masques ; la maniĂšre de soutenir les corps avancĂ©s et d’observation, par des rĂ©serves centrales; enfin la dĂ©signation des points Ă  fortifier par les moyens de l’art, des ponts h couper, des routes Ă  amĂ©liorer, etc. ; tels sont les objets dont il faut s’occuper dans un plan de dĂ©fense. C’est la topographie locale qui dicte les dispositions militaires qu’il sera convenable d’adopter; on ne peut guĂšre prescrire de rĂšgle h cet Ă©gard; tout ce qu’on peut dire c’est qu’une trop grande dissĂ©mination de scs forces est toujours dangereuse; qu’en consĂ©quence, loin de songer Ă  garder l °us les passages, il faut en abandonner quelques-uns pour '‱Deux dĂ©fendre les autres, les plus importants, ceux qui sont * e plus menacĂ©s. Si l’ennemi quitte ceux-ci pour se porter SUI cc ux-lĂ , c’est par des mouvements analogues qu’on s’oppose Ă  scs projets, et on lĂąche toujours de se prĂ©senter Ă  lui, par quelque route qu’il arrive, avec le plus de troupes PKINCII’KS DE STRATEGIE. sM qu’il est possible d’en rĂ©unir. De lĂ  vient que la l'orme des frontiĂšres, la direction et la nature des routes ont tant d’influence sur la dĂ©fense d’un Etat. Si elles vous permettent de suivre, par des ligues droites intĂ©rieures, les mouvements de l’ennemi qui manƓuvre sur la circonfĂ©rence, vous aurez tous les avantages de la mobilitĂ©, et il vous sera toujours possible d’arriver avant lui sur les points menacĂ©s. Mais, mĂȘme dans le cas contraire, il ne vous est pas possible de fermer toutes les avenues; cela vous obligerait Ă  former un cordon de troupes fort allongĂ©, et par lĂ  mĂȘme trĂšs-faible dans toutes ses parties, que l’ennemi forcerait inĂ©vitablement en quelque point qu’il l’attaquĂąt. Vous devez plutĂŽt placer en arriĂšre de la frontiĂšre un corps principal dans la position la mieux choisie pour se porter, le plus promptement possible, sur les diverses routes ouvertes Ă  l'ennemi. En avant de ce corps principal et sur ses flancs vous enverrez de simples dĂ©tachements, pour occuper momentanĂ©ment les passages et annoncer l'attaque. Ils disputeront le terrain en se repliant; ils retarderont la marche de l’ennemi et vous donneront le temps d’arriver pour le recevoir. De cette maniĂšre tout le pays autour de vous sera suffisamment Ă©clairĂ© pour Ă©viter les surprises, et vous aurez vos forces assez rassemblĂ©es pour combattre. Telles sont les dispositions gĂ©nĂ©rales qu’il est bon d’adopter dans un plan de dĂ©fense ; on conçoit qu’elles laissent une grande latitude et doivent se plier aux exigeances des localitĂ©s; mais pourvu qu’elles soient basĂ©es sur le systĂšme de concentration, elles seront toujours prĂ©fĂ©rables Ă  un cordon sans soliditĂ©, dont les corps Ă©loignĂ©s les uns des autres ne se prĂȘtent aucun appui., Ă©chappent Ă  l’autoritĂ© immĂ©diate du chef, qui ne peut pas ĂȘtre partout, et sont, en raison des distances, hors d’état de se rallier quand la ligne est percĂ©e quelque part. FeuquiĂšres blĂąme le marĂ©chal de Ca- tinat de s’ĂȘtre Ă©loignĂ© de ces principes. CĂąlinĂąt, dit-il, chargĂ© de dĂ©fendre contre Monsieur de Savoie, les passages des Alpes, se jeta dans un systĂšme de cordon, en dissĂ©minant PRINCIPES 1K STRATÉGIE. 25 toutes ses forces sur le grand cintre des montagnes, et donna Ă  l’ennemi, par celte disposition, la facultĂ© de prendre l'offensive quoique beaucoup infĂ©rieur en infanterie, qui es t l’arme principale pour la guerre des montagnes. Monsieur de Savoye, en se concentrant, Ă©tait supĂ©rieur Ă  Monsieur de CĂąlinĂąt sur quelque point qu’il se portĂąt, d’autant plus qu'occupant le centre de la grande circonfĂ©rence, il pouvait menacer sur plusieurs points Ă  la fois, pour choisir celui qui lui semblait le plus avantageux. » Pour connaĂźtre promptement Ă  l’intĂ©rieur les mouvements de l’ennemi, il faut organiser un systĂšme de signaux d’alarme qui, du centre, se ramifie sur les divers points menacĂ©s. Ces signaux sont ordinairement des bĂ»chers qu’on Ă©tablit sur les montagnes de maniĂšre Ă  ĂȘtre visibles d’une sommitĂ© Ă  l’autre, et qu’on allume au moment du danger. Cela vaut mieux que des tĂ©lĂ©graphes, dont le jeu est empĂȘchĂ© par le brouillard. Il n'est pas indiffĂ©rent de dĂ©signer l’emplacement des signaux d’alarme dans le plan de dĂ©fense, et d’indiquer les prĂ©cautions dont il faut user pour Ă©viter les mĂ©prises qui occasionneraient de faux mouvements. Ce n’est pas toujours et uniquement en prenant des positions sur le chemin direct de l’ennemi, qu’on s’oppose Ă  sa marche, mais aussi, et quelquefois avec beaucoup d’avantage, on occupant des positions de flanc, de maniĂšre h menacer sa ligne d’opĂ©rations s’il veut passer outre. Si ces positions de liane peuvent ĂȘtre occupĂ©es par des forces imposantes, il laut de toute nĂ©cessitĂ© que l’ennemi quitte sa ligne directe Pour les enlever, car il ne peut pas se porter plus avant sans s exposer au danger d’ĂȘtre sĂ©parĂ© de sa base. DĂšs lors, il est lorcĂ© Ă  combattre sur un terrain que vous avez choisi et P^parĂ© d e longue main, que vous avez eu le temps de forti- ‱ Iei et oĂč tout favorise la rĂ©sistance. C’est ainsi que les Turcs, en se concentrant Ă  Chumla, ont complĂštement arrĂȘtĂ© l'invasion des Pusses en 1810, et qu’en agissant de mĂȘme dans la deiniĂšre guerre, ils ont prolongĂ© leur dĂ©fense de toute une 26 PRINCIPES DE STRATÉGIE. campagne. Si, en 1812, Kutusow, au lieu de couvrir Moscou en prenant position sur les plateaux de Mojaisck, se fut retirĂ© dans la direction de Kiow, il eĂ»t, de l’aveu mĂȘme de NapolĂ©on, attirĂ© b lui l’armĂ©e française et eĂ»t Ă©pargnĂ© Ă  la Russie l’immense sacrifice de sa capitale. La recherche et la discussion des positions de flanc forme donc line partie essentielle du plan de dĂ©fense, qui se rattache Ă  celle des points de concentration. Viennent ensuite les lignes de dĂ©fense successives que le pays peut offrir, et qui sont naturellement indiquĂ©es par les cours d’eau et par les chaĂźnes de montagnes ou de collines. Les avantages et les inconvĂ©nients de chacune d’elles doivent ĂȘtre soigneusement discutĂ©s. Les meilleures lignes sont celles dont les ailes sont appuyĂ©es h des obstacles naturels, tels que la mer, un grand lac, un fleuve large et rapide ; qui dominent le pays; ne sont abordables que par un petit nombre de routes faciles Ă  garder ; dont la forme gĂ©nĂ©rale est convexe au dehors, et en arriĂšre desquelles sont de bons chemins qui permettent de se porter rapidement, et par les directions les plus courtes, sur les points attaquĂ©s. Les fameuses lignes de Torres Vedras, construites par Wellington en 1809 pour couvrir Lisbonne, satisfaisaient Ă  la plupart de ces conditions elles formaient un grand arc de cercle de plusieurs lieues d’étendue, dont une des extrĂ©mitĂ©s Ă©tait appuyĂ©e Ă  la mer et l’autre au Tage; elles prĂ©sentaient une chaĂźne de sommitĂ©s, la plupart couronnĂ©es de fortifications, derriĂšre lesquelles l’armĂ©e anglaise pouvait manƓuvrer sans ĂȘtre vue, et se porter en masse aux diffĂ©rents points de la circonfĂ©rence par des chemins qu’on avait amĂ©liorĂ©s ou mĂȘme percĂ©s Ă  cet effet. Ces lignes, devenues cĂ©lĂšbres, ne purent ĂȘtre forcĂ©es par les Français, bien qu’elles ne fussent couvertes par aucune riviĂšre. On a Ă  examiner dans un plan de dĂ©fense les avantages qu’on peut tirer des villes fortifiĂ©es, soit pour mettre Ă  l'abri les tentatives de l’ennemi les approvisionnements de tous 27 PRINCIPES DE STRATÉGIE. genres nĂ©cessaires aux armĂ©es, soit pour la dĂ©lense de certains points qu’il est essentiel de conserver le plus longtemps possible. Une ville entourĂ©e d’une simple muraille et d’un fossĂ©,. qui la mettent Ă  l’abri du coup de main, peut ĂȘtre de la plus grande utilitĂ© suivant la position qu’elle occupe ; et il n'en faut quelquefois pas davantage pour faire Ă©chouer une attaque. La rĂ©sistance que les remparts de Morat opposĂšrent Ă  la formidable armĂ©e du duc de Bourgogne, prĂ©para la cĂ©lĂšbre victoire que nos ancĂȘtres remportĂšrent devant cette ville. Elle fut investie le 27 du mois de Mai de l’annĂ©e 1476, et le 12 de Juin, le duc ayant vu le peu d’effet de son artillerie, fit sommer le baron de Bubenberg, qui en Ă©tait le commandant, et le menaça de le faire pendre en cas de refus. Le baron de Bubenberg rĂ©pondit que les portes de Moral restaient ouvertes pour recevoir le duc, qu’il n’avait qu’à se prĂ©senter. Et en effet elles restĂšrent ouvertes pendant tout le siĂšge, tant Ă©tait grande la confiance de la garnison dans son chef et dans sa propre valeur. Le duc, aprĂšs avoir fait plusieurs brĂšches aux murailles, lit donner le 20 de Juin un assaut gĂ©nĂ©ral, qui fut repoussĂ© et lui coĂ»ta plus de 1500 hommes. Enfin parut, le 21 au soir, l’armĂ©e suisse, et le lendemain eut lieu cette sanglante et glorieuse bataille qui dĂ©livra notre pays du plus grand danger qu’il ait jamais couru, et valut aux anciens Suisses une haute rĂ©putation de bravoure. Ne perdons pas de vue l’exemple que nous ont donnĂ© nos ancĂȘtres; sachons, comme eux, dĂ©fendre au besoin nos murailles aussi bien que nos rochers, et gardons-nous de porter une main imprudente sur les fortifications qui protĂšgent encore quelques-unes de nos villes; ne fussent-elles capables que d’une rĂ©sistance de vingt-quatre heures, elles sont encore utiles. Il ne faut s °nvent pas plus de temps que cela pour changer la face des Ă©vĂ©nements et sauver un État du plus grand des malheurs, in perte de son indĂ©pendance. Si, en 1814, la ville de Sois- sons eĂ»t fer m Ă© ses portes et eĂ»t fait seulement un semblant de rĂ©sistance, l’armĂ©e de Bllicher n’eut pas Ă©chappĂ© a 1 ac- 28 PRINCIPES IE STRATÉGIE. tive poursuite de NapolĂ©on, et peut ĂȘtre la France eĂ»t-elle Ă©tĂ© sauvĂ©e. Ce sont principalement les villes placĂ©es sur les riviĂšres qui peuvent jouer un beau rĂŽle dans la dĂ©fense, pour peu qu’elles soient en Ă©tat de repousser une attaque de vive force. En assurant la possession des ponts, elles donnent la facilitĂ© de manƓuvrer Ă  son grĂ© sur une rive ou sur l’autre, de se couvrir du fleuve ou de le franchir, suivant qu’on se trouve trop faible pour marcher ii l’ennemi, ou qu’il se prĂ©sente une occasion favorable de le prendre sur le temps en profitant d'un faux mouvement de sa part. Si vous vous ĂȘtes portĂ©s au delĂ  du fleuve, ces villes'sont autant de tĂȘtes de pont qui assurent votre retraite et appuient vos opĂ©rations, quand vous ĂȘtes derriĂšre ; ce sont autant d’issues d’oĂč vous pouvez dĂ©boucher Ă  chaque instant, qui tiennent l’ennemi sur le qui- vive et l’obligent Ă  diviser ses forces. En un mot les villes fortifiĂ©es ajoutent beaucoup Ă  la valeur des lignes de dĂ©fense que prĂ©sentent les fleuves et les grandes riviĂšres ; elles font mĂȘme qu’un fleuve, qui est perpendiculaire Ă  la frontiĂšre , peut encore ĂȘtre pour l’armĂ©e envahissante un objet dangereux, par la facilitĂ© que trouve le dĂ©fenseur Ă  se placer du cĂŽtĂ© opposĂ© Ă  celui que suit cette armĂ©e, et Ă  menacer ses communications. Il faut alors qu’elle s’arrĂȘte dans sa marche, et s’empare des villes qui maĂźtrisent le cours du fleuve. Mais cette opĂ©ration, faite en prĂ©sence d’un ennemi dĂ©terminĂ© Ă  se bien dĂ©fendre, n’est pas sans de grandes difficultĂ©s. Si, pour la faciliter, l’attaquant s’avance par les deux rives, son armĂ©e est sĂ©parĂ©e en deux parties. Le dĂ©fenseur, maĂźtre des ponts, peut donc rassembler toutes ses forces et les diriger contre celle des deux moitiĂ©s qu’il lui plaira de choisir. Il est Ă  prĂ©sumer qu’il la battra. L’attaquant doit donc rester rĂ©uni et se retourner contre le fleuve dont les tĂȘtes de ponl le menacent , comme il le ferait Ă  l’égard d’une position de flanc fortement occupĂ©e, qn’il ne saurait laisser en arriĂšre sans s’exposer aux plus grands pĂ©rils. Sans la circonstance des PRINCIPES DE STRATÉGIE. 29 places fortifiĂ©e, ce mĂŽme fleuve , qui lui prĂ©sente ces obsta- cles > a ppuyerait une de ses ailes dans sa marche et facilite- rait ses transports. H est donc vrai que les villes qui commandent les cours d’eau peuvent ĂȘtre d’une grande importance, et qu’elles mĂ©ritent toute l’attention de celui qui s’occupe d’un plan de dĂ©fense ; et lors mĂȘme que ces villes ne seraient que trĂšs-im- parlaitement fortifiĂ©es , il ne renoncera pas lĂ©gĂšrement aux avantages qu’elles peuvent offrir; il apprĂ©ciera au contraire ce qu’il y aurait Ă  faire pour les amĂ©liorer et en rendre la dĂ©fense plus sĂ»re. Les trois villes de Zurich , Berne et So- leure peuvent ĂȘtre considĂ©rĂ©es comme les trois portes principales du vaste camp retranchĂ© que les Alpes , l’Aar et la Linnnal forment au centre de la Suisse. C’est dans ce camp que se dĂ©ciderait probablement notre sort, si nous avions Ă  subir une invasion. 11 y aurait donc bien de l’inconsĂ©quence Ă  dĂ©truire les fortifications des villes que nous venons de nommer, sous le prĂ©texte qu’elles sont insuffisantes, mal entendues, commandĂ©es, peu en rapport avec lesmoyens puissants de l’attaque * . Telles qu’elles sont, elles n’ont point Ă  redouter une attaque de vive force , elles sont Ă  l’abri du coup de main. 11 n’en faut pas davantage pour nous avec leur secours nous pouvons espĂ©rer de repousser un ennemi supĂ©rieur qui chercherait Ă  pĂ©nĂ©trer au cƓur de la Suisse ; sans elles, os lignes naturelles de dĂ©fense seront aisĂ©ment forcĂ©es, par- oc que leurs ponts seront h dĂ©couvert et que nous n’aurons ni le temps ni les moyens de les protĂ©ger par des retranche- nients de campagne, qui d'ailleurs ne valent jamais de hautes Murailles et de larges fossĂ©s. Nous avons encore les places de GenĂšve et de BĂąle qu’il faut tenir fermĂ©es , pour ĂŽter Ă  etranger la tentation de profiter des commoditĂ©s qu’el- de ces v’üf eta l cr l availt l’époque oĂč l’on a dĂ©moli les remparts d’une n ° S ^ leu veu 'd e que nous n’ayons jamais Ă  nous repentir conlrair eSUre ^ ue rĂ©clamait peut-ĂȘtre l’industrie, mais qui est bien aux intĂ©rĂȘts militaires de la ConfĂ©dĂ©ration. 30 PRINCIPES DE SThATÈGIË. les donnent pour franchir les obstacles que le RhĂŽne et le Rhin opposent aux opĂ©rations militaires. Elles sont Tailleur tellement exposĂ©es par leur position excentrique Ă  ĂȘtre pillĂ©es ou rançonnĂ©es, si nous avions le malheur d’ĂȘtre en guerre avec quelque voisin, que, mĂȘme dans leurseul intĂ©rĂȘt, il est nĂ©cessaire de conserver leur enceinte. Les positions proprement dites, c'est-Ă -dire les localitĂ©s oĂč une armĂ©e peut se placer avantageusement pour le combat, doivent ĂȘtre indiquĂ©es dans le plan de dĂ©fense. Les avantages et les inconvĂ©nients que ces positions peuvent offrir seront soigneusement discutĂ©s, afin que, le cas Ă©chĂ©ant, on profite des uns et l'on Ă©vite les autres, autant que les circonstances le permettront. On arrĂȘtera ses idĂ©es sur ce qu’il y aurait Ă  faire pour augmenter la force de ces positions par tous les moyens que l’art des fortifications enseigne , et pour faire disparaĂźtre les obstacles que les localitĂ©s opposent aux mouvements des troupes et Ă  leur dĂ©ploiement; on Ă©valuera approximativement le nombre de soldats de chaque arme qu’on pourrait y placer, et l'on indiquera les endroits oĂč ils seraient logĂ©s ou campĂ©s et les ressources qu'offrent les environs. Dans la prĂ©vision d’un revers, on cherchera quelles sont les meilleures lignes de retraite pour l'armĂ©e ; quels sont les endroits oĂč l’on peut tenter de la rallier; quelles sont les parties de ces lignes qu’on disputera pied Ă  pied; quelles sont celles qu’il faut, pour ainsi dire, franchir au pas de course, ferons connaĂźtre les conditions d’une bonne position militaire, quand nous parlerons des batailles. Un complĂ©ment du projet de dĂ©fense consiste dans la dĂ©signation des chemins qu’il faudrait dĂ©grader pour les rendre impraticables Ă  l’ennemi, et de ceux qu’il faudrait au contraire amĂ©liorer pour faciliter la dĂ©fense. On ne saurait trop porter son attention sur ces objets, qui semblent d’abord bien secondaires, mais qui ont tant d’influence sur le plus ou le moins de rapiditĂ© des marches et par consĂ©quent sur l’exĂ©cution du plan arrĂȘtĂ©. Un Etat bien organisĂ© veillera donc Ă  ce Principes de stratĂ©gie Si l^c > dans l'Ă©tablissement des canaux et des routes, les avan- tages qu’on donne au commerce ne soient pas trop chĂšre- ment achetĂ©s en cas de guerre. La plus belle route dans les montagnes sera sans danger, si on a le soin de la fermer par quelque ouvrage dĂ©fensif h l’endroit qui s’y prĂȘle le mieux. Si, par exemple, on construisait un petit fort casematĂ© un peu en deçà du Pont-du-Diable , sur la belle route du Saint- Gotthard qu’on vient d’ouvrir, cette route ne compromettrait plus notre sĂ»retĂ© et elle ne serait pas moins commode aux voyageurs. Sans doute qu’on peut toujours, surtout dans les montagnes, couper les routes et les rendre momentanĂ©ment impraticables, en dĂ©truisant les ponts, les soutĂšnements, les corniches ; mais, indĂ©pendamment de la facilitĂ© plus ou moins grande que peut avoir l’ennemi de rĂ©parer les dĂ©gradations , ou Ă©prouve toujours de la rĂ©pugnance h prendre ces mesures de destruction ; on les remet au dernier moment , et souvent il est trop tard pour les effectuer. Le plus sĂ»r est donc de construire d’avance les forts dont nous avons parlĂ© ; c’est pourquoi le plan de dĂ©fense doit dĂ©signer leurs emplacements. En marquant les points oĂč l’on peut faire rĂ©sistance, il indiquera la maniĂšre de couper les chemins en avant et d’amĂ©liorer ceux qui sont en arriĂšre pour atteindre le double but de retarder la marche de l’ennemi et de faciliter autant que possible l’arrivĂ©e des secours. Toutes les routes qui rĂ©unissent deux positions ou qui, en arriĂšre d’une ligne de dĂ©fense , courent parallĂšlement Ă  cette ligne, doivent ĂȘtre rĂ©parĂ©es; car c’est au moyen de ces routes que l’on pourra se porter rapidement d’un point Ă  l’autre pour secourir les endroits menacĂ©s, ou tomber en f °rce sur des dĂ©tachements de l’ennemi. Le plan de dĂ©fense do,t descendre jusqu’au dĂ©tail de ces opĂ©rations. sont les objets essentiels dont on a Ă  s’occuper dans un plan de dĂ©fense. Il en est d’autres non moins importants qui se rattachent Ă  la partie administrative, tels que les hĂŽpitaux , l es manutentions, le logement des troupes dans PRINCIPES DE STRATÉGtKi 32 les endroits dĂ©signĂ©s pour leur concentration, les subsistances, les fourrages, le service des postes et autres moyens de correspondance, etc., etc. Ces objets doivent aussi ĂȘtre, discutĂ©s dans un plan de dĂ©fense ; mais les dĂ©tails qu’ils exigent nous Ă©loigneraient trop de notre sujet pour qu’il nous soit permis de les aborder. § 7. — Des OpĂ©rations stratĂ©giques. C’est par des mouvements prĂ©paratoires, par des marches habilement conduites en vue dĂ© se placer sur les parties vulnĂ©rables des lignes ennemies; c’est, en un mot , par des opĂ©rations stratĂ©giques que se prĂ©parent ces immenses rĂ©sultats que donne quelquefois une seule victoire. Une bataille gagnĂ©e est toujours une belle chose, mais les consĂ©quences en sont bien diffĂ©rentes suivant qu’on s’est placĂ© de maniĂšre Ă  en profiter pour couper les communications de l’ennemi, le. sĂ©parer de. sa base, le disperser, etc., ou qu’on se trouve dans l’impossibilitĂ© de troubler sa retraite. Dans le premier cas, la victoire est dĂ©cisive , si on met de l’activitĂ© Ă  poursuivre les vaincus; dans le second, on doit s’attendre h les voir bientĂŽt se rallier pour livrer une nouvelle bataille. Quand, en 1805, NapolĂ©on leva son camp de Boulogne pour aller Ă  marches forcĂ©es combattre l’armĂ©e autrichienne , qui dĂ©jĂ  avait envahi la BaviĂšre et s’avançait entre le Danube et le lac de Constance, il dirigea les diffĂ©rents corps de son armĂ©e sur le flanc droit et les derriĂšres de l’ennemi, en prenant pour base le Bliin au-dessous de Strasbourg, et le Meyn dont il Ă©tait maĂźtre ; il contourna les montagnes de la ForĂȘt-Noire, dans les dĂ©filĂ©s desquels il prĂ©senta quelques tĂȘtes de colonnes , pour faire croire h Mack qu'il marchait Ă  lui par la vallĂ©e du Danube. Quand Mack reconnut son erreur, il Ă©tait dĂ©jĂ  trop lard; le coup Ă©tait portĂ©. Il se vit coupĂ© de ses PRINCIPES DE STRATÉGIE. 33 communications, battu dans plusieurs rencontres et obligĂ© de renfermer dans Ulm, oĂč il capitula et se rendit prisonnier ave c toute son armĂ©e. Ce furent bien plus les marches savantes et rapides qui prĂ©cĂ©dĂšrent les combats de Gunzbourg, Elchingen, etc., que ces combats eux-mĂȘmes, quoique brillants, qui valurent Ă  NapolĂ©on un pareil succĂšs. Toute retraite fut interdite aux Autrichiens; ils furent enveloppĂ©s et forcĂ©s Ă  mettre bas les armes avant que les secours qu’ils attendaient fussent arrivĂ©s *. Le marĂ©chal de Saxe Ă©tait persuadĂ© que les marches contribuent encore plus que les batailles au gain d’une campagne, et il posait comme axiĂŽme que les succĂšs de la guerre sout dans les ĂŻambes des soldats. L'histoire de tous les temps justifie celte assertion. Nous allons donc rassembler quelques prĂ©ceptes relatifs aux marches ou plutĂŽt aux mouvements stratĂ©giques. Marches en avant. — Une armĂ©e nombreuse est toujours partagĂ©e en plusieurs corps qui marchent sur des chemins diffĂ©rents, soit pour se procurer plus facilement leur subsistance, soit pour faciliter les dĂ©ploiements et tous les prĂ©parais de la bataille. Toutes ces colonnes doivent se rapprocher d’autant plus les unes des autres que les entreprises de l’en- uemi sont plus il redouter si son attaque est possible, les colonnes resteront Ă  portĂ©e de se secourir mutuellement; elles ne laisseront cnlr'clles aucun obstacle qui les empĂȘche de se rejoindre et de se rassembler sur le champ de bataille. Mais Il ne faudrait pas, en exagĂ©rant ce principe, faire marcher les colonnes cĂŽte a cĂŽte et parallĂšlement, leur ouvrant avec la hache et la pioche des chemins quand il n’y en aurait pas d’assez rapprochĂ©s. Cette pratique mettrait des obstacles insurmon- l abfĂ©s Ă  la rapiditĂ© des mouvements et laisserait h un adver- saip e moins circonspect tous les avantages. Depuis Turenne, Luxembourg , Villars , les marches rapides Ă©taient oubliĂ©es ; Voyez les dĂ©tails de ces marches au Cliap. III, § 3. 3 34 PRINCIPES DE STRATÉGIE. une faible armĂ©e se partageait en nombreuses colonnes qui se frayaient pĂ©niblement des routes au travers des bois et des ravins , sans se perdre de vue les unes les autres, pour ainsi dire ; il en rĂ©sultait un embarras extrĂȘme et une pesanteur souvent funeste. Mais la rĂ©volution française a dĂ©truit tout cet Ă©chafaudage d’une tactique trop timide ; on est revenu aux marches dĂ©gagĂ©es, promptes et hardies des Romains. Tant qu’on ne manƓuvre pas sous le canon de l’ennemi, on peut mettre entre les colonnes qui exĂ©cutent des mouvements prĂ©paratoires plus ou moins d’intervalle, suivant les localitĂ©s ; la seule limite Ă  poser, c’est que ces intervalles ne soient pas assez grands pour empĂȘcher les corps d’arriver le mĂȘme jour sur un mĂȘme champ de bataille. Chacune des colonnes doit user de prĂ©cautions pour ne pas se laisser surprendre par l'ennemi ; elle fait Ă©clairer sa marche par une avant-garde. Toute nĂ©gligence Ă  cet Ă©gard peut amener une catastrophe l’histoire en fournit bien des preuves. La dĂ©faite de Flaminius Ă  TrasimĂšne est l’exemple le plus cĂ©lĂšbre qu’elle nous rapporte. Cet imprudent gĂ©nĂ©ral s’engage dans le dĂ©filĂ© que forme le lac * avec les montagnes, sans y faire Ă©clairer sa marche par une avant-garde et sans reconnaĂźtre les hauteurs. Il se hĂąte de joindre Annibal qui mettait le pays Ă  contribution , et sa presse est si grande qu’il ne se donne pas le temps d’attendre son collĂšgue, qui arrivait de Rimini avec une armĂ©e. Mais il trouve dans le fond du dĂ©filĂ© le rusĂ© Carthaginois qui lui barre le chemin; l’action s’engage, et des hauteurs environnantes les Romains voient descendre des troupes nombreuses qui les prennent en flanc ; en mĂȘme temps la cavalerie, non loin de laquelle ils avaient passĂ© sans l’apercevoir, arrive par derriĂšre. ObligĂ©s de combattre de tous les cĂŽtĂ©s h la fois, les Romains succombĂšrent, les Carthaginois en firent un affreux massacre. Pour assurer la marche contre les entreprises de l’ennemi, Lac de TrasimĂšne, actuellement lac de Peruggia. 3f> PRINCIPES DE STRATÉGIE. t>n doit autant que possible, et ainsi que nous l’avons dĂ©jĂ  dit, la diriger le long d’un fleuve qui couvre le flanc de la colonne; mais il faut toujours, mĂȘme dans ce cas, faire occuper les avenues par lesquelles il pourrait dĂ©boucher. On dĂ©tache Ă  cet effet quelques troupes qui prennent position et couvrent la marche jusqu’à ce que la colonne soit assez Ă©loignĂ©e pour n’avoir plus rien Ă  craindre. Alors cette troupe, faisant un crochet, ou prenant le mĂȘme chemin que l'armĂ©e, vient rejoindre au premier camp. De toutes les marches, celles qui peuvent amener les plus grands rĂ©sultats, sont celles que l’on parvient Ă  cachera l’ennemi, et que, pour celte raison, on appelle marches dĂ©robĂ©es. C’est par de semblables marches que l’on parvient Ă  se placer sur le flanc de l’adversaire, Ă  menacer sa base, Ă  le surprendre dans ses cantonnements, etc. Les pays les plus difficiles sont ceux qui favorisent le plus les marches dĂ©robĂ©es , soit par la facilitĂ© qu’en a de les masquer, soit parce que l’ennemi, trop confiant dans les obtacles qu’offrent les localitĂ©s, nĂ©glige les prĂ©cautions ordinaires et ne va pas aux informations. Or, avec de la patience , du travail et de l’opi- nialretĂ© , on parvient toujours Ă  surmonter les obstacles matĂ©riels quand on n’est pas empĂȘchĂ© par la prĂ©sence de l ennemi. On peut, Ă  cet Ă©gard, dire qu’il n’y a rien d’impossible aux hommes. TĂ©moin la marche extraordinaire d’Annibal au travers du marais de Clusium. 11 avait deux chemins pour s’avancer sur Rome l’un par les dĂ©filĂ©s des Apennins, facile , mais plus long et occupĂ© par l’armĂ©e romaine ; l’autre , plus court, au travers de grands marais jugĂ©s impraticables. Anni- bal, aprĂšs avoir fait sonder ces marais et s’ĂȘtre assurĂ© que les difficultĂ©s quoique trĂšs-grandes n’étaient cependant pas msumiontables, se dĂ©cida pour ce dernier chemin. Sachant point, le lendemain il Ă©tait Ă  dix ou douze lieues de distance, marchant Ă  un autre ennemi Ă©tonnĂ© de tant de rĂ©solu- l,0n t de cĂ©lĂ©ritĂ©. CĂ©sar, entourĂ© de peuples rĂ©voltĂ©s au milieu des Gaules, se tire de celte position critique par des mouvements pareils. Il est partout oĂč le danger l’appelle ; il 40 PRINCIPES DE STRATÉGIE. ne laisse aux Gaulois ni le temps, ni les moyens de se rĂ©unir; il les combat les uns aprĂšs les autres et les dĂ©fait partiellement. Peu de semaines lui suffisent pour terminer cette mĂ©morable campagne. Retraites. — Dans les marches en retraite, on doit, autant que dans les marches en avant, suivre la ligne simple, afin de rassembler autant que possible ce qu’on a de forces h opposer Ă  l'ennemi. Les retraites dites divergentes ou excentriques , qui s’opĂšrent h la fois par plusieurs routes pour donner le change au vainqueur et rendre sa poursuite incertaine, sont extrĂȘmement dangereuses. En se partageant pour prendre ces directions diverses, on s’affaiblit partout les corps isolĂ©s, livrĂ©s h eux-mĂȘmes, courent la chance d’ĂȘtre enveloppĂ©s, acculĂ©s Ă  des obstacles, dispersĂ©s, anĂ©antis, comme cela est arrivĂ© aux corps prussiens aprĂšs la bataille de IĂ©na. L'ennemi, sans se laisser distraire, peut s’attacher Ă  l’un de ces corps pour l’écraser; il ne s’inquiĂ©tera pas des autres, sachant qu’il en aura bon marchĂ© quand il se retournera contre eux ; il se contente de les tenir sĂ©parĂ©s. Il n’est permis de se partager qu’a celui qui vient de remporter une victoire Ă©clatante ; il est en prĂ©sence d’un ennemi dĂ©sorganisĂ©, qui a perdu ses communications, que la force morale abandonne. Il se jette au milieu des corps Ă©pars ; il n’a qu’a se montrer pour dĂ©terminer leur fuite. Dans cette situation il peut tout oser ; tout est bon exceptĂ© ce qui est trop lent et trop mĂ©thodique. Mais c’est ici une exception que lĂ©gitime l’état de dĂ©sorganisation cl d’abattement dans lequel se trouve une armĂ©e dĂ©faite. Restez donc rĂ©unis dans une retraite encore plus que dans une marche offensive , quand mĂȘme votre vitesse en serait ralentie; car, avant tout, il faut songer Ă  votre sĂ»retĂ©. Marchez avec ordre , autant que les circonstances vous le permettent, ou du moins marchez ensemble, prĂ©sentez encore h l’ennemi un front imposant, et, s’il vous poursuit avec trop PRINCIPES DE STRATÉGIE. ^ de tĂ©mĂ©ritĂ© , sachez l’en punir, osez mĂȘme retourner sur lui quand il se met en prise ou qu'il est nĂ©gligent dans sa marche. On peut retirer plus d’honneur d’une retraite bien conduite que d’une bataille gagnĂ©e oĂč la fortune a quelquefois tant de part. Il est trcs-avantageux de diriger la retraite parallĂšlement a la frontiĂšre , lorsque la chose est possible, parce que de cette maniĂšre l’ennemi qui vous suit ne fait aucun progrĂšs. INous en avons dĂ©jĂ  dit un mot en parlant des lignes d’opĂ©rations accidentelles. La retraite parallĂšle se fait-elle en pays Ă©trangei, l’armĂ©e vit aux dĂ©pens de l’ennemi ; les flĂ©aux de la guerre pĂšsent sur lui; il est presque aussi mal placĂ© que s il avait le dessous. Se fait-elle derriĂšre la frontiĂšre, on traĂźne aprĂšs soi l’armĂ©e victorieuse; on lui fait faire du chemin, sans que pour cela elle gagne un pouce de terrain dans l’intĂ©rieur ; on ne lui abandonne que la lisiĂšre , et on la met dans la situation de prĂ©senter le flanc aux forces de l’intĂ©rieur. Mais il faut prendre garde de ne pas s’exposer soi-mĂȘme en entreprenant une marche parallĂšle dans un pays dĂ©pourvu d'obstacles, qui laisserait Ă  l’ennemi la facilitĂ© de vous couper de votre base. On couvrira donc cette marche de quelque fleuve ou de quelque chaĂźne de montagnes, c'est-Ă -dire qn’on n’entreprendra une retraite parallĂšle qu’aulant qu’un obstacle respectable la favorisera. La route du Sintplon , couverte par les Alpes du cĂŽtĂ© de l’Italie , nous offre cet avantage une armĂ©e ennemie, venant du midi, peut y marcher trois Ă  quatre jours sans faire chez nous aucun progrĂšs, et elle se trouverait ntĂȘnte h la fin pins Ă©loignĂ©e du centre du pays, qu’au moment oĂč elle aurait passĂ© la frontiĂšre. En sorte que, pour peu qu’on lui oppose de rĂ©sistance, elle court le risque de pĂ©rir de mi- sĂšre dans la vallĂ©e du RhĂŽne , oĂč les ressources sont insuffisantes pon r une arm i e nombreuse. Du cĂŽtĂ© opposĂ© , 1 Aar peut aussi couvrir efficacement une retraite parallĂšle Ă  la frontiĂšre du Jura. Ce sont lĂ  des avantages de notre position qui compensent en partie les inconvĂ©nients qui y sont atta- 42 PRINCIPES IE STRATÉGIE. chĂ©s avantages que nous devons reconnaĂźtre, et qui peuvent, avec l'Ă»pretĂ© de notre sol, concourir h fortifier nos espĂ©rances dans le cas d’une invasion. Si la retraite parallĂšle est couverte par un fleuve, il faut avoir soin de rompre tous les ponts afin de se garantir'de toute attaque de flanc. De mĂȘme si elle est favorisĂ©e par une chaĂźne de montagnes, on fera occuper les passages latĂ©raux jusqu’à ce que l’armĂ©e ait dĂ©filĂ©, et l’on se disposera Ă  tomber en masse sur ceux des corps ennemis qui, malgrĂ© ces prĂ©cautions, seraient parvenus'^ forcer les passages ou Ă  les tourner, et qui essaieraient de barrer le chemin. On ne doit pas s’effrayer d’un faible corps qui se prĂ©sente sur les derriĂšres, tout le pĂ©ril est pour lui. On conçoit qu’une retraite parallĂšle ne peut s’opĂ©rer efficacement que sur une frontiĂšre d’une assez grande Ă©tendue. Si donc cette frontiĂšre est difficile Ă  garder Ă  cause de son dĂ©veloppement, elle vous offre d’un autre cĂŽtĂ© l’avantage que nous venons d’indiquer, et qui n’est pas le seul si l'on sait tenir une dĂ©fensive attaquante. Car ce qu’on ne pourrait faire pour la dĂ©fense d’une frontiĂšre Ă©troite, sans courir le risque d’en ĂȘtre sĂ©parĂ© ou de se laisser acculer aux obstacles qui la resserrent, en mĂŽme temps qu’ils sont l’appui de ses ailes, on peut l’entreprendre avec succĂšs sur une frontiĂšre Ă©tendue offrant de longues bases d’opĂ©rations. On peut donc opĂ©rer de ces retours offensifs que la fortune se plaĂźt souvent Ă  couronner d’un brillant succĂšs, et se livrer Ă  ces brillantes entreprises que le courage et l’audace savent inspirer. Diversions. Marches combinĂ©es. — Ce que nous avons dit jusqu’à prĂ©sent pour montrer la nĂ©cessitĂ© de rassembler ses forces et de rester rĂ©uni, prouve assez que les diversions, les marches combinĂ©es, les dĂ©tachements sont des opĂ©rations qu’en gĂ©nĂ©ral on ne peut pas approuver. On fait une diversion quand on envoie un corps opĂ©rer a loin une suite de mouvements indĂ©pendants de ceux de l’ai- le 1e IX h ss PS lit II'- fi- e. an S e on ait le les es ,re ne ;nt tes us- ses as, ans ‱ au PRINCIPES DE STRATÉGIE. 43 mĂ©e. On opĂšre une marche combinĂ©e lorsque les mouvements de ce corps sont en corrĂ©lation avec ceux de l’armĂ©e et tendent au mĂȘme but. Dans l’un et l’autre cas, le corps sĂ©parĂ© de I’ armĂ©e forme un dĂ©tachement. Les diversions sont dangereuses parce que l’armĂ©e est affaiblie de toutes les forces qu’on y emploie ; elles dĂ©tournent du but principal et partagent l’attention du chef ; elles donnent plus de prise aux accidents; elles compliquent les Ă©vĂ©nements , multiplient les ressorts intermĂ©diaires et sont presque toujours une source de catastrophes. L’armĂ©e, si elle remporte une victoire, ne l’obtiendra qu’incomplĂšte et ne pourra que difficilement en profiter; si, au contraire, elle est vaincue , elle sera exposĂ©e Ă  une ruine totale, ne pouvant tirer aucun secours du corps qui s’en est si mal h propos sĂ©parĂ©. Cependant il n’y a rien d’absolu dans la science difficile de la guerre; il n’est aucune rĂšgle qui n ait de nombreuses exceptions. 11 se prĂ©sente donc des cas oĂč les diversions peuvent non-seulement se justifier, mais oĂč elles deviennent nĂ©cessaires. Par exemple, vous devez forcer une position formidable, et vous ne pouvez en venir Ă  bout qu’en dĂ©tournant l’attention de l’ennemi ; vous ĂȘtes Lien alors forcĂ© de dĂ©tacher une troupe plus ou moins nombreuse , qui aille, par un circuit, occuper des sommitĂ©s dominantes, ou menacer la ligne de retraite de l’ennemi. Ces cas sont frĂ©quents dans la guerre de montagnes; le dĂ©tachement est alors commandĂ© par la nĂ©cessitĂ© ; la diversion devient une rĂšgle Ă  laquelle il faut s’astreindre sous peine d Ă©chouer; mais on s’arrange de maniĂšre Ă  la faire durer le tnoins possible et Ă  rentrer, aussitĂŽt que les circonstances le Permettront, dans le principe de l’unitĂ© d’action et de la concentration des forces. Au reste , les marches combinĂ©es et les ‱'eisions sont beaucoup moins dangereuses dans les monla- b nes , parce que l’ennemi ne peut que bien difficilement se jeter entre les colonnes. Les corps sĂ©parĂ©s trouvent dans chaque vallĂ©e des espaces resserrĂ©s, oĂč leurs ailes sont ap- U PRINCIPES DE STRATÉGIE. puyĂ©eset oĂč elles ne courent aucun risque d’ĂȘtre enveloppĂ©es, oĂč mĂȘme il serait quelquefois plus dangereux qu'utile de s’y trouver en plus grand nombre. Il suffit, dans ce cas, que les corps sĂ©parĂ©s soient assez forts pour pouvoir, chacun de son cĂŽtĂ©, dĂ©fendre la vallĂ©e dans laquelle il opĂšre, et que les communications en arriĂšre restent libres. La rĂšgle n’est violĂ©e ici que dans la forme ; au fond elle ne l’est pas, puisqu’on ne s'est partagĂ© qu’autant que le terrain l’a exigĂ©, que les diffĂ©rents corps ne sont point exposĂ©s b ĂȘtre forcĂ©s, et qu’ils peuvent toujours se rejoindre par les chemins en arriĂšre. Le gĂ©nĂ©ral Lecourbe a donnĂ© un bel exemple de pareilles marches, dans son attaque du Saint-Gotthard en 1799. On peut se permettre une diversion lorsqu’on a des forces trĂšs-supĂ©rieures h celles de l’ennemi et qu’on Ă©prouve de la difficultĂ© Ă  les faire subsister ou Ă  les faire marcher ensemble. Alors il y a de l’art Ă  se partager pour porter un corps sur les flancs ou les communications de l’ennemi, en mĂȘme temps qu’on lui prĂ©sente toujours de front des forces Ă©gales aux siennes; Ă  faire diversion dans ses provinces les moins gardĂ©es ou les moins dĂ©vouĂ©es, oĂč l’on puisse soulever les mĂ©contents; Ă  jeter inopinĂ©ment dans sa capitale, ou dans ses villes les plus riches, des troupes qui les mettent Ă  contribution, etc. Le corps dĂ©tachĂ© doit alors agir avec vigueur, faire des marches forcĂ©es pour se multiplier aux yeux de l’ennemi, lui donner une plus grande inquiĂ©tude ou lui faire un dommage plus rĂ©el. Le caractĂšre indĂ©cis et irrĂ©solu du chef de l’armĂ©e ennemie est encore un motif qu’on peut allĂ©guer en faveur d’une diversion. Hors ces cas, il vaut beaucoup mieux rĂ©sister Ă  la tentation et s’en abstenir; c’est toujours le plus sĂ»r. En condamnant les diversions, on n’entend point parler de celles qui peuvent changer tout b coup l’état de la guerre, de ces diversions qui consistent b abandonner le pays b l’ennemi pour allersoi-mĂ©me envahir le sien. Elles ne ressemblent en rien aux autres; car l’armĂ©e ne se partage pas; elle marche tout entiĂšre et ensemble vers un seul but bien dĂ©terminĂ©. PRINCIPES DE STRATÉGIE. 45 De telles rĂ©solutions sont marquĂ©es du sceau du gĂ©nie, et bien loin d’ĂȘtre blĂąmables elles sont dignes d’éloges, quel que soit d'ailleurs leur rĂ©sultat ; car un homme de cƓur ne peut r *en entreprendre de plus honorable pour sauver sa patrie, quand il l’a vainement tentĂ© par les moyens ordinaires. Aga- thoclĂšs, roi de Syracuse, Ă©tait assiĂ©gĂ© par les Carthaginois ; aprĂšs avoir usĂ© toutes ses ressources dans la dĂ©fense de la place et se voyant prĂȘt h succomber, il prend la forte rĂ©solution de passer en Afrique. Il ne laisse Ă  Syracuse que la garnison strictement nĂ©cessaire Ă  sa dĂ©fense, emmĂšne avec lui ses meilleures troupes, brĂ»le sa Hotte sur le rivage africain pour se placer dans la nĂ©cessitĂ© de vaincre, et s’avance vers Carthage. 11 culbute l’armĂ©e qu’on lui oppose, se mĂ©nage des alliances et met la capitale Ă  deux doigts de sa perte. Syracuse fut sauvĂ©e. Certes voilĂ  une diversion qui amĂšne un bien grand rĂ©sultat; ce serait abuser des mots que de condamner une opĂ©ration qui porte le mĂȘme nom, quoique dans le fond elle soit si diffĂ©rente de celles dont nous avons parlĂ©. Pour ĂȘtre faites sur une Ă©chelle plus petite, ces sortes de diversions n'en ont pas moins des suites heureuses, quand du reste elles sont bien conduites et que les localitĂ©s les justifient. 11 y a toujours de l’avantage Ă  faire ce Ă  quoi 1 ennemi n’est pas prĂ©parĂ©, parce qu ainsi on bouleverse toutes ses combinaisons, que de l’offensive on le fait passer subitement Ă  la dĂ©fensive. Turenne, dans sa derniĂšre campagne, nous donne un bel exemple d’une semblable conduite. 11 ne se ‱aisse point intimider par l’attaque de son adversaire, le cĂ©- , lĂšbre MontĂ©cuculli, qui avait franchi le Rhin; mais, insensible cette initiative, il passe lui-mĂȘme le fleuve sur un autre P°int, et force le gĂ©nĂ©ral de l’empereur Ă  quitter les terres de F'ance pour le suivre et dĂ©fendre son propre pays. entreprend ordinairement les marches combinĂ©es dans l intention d’arriver par deux cĂŽtĂ©s sur une position occupĂ©e par 1 ennemi, ou de prendre de front et Ă  dos une armĂ©e qu on veut combattre, de la mettre , comme on dit, entre PRINCIPES DE STRATÉGIE. 46 leux feux. Mais il n’y a rien de plus chanceux que ces mou-* vements excentriques; indĂ©pendamment de l’affaiblissement momentanĂ© qu’ils occasionnent, un rien suffit pour les faire manquer et renverser les plans en apparence les mieux concertĂ©s une troupe est Ă©garĂ©e par ses guides, de mauvais chemins retardent sa marche, elle est surprise par les orages, un fleuve dĂ©bordĂ© l’arrĂȘte, elle rencontre l’ennemi oĂč elle ne croyait pas le trouver, enfin mille accidents surviennent qui font manquer l’opĂ©ration. D’un autre cĂŽtĂ© l'armĂ©e peut, dans l’intervalle, avoir Ă©tĂ© attaquĂ©e ou forcĂ©e Ă  la retraite; on ne la trouve pas au lieu du rendez-vous; alors le corps isolĂ© est extrĂȘmement compromis; il court le danger d’ĂȘtre enveloppĂ© et obligĂ© demeure bas les armes. Plus les mouvements excentriques ont d’étendue plus ils sont chanceux, et par consĂ©quent plus il faut les Ă©viter. Ainsi, sur un champ de bataille , c’est dĂ©jĂ  une faute que d’envoyer un corps sur les derriĂšres de l’ennemi pour le prendre Ă  dos ou couper ses communications, parce qu’on peut ĂȘtre battu pendant que ce corps fait son dĂ©tour; mais c’en est une bien plus grande quand le corps dĂ©tachĂ© doit faire une marche de plusieurs jours pour se porter en un point de rendez-vous occupĂ© par l'ennemi, car la rĂ©ussite dĂ©pend de circonstances qu’on ne saurait maĂźtriser. Les dĂ©tachements qui se font soit pour opĂ©rer une diversion ou une marche combinĂ©e, soit pour tout autre motif, sont condamnĂ©s par tous ceux qui ont Ă©crit sur l’art de la guerre. Il y a bien des exemples Ă  citer pour montrer leur danger. Le grand FrĂ©dĂ©ric, si sage d’ailleurs et si habile, eut Ă  se repentir d’avoir fait, prĂšs de Dresde, un grand dĂ©tachement de 18,000 hommes, dans l’intention de couper l’armĂ©e autrichienne de ses communications avec la BohĂȘme. Ce dĂ©tachement fut enveloppĂ©, et tomba en entier au pouvoir de l'ennemi aprĂšs avoir combattu avec beaucoup de vaillance contre des forces triples, espĂ©rant toujours que l’armĂ©e arriverait pour le dĂ©livrer. Cette affaire eut lieu Ă  Maxen, dans le mois PRINCIPES DE StRATÉGIÈ. 47 1 octobre 1759 ; elle montre tout h la fois, et le danger des 1 dĂ©tachements, et celui de vouloir couper la retraite h une e armĂ©e qui, bien que vaincue, n’est cependant pas entiĂšre* ' ment dĂ©sorganisĂ©e. Le dĂ©tachement, commandĂ© par le gĂ©nĂ©- s ral Fink, parvint il est vrai Ă  s’établir sur les derriĂšres de ’‱ l’armĂ©e autrichienne et a lui barrer le chemin ; mais il n’élait e pas assez fort pour empĂȘcher le passage. Au reste on peut » reprocher Ă  ce gĂ©nĂ©ral de s’étre laissĂ© enveloppets car il est is possible , avec des forces aussi considĂ©rables que cellfts qu’il e commandait, de se faire jour en enfonçant quelque partie du st cercle enveloppant. Fink eĂ»t dĂ» tenter ce moyen, et tout ou 'Ă© partie de son dĂ©tachement se fĂ»t sauvĂ©. ĂŒ* Fresque sur les mĂȘmes lieux, le corps du gĂ©nĂ©ral Van- Ăź- damme, qui dĂ©bouchait de Pirna, aprĂšs la bataille de Dresde i, en 18lĂŽ, s’était avancĂ© jusqu’à TƓplilz en BohĂȘme, pendant es 1 u e le gros de l’armĂ©e française Ă©tait encore sous les murs a- de Dresde. Ce dĂ©tachement eut, prĂšs de Knlm, le mĂȘme dt sort que celui de FrĂ©dĂ©ric. Cependant Vandamme essaya de ps se faire jour, et une partie de son corps s’échappa en passant se sur le ventre de l’ennemi. NapolĂ©on se priva par ce dĂ©tache- av ment d'une partie de ses forces pour la bataille , ou du moins lĂź- pour les opĂ©rations qui devaient la suivre et complĂ©ter la victoire ; il perdit dix Ă  douze mille hommes de bonnes trou- on pes; et, ce qui Ă©tait plus fĂącheux encore, le moral de l’armĂ©e mt fut sensiblement affectĂ© par cet Ă©chec. Si l’histoire n’offrait ‱e. ffue de semblables exemples, on ne serait jamais tentĂ© de Le faire des dĂ©tachements devant un ennemi qui n’est pas entiĂš- , n . fetnent dĂ©fait ; mais elle en prĂ©sente aussi qui ont Ă©tĂ© coude r onnĂ©s du succĂšs, et c’est lĂ  un appĂąt auquel il est difficile de Lr j. rĂ©sister. 1 n ’y a en e ĂŻ et r j en d e p us b r ji an t que de couper la ie , ° ne de retraite Ă  un ennemi. Cependant, si l’on n’y peut ’ n ' PU nen ir q u en se divisant, il doit suffire Ă  un homme prudent tre d ' C infanterie lĂ©gĂšre, y paraissant plus propre, on l’y emploie de prĂ©fĂ©rence ; en sorte que les olliciers de ligne , Ă©ternelle- mer t enchaĂźnĂ©s Ă  leurs bataillons, ne peuvent apprendre de la guerre que ce qu’elle a de moins relevĂ©. C’est lĂ  un-immense inconvĂ©nient qu'on Ă©viterait en donnant Ă  toute l’infanterie la mĂȘme instruction. Et certes , ce ne serait pas trop exiger du soldat, qui le plus souvent mĂšne dans les garnisons une vie d’oisivetĂ©, bien plus propre Ă  ruiner sa santĂ© qu’à exciter en lui les vertus guerriĂšres. Cependant des militaires d’un haut mĂ©rite persistent, malgrĂ© ces considĂ©rations, Ă  vouloir deux infanteries pour que chacune soit mieux exercĂ©e au rĂŽle qu’on lui destine. Au fait, cette question ne peut pas se traiter d’une maniĂšre absolue ; le problĂšme ne peut se rĂ©soudre que par les qualitĂ©s propres Ă  chaque peuple et les circonstances particuliĂšres dans lesquelles il s Français feraient se trouve. Je crois pouvoir affirmer que les une imitation maladroite deb> t ac tlrĂ©- ivi- en- He, l’en . de ua- jsse ava- , se ira- Ɠu- c la me. ed ; ; les peu iers ;ais- plus ser- st I e galop; elle manƓuvre avec la cavalerie , dont elle Ă©gale la vitesse et qui lui sert de soutien. L’artillerie de ligne, au contraire , coordonne ses mouvements Ă  ceux de 1 infanterie et doit toujours ĂȘtre soutenue par elle. Outre cela , on distingue la grosse artillerie, ou artillerie de siĂšge, nĂ©cessaire h l’attaque et Ă  la dĂ©fense des places de guerre; elle ne suit les armĂ©es que de loin, ou reste dans les parcs; on ne la fait venir que lorsqu’on en a besoin. Les principes d’organisation, appliquĂ©s a l’armĂ©e federale,^ prĂ©sentent quelques. circonstances particuliĂšres que nous e rons connaĂźtre, en indiquant la rĂ©partition qui fut adoptĂ©e en 1831, lorsque la Suisse , dans l'attente des Ă©vĂ©nements que semblait devoir amener la rĂ©volution de Juillet, mit sur pie les Ă©tats-majors et tint l’armĂ©e en disponibilitĂ©. Celle armĂ©e, en n y comprenant pas la rĂ©serve, Ă©tait composĂ©e de 74 bataillons d infanterie, 40 compagnies de carabiniers, 12 compagnies de cavalerie, 40 compagnies d’artillerie, dont trente pour le service de 120 bouehes Ă  feu attelĂ©es, et les dix autres pour les piĂšces de position. Il y avait en outre un nombre suffisant de soldats du train, deux compagnies de sapeurs et une compagnie de pontonniers. On forma cinq divisions de force Ă  peu prĂšs Ă©gale, composĂ©es chacune de quatre brigades, de huit ou dix compagnies de carabiniers, de deux compagnies de cavalerie et de quatra batteries d’artillerie. La division n° 5 n’était pas sur le mĂȘme pied que les autres, destinĂ©e qu’elle Ă©tait Ă  jouer, au moins dans le premier moment, un rĂŽle tout particulier sur un des points les plus importants de la frontiĂšre; elle ne comptait que Sl x bataillons, quatre compagnies de carabiniers, une batterie al telĂ©e, deux compagnies d’artillerie de position et une compagnie de cavalerie. Les brigades qui entraient dans la composition des autres divisions Ă©taient toutes Ă©gales et de la force de quatre bataillons; les divisions n os 5 et 4 avaient dix compagnies de carabi- niets; les deux autres n’en avaient que huit; cnlin la divisiou ORGANISATION. ARMEMENT. 00 n° 1 n’avait que deux batteries attelĂ©es au lieu de quatre. Avec celle rĂ©partition, il restait encore les troupes du gĂ©nie, trois compagnies de cavalerie, soixante bouches Ă  feu et quatre bataillons, pour ĂȘtre employĂ©s suivant le besoin. Le tableau ci- joint donne le rĂ©sumĂ© de cette organisation. Division n° 1 ‱ Infanterie partagĂ©e en 4 Brigades Carabiniers formĂ©s en compagnies Cavalerie formĂ©e en compagnies Artillerie formĂ©e en batteries de 4 piĂšces . Division n° 2. § J o a 3 s m ^ Comp. de Carabin. Comp. de Cavalerie. S A 0 .y S 0 *o . &! distance , placerait son troisiĂšme rang derriĂšre quelque pli de terrain, soit debout, soit assis ou couchĂ© , pour n e pas l’exposer inutilement. Le troisiĂšme rang sert encore Ă  enlever les blessĂ©s, dont les douleurs et les cris produisent nn effet dĂ©moralisant qu’il faut Ă©viter autant que possible. Enfin, si, pendant le combat, il est nĂ©cessaire de renforcer les tirailleurs, ou d’envoyer inopinĂ©ment quelque dĂ©tachement sur le flanc de l’ennemi ou sur quelque point important a occuper, on peut le'faire sans rien dĂ©ranger h la ligne de bataille, en y employant les hommes du troisiĂšme rang. Si maintenant nous considĂ©rons le bataillon en lui-mĂ©me, nous verrons que lorsqu’il dĂ©passe en Ă©tendue certaines proportions , il marche et manƓuvre mal, soit par la difficultĂ© de l’ensemble dans les mouvements , soit par l’impossibilitĂ© d’entendre la voix du chef d’un bout Ă  l’autre. Une longue ligne est toujours flottante et plus ou moins dĂ©sunie dans la marche en bataille, qui, de toutes les maniĂšres de gagner du l errain sur l’ennemi, est la plus naturelle et la plus simple. En bataillon de mĂ©diocre Ă©tendue marche plus aisĂ©ment et Plus longtemps sans se dĂ©ranger, ĂŒn estime que la bonne l°ngucur d’un bataillon est de 100 Ă  120 mĂštres. Si donc on 'eut renfermer dans ces limites un bataillon formĂ© sur deux r;, ngs, il sera trop faible en hommes ; car il n’aura guĂšre que deux cents files; et si, pour Ă©viter cet inconvĂ©nient, on le ^'it plus nombreux, il acquiert alors trop d’étendue. Or il fa ut le mĂȘme nombre d'officiers pour un bataillon faible en s °ldats que pour un fort ; donc le premier coĂ»tera plus propor- l °nnellement que le second. Deux armĂ©es, l’une de 90,000 Sommes, formĂ©e sur trois rangs, et l’autre de 00,000, for- 72 ORGANISATION. ARMEMENT. niĂ©e sur deux , feraient la mĂȘme dĂ©pense en officiers et sous- ofliciers. grades auraient pins de prix , les sous-officieis jouiraient d’une plus grande considĂ©ration dans la premiĂšre que dans la seconde, parce qu’ils y seraient proportionnellement moins nombreux. Rien ne dĂ©prĂ©cie tant une chose que de la rendre commune. A ces motifs gĂ©nĂ©raux de donner la prĂ©fĂ©rence Ă  l’ordre sur trois rangs, s’en joignent de particuliers pour les Suisses. Ils sont tirĂ©s de la nature mĂȘme du pays qu’ils ont Ă  dĂ©fendre. La Suisse , mĂȘme dans ses parties les plus ouvertes , est entrecoupĂ©e de bois, de collines, de ruisseaux; rarement y trouve-t-on un espace suffisant pour y dĂ©ployer plusieurs bataillons; il n’est pas de prairie qui ne soit flanquĂ©e de bois ou d’autres obstacles naturels. DĂšs lors, il vaut mieux que les bataillons aient moins de longueur et soient plus solides, pour n’en ĂȘtre pas embarrassĂ© dans un pays si variĂ©, et pour mieux fermer les ouvertures. Ce sont, en effet, les seuls points oĂč l’ennemi puisse percer , les seuls oĂč sa cavalerie soit Ă  craindre. On admettra, j’espĂšre, que les bois et les rochers seront assez bien dĂ©fendus par nos carabiniers et nos chasseurs pour les rendre inabordables. Moyennant cela nos lignes seront toujours assez dĂ©veloppĂ©es, et nous devons bien plus viser Ă  les restreindre pour les renforcer, qu'Ă  les Ă©tendre. Je ne pense pas que ce soient des feux prolongĂ©s qui fassent pencher la balance en notre faveur. Les tirailleurs seuls, bien embusquĂ©s, peuvent soutenir ce genre de dĂ©fense. Mais les bataillons, une fois dĂ©masquĂ©s et en action, ne doivent pas rester exposĂ©s trop longtemps Ă  des pertes dĂ©moralisantes ; il faut qu’ils marchent en avant et se prĂ©cipitent sur l’ennemi. C’est ainsi que les Suisses ont toujours vaincu Ă  Rolhenlhurm, Ă  Neueneek , comme dans les plus glorieuses journĂ©es de l’ancien temps , ils ont combattu corps Ă  corps et avec succĂšs. Le feu ne doit donc pas ĂȘtre l’unique moyen de nos bataillons ; nous ne devrions pas tout sacrifiera la facilitĂ© de ce feu ; il faudrait aussi son- OIlGAPilSATION. AUMEMliNT. 75 ^’ e, Ă  la soliditĂ© des ligues et aux moyens de donner h nos s °ldats cette confiance en eux-mĂȘmes, sans laquelle on ne P eut pas espĂ©rer de les voir rĂ©sister longtemps Ă  des attaques ^''euses de la part de troupes plus exercĂ©es et plus nom- re uses. La formation sur trois rangs nous fournirait ces ’ ll0 ens; mais le RĂšglement auquel, avant tout, il faut se con- °fmer, prescrit, au contraire, la formation sur deux rangs. ^ es l donc Ă  cette formation qu’il faut nous tenir. On peut toutefois, sans rien changer Ă  l’esprit du RĂšgle- apporter une modification qui, tout en laissant au des avantages que l’ordre sur deux rangs lui donne Pour exĂ©cuter les feux et faire commodĂ©ment certains niou- ' ei ients, lui pi ocurerait, au moins en partie et dans les cir- c °nstances les plus urgentes, les avantages de la formation sur ifois rangs. Ce serait de ne conserver en ligne, dans chaque ataillon, q lle quatre compagnies au lieu de cinq, et d'en >tV0ir deux en arriĂšre pour le service de tirailleurs. Quand ces deux compagnies ne seraient pas en action , elles se tien- 'h’uient rĂ©unies derriĂšre celles des ailes du bataillon , pour es appuyer dans la marche en ligne , les garantir d’une ^aque par derriĂšre , former au besoin le crochet, la po- te *ice , etc., suivant les circonstances. Le bataillon a-t-il momentanĂ©ment une attaque violente Ă  repousser, les deux j^topagnies de chasseurs peuvent se dĂ©doubler et former un 0,s iĂšnie rang sur toute l’étendue du front ; elles sont juste- "jent de la force qu’il faut pour cela. Dans le carrĂ© simple, es fourniront Ă©galement un troisiĂšme rang aux quatre divi- ° s qui en formeront les quatre cĂŽtĂ©s , et l’on pourra alors oĂč qu’elle soit employĂ©e; s’il est mal composĂ©, c’est le c °ntraire qui arrive. On comprend donc toute l’importance ^ on doit mettre Ă  la formation et Ă  l’instruction des cadres, SUl 'tout dans les milices. L’escadron ne peut pas avoir l’étendue qu'on donne au paillon, parce qu’il ne serait pas assez maniable, et que la V ? lx du chef serait couverte par le cliquetis des armes et le P lel >nenient des chevaux. L’expĂ©rience a fixĂ© sa longueur Ă  ^ lv ' r on la moitiĂ© de celle du bataillon, ou de GO Ă  70 mĂštres. r > °n compte que chaque cavalier occupe un mĂštre dans le ^ n S; la force de l’escadron sera donc de 120 Ă  140 chevaux; 0,1 1° fait plus fort, ce ne peut ĂȘtre qu’en vue de supplĂ©er a * ,x absents, qui sont quelquefois nombreux, soit Ă  cause des dessur es des chevaux h la suite des marches, soit parles services hors de rang auxquels les cavaliers sont appelĂ©s. L’escadron fĂ©dĂ©ral est de 128 chevaux, tout compris; il y aurait de la convenance Ă  en augmenter un peu la force. L’escadron se partage en deux compagnies, et chaque c ompagnie en deux pelotons. La subdivision en sections n’est Pas usitĂ©e, la cavalerie ayant des moyens de se rompre en fractions plus petites lorsque la largeur des chemins l’exige. Lu des deux capitaines est chef de l’escadron ; il se place ^ ev ant le front; l’autre est derriĂšre, pour surveiller le second ran g et les serre-files. Les deux lieutenants commandent les Protons des ailes; les deux sous-lieutenants ceux du centre ; es deux marĂ©chaux des logis chefs encadrent l’escadron, et s nt prĂȘts Ă  prendre la place des officiers qui viendraient h n 'anquer. On retrouve encore ici la mĂȘme symĂ©trie qui existe a,ls les compagnies d’infanterie; mais c’est peut-ĂȘtre un mal car l’anciennetĂ© ne suffit pas toujours pour assurer la subordination. Ü 78 organisation, armement. L’unitĂ© de force pour l’artillerie est la compagnie. LaCon- fĂ©dĂ©ration ne reconnaĂźt ni rĂ©giments, ni bataillons d’artillerie, non plus que pour les carabiniers et les troupes du gĂ©nie. Une compagnie d’artillerie sert un certain nombre de piĂšces, qui composent une batterie. En France, la batterie est de six bouches Ă  feu; en Suisse, elle n’est que de quatre trois piĂšces de canon et un obusier. Les petits obusiers vont avec les piĂšces de six, les gros avec celles de douze. II rĂ©sulte de ce mĂ©lange qu’il faut, dans chaque batterie, des projectiles de deux espĂšces , et des caissons pour chaque espĂšce. C’est une complication, qui, dans certains cas, peut avoir de fĂącheuses consĂ©quences. On prĂ©fĂ©rera donc souvent rĂ©unir les bouches Ă  feu de mĂȘme espĂšce dans une mĂȘme batterie, faire ainsi des batteries de canons et des batteries d’obusiers. En gĂ©nĂ©ral, il faut aux armĂ©es composer les corps divers d’élĂ©ments similaires , tant sous le rapport du personnel que sous celui du matĂ©riel, pour faciliter les remplacements. Ainsi, on ne mettra pas des piquiers parmi les fusiliers, des hommes armĂ©s de carabines dans les chasseurs, des fantassins avec des cavaliers; on ne donnera pas des fusils de diffĂ©rents calibres Ă  une mĂȘme troupe , ni des sabres de diffĂ©rentes longueurs Ă  un mĂȘme escadron, etc. C’est depuis qu’on a assujetti le matĂ©riel d’artillerie Ă  la plus rigoureuse uniformitĂ© qu’on en a extrĂȘmement facilitĂ© l’usage. L’introduction du systĂšme anglais, qui n’admet qu’une seule espĂšce de roues, est, Ă  cet Ă©gard, un dernier degrĂ© de perfectionnement qu’il sera difficile de dĂ©passer. 11 faut compter en bataille 15 mĂštres par piĂšce; cette distance est nĂ©cessaire pour faire passer les attelages , lorsqu’on tourne les piĂšces; cependant, quand la place manque, on peut serrer les piĂšces jusqu’au tiers de cette distance; mais alors il faut les manƓuvrer a bras. Il n’y a pas de raison de mettre plus d’intervalle entre deux batteries que d’une piĂšce Ă  l’autre; ainsi le front d’une batterie, intervalle compris, est de CO mĂštres; c’est le front d’un escadron. On peu 1 ORGANISATION. ARMEMENT. 79 J°nc Ă©tablir en rĂšgle gĂ©nĂ©rale que l’escadron et la batterie aer ale occupent le mĂȘme espace. A chaque piĂšce est attachĂ© un caisson. En bataille, la ligne es caissons est parallĂšle Ă  celle des piĂšces , et Ă  50 mĂštres en PriĂšre. Cependant on fait varier celte distance, quand on Peut placer les caissons dans quelque pli de terrain qui les Nantisse des boulets ennemis. § 3. — Armement des Troupes. Bi qu’ii ‱en que les armes en usage soient assez connues pour s °it Superflu de s’arrĂȘter longtemps sur ce qui les con- Cerne > il n’est pas hors de propos, dans un cours comme c eliii-ci , d’en rappeler les principales propriĂ©tĂ©s et d’en Montrer les effets, avant d’entrer dans les dĂ©tails de la science qui enseigne Ă  en faire usage. Armes d'infanterie. —Ce qui fait la supĂ©rioritĂ© dufusil sur les ar nies dont on se servait autrefois dans l’infanterie, c’est qu’il est Ă  la fois arme de jet ot arme de main. Aussi, lorsque Vau- 1>an e ut inventĂ© la baĂŻonnette Ă  douille , les armĂ©es de toutes les hĂątions quittĂšrent la pique et la hallebarde pour prendre e fusil. On reconnut qu’un feu bien mĂ©nagĂ© sullisait pour ar- etep Ju meilleure cavalerie ; et une longue expĂ©rience a p, °uvĂ© dĂšs lors que la baĂŻonnette , malgrĂ© les dĂ©fauts qu’on ^ ut l u j reprocher, est tout ce qu’il faut pour se dĂ©fendre M ns tes cas rares oĂč l’on arrive Ă  se joindre corps Ă  corps, ^ulgrĂ© cela quelques militaires ont proposĂ© de revenir Ă  la la* 1 ? 6 ’ * GS UnS V0l, te nt en armer le troisiĂšme rang , les autres a ° hner Ă  des rĂ©serves qui viendraient appuyer l’infanterie Moment d’une*charge. Sans doute il serait commode de Pouvoir fraiser une bataillon de longues piques dans un ino- 80 ORGANISATION. ARMEMENT. ment aussi solennel que celui oĂč il reçoit le choc d’un corps Ăźle cavalerie. Ces piques, de douze Ă  quinze pieds de longueur, dĂ©passeraient de beaucoup les deux premiers rangs. et arrĂȘteraient les chevaux qui pousseraient jusque-lĂ . Mais la cavalerie ne hasarde guĂšre une charge contre une troupe d’infanterie qui se maintient en ordre et lui prĂ©sente des rangs serrĂ©s; elle attend que quelque trouble s’y manifeste, que le canon y ait fait des brĂšches; alors elle saisit le moment et se prĂ©cipite sur l’ennemi avec la rapiditĂ© de l’éclair. Ce ne sont pas les piques qui l’arrĂȘteront, si le feu s’est ralenti et ne l’intimide plus. Et une fois qu’elle a fait une trouĂ©e , elle a bien meilleur marchĂ© de ces hommes avec leurs longues perches, que de ceux qui peuvent encore lui lĂącher des coups de fusil ou se dĂ©fendre avec leurs baĂŻonnettes. Toutefois, admettons que les piquiers se trouvent toujours lĂ , bien serrĂ©s, quand la cavalerie se prĂ©sentera que feront-ils, que deviendront-ils quand l'affaire se rĂ©duira, comme cela arrive le plus souvent, Ă  des feux plus ou moins prolongĂ©s de part et d’autre? lisseront passĂ©s par les armes, sans pouvoir rĂ©pondre. En reconnaissance , dans les montagnes, dans les bois, ils ne seront d’aucun secours. Le service le plus pĂ©nible roulera donc exclusivement sur les fusiliers, qui, Ă  juste titre, pourront se plaindre. De lĂ  des mĂ©contentements qui peuvent ĂȘtre funestes un jour de combat. Plus on rĂ©flĂ©chit aux inconvĂ©nients qui rĂ©sulteraient de ce mĂ©lange, plus on est surpris de le voir proposer et dĂ©fendre par des militaires qui ne sont pas sans mĂ©rite. C’est vouloir faire faire Ăź* l’art un pas rĂ©trograde. Le fusil est donc, Ă  juste titre, l’arme de prĂ©fĂ©rence poiU’ l’infanterie. L’introduction rĂ©cente des batteries Ă  percussion laisse peu Ă  dĂ©sirer. La baĂŻonnette Ă  douille , la baguette de fer et l’amorce Ă  capsule sont les trois inventions qui, successivement, ont assurĂ© au fusil sa supĂ©rioritĂ©. La bonne portĂ©e du fusil de munition est de 100 Ă  mĂštres; mais Ă  200 mĂštres ou 500 pas on ajuste enco il lance un obus du poids de vingt-quatre livres, mais Parce que son projectile peut ĂȘtre tirĂ© avec la piĂšce de On ne voit pas l’avantage d'avoir en campagne deux calibres aussi rapprochĂ©s, si ce n’est quo les obusiers peu- Ve nt se placer sur les affĂ»ts des canons de 12 et de 8 , qu’ils accompagnent dans les batteries. La longueur de l’ame des canons est fixĂ©e Ăč dix-sept calibres, celle des obusiers Ă  environ dix calibres, non com- P r *s la chambre. Il en rĂ©sulte que les obusiers français sont P re sque doubles en longueur des obusiers fĂ©dĂ©raux, et qu’on ^ e peut plus, comme ceux-ci, les charger avec le bras ; mais '! s ° nt un tir plus juste, et cette arme est trĂšs-redoutable. Toutes choses Ă©gales d'ailleurs, l'artillerie française aurait bt supĂ©rioritĂ© sur la nĂŽtre par la force de son calibre pour les petites piĂšces et la longueur de ses obusiers. La formation des batteries pour le combat est de six bouches h feu, dont quatre canons et deux obusiers. Les unes sont servies par des canonniers h cheval, les autres par des canonniers Ă  pied montant sur les coffrets de l’avant-train et des caissons dans les manƓuvres rapides. J’ajouterai que tous les canonniers sont armĂ©s du mousqueton , mesure que je voudrais voir adopter par la ConfĂ©dĂ©- r aiion ; car il est des cas oĂč les artilleurs doivent eux-mĂȘmes garder leurs piĂšces ; il en est oĂč, forcĂ©s de les abandonner uiomentanĂ©ment pour se retirer avec leurs caissons, ils pour- r aient rĂ©unir utilement leur feu de mousqueton h celui de ' bifanterie pour chasser l’ennemi. Que peuvent faire des ca- n °uniers, dans des cas semblables, s’ils n’ont que leur sabre ? L'artillerie de campagne autrichienne est composĂ©e de piĂšces de 3 fiv., de 6 liv., de 12 liv. et de 18 liv., et de deux especes d’obusiers dĂ©signĂ©s par 7 et 10 livret Stein, nombres qui ORGANISATION. ARMEMENT. 88 expriment le poids de deux globes de pierre qui pourraient entrer dans les obusiers. Quant aux calibres des canons , ils sont dĂ©signĂ©s , comme en France et chez nous, par le poids de leurs boulets de fer. Les piĂšces de canon ont seulement seize calibres de Ion- gueur d’ñme. Les Autrichiens affectent particuliĂšrement les piĂšces de 6 et les obusiers de 7 liv. Stein Ă  la cavalerie , et pour que les canonniers puissent en suivre les mouvements, on les fait monter sur un ivurst que porte Fallut. C’est une caisse allongĂ©e dont le couvercle est arrondi et doublĂ© en cuir; des planches Ă©troites et suspendues latĂ©ralement servent de marche-pied Ravichio de Perctsdorf, Notice sur f organisation de l’armĂ©e autrichienne. Une partie des munitions est renfermĂ©e dans ce vvurst; -le reste est dans des sacs de cuir portĂ©s par des chevaux de bĂąt. Il y en a deux par piĂšce, sous la conduite d’un soldat du train montĂ©. Chaque cheval porte vingt coups Ă  boulet. Il y a en outre, Ă  la suite de la batterie lĂ©gĂšre, un caisson pour chaque piĂšce. Ces caissons restent Ă  une assez grande distance pendant le combat, parce que les piĂšces qui ont les chevaux de bĂąt prĂšs d'elles, ne sont jamais au dĂ©pourvu. Les munitions des piĂšces de bataille ordinaires sont renfermĂ©es dans des caissons qui suivent partout les piĂšces, et dans des coffrets adaptĂ©s aux affĂ»ts, comme dans l’ancienne artillerie française du systĂšme de Gribeauval. Des fusĂ©es., — II est un genre nouveau * de projectiles, dont l’usage a Ă©tĂ© rĂ©cemment introduit dans presque toutes les armĂ©es et qui, par leur nature, sont du ressort de l’artillerie ; ce sont les fusĂ©es ou roquettes. Elles offrent l’avantagĂ© dĂ©porter en elles-mĂȘmes leur force d’impulsion et d’augmen- ' Nouveau en Europe, car il parait trĂšs-ancien en Orient I e fameux Tamerlan, dans scs guerres de l’Inde, eut Ă  soutenir I er feu des fusĂ©ens, prĂšs de Delhi, en 1409. ORGANISATION. ARMEMENT. 89 ler de vitesse h mesure qu’elles s’éloignent de leur point de Ue part; bien diffĂ©rentes en ceci des autres projectiles, dont la V fĂ©sse, et par consĂ©quent la force de clioc, va en diminuant ^ a Pidenient par le fait de la rĂ©sistance de l’air. Mais le tir des USe es est trĂšs-incertain ; on n’est point encore parvenu Ă  en re 8ulariser complĂštement la direction. Cela n’empĂȘche pas l u ° n ne puisse les employer avec avantage partout oĂč les Io- ^ a litĂ©s permettent d’en tirer plusieurs a la fois et de maniĂšre a ttiser fĂ© sol. Elles peuvent ĂȘtre trĂšs-ellicaces pour la dĂ©- nse de dĂ©filĂ©s longs et Ă©troits, et de certains pas de mon- la 8'ies ou l’on ne porterait que difficilement du canon. Le ae rvice en est facile, tout homme un peu intelligent peut en etre chai 'gĂ©; elles ne sont point embarrassantes; elles ap- P l, 'ent avantageusement les dispositions dĂ©fensives contre la Ca 'iilerie; leur choc ne le cĂšde guĂšre Ă  celui d’un boulet de ni 5nie poids ; et l’on peut, par leur moyen, lancer de la mi- ! r aille Ă  de grandes distances, ce qui est absolument imposable avec le canon. On se sert encore des l'usĂ©es pour donner des avis Ă  des corps Ă©loignĂ©s, lancer une balle lumineuse Ă  parachute et Ă©clairer une vaste Ă©tendue de terrain, porter nne corde de l’autre cĂŽtĂ© d’une riviĂšre, etc. On fait des fusĂ©es de tout calibre, mais celles de 2 pouces 011 de 2 1/2 pouces paraissent les plus propres au service de guerre; elles n’ont pas un pied de longueur; elles pĂšsent respectivement 5 livres et 4 1/2 livres, sans leurs baguettes , consĂ©quent un seul homme peut en porter une dixaine, nt ĂȘnie des plus grosses, et on en chargerait sur un mulet, 60 premier calibre et 90 du second. Les baguettes seraient PotĂ©es par un autre mulet. Le lieutenant-colonel d’artillerie Pictet a perfectionnĂ© la Imposition cl le tir des fusĂ©es de guerre. En diminuant leur ° n gueur, il les a rĂ©duites Ă  un volume moindre qu’on ne l’a- Va ' 1 luit jusqu'Ă  lui. La proportion qu’il a adoptĂ©e pour la lon- mur du cartouche est de quatre calibres et demi ainsi les s es de 2 pouces ont neuf pouces de long, et celles de ORGANISATION. ARMEMENT. 90 2 1/2 pouces ont onze pouces et trois lignes. Les baguettes on 1 trente-deux calibres de longueur et un demi-calibre de gro^ seur. Une commission d’experts a constatĂ© l’excellence d e ces nouvelles fusĂ©es et en a fait Ă  la Haute DiĂšte un rappo rl circonstanciĂ©, en proposant leur introduction dans l’arme 8 fĂ©dĂ©rale et en indiquant les diffĂ©rents cas oĂč elles peuvefl 1 ĂȘtre d’une vĂ©ritable utilitĂ©. l ps ha fri ne foi ra ol CHAPITRE III. Hes Marches et Ăźles ManƓuvres. Ne armĂ©e est destinĂ©e h marcher et Ă  combattre. C’est P ar des marches rapides et savamment dirigĂ©es qu’un gĂ©nĂ©ral f r - P p Ă©pare les succĂšs d’une campagne , qu’il recueille les d’une victoire, ou qu’il Ă©chappe Ă  la poursuite d’un en- qui a acquis de la supĂ©rioritĂ©. La conduite des marches i ^ nie donc une partie essentielle de l’art de la guerre. Nous lS emblerons dans ce chapitre tout ce qui a rapport Ă  cet 'ass, ob 'Jet. § L—RĂšgles a obsehveh dams les Marches. On doit d’abord distinguer les marches loin de l’ennemi de Ce lles qui se font dans son voisinage. Dans les premiĂšres on ^cherche principalement la commoditĂ© ; on se met en haie Ur les deux cĂŽtĂ©s du chemin, Ă  des distances telles qu’un °mnie ne soit gĂȘnĂ© ni par celui qui le prĂ©cĂšde, ni par celui u ' le suit. De la sorte le milieu du chemin reste libre et la cir- ^laiion n’est point interrompue , les chariots trouvant encore I es Pace suffisant pour se croiser, du moins sur les routes de ^eup ordinaire. On a de plus l’attention de ne pas faire mar- Ensemble des corps trop nombreux, afin qu'en arrivant ^stine ville la troupe y trouve plus facilement des logements, prĂ© f I uarl ers " ma ' lres et * es f° l, rriers vont d’avance leur Pas Pa ' er ’ Gt P 0UI ^ tre ^ uc * CS su f* s l stances ne manqueront , s ' Quand il y a une trop grande affluence dans une ville , il Hoelquefois bien difficile de pourvoir en peu de temps Ă  92 DES MARCHES ET DES MANOEUVRES. tous les besoins; les soldats qui ne sont pas logĂ©s ou qui a 1 ' tendent trop longtemps leurs distributions de vivres, se plu*' gnent h juste titre , et il en peut rĂ©sulter de grands dĂ©sordre’ Cependant il n’est pas toujours possible d’éviter complĂšte' ment ces inconvĂ©nients , mĂȘme en prĂ©venant les autoritĂ© locales du passage qui doit avoir lieu. Il faut donc que les n»' litaires sachent supporter ce genre de privations et se co»' tenter d’un abri dans une grange, dans un vestibule, sous U 11 hangar, etc. , Ă  dĂ©faut d’un lit ou de paille fraĂźche. C’est l J pierre de touche des bons soldats. Il y a plus do mĂ©rite & sĂčuiĂŻrir toutes les incommoditĂ©s inhĂ©rentes au pĂ©nible rnĂ©tie de la guerre, qu’à braver la mort dans le combat. Lorsque la troupe qu’on dirige sur un point est trop noi»' breuse, on la subdivise, et on fait partir Ă  des jours diffĂ©rent* les divers dĂ©tachements, qu’on Ă©chelonne ainsi sur la rouff 1 Si deux chemins conduisent au mĂȘme endroit, on dirige part' 6 de la troupe sur l’un et partie sur l’autre, en faisant en sorte q» { les colonnes n’arrivent pas en mĂȘme temps au point de rĂ©union 1 Tout comme aussi il faut soigneusement Ă©viter que des c0 lonnes se croisent en chemin , parce qu'il en rĂ©sulte un i' e ' tard considĂ©rable pour celle qui est obligĂ©e d’attendre q» 8 l’autre ait dĂ©filĂ©. Il peut mĂȘme en rĂ©sulter de dangereuse contestations, si les officiers d’état-major qui sont chargĂ©s $ la direction des marches n’ont pas prĂ©vu le cas, ni rĂ©glĂ© ^ maniĂšre dont le croisement doit s’opĂ©rer. Sans un ordre sp c ' cial une colonne ne s’arrĂȘte pas pour en laisser passer u 1,e autre. La premiĂšre arrivĂ©e sur un point continue sa marcb Cl l’autre fait halte. On doit dresser des tableaux pour rĂ©gler I e * marches et rĂ©partir les logements de maniĂšre Ă  ce que de ll> troupes ne soient pas dirigĂ©es sur un mĂŽme lieu qui ne po» f ’ rait pas les recevoir. Il y a moins d’inconvĂ©nient Ă  loger une troupe nombre» 5 * dans un village si elle appartient au mĂȘme corps, qu’»"* moindre de deux corps diffĂ©rents. Les officiers d'Ă©tat-m»/ doivent mettre tous leurs soins Ă  Ă©viter ces dĂ©sordres par 1,11 bonne rĂ©partition des logements. * DES MARCHES ET DES MANOEUVRES. 93 , ne peut pas conduire les soldats tout d’une traite d’une ta Pe Ă  la suivante, surtout quand la distance est grande. ne halte au milieu du chemin est donc nĂ©cessaire ; on la fait Peu longue pour que les hommes aient le temps de se re- P° s er et de prendre quelque nourriture. Il convient, outre s ’ arr Ă©ter quelques minutes toutes les heures pour les s °ins de la troupe. Ayez l'attention de laisser derriĂšre quel- ^ es hommes de confiance pour ramasser les traĂźneurs et em- P ec her la maraude. Parlez de grand malin , surtout en Ă©tĂ© ; ma ' s ne prenez pas sur le sommeil nĂ©cessaire Ă  l’homme 111 de minuit Ă  trois ou quatre heures est le meilleur, celui dĂ©lasse le plus. C’est une mauvaise mĂ©thode que de mar- er de nuit. On a fait h cet Ă©gard une expĂ©rience dĂ©cisive pai' r ^' ments > l’un marchant le jour et l’antre la nuit, ont ° Ur u le mĂȘme espace dans la belle saison ; le premier a , ni °ins de malades et de traĂźneurs que le second. C’est ttla,n lenanlun principe consacrĂ© par l’hygiĂšne militaire que la lr °Upe ne doit pas marcher de nuit. Il faut de tout autres dispositions pour les marches en pays e nnemi. On doit ici sacrifier l’aisance et la commodilĂ© Ă  la s j>retĂ© , s’astreindre Ă  des gĂšnes indispensables pour ne pas Exposer aux dangers des surprises, et ĂȘtre toujours prĂȘt Ă  s °utenir une attaque. La nĂ©gligence Ă  cet Ă©gard n’est jamais Ensable, car l’ennemi peut se prĂ©senter au moment oĂč l’on y s °nge le moins. j La premiĂšre rĂšgle est de marcher en colonne et sur le front Phts large possible , afin d’occuper moins d’étendue , et ^ e 'i cas d’attaque les troupes de la queue aient le temps ap river pour soutenir celles de la tĂȘte. On marchera donc en ^°J°nne par sections, par pelotons et mĂȘme par divisions, ,v ant [ a ] ar g eur d e [ a route. Si la marche a pour objet un m Ple dĂ©placement, pour opĂ©rer quelque rassemblement ou U Ce ntration de forces, avant d’en venir aux mains ; si, en donner le change Ă  l’ennemi, dĂ©tourner son attention , diviser ses forces , menacer sa ligne de retraite , lui donner de l’inquiĂ©tude sur ses dĂ©pĂŽts, etc. Les marches manƓuvres sont ainsi nommĂ©es parce que ce sont des manƓuvres faites Ă  une grande Ă©chelle, hors de la portĂ©e du canon, et qu’elles n’ont pas pour unique objet de gagner du terrain , comme les marches de route , mais de se placer convenablement sur le terrain oĂč la bataille va se livrer. Elles s’exĂ©cutent dans le voisinage de l’ennemi, et, pour ainsi dire, Ă  sa vue , il faut donc qu’il y rĂšgne beaucoup d’ordre, et y employer le moins de temps possible. Plus la bataille devient imminente et plus la troupe doit ĂȘtre prĂȘte Ă  un dĂ©ploiement rapide. Elle est alors formĂ©e en colonne serrĂ©e par divisions, soit sur la route mĂȘme , soit Ă  cĂŽtĂ©. C’est ce qu’on peut appeler l'ordre prĂ©paratoire au coin' bat. Il n’y a qu’un seul cas oĂč l’on doive conserver la distance entiĂšre dans une marche manƓuvre, c’est lorsqu’on prĂ©sente le flanc Ă  l’ennemi, parce qu’alors la colonne peut se mettre en bataille par un simple Ă  droite ou Ă  gauche des subdivisions. Mais ces mouvements de liane sont toujours dangereux; on les Ă©vite autant que possible. En gĂ©nĂ©ral on arrive sur le champ de bataille par la tĂȘte de la colonne! dĂšs lors on comprend la nĂ©cessitĂ© de faire serrer, pour faciliter et abrĂ©ger les dĂ©ploiements. Une colonne de marche sera toujours prĂ©cĂ©dĂ©e d’un avant-garde , qui fouille et explore le terrain , ouvre la route ou la rĂ©pare, si cela est nĂ©cessaire, dĂ©joue les projets de l’ennemi pour surprendre la colonne ou lui dresser des en 1 ' buscades, etc. Elle annonce l’arrivĂ©e de l’ennemi, soutien 1 ses premiĂšres attaques, et donne ainsi au corps principal I 8 DES MARCHES ET DES MANOEUVRES. 95 ”*ps de se mettre en mesure. L'avant-garde elle-mĂȘme se fa,t PrĂ©cĂ©der Par le gauche d 'l'ours par de petits dĂ©tachements fort bien dĂ©signĂ©s n om d’éc/aireurs. Elle envoie encore de droite et de dans autres dĂ©tachements qui portent le nom de flan- Pour faire le tour des villages, des bouquets de bois ^ lesquels l’ennemi pourrait se cacher, dĂ©couvrir le revers ^ collines qui longent la route, passer derriĂšre les grandes les > fouiller les ravins, les blĂ©s, etc. La colonne a en ^tre ses propres flanqueurs, surtout dans le cas oĂč elle mar- ^ ^ isolĂ©e ; car il est possible que quelque chose ait Ă©chappĂ© , 'gilance des premiers. 11 vaut mieux user de trop de precmi ‱ 1 1 Ul, °ns que d’en nĂ©gliger une seule 1702 l enti Le i ..- duc de VendĂŽme fut plus heureux que sage lorsqu’on d vint Ă  Luzara, sur la rive droite du PĂŽ, dresser ses P°Uvoi r qui enl ^n face de toute l’armĂ©e du prince EugĂšne, qui Ă©tait !, lle et cachĂ©e derriĂšre une digue. On ne la croyait point plĂ» Cfi S ° rte que l’avant-garde , une fois arrivĂ©e , n’alla pas l°'u reconnaĂźtre les environs, et l’on en Ă©tait Ă  dresser uidcm! teS quand un hasard sauva l’armĂ©e de VendĂŽme. Un ' n ’ a jor, chargĂ© de placer la garde du camp, ne crut pas mieux faire que de mettre une sentinelle sur la digue, ri e eia '* *' 0rt rapprochĂ©e. En y arrivant il dĂ©couvrit l’inl'anle- d an e t n . neniie . qui se tenait couchĂ©e derriĂšre la digue en alten- loin s '8 na l de l’attaque , et la cavalerie, qui Ă©tait plus n> ^ bataille. AussitĂŽt il donne l’alarme, et les troupes, qui l> aVa ’ ent pas encore rompu leurs rangs, purent repousser que. Dix minutes de plus, VendĂŽme perdait son armĂ©e et 5ans ar,s les guerres de la RĂ©volution , un gĂ©nĂ©ral rĂ©publicain d’i f ex P Ă©, ' cnce i avait sous ses ordres une longue colonne v ant atlte, ' e qU ' su l ya ' tun c l ,em ' n bordĂ© de haies. Point d’a- da bar de - point de flanqueurs, et une grande nĂ©gligence ^ ns la colonne, qui s’était considĂ©rablement allongĂ©e. Tout n U P * e c hef vendĂ©en Charrette tombe sur le flanc de la co- > ta coupe par le milieu et la disperse en un moment. Ici 96 DES MARCHES ET DES MANOEUVRES. la bravoure ne peut rien ; il n’y a de ressource que dans la fuite. Tel est le rĂ©sultat de l’impĂ©ritie ou de l’imprudence d’un chef. Une arriĂšre-garde est encore nĂ©cessaire pour fermer la marche, empĂȘcher les dĂ©sordres que les traĂźneurs pourraient commettre, et se prĂ©munir contre toute attaque inopinĂ©e par derriĂšre. Le corps principal est ainsi entourĂ© de corps secondaires qui'veillent Ă  sa sĂ»retĂ©. Les Ă©quipages ne doivent jamais ĂȘtre entremĂȘlĂ©s avec les troupes, parce que dans un engagement fortuit ils mettraient obstacle au prompt rassemblement des diffĂ©rents corps, et, qu’en tout cas , ils allongeraient inutilement la colonne. On les fait donc marcher, serrĂ©s et en ordre, Ă  la suite des troupes, en les disposant sur deux files quand la largeur des chemins le permet, afin de rĂ©duire Ă  moitiĂ© l’espace qu’ils occupent, lequel est toujours trĂšs-considĂ©rable. 11 faut une escorte aux bagages, pour les mettre Ă  l’abri des insultes des partisans qui pourraient se glisser sur les derriĂšres de l’armĂ©e. On distribuera des travailleurs en tĂȘte de la colonne pour applanirles obstacles, combler les fossĂ©s et les orniĂšres, raccommoder les ponts, ou les soutenir quand ils sont trop faibles, etc. De cette maniĂšre la marche de la colonne pourra bien ĂȘtre quelquefois ralentie , mais elle ne sera jamais entiĂšrement arrĂȘtĂ©e. Ces travailleurs auront avec eux quelques charriots sur lesquels seront chargĂ©s les outils , les bois , Ie s cordages et autres objets nĂ©cessaires. Un autre soin, trĂšs-minutieux en apparence, mais en rĂ©alitĂ© fort important, c’est de modĂ©rer le pas Ă  la tĂȘte de la colonne , pour Ă©viter qu’elle ne s’allonge. Pour atteindre ce but on peut mettre en tĂȘte les plus mauvais marcheurs ou les troupes les plus lourdes, de mĂȘme qu’en tĂȘte des Ă©quipages on met quelquefois des voitures attelĂ©es de bƓufs. Lorsqu’on est encore loin de l’ennemi, on laisse quelqu’intervalle entr e les diffĂ©rents corps qui composent la colonne; alors les fluc- DES MARCHES ET DES MANOEUVRES. 07 limions de l’un ne se propagent pas jusqu’à l’aulre , et cha- l'iin de ces corps marche Ă  peu prĂšs aussi commodĂ©ment que s il Ă©tait seul. Il en rĂ©sulte un grand soulagement pour le sol- ^at qui, sans cela, et pour peu qu’il soit en arriĂšre, est °bl'gĂ© de s’arrĂȘter toutes les fois que , pour une cause quelconque, ceux qui le prĂ©cĂšdent en font autant, et ensuite de regagner les distances perdues au pas accĂ©lĂ©rĂ©. Cette inĂ©galĂ© dans la vitesse du pas fatigue extrĂȘmement. On l’évite d’tant que possible en employant le moyen indiquĂ© , mais au quel il huit pourtant renoncer dans les marches manƓu- Vres et aussitĂŽt qu’il y a quelque chance d’ĂȘtre attaquĂ©. des marches ordinaires sont de six Ă  huit lieues. Les der- ,er es sont dĂ©jĂ  fortes; cependant il est des circonstances '‱SpĂ©cieuses oĂč il faut faire jusqu’à dix lieues et mĂŽme davan- lt *8e, a u risque de laisser beaucoup d’hommes et de chevaux ?" arriĂšre. H faut qu’à des marches forcĂ©es succĂšdent des ‱tours ] e repos, si on ne veut pas voir l’armĂ©e se fondre en P e u de temps. Les lieues dont if est iei question sont des lieues militaires, de 4,000 mĂštres ou 0,000 pas. d’infanterie fait une lieue Ă  l’heure, sans compter les hal- tes * ensorte que, tout compris, il lui faut environ dix heures P°' ,r faire huit lieues ; toujours en supposant qu’elle marche lieu°'° nnR dn cavalerie fait une lieue et quart au pas, et deux es au p ei j t trot . ct; conime e n e soutient cette allure plu- ' eurs heures; on voit qu’elle peut, au besoin , franchir l’é- .P e 0r dinaire en trois ou quatre heures. Cependant les mar- „. es forcĂ©es sont encore plus nuisibles Ă  la cavalerie qu’à l 'nlanterie. Iiah ° nS ' GS n,arc * ies d 11 ' sc fr ,llt P rRS 1 ennemi la grande ^ e est mise Ă  profit pour cuire la soupe. Lorsque les hom- j, et les chevaux se sont repus, ils font plus facilement s qj Utre mo 'tiĂ© de l’étape, et ont des forces pour combattre iff 1 ^ Ue 'd uc engagement dans la soirĂ©e, cire aUt ^ ° nC ’ ^ moins que des ordres contraires ou des oostances particuliĂšres ne s’y opposent, prolonger assez 7 98 DES MARCHES ET DES MANOEUVRES. la halte pour donner aux soldats le temps de faire la cuisine. A l’étape ils sont nourris par les habitants chez lesquels ils sont cantonnes. Mais on conçoit que , pour peu que la troupe soit nombreuse, il n’est pas toujours possible de la loger dans les maisons particuliĂšres; car la prudence ne permet pas de se dissĂ©miner; il faut alors qu’elle bivouaque, et c’est aux commissaires des guerres Ă  pourvoir Ă  sa subsistance. A cet effet, ils font suivre la colonne par des bestiaux et par des chariots remplis de pain, qu’ils se sont procurĂ©s dans les Ă©tapes prĂ©cĂ©dentes par la voie des rĂ©quisitions. Quand la troupe sĂ©journe, ces rĂ©quisitions s’étendent plus nu loin , et l’on a de plus la ressource de faire arriver des vivres des magasins qu’on aura antĂ©rieurement créés dans le pays dont on est maĂźtre. Cependant ces ressources peuvent manquer ou rester insuffisantes; c’est donc un usage utile Ă  introduire que celui de faire porter aux soldats des vivres pour quelques jours, et de les habituer Ă  n’y toucher qu’aulant qu’il y a une rĂ©elle nĂ©cessitĂ©. Dans la campagne de Russie, le marĂ©chal Davoust avait fait arranger les sacs de ses soldats de maniĂšre Ă  ce qu’on y put mettre sur les cĂŽtĂ©s quatre biscuits d’une livre, et dessous, un petit sac de farine pesant environ dix livres. Que la troupe soit cantonnĂ©e ou qu’elle bivouaque en route , elle ne rompra jamais ses rangs qu’au prĂ©alable les dĂ©tachements qui doivent veiller Ă  sa sĂ»retĂ© n’aient fait la reconnaissance des environs, et ne se soient Ă©tablis en avant- postes tout autour des villages occupĂ©s ou des bivouacs. La vigilance est la mĂšre de la sĂ»retĂ©. Il faut donc qu’une troupe, quelque nombreuse qu’elle soit, s’astreigne h prendre des mesures de prĂ©caution, non-seulement quand elle s’établit pour passer la nuit, mais mĂȘme dans ses haltes. Voyez, pour ce qui concerne les avant-postes, le chap. IX, qui traite du repos des troupes. Donnons maintenant quelques dĂ©laiissur le service des Ă©claireurs, sur la composition de l’avant-garde et sur la force numĂ©rique d’une colonne de marche. DES MARCHES ET DES MANOEUVRES. 80 tics Ă©claireurs. —Aucune marche en pays ennemi ne doit se faire sans ĂȘtre Ă©clairĂ©e. En plaine, ce sont principalement les cavaliers, et en terrain coupĂ© , les fantassins qui font ce service. Les Ă©claireurs se portent en avant et sur les cĂŽtes Par petites troupes. Il est inutile de donner de la force aux Ă©claireurs, leur fonction n’étant point de combattre l’ennemi, mais seulement de le dĂ©couvrir. D’ailleurs le service en est PĂ©nible ; il faut donc s'arranger de maniĂšre Ă  ce que le tombe revienne pas trop souvent. Les Ă©claireurs sont en tĂȘte de l’avant-garde et sur ses ^ncs. Les uns sont les Ă©claireurs proprement dits, les autres s °nt les flemqueurs. lis marchent Ă  deux ou trois cents pas de ^avant-garde , qu’ils ne perdent jamais de vue , non plus que les Ă©claireurs voisins avec lesquels ils doivent toujours rester °b communication. A cet elfet, le dĂ©tachement de la tĂȘte env oie trois petits groupes, l’un en avant sur la route et les fleax autres il droite et Ă  gauche. Ces groupes marchent rĂ©u - nis > ou du moins les quelques hommes qui les composent ne Se sĂ©parent jamais assez pour se perdre de vue ou ne plus ^entendre. Les dĂ©tachements de flanqueurs seront quelque- f °is obligĂ©s de marcher Ăźi une assez grande distance de la route P°ur dĂ©couvrir le pays ; chaque dĂ©tachement s’entoure donc aussi de petits groupes, dont l’un marche en avant et les au- ll es du cĂŽtĂ© de l’ennemi. Quand le pays est trĂšs-couvert on doit augmenter le nombre des Ă©claireurs. Trois hommes suffisent Ă  chaque dĂ©couverte c’est ains ES MARCHES ET DES MANOEUVRES. Les Ă©claireurs cherchent toujours, en marchant, Ă  se couvrir des haies, des bois, des broussailles, ou des Ă©minences qui sont sur leur chemin, pour voir, autant que possible , sans ĂȘtre vus eux-mĂȘmes. AussitĂŽt qu’ils dĂ©couvrent une troupe ennemie, ils s’arrĂȘtent, se cachent, et l’un d’eux vient avertir le commandant du dĂ©tachement auquel ils appartiennent. Ils enverront de nouveaux avis Ă  mesure qu’ils dĂ©couvriront de nouvelles choses ; et tout cela sans bruit. Les Ă©claireurs fouilleront les ravins et les bois avec le plus grand soin ; ils ne passeront jamais prĂšs d’une chaussĂ©e, d’une forte haie, d’un mur, d’une haute moisson, sans voir ce qu’il y a derriĂšre. Ils visiteront les maisons dans lesquelles l’ennemi pourrait ĂȘtre cachĂ© ; un seul des trois Ă©claireurs y entre, les autres restent dehors pour donner l’alerte s’il y a lieu. Ils doivent Ă©galement visiter les carriĂšres et tous les endroits on l’ennemi pourrait se cacher. Avant d’entrer dans un village, l’avant-garde fait une halte pour donner aux Ă©claireurs le temps de le fouiller et de prendre quelques informations sur les partis que l’ennemi peut avoir dans le voisinage. Les Ă©claireurs parcourent les rues, entrent dans les cours et les jardins clos de murs; ils se font ouvrir quelques maisons et visitent l’église. Pour abrĂ©ger ces formalitĂ©s, ils se partagent la besogne. Tout cela doit ĂȘtre terminĂ© en quelques minutes. Si l’ennemi est tout prĂšs et que le village soit suspect, le dĂ©tachement d’éclaireurs s’y arrĂȘte plus longtemps pour le mieux fouiller. Au surplus, pour peu que l’avant-garde soit nombreuse, elle se fait elle-mĂȘme prĂ©cĂ©der d’une extrĂȘme avant-garde , en sorte que les retards de la marche ne sont supportĂ©s que par ce corps avancĂ© qui regagne sa distance par une marche plus rapide , aprĂšs avoir passĂ© le village. C’est alors l’extrĂȘme avant-garde qui fournit les Ă©claireurs. Les dĂ©tachements de flanqueurs sont fournis directement par l’avant-garde ; ils marchent parallĂšlement, l’un Ă  droite , l’autre h gauche de la route. Les flanqueurs, pouvant se trouver quelquefois hors de 1KS .UAUCUES ET DES MANOEUVRES. 101 vue, ou Ă©tablit la liaison avec des patrouilles ou petits dĂ©tachements intermĂ©diaires. La dĂ©couverte qui marche sur la 'oute en tĂšte des Ă©claireurs doit ĂȘtre un peu plus forte que 'es autres; on peut la composer de cinq hommes, afin d’en envoyer deux en avant pour ouvrir la marche et commencer I exploration. La ligure 6 e donne une idĂ©e de ces dispositions. Dans cette *'gnre, A reprĂ©sente l’avant-garde, 11 le dĂ©tachement qui fournit les trois groupes d’éclaireurs qui la prĂ©cĂšdent, celui milieu ayant lui-mĂȘme deux Ă©claireurs en avant ; CG re- P'Ă©scntent les dĂ©tachements qui marchent parallĂšlement Ă  la r °ute et fournissent les tlanqueurs que nous supposons mar- c Ler aussi en trois groupes , l’un en tĂȘte du dĂ©tachement se haut avec ] es Ă©claireurs , et les deux autres en dehors sur s °n liane ; DD sont les patrouilles intermĂ©diaires qui Ă©tablisse l la liaison avec les flanqueurs, et, au besoin, leur donnent 1111 Premier secours s’ils sont attaquĂ©s. Dans une marche de nuit, tous ces dĂ©tachements doivent ĂȘtre extrĂȘmement rapprochĂ©s de l’avant-garde, si mĂȘme il ne feut pas renoncer entiĂšrement aux flanqueurs. Ils garderont Un rigoureux silence, prĂȘtant l’oreille au moindre bruit. De les yeux doivent ĂȘtre remplacĂ©s par les oreilles, dit XĂ©n °Phon. , Savant-garde. — Si elle n’était jamais destinĂ©e qu’à airer l’armĂ©e et Ă  escarmoucher, on n’y emploierait abso- mnt q Uc j] cs troupes lĂ©gĂšres ; mais elle doit quelqucfoiss’em- rer ^ postes avantageux, et s’y maintenir contre des forces ĂŒ PĂ©ricuresjusqu’à ce que le corps d’armĂ©e arrive; elle a des * es “ forcer, des villages retranchĂ©s Ă  emporter; elle est don' a ^ Ue ’ uslanl ex P 0S ^ e Ă  des attaques sĂ©rieuses. 11 faut de r ° Ulre * es ll 'oupes lĂ©gĂšres de toutes armes, lui donner de , ,n ^ anler e f° ligne , de la grosse cavalerie et du canon nier '* l0Ut ^ ans ^ cs P r0 P 0rl ' l0,ls convenables et de ma- e a ce que les diverses armes puissent se prĂȘter un mu- U,el secours. ÏÜ3 DES MARCHES ET DES MANOEUVRES. S’il est vrai qu’une avant-garde ne doit pas ĂȘtre exclusivement composĂ©e de troupes lĂ©gĂšres, il ne faut pas non plus , par un dĂ©faut contraire , n’y envoyer que des grenadiers , comme quelques Ă©crivains militaires l’ont proposĂ© ; parce qu’alors l’avant-garde perdrait de sa mobilitĂ© et s’éclairerait mal. D’ailleurs les bataillons qu’on forme momentanĂ©ment de compagnies de grenadiers rĂ©unies qui ne se connaissent point, sous un chef nouveau pour elles, ne valent pas plus que les bataillons ordinaires; et, ceux-ci, privĂ©s de leurs compagnies d’élite, doivent perdre de leur confiance morale et par consĂ©quent de leur force. Voulez-vous rĂ©unir les grenadiers, que ce soit en corps de rĂ©serve et pour frapper de grands coups. Alors le sentiment du service qu’ils vont rendre Ă  l’armĂ©e enflamme leur courage ; ils veulent ĂȘtre brillants sur le champ de bataille ; ils ont Ă  cƓur de soutenir leur rĂ©putation de bravoure ; ce sont vraiment alors des soldats d’élite. Mais les employer h tout et constamment, les prodiguer, exiger qu’ils soient toujours Ă  l’avant-garde, c’est les fatiguer et compromettre leur honneur par les revers partiels auxquels on les expose ; c’est les dĂ©pouiller de cette haute considĂ©ration qui fait leur force. On arrivera donc Ă  la meilleure composition de l’avant- garde en en faisant rouler le service sur les bataillons et les escadrons de toute l’armĂ©e. Et comme c’est Ă  l’avant-garde que les militaires de tout grade apprennent le mieux la guerre, on trouvera encore dans cette rotation l’avantage de faire passer tous les corps Ă  une bonne Ă©cole. Composer l’avant- garde de dĂ©tachements pris dans tous les corps est aussi une mauvaise mĂ©thode; cela complique le service et tue l’émulation qui doit exister entre les diffĂ©rents corps. La discipline en souffre nĂ©cessairement parce que les soldats ne se trouvent plus sous leurs chefs habituels. C’est pourquoi nous avons dit que le service doit rouler entre les bataillons et les escadrons. Si l’avant-garde Ă©tait plus faible, il faudrait y employer des compagnies entiĂšres, mais jamais de fractions. DES MARCHES ET 1E MANOEUVRES. 105 Le commandant de l’avant-garde doit ĂȘtre muni des meilleures cartes, etavoir auprĂšs de lui quelques habitants du pays Pour lui servir de guides et lui donner les renseignements lont il pourrait avoir besoin. A chaque station il prend de n ouveaux guides qu’il fait marcher sous bonne escorte pour H 11 ils ne lui Ă©chappent pas. La connaissance de la langue lui Csl d’une grande utilitĂ© ; s’il ne la possĂšde pas , il faut de l oute nĂ©cessitĂ© qu’il y ait dans son Ă©tat-major quelques olll- C ers auxquels elle soit familiĂšre, et de prĂ©fĂ©rence des officiers 1 l Ul aient voyagĂ© ou dĂ©jĂ  fait campagne dans le pays. Il interrogera les voyageurs, les dĂ©serteurs et les prison- ni f rs , sur la position et les forces de l’ennemi, sur ce qu’on Sait 0u prĂ©sume de ses projets, sur la situation morale des l [ 0,l Pcs , le caractĂšre des chefs, etc. 11 n’obtiendra, sans . ute . de chaque individu isolĂ©ment que des notions fort ltlients antĂ©rieurs, etc. Toutes les rĂ©ponses faites par ces l, lividus aux questions qui leur sont adressĂ©es doivent ĂȘtre touchĂ©es par Ă©crit pour ĂȘtre communiquĂ©es au gĂ©nĂ©ral en le > aussi souvent qu’elles offrent quclqu’intĂ©rct ou quel- 'l 110 lumiĂšre sur les projets de l’ennemi. AussitĂŽt que le commandant d’avant-garde arrive dans un Cu ° Ăč il doit s’arrĂȘter, il fait venir auprĂšs de lui les autoritĂ©s 1 personnages les plus Ă©clairĂ©s pour les interroger et ob- ^ tl’eux tous les renseignements qu’ils sont capables de ° n uer, sur la nature et la direction des chemins, l’état des P°uts, ] es g U i s q U ’ on p eu t avoir Ă  traverser, l’étendue des ^ ls > la longueur des dĂ©lilĂ©s, la profondeur des marais, etc. p suv ent quelque chose de la position et des projets de 1 unerni, c’est avec adresse bien plus que par dĂšs menaces l 11 on les engagera Ă  le communiquer. Il faut se mĂ©lier de ce lu 'l s disent des ressources du pays; ils sont intĂ©resses Ă  les 0llei ail -dcssous de ce qu’elles sont rĂ©ellement; cependant 104 DES ARCHES ET DES MANOEUVRES. c’cst un point essentiel sur lequel le commandant de l’avant- garde doit insister pour avoir des indications certaines. Pendant qu’il s’occupe de ces dĂ©tails, qui exigent de sa part beaucoup d’activitĂ© et de tact, il envoie quelques-uns de ses ofli- /iers faire la reconnaissance des environs et principalement dans la direction de la roule Ă  parcourir le lendemain ; il fait fouiller le pays Ă  une assez grande distance par des patrouilles qui circulent sur tous les chemins et visitent tous les lieux qui pourraient servir d’abri h l’ennemi et favoriser une surprise. La troupe ne pose les armes et n’entre en logement ou n’établit son bivouac que lorsque les patrouilles sont rentrĂ©es, que les gardes sont Ă©tablies et qu’on s’est assurĂ© qu’il n’y a rien Ă  craindre. Un des soins principaux du commandant de l’avant- garde est de requĂ©rir des vivres, afin que les soldats ne se dĂ©bandent pas pour en aller chercher. L’avant-garde, n'Ă©tant ordinairement pas trĂšs-nombreuse et pouvant avoir affaire Ă  des forces trĂšs-supĂ©rieures, il est trĂšs-essentiel qu'elle reste rĂ©unie. Il faut des vivres pour le jour mĂȘme; il en faut aussi pour le lendemain ; on les chargera sur quelques voitures du pays. La prĂ©voyance n’est jamais nuisible. Faites, dit Monlluc, que vous ayez toujours des provisions et principalement du pain et du vin pour donner quelque rafraĂźchissement au soldat, car le corps humain n’est pas de fer. » Quand l’avant-garde rencontre un village sur la route , elle le tourne, si cela est possible, plutĂŽt que de le traverser, surtout s’il a quelque longueur, parce qu’il faut, en gĂ©nĂ©ral, Ă©viter les dĂ©filĂ©s, oĂč une attaque est toujours Ă  redouter. D’ailleurs il pourrait arriver que les Ă©claireurs, ayant mal explorĂ© le village, l’ennemi se trouvĂąt dans les maisons, d’oĂč il ferait beaucoup de mal avant qu’on put le dĂ©loger. Quoique peu probable , il suflit que cet Ă©vĂ©nement soit possible pour justifier une mesure de prudence. Aux croisĂ©es des routes l'avaul-gardc jalonne avec des branches d’arbres, ou avec de la paille , celle qu’elle a prise, DES MARCHES ET DES MANOEUVRES. 103 1 "* l ue ' e corps principal qui la suit h une distance plus ou Woins grande , et qui, presque toujours, est hors de vue, ne e gare pas. On peut encore y laisser quelques cavaliers pour ctquer le chemin. Cela dĂ©pend du temps que'le corps prin- cl Pal doit mettre h arriver. Si elle trouve quelque pont rompu ° u e n mauvais Ă©tat, des fossĂ©s coupant la route, des fondriĂš- res ou autres obstacles qui pourraient arrĂȘter la marche de la °Ionne, les sapeurs et les ouvriers se mettent immĂ©diatement . aire les rĂ©parations nĂ©cessaires avec toute la diligence pos- e ! ils rejoindront l’avant-garde Ă  la premiĂšre halte, der an ^ * e P a J s est l, 'Ăšs-couveri, l’avant-garde se fait prĂ©cĂ©- tl , * e ^ e ' ni cme de quelques Ă©claireurs qui se lient avec l’ex- ° ,lle av ant-garde et les flanqueurs. C’est pour le cas oĂč les 1er llei S ^ c I a ' reu, s auraient laissĂ© quelque partie sans la fouil- jeter ennei11 '» , 'aii s’éti-e placĂ© dans l’intervalle, lfĂ©pĂ©tons-le Ă  la les fe 011 ,le saura it u ser de trop de prĂ©cautions pour Ă©viter 'icnio ^ IS ° S ’ laul eu niarc * ,e qu’au camp et dans les canton- l ''ĂšnD> nS * es P assa 8 cs de dĂ©fdĂ©s qu’on ne peut Ă©viter, l’ex- ;Ve ^ av ani-garde doit, aprĂšs les avoir franchis, explorer l>ar- U " ,e d°ublemenl d’attention le terrain environnant; $’ei ^ U ° c ' cst dans de semblables localitĂ©s que l’ennemi , l,Sf l 1 era de prĂ©fĂ©rence pour attaquer la colonne avant d 0 C a' 1 Pu se dĂ©ployer. L’extrĂȘme avant-garde s’arrĂȘtera et e 6 * mUl ° cĂŽtĂ© du dĂ©lilĂ©, se dĂ©ploiera mĂȘme en bataille P°ssibp! ra ' pouvant reconnaĂźtre Ă  quelles forces il a affaire, doit ĂȘtre extrĂȘmement circonspect. Le corps principal a donc le temp 5 d’arriver au secours de son avant-garde, Mais, comme no s l’avons dĂ©jĂ  dit, on fait le moins qu’on peut des marches i c nuit ; elles fatiguent extrĂȘmement le soldat ; elles sont I 9 cause de dĂ©sordres que les chefs ne peuvent pas rĂ©primer’ enlin c’est pendant la nuit que de cruelles mĂ©prises peuven 1 avoir lieu. Entre les nombreux exemples que l’on peut cil cl de troupes’ amies se tirant les unes sur les autres dans l’°' r scurilĂ©, je mĂ©contentĂ© du suivant, extrait du partisan du prW' de liesse Uhifels, L’armĂ©e française, divisĂ©e en deux colonne»’ pour faire une marche de nuit sur Landau, un partisan enn* 5 ' mi se glissa avec cinquante hommes entre ccs deux coloun cĂź ’ 107 DES MARCHES ET DES MANOEUVRES, H 11 ' Ă©taient sĂ©parĂ©es par un ravin. Il fit faire feu des deux cd- l Ă©s h la fois, et se retira paisiblement. Chaque colonne, se v °yant attaquĂ©e subitement, rĂ©pondit au feu, et les deux es restĂšrent acharnĂ©es l’une contre l’autre jusqu’au olonn jour. ^our l a g ra nde halte l’avant-garde cherchera quelqu’en- dg 01 , 1 ' avanta geux et, autant que possible , couvert aux vues e * ennemi, comme le revers d’une colline. On place des sen- les GS SUI scmmet P 0111 ’ dĂ©couvrir au loin ; on en met sur lo ,C ^ Cni ’ ns P ar lesquels l’ennemi pourrait venir. S’il y a un ls dan * le voisinage , on le fait visiter par les Ă©claireurs et PoJ ^*' SSc quelques hommes qui, se tenant dans le fourrĂ© , une r ° nt SUns dlre a P er O ,s voa ’ ce 1 u ' se P asse au dehors. Si , atla luc est imminente , une moitiĂ© de la troupe restera Paut Jl ° P^ te a combattre , l’arme au pied, pendant que j- a j e moitiĂ© fera son repas. Ce sera ensuite Ă  celle-ci de ^ la garde pendant que la premiĂšre se reposera. . ^ l, and on aura un bois de quelqu’étendue h traverser on s J a la halte avant d’y entrer, et le commandant renforcera I ex h'Ă©me avant-garde pour que celle-ci puisse augmenter Nombre des Ă©claireurs. u es ta mbours de l’avant-garde s’abstiennent de battre, pour P as donner l’éveil Ă  l’ennemi ; et, en gĂ©nĂ©ral, on fait peu vilig 3 ^ 6 du lam bour cn route, si ce n’est pour traverser une faille, tan^ U °" C quand on prĂ©voit qu’elle aura quelque choc Ă  soutenir, Position Ă  enlever et h conserver; mais en gĂ©nĂ©ral on n’y Pas plus du cinquiĂšme de la force totale du corps ! ,"!„P° ur arriver au camp, ou pour entrer sur un c’ _ de a ne 0lll Ploie 108 DES MARCHES ET DES MANOEUVRES. d’armĂ©e, et le plus souvent on reste au-dessous de cette proportion. S’il Ă©tait permis de poser un principe Ă  cet Ă©gard . on pourrait dire que la force de l’avant-garde varie entre le cinquiĂšme et le dixiĂšme de celle de l’armĂ©e. La faire plus forte serait fatiguer les soldats par un service pĂ©nible qui reviendrait trop souvent; et, d’un autre cĂŽtĂ©, ce serait l’exposer Ă  ĂȘtre dĂ©truite ou enlevĂ©e que de la composer d’un trop petit nombre de troupes. Se voyant si faible, elle n’oserait bazarder un coup de vigueur quand les circonstances l’exigeraient, et sa timiditĂ© pourrait ĂȘtre funeste Ă  l’armĂ©e. Pour ce qui est de la distance Ă  laquelle l’avant-garde doit marcher, on conçoit qu’elle est plus grande pour un corps nombreux que pour un faible, et qu’elle dĂ©pend en grande partie de la longueur mĂȘme de la colonne. Car l’avant-gardc Ă©tant destinĂ©e Ă  annoncer l’ennemi et Ă  retarder sa marche , doit ĂȘtre assez Ă©loignĂ©e pour que le corps principal, lu moment oĂč il reçoit l’avis, ait le temps de se dĂ©ployer pour recevoir l'attaque. Ainsi, par exemple , si la colonne occupe une lieue, il faudra plus d’une heure Ă  la queue pour arriver en ligne. Il est donc nĂ©cessaire que l’avant-garde soit au moins Ă  cette distance de la tĂȘte de la colonne; car, s’il est vrai qu’elle retarde par sa rĂ©sistance l’arrivĂ©e de l’ennemi, il y a eu aussi du temps perdu pour reconnaĂźtre le vĂ©ritable Ă©tat des choses, et expĂ©dier l’estafette. 11 semble donc qu’on pourrait dire, en gĂ©nĂ©ral, que ce qui fixe le minimum d’éloignement de l’avant-garde, c’est la longueur mĂȘme de la colonne qu’elle est destinĂ©e Ă  couvrir. Pour une colonne d’une lieue de longueur l’avant-garde sera au moins Ă  une lieue de distance. Pour un corps qui n’occuperait que quatre Ă  cinq cents mĂštres l’avant-garde pourrait en ĂȘtre rapprochĂ©e jusqu’à cette distance. Mais souvent l’avant-garde est portĂ©e plus loin. L’urriĂšrc-t/anle est disposĂ©e Ă  peu prĂšs comme l’avant-garde ; mais elle est naturellement plus faible, car on a moins * I>ES MARCHES DES MANOEUVRES. 109 C amdre par derriĂšre qu’en tĂšte. Un corps particulier la com- T 1 ' dĂ©tache en arriĂšre et sur les cĂŽtĂ©s une extrĂȘme ar- rterc-garde et des llanqueurs. Ces dĂ©tachements Ă©parpillent s groupes de deux ou trois hommes qui doivent se retour- l” er s °uvenl pour voir si l’ennemi ne suit point la marche de c °lonne. Ces groupes arrĂȘteront les dĂ©serteurs et les ma- r ' lu ee en plusieurs corps qui forment autant de colonnes mar- a " 1 sur des routes parallĂšles. L’avantage qu’on y trouve est ^"-seulement de rendre l’armĂ©e plus mobile, mais encore e ^ border l'ennemi quand il rĂ©siste quelque part, se j. °curer plus facilement des subsistances. On ne peut point ^""ler le nombre des colonnes ; il dĂ©pend des chemins que , Pays prĂ©sente et, en gĂ©nĂ©ral, on les multiplie quand on a Pproche du champ de bataille, afin de rendre les dĂ©ploie- n,e *ils p] us prompts. A cet effet, on partage la colonne de ^ ap che en plusieurs colonnes de manƓuvre, qui prennent leur ^ re ciion Ă  travers la campagne quand il n’y Ă  pas de chemins "ombre suffisant. Mais il est une limite Ă  la force d’une °""e de marche au-dessous de laquelle il est toujours con- "able de se tenir. C’est cette limite qu’il est bon d’éta- b »'ici. HO DES MARCHES ET DES MANOEUVRES. Supposons donc qu’un corps nombreux marche sur une seule route. Ce corps sera composĂ© de toutes armes dans des proportions convenables. Il aura une forte avant-garde qui le prĂ©cĂ©dera d’une demi-marche ou d’environ trois lieues. Les estafettes mettront environ une heure h franchir cet intervalle ; le gĂ©nĂ©ral en chef aura donc deux heures pour donner ses ordres et faire dĂ©ployer sa colonne, en admettant, ce qui peut arriver, que l’ennemi, trĂšs-supĂ©rieur en forces , refoule l’avant-garde sur le corps principal. Ainsi la longueur totale de la colonne ne doit pas ĂȘtre de plus de deux lieues, pour que les derniers bataillons aient le temps d’arriver avant que l’action soit sĂ©rieusement engagĂ©e. Or l’expĂ©rience a prouvĂ© qu’un corps d’armĂ©e de 25 Ă  50 mille hommes est dans les conditions Ă©noncĂ©es ci-dessus , et c’est ce [ue l’on peut dĂ©terminer pat 1 un calcul assez simple, Le corps de 50 mille hommes, opĂ©rant dans un pays ouvert, n’aura pas moins de 4000 chevaux et d’un millier d'artilleurs pour le service des piĂšces et du parc. Il faut encore compter un millier d’hommes pour les troupes du gĂ©nie , les pontonniers, les soldats attachĂ©s a l’administration de* vivres , etc. Faisant la dĂ©duction , il reste 24 mille hommes d’infanterie , qu’on petit partager en quatre divisions, chacune de 0000 hommes. D'aprĂšs le principe qu’une colonne formĂ©e h distance entiĂšre occupe le mĂȘme espace que la troupe en bataille , 1 division en colonne occupera 1,200 mĂštres, car la mĂȘm c division, formĂ©e sur trois rangs et dans un ordre continu, aurait un front de 1,000 mĂštres, et en ajoutant 200 mĂštre* pour les intervalles des brigades, on aura le nombre ci-des- sus. Ainsi, les quatre divisions en colonne, y compris leur* intervalles supposĂ©s de 200 mĂštres, occuperont sur la route une Ă©tendue de 5400 mĂštres, ou une lieue et un tiers. L cS allongements, presque inĂ©vitables dans une longue marche > sont compensĂ©s par une moindre longueur de la colonne, rt. Mais ceci est compris dans la marge que nous nous sommes donnĂ©e en portant Ă  une lieue et demie la longueur totale Je la colonne. Les autres voitures d’artillerie, telles que forges, caissons Su PplĂ©mentaircs, chariots d’outils, etc., sont rĂ©unies aux au- lr es bagages de l’armĂ©e. Et tous ces embarras doivent rester Cn arriĂšre pendant la bataille, soit pour ne pas gĂȘner les mou- Ve mcnts des corps, soit pour ĂȘtre hors de prise dans le cas J un revers. Ainsi donc, pour une armĂ©e qui se forme sur trois rangs, le c ° r Psle plus nombreux qui puisse marcher sur une seule route, est de 50 mille hommes, y compris artillerie et cavalerie. C’est Ce qu’on appelle un corps d’armĂ©e il peut ĂȘtre, et il est sou- Ve nt plus faible ; mais on ne pourrait, sans embarras ni dan- ^ er > dĂ©passer de beaucoup cette limite. Ln appliquant les calculs prĂ©cĂ©dents h une troupe formĂ©e aur deux rangs, on verra que la force du corps d’armĂ©e, Ă©ga- ^ e nt composĂ© des trois armes, ne devrait pas dĂ©passer 20 ni Jle hommes. Ainsi toute l’armĂ©e fĂ©dĂ©rale pourrait se parta- 112 DES MARCHES ET DES MANOEUVRES. ger convenablement en quatre corps d’armĂ©e, de la force de 16 Ă  17 mille hommes. Bien qu’en calcul strict, une colonne, marchant h distance et mĂȘme ayant souffert quelques allongements, ait le temps de se dĂ©ployer pour recevoir l’attaque , il sera toujours convenable de serrer la distance pour les marches manoeuvres faites dans la sphĂšre d’activitĂ© de l’ennemi. On peut marcher commodĂ©ment Ă  demi-distance ; la colonne se trouve ainsi rĂ©duite h peu prĂšs de moitiĂ©. Mais ce n’est pas une raison d’en augmenter la force, c’est seulement une facilitĂ© qu’on se donne pour un plus prompt dĂ©ploiement. Tout comme il convient de rompre la colonne en plusieurs autres pour sc prĂ©parer au combat ; on les serre et on les conduit chacune sur son terrain avant de les dĂ©ployer. §2. — Des Marches offensives et des Combats QU'ELLES ENTRAINENT. AprĂšs avoir indiquĂ© quelles sont les prĂ©cautions Ă  prendre et les rĂšgles Ă  suivre dans une marche en pays ennemi, nous entrerons dans quelques dĂ©tails plus particuliĂšrement relatif 5 aux marches offensives. Ordre de marche d'une division fĂ©dĂ©rale .—Nous prendrons d’abord un exemple, pour appliquer les rĂšgles prĂ©cĂ©dentes et mieux arrĂȘter nos idĂ©es sur la formation d’une colonne destinĂ©e Ă  marcher en avant. Nous supposerons qu’une division fĂ©dĂ©rale, dont la composition serait la mĂȘme que cell° qui est indiquĂ©e au tableau de la page 60 , soit appelĂ©e Ă  fo r ' mer une colonne de marche sur une seule route. Cette division est composĂ©e comme suit DES MARCHES ET DES MANOEUVRES. 113 16 Bataillons d’infanterie, 12,000 hommes. 10 Compagnies de carabiniers, 1,000 2 Compagnies de cavalerie, 128 4 Batteries, environ, 4o0 1 Compagnie de sapeurs, 71 1 Compagnie de pontonniers, 71 13,700 hommes. Nous avons ajoutĂ© une compagnie de sapeurs et une com- P a gnie de pontonniers Ă  la formation indiquĂ©e par le tableau , a n qu’il y eut de toutes armes dans la colonne. Il est facile de calculer que ces troupes, dans leur ordre bataille, occuperaient environ une lieue d’étendue, en les Apposant dĂ©ployĂ©es sur une seule ligne et formĂ©es sur deux 1 aT DES MARCHES ET DES MANOEUVRES. 117 qu’il occupe dans le fond de la vallĂ©e. Ce n’est que lorsque ces colonnes de flanqueurs ont rĂ©ussi Ă  enlever les hauteurs et on le fait savoir par des signaux convenus, tels que des fusĂ©es tirĂ©es a intervalles Ă©gaux, des feux sur les rochers, etc., que le reste de l’armĂ©e pĂ©nĂštre dans le dĂ©filĂ©. S’il est trĂšs- resserrĂ© , elle n'y peut marcher que sur une seule colonne ; il est alors convenable de mettre quelque distance entre les diffĂ©rents corps, afin que si celui de la tĂȘte Ă©tait refoulĂ©, le dĂ©sordre ne se propageĂąt pas aux corps suivants. Quand la vallĂ©e est large et que ses berges n’ont pas beaucoup de pente, on peut envoyer Ă  droite et Ă  gauche des colonnes intermĂ©diaires pour longer les hauteurs h mi-cĂŽte. Alors on leur laisse prendre quelque avance avant de s’engager dans le bas, et toute la troupe est Ă©chelonnĂ©e depuis les hauteurs de droite et de gauche jusque dans le fond , les deux ailes en avant et le centre en arriĂšre, comme on le voit dans la figure 7 e . Cela suppose toutefois que les cours d’eau, qui existent presque toujours dans de semblables localitĂ©s, ne sont pas assez considĂ©rables pour intercepter toute communication d’une rive Ă  l’autre. Car alors il y aurait du danger Ă  se partager ainsi avec un pareil obstacle entre les deux ailes, l’ennemi pouvant se porter avec toutes ses forces rĂ©unies contre une des deux moitiĂ©s. Il faut alors rester d’un cĂŽtĂ© , Ă  moins qu’il n’y ait plusieurs ponts sur la riviĂšre qui Ă©tablissent de nombreuses communications entre les deux rives. Au reste, qu’on s’avance par une seule berge, ou en suivant les deux, la rĂšgle de conduite est toujours la mĂŽme. Si le dĂ©filĂ© est court, et si l’ennemi ne l’occupe pas avec beaucoup de monde, c’est l’avant-garde qui le force ; elle confie Ă  son infanterie lĂ©gĂšre le soin de balayer les hauteurs, et l’infanterie de ligne s’avance dans le fond avec t’arlillerie et la cavalerie. L’artillerie prend la tĂšte de la colonne, afin de n’ĂȘ- tre pas masquĂ©e, si elle doit entrer en jeu. La cavalerie, au contraire, passe Ă  la queue, parce qu’elle ne peut pas ĂȘtre d’un grand secours dans cette circonstance. Les carabiniers x 118 DES MARCHES ET LES MANOEUVRES. s’il y en a, forment de petites colonnes intermĂ©diaires Ă  droite et Ă  gauche de l’artillerie; s’il n’y en a pas, on les remplace par des compagnies d’infanterie. Si le dĂ©filĂ© est d’une certaine longueur et fortement occupĂ© , l’avant-garde s’arrĂȘte h son entrĂ©e pour attendre le corps principal ; et, avec toutes les troupes rĂ©unies on prend des dispositions analogues Ă  celles qui viennent d’ĂȘtre indiquĂ©es. Les rĂšgles Ă  suivre sont les mĂȘmes pour un corps nombreux et pour un corps faible, il n’y a de diffĂ©rence que dans l’échelle des manƓuvres. Il faut toujours s’emparer des hauteurs avant de s’avancer dans le bas. C’est un principe qu’on ne viole pas impunĂ©ment. Dans la guerre de Savoie , le comte de Belle-Isle vint attaquer h Exilles les PiĂ©mon- tais, qui l’attendaient derriĂšre des retranchements. Il n’avait que sept piĂšces de canon, qu’on ne put guĂšre placer d’une maniĂšre avantageuse. L’action dura deux heures et Ă©choua les Français perdirent plus de trois mille hommes, et les PiĂ©- montais seulement une centaine , tant ils Ă©taient bien postĂ©s. Le comte de Belle-Isle mĂ©prisa trop ses adversaires par le souvenir de ses succĂšs antĂ©rieurs ; il nĂ©gligea de s’emparer des hauteurs et voulut forcer le dĂ©filĂ© par le bas ; il marcha dĂ© front contre la position et vint s’y briser. L’attaque du dĂ©filĂ© de Saint-Luciensteig par MassĂ©na, en 1799., ne put rĂ©ussir qu’aprĂšs que les Français se furent Ă©tablis sur des rochers en apparence impraticables. Jusqu’à ce qu’ils eussent gravi ces rochers , tous leurs efforts dans le bas furent infructueux; mais aussitĂŽt que leurs dĂ©tachements de flanqueurs se montrĂšrent sur les pics Ă©levĂ©s qui dominent la vallĂ©e, les Autrichiens se repliĂšrent. Dans les hautes montagnes , les dĂ©filĂ©s sont trop faciles Ă  dĂ©fendre contre des attaques directes, pour que celui qui doit les franchir ne cherche pas plutĂŽt Ă  les tourner qu’à les enlever de vive force; et cela est presque toujours possible , parce qu’on trouve des sentiers qui, par des dĂ©tours plus ou DES MARCHES ET DES MANOEUVRES. 1 i 9 moins grands, conduisent sur le flanc ou sur les derriĂšres de l’ennemi. On envoie alors par ces sentiers un dĂ©tachement assez fort pour dĂ©busquer les dĂ©fenseurs , pendant qu’on fait mine d’enlever de front le passage. La difficultĂ© mĂȘme des lieux assure le succĂšs de la colonne latĂ©rale. C’est ainsi que Souvvarovv, pendant qu’il attaquait la forte position du Saint- Gotlhard, envoya le gĂ©nĂ©ral Rosenberg par le Luckmanier et le Crispait, pour dĂ©boucher sur Anisteig, et couper la communication de l’aile droite de l’armĂ©e française avec Altorf. Quelquefois l’ennemi n’occupe qu’un des cĂŽtĂ©s de la vallĂ©e. On peut alors, si l’attaque des hauteurs olfre trop de difficultĂ©s, essayer de faire glisser sur l’autre cĂŽtĂ© un nombre suffisant de tirailleurs et mĂȘme de l’artillerie pour prendre en flanc la position, pendant qu’on l’aborde de front avec le reste des troupes formĂ©es en colonne sur la chaussĂ©e. Les Français forcĂšrent de cette maniĂšre le dĂ©filĂ© de Calliano. C’est une gorge de montagnes trĂšs-Ă©troite au fond de laquelle coule l’Adige. Elle est fermĂ©e sur la rive gauche par une muraille et un vieux chĂąteau. Le gĂ©nĂ©ral Autrichien qui dĂ©fendait la position y fit placer son artillerie. Les montagnes Ă©taient inaccessibles , on ne pouvait donc pas envoyer l’infanterie lĂ©gĂšre sur la droite les Français remontaient la vallĂ©e; mais le gĂ©nĂ©ral Dammartin, qui commandait la colonne, fit avancer sur la rive opposĂ©e, qui n’était pas gardĂ©e, huit piĂšces d’artillerie de petit calibre, et, profitant d’une trouĂ©e, il parvint Ă  prendre en Ă©charpe la muraille. En mĂȘme temps le gĂ©nĂ©ral Pigeon passa de ce cĂŽtĂ© avec trois cents tirailleurs qui filĂšrent sur le bord de l’Adige et prirent par derriĂšre les troupes qui dĂ©fendaient la muraille. L’ennemi, Ă©branlĂ© par le feu vif de l’artillerie et la hardiesse de ces tirailleurs, ne put rĂ©sister Ă  la masse de la colonne française , qui s’avança l’arme au bras et força ainsi le dĂ©filĂ©. L’ennemi ne dĂ©fend pas toujours le passage dans le dĂ©filĂ© mĂȘme ; il se place quelquefois Ă  son dĂ©bouchĂ© pour envelopper la colonne quand elle cherchera Ă  en sortir. Le comman- 120 LES MARCHES ET DÈS MANOEUVRES* dant en chef, prĂ©venu de cette circonstance, se porte en toute hĂąte Ă  l'avant-garde , et, montant sur quelque colline d’oĂč il puisse dĂ©couvrir la position de l’ennemi, il arrĂȘte son dispositif et envoie ses ordres Ă  la colonne qui est encore en arriĂšre. Ce qu’il y a Ă  faire alors se rĂ©duit en gĂ©nĂ©ral Ă  Ă©carter les troupes qui sont immĂ©diatement devant le dĂ©filĂ©, par le feu de quelque batterie avantageusement placĂ©e , et, aussitĂŽt qu’on y est parvenu, Ă  faire avancer une portion des troupes pour les dĂ©ployer dans l’espace libre. Ces premiĂšres troupes , toujours protĂ©gĂ©es par l’artillerie qui croise ses feux en avant d'elles, s’efforcent de gagner du terrain pour faire place Ă  celles qui les suivent. Les tirailleurs, et surtout les carabiniers, s’étendent de droite et de gauche sur les derniers contreforts des hauteurs , et s’attachent Ă  dĂ©sorganiser les batteries ennemies, qui, par leurs feux convergents , sont extrĂȘmement meurtriĂšres pour l’attaquant. Cependant de nouveaux bataillons, serrĂ©s en masse dans le dĂ©filĂ©, et conservant entr’eux quelque distance, dĂ©bouchent et se dĂ©ploient h droite et b gauche des premiers; puis arrivent au galop quelques escadrons pour gagner les ailes. Et quand enfin les troupes qui ont passĂ© sont en nombre suffisant, elles abordent l’ennemi b la baĂŻonnette et le forcent b abandonner dĂ©finitivement le terrain. Dans ce passage de dĂ©filĂ© en avant, la cavalerie peut avoir b se former en bataille, par un mouvement processionnel, aussi bien d’un cĂŽtĂ© que de l’autre ; il faut donc qu’elle soit accoutumĂ©e b manƓuvrer par inversion , afin de ne pas hĂ©siter dans une occasion aussi importante, oĂč le succĂšs dĂ©pend d’une rapide exĂ©cution. Les manƓuvres par inversion, qu’on Ă©vite autant qu’on le peut dans l’infanterie , doivent ĂȘtre familiĂšres a la cavalerie, qui est appelĂ©e b se former avec la rapiditĂ© de l’éclair, en avant et sur les cĂŽtĂ©s, qu’elle ait la droite ou la gauche en tĂȘte. Elle perdrait tousses avantages si elle Ă©tait retenue par les lĂ©gers inconvĂ©nients qui peuvent DËS MARCHÉS ET DES MANOEUVRES. 121 rĂ©sulter de l’inversion. Si, par exemple , au sortir du dĂ©filĂ© elle n’avait de place pour se dĂ©ployer qu’à la droite de l’infanterie, elle devrait, pour se former le plus promptement possible, exĂ©cuter la manƓuvre par inversion sur la gauche en bataille, en supposant qu’elle arrivĂąt la droite en tĂȘte. Mais , si elle n’est pas habituĂ©e Ă  celte manƓuvre , il serait dangereux de l’exĂ©cuter pour la premiĂšre fois sous le feu de l’ennemi ; le commandant de la cavalerie devrait donc continuer sa marche jusqu’à ce que toute sa colonne fĂ»t dĂ©masquĂ©e, et se former ensuite Ă  gauche en bataille; et, s’il a sur son flanc une batterie ou de la cavalerie ennemie, il est Ă  craindre qu’il n’achĂšve pas sa manƓuvre sans dĂ©sordre ; en tout cas, il aura perdu du temps, ce qui est toujours fĂącheux. Il est donc extrĂȘmement essentiel que la cavalerie soit exercĂ©e Ă  se former en bataille par inversion tout aussi facilement que dans Vordre naturel. Bien des troupes ont reçu de notables Ă©checs pour n’avoir pas su combattre dans l’ordre inverse. Quelles que soient les circonstances qui s’offrent dans un passage de dĂ©filĂ©, et quelque parti qu’on prenne, on ne doit jamais laisser les bagages s’engager dans le dĂ©filĂ© avant de s’ĂȘtre rendu maĂźtre du dĂ©bouchĂ© , ou du moins avant d’avoir gagnĂ© beaucoup de terrain , afin que dans le cas d’un revers la retraite des troupes ne soit pas interceptĂ©e. On conçoit, en effet, quel Ă©pouvantable dĂ©sordre s’introduirait dans une colonne qui, refoulĂ©e par la tĂȘte et harcelĂ©e sur ses flancs parles tirailleurs ennemis, rencontrerait au fond de la vallĂ©e un amas de chariots occupant toute la largeur du passage , et dont les conducteurs auraient pris la fuite et dĂ©telĂ© leurs chevaux. On laissera donc les bagages Ă  l’entrĂ©e du dĂ©filĂ© jusqu’à ce que l’armĂ©e, ou le corps quelconque dont la colonne est composĂ©e, l’ait dĂ©passĂ©; ou , si le dĂ©filĂ© est d’une grande longueur, on les fera suivre Ă  plusieurs lieues de distance. Avec cette prĂ©caution on pourra toujours, en cas de mouvement rĂ©trograde , faire retourner les voitures assez Ă  temps pour que la marche des troupes n’en soit pas arrĂȘtĂ©e. 122 DES MARCHES ET DES MANOEUVRES. Le passage d’un dĂ©filĂ© de quelqu’iniportance exige de la part de l’avant-garde un redoublement de vigilance et de prĂ©cautions, mĂȘme lorsqu’on croit que l’ennemi ne s’y trouve pas ; car il peut revenir par des chemins latĂ©raux et tomber sur vous Ă  l’improviste. L’avant-garde fera donc reconnaĂźtre le dĂ©filĂ© en se faisant prĂ©cĂ©der Ă  bonne distance par un dĂ©tachement de cavalerie, et en faisant soigneusement fouiller les bois de droite et de gauche par ses llanqueurs. Elle n’y entrera elle-mĂȘme que par corps sĂ©parĂ©s, Ă  une certaine distance les uns des autres, afin que s’il arrivait malheur au premier, les autres ne fussent pas enveloppĂ©s dans sa disgrĂące, mais pussent au contraire lui porter du secours. Tous ces corps se rĂ©uniront au dĂ©bouchĂ© ; ils y stationneront jusqu’à ce que les Ă©claireurs aient suffisamment battu le terrain environnant pour ĂȘtre bien sĂ»r qu’il n’y a Ă  craindre aucune attaque. Il y a Ă©galement des prĂ©cautions Ăą prendre lorsqu’on franchit un dĂ©filĂ© en le prenant par le travers. Cela a lieu, par exemple, lorsqu’un chemin descend au fond d’un ravin, pour remonter de l’autre cĂŽtĂ© , dans une direction plus ou moins oblique au cours d’eau. Si le plateau que l’on quitte est plus bas que celui vers lequel on se dirige, l’ennemi pourrait y ĂȘtre en bataille sans qu’on le vĂźt, tout comme aussi il pourrait avoir dressĂ© quelqu’embuscade dans le ravin mĂȘme , quand les localitĂ©s s'v prĂȘteraient. Il faut donc, avant d’engager l’avant-garde dans un bas-fonds, fouiller le ravin en dessus et en dessous du passage, jusqu’à une assez grande distance, pour ĂȘtre bien sur qu’il n’y a rien Ă  craindre par lĂ . Et les dĂ©tachements qui ont fait cette exploration doivent rester sur place jusqu’à ce que toute la troupe aitdĂ©lilĂ©, afin de couvrir les lianes de la colonne contre toute attaque inopinĂ©e. Ils passeront les derniers et viendront rejoindre l'avant-gĂ rde sur l’autre plateau. Pendant que les flanqueurs se rĂ©pandent dans le ravin , on envoie de l’autre cĂŽtĂ© quelques Ă©claireurs qui s’avancent avec beaucoup de prudence , surtout quand le pays est fourrĂ©. Ces Ă©claireurs sont suivis DES MARCHES ET DES MANOEUVRES. 125 par l’extrĂȘme avant-garde qui s’arrĂȘte sur le bord du ravin jusqu'Ă  ce qu’elle sache Ă  quoi s’en tenir sur l’ennemi. On l’appuie par un Ă©chelon intermĂ©diaire, pendant que le reste de l’avant-garde attend en deçà du dĂ©filĂ© que toutes les formalitĂ©s soient remplies avant de s’y engager. Sur ces entrefaites , les premiĂšres troupes se sont portĂ©es en avant, celles Ă©chelonnĂ©es les ont rejointes, et les flanqueurs ont fouillĂ© le ravin Ă  une distance suffisante; alors l’avant-garde traverse promptement le dĂ©filĂ©, et arrive sur le plateau opposĂ©, oĂč elle trouve les premiers dĂ©tachements qui se sont dĂ©ployĂ©s et l’attendent. Si le terrain offre quelque localitĂ© avantageuse pour battre le fond du ravin ou le bord opposĂ© , on y met les piĂšces en batterie et on les y laisse jusqu’à ce que la colonne ait traversĂ© le dĂ©filĂ© ; elles s’y engagent aprĂšs et sont suivies de la troupe qui leur est plus particuliĂšrement attachĂ©e comme escorte, puis enfin des flanqueurs qui, ainsi que nous l’avons dit, restent dans le bas jusqu’à ce que tout ait passĂ©. A mesure que ces troupes arrivent de l’autre cĂŽtĂ© , elles se rangent en bataille pour reprendre ensuite leur ordre de marche. Lorsque la colonne principale arrivera au mĂȘme endroit, elle se fera Ă©galement prĂ©cĂ©der d’un petit dĂ©tachement, et elle ne traversera le ravin que lorsqu’elle le verra de l’autre cĂŽtĂ©. Mais pour Ă©viter le retard qui doit en rĂ©sulter lorsque le ravin est large et profond , l’avant-garde laissera un poste de quelques hommes sur le bord pour faire signe que l’on peut passer sans danger. La colonne s’engagera aloĂ©s dans le ravin et le franchira sans autre formalitĂ©. Passage des ponts .—Les ponts sont des dĂ©filĂ©s d’une moindre longueur, mais qui exigent aussi quelques prĂ©cautions de la part de toute troupe, grande ou petite, qui doit s’y engager; ils prĂ©sentent des difficultĂ©s sĂ©rieuses lorsqu’ils sont dĂ©fendus et qu’il faut en forcer le passage. Lorsque l’ennemi ne se trouve pas lĂ  pour faire rĂ©sistance, 124 DES MARCHES ET DES MANOEUVRES. les mesures Ă  prendre sont les mĂȘmes que pour tout autre dĂ©filĂ© de peu de longueur l'extrĂȘme avant-garde s’arrĂȘte en deçà, en se couvrant autant que possible par les accidents de terrain que peuvent offrir les localitĂ©s, jusqu’à ce que ses Ă©claireurs aient suffisamment battu les environs sur la rive opposĂ©e. Les cavaliers chargĂ©s de cette tĂąche traversent le pont au grand trot, et, Ă  sa sortie , ils se partagent en trois groupes, dont le premier continue Ă  marcher avec prĂ©caution sur la route, en faisant le tour des maisons, des jardins, des bouquets de bois qui la bordent ; et dont les deux autres se portent Ă  droite et Ă  gauche pour explorer la campagne. Lors- qu’aprĂšs quelques minutes d’attente, rien n’annonce la prĂ©sence de l’ennemi, l’extrĂȘme avant-garde traverse le pont et va rejoindre rapidement ses Ă©claireurs. Pendant ce temps l’avant-garde a fait halle Ă  quelque distance du pont; ses flanqueurs de droite et de gauche qui sont arrivĂ©s sur les bords de la riviĂšre, en suivent le cours, soit pour dĂ©couvrir ce qu’il peut y avoir de l’autre cĂŽtĂ©, soit pour gagner le pont. Ils passent les premiers, Ă  la suite de l’extrĂȘme avant-garde, pour reprendre leur rĂŽle de flanqueurs de l’autre cĂŽtĂ© de la riviĂšre. Ce n’est que lorsqu’ils sont Ă  leur distance ordinaire que l’avant-garde peut continuer sa route; et toujours doit-elle franchir le pont au pas accĂ©lĂ©rĂ© et en serrant autant que possible, afin de mettre moins de temps Ă  passer le dĂ©filĂ©. Il est bon de laisser quelque intervalle entre les troupes qui prĂ©cĂšdent et celles qui suivent l’artillerie, pour faire passer celle-ci au trot quand son tour est venu. Plus vite elle sera dĂ©gagĂ©e et mieux cela vaudra, en tout Ă©tat de cause. AussitĂŽt que le passage est effectuĂ©, le commandant de l’avant-garde doit envoyer son rapport au gĂ©nĂ©ral, afin que celui-ci sache Ă  quoi s’en tenir. Alors, quand le corps principal arrive sur les lieux, il peut franchir le pont sans dĂ©lai; il fera seulement une halte de quelques minutes pour donner le temps Ă  ses Ă©claireurs et Ă  ses flanqueurs de passer et de reprendre leurs postes respectifs. DES MARCHES ET DES MANOEUVRES. 125 Quand l’ennemi occupe le pont, il est quelquefois fort difficile de le dĂ©loger. C’est lorsque le pont est long, que la rive opposĂ©e est plus haute que celle qu’on occupe, qu’on a affaire h une troupe nombreuse et pourvue d’artillerie. Le passage du pont de Lodi par l’armĂ©e française, en 1796, devant dix mille Autrichiens, est cĂ©lĂšbre dans les fastes militaires et a Ă©tĂ© un des premiers fondements de la gloire de l’empereur NapolĂ©on. L’artillerie joue un rĂŽle important dans l’attaque d’un pont, parce qu’avant d’engager les troupes dans le dĂ©filĂ©, il faut Ă©loigner l’ennemi de son dĂ©bouchĂ© par un feu supĂ©rieur. Si la rive opposĂ©e est basse, on fait usage de tout ce qu’on peut rĂ©unir de bouches Ă  feu ; mais si elle est Ă©levĂ©e, on en est rĂ©duit Ă  n’employer que les obusiers, et, pour peu que la rĂ©sistance soit sĂ©rieuse, il y a peu de chances de succĂšs. Dans ce dernier cas il faut avoir recours Ă  la ruse, et aprĂšs avoir fait faire des dĂ©monstrations d’attaque par l’avant-garde, diriger la colonne sur un autre point et passer la riviĂšre soit Ă  guĂ©, soit sur un pont. Mais cette opĂ©ration devant faire le sujet d’un article spĂ©cial, nous n’en parlerons point ici; nous nous renfermerons dans l’attaque directe du pont qui arrĂȘte la marche de la colonne. L’avant-garde suffira peut-ĂȘtre h le forcer, s’il a peu de longueur et qu’il ne soit gardĂ© que par peu de troupes. Dans le cas contraire, elle fait halte, et les officiers d’état-major reconnaissent le terrain, cherchent des guĂ©s ou d’autres ponts dans le voisinage, en attendant le corps principal. Quoiqu’il en soit, les rĂšgles Ă  suivre sont toujours les mĂȘmes. On emplace, comme il vient d’ĂȘtre dit, le plus avantageusement possible et de maniĂšre Ă  croiser les feux sur le dĂ©bouchĂ© du pont, toute l’artillerie du corps en marche. On la fait appuyer par une chaĂźne de tirailleurs qui bordent la riviĂšre et cherchent h dĂ©monter les batteries ennemies. C’est lĂ  que des carabiniers exercĂ©s rendront d’utiles services, surtout lorsque la riviĂšre est assez large pour rendre incertain le tir de la 126 DES MARCHES ET DES MANOEUVRES. mousqueterie. Pendant que durent ces attaques prĂ©alables et indispensables, les troupes d’infanterie dĂ©signĂ©es pour forcer le passage prennent leurs dispositions en se couvrant autant que cela est possible, des plis de terrain, des habitations, des bois ou des broussailles qui se rencontrent au bord de la riviĂšre. Il faut s’arranger de maniĂšre que celte infanterie puisse traverser rapidement le pont et charger l’ennemi avec impĂ©tuositĂ©. On la met donc en colonne serrĂ©e dans chaque bataillon et sur un front aussi large que le permet le dĂ©filĂ©. Le premier bataillon ainsi formĂ© s’avance, passe la ligne des tirailleurs, se prĂ©cipite sur le pont, le traverse au pas de course, culbute le peu de soldats ennemis qui se trouveraient encore Ă  l’autre bout et se dĂ©ploie Ă  quelques pas du dĂ©bouchĂ©. Si cette premiĂšre masse rĂ©ussit, une seconde accourt Ă  son soutien , se place Ă  cĂŽtĂ© d’elle , et toutes deux gagnent du terrain; une troisiĂšme est bientĂŽt lĂ  pour les appuyer, et le reste de la troupe vient successivement se mettre en ligne. Mais il peut arriver que la premiĂšre troupe soit repoussĂ©e ; alors les chefs la rallient et la lancent de nouveau contre l’ennemi si elle hĂ©site c’est le moment de payer de leur personne; un drapeau Ă  la main, ils courent aux premiers rangs ; leur prĂ©sence ranime les les plus braves soldats se rallient Ă  eux, les autres les suivent, et le passage est forcĂ©. 11 est Ă©vident que sans de puissants motifs, sans un intĂ©rĂȘt majeur attachĂ© Ă  la marche rapide du corps, on n’entreprendrait pas une opĂ©ration aussi pĂ©rilleuse ; on prĂ©fĂ©rerait perdre un peu de temps pour chercher un passage sur quel- qu’autre point. Quoiqu’il en soit, et dĂšs que l’infanterie a pris position sur la rive opposĂ©e, l’artillerie Ă©largit son champ de tir et bat les ailes de l’ennemi, jusqu’à ce qu’elle soit masquĂ©e et qu’il y ait du danger pour nos propres troupes Ă  continuer le feu. Alors elle se forme en colonne, quitte la rive et passe le pont au trot pour aller occuper de l’autre cĂŽtĂ© quelque position d’oĂč elle puisse saluer les troupes ennemies qui sont DES MARCHES ET DES MANOEUVRES. 127 dĂ©jĂ  en pleine retraite. La cavalerie n’a point attendu ce moment pour se porter en avant; aussitĂŽt qu’elle a vu jour Ă  se placer et qu’elle a pu compter sur un appui suffisant de l’infanterie , elle s’est Ă©lancĂ©e au galop et est venue menacer les flancs de l’ennemi. Ou bien, profitant de quelque guĂ©, elle aura tournĂ© la position pendant que l’infanterie l’attaquait de front. Le reste des troupes qui, pendant l'affaire, s’étaient tenues hors de la portĂ©e du canon et avaient pris quelques dispositifs pour le cas d’un revers, se reforment en colonne et traversent le pont poursuivre les premiĂšres qui dĂ©jĂ  se sont remises en route. Passage des bois. — Lorsqu’une colonne de marche a de grandes forĂȘts Ă  traverser, elle ne peut s’y engager qu’aprĂšs qu’elles ont Ă©iĂ© convenablement fouillĂ©es, tant sur les cĂŽtĂ©s que sur le front et Ă  une distance telle qu’on n’ait plus de crainte de voir arriver inopinĂ©ment l’ennemi en grandes forces. Dans cette circonstance, c’est l’infanterie qui doit Ă©clairer l’armĂ©e ; la cavalerie ne reprendra son rĂŽle que lorsqu’on sera sorti de ces forĂȘts oĂč elle ne peut rien , et que le pays s’ouvrira de nouveau. C’est ici le cas de renforcer les flan- queurs d’une ou de plusieurs patrouilles intermĂ©diaires pour Ă©tablir leur liaison avec la colonne. Si le bois a peu d’étendue, l’avant-garde attend pour le traverser que ses Ă©claireurs soient parvenus de l’autre cĂŽtĂ© ; mais, dans le cas contraire, cela la retarderait trop ; elle ne fera qu’une halte d’un quart- d'heure ou d’une demi-heure avant de pĂ©nĂ©trer dans la forĂȘt, et elle se fera prĂ©cĂ©der de deux ou trois petits dĂ©tachements qui formeront comme autant d’échelons pour soutenir l’extrĂȘme avant-garde dans le cas oĂč elle serait attaquĂ©e ; alors ils se replieraient les uns sur les autres jusqu’à ce qu’ils fussent en force de rĂ©sister. Si le bois est occupĂ© par l’ennemi, on envoie les tirailleurs qui, Ă  la faveur des couverts que le terrain peut offrir, s’approchent insensiblement de la lisiĂšre, par la droite et par la 128 DES MARCHES ET DES MANOEUVRES. gauche. L’arlillerie les suit h une certaine distance; elle se place au centre, dirige ses feux obliquement, et oblige les dĂ©fenseurs Ă  chercher un abri dans le fourrĂ©. Alors les tirailleurs courent s’emparer des premiers arbres. Ce pas fait, et quand l’avant-garde est ainsi maĂźtresse de la lisiĂšre , l’ennemi ne peut plus tenir longtemps, Ă  moins qu’il n’ait fait des abatis dans l’intĂ©rieur. Mais ces espĂšces de retranchements ne s’étendent pas bien loin, et il est d’autant plus facile de les tourner, que la forĂȘt elle-mĂȘme masque le mouvement qu’il faut faire pour cela. Ainsi on ne lardera pas Ă  ĂȘtre dĂ©finitivement maĂźtre du bois. On en chassera plus promptement les dĂ©fenseurs, s’il est accessible Ă  de petites colonnes qui, tout en soutenant les tirailleurs, se prĂ©senteront partout oĂč il v aura de la rĂ©sistance et croiseront le bois dans toutes les directions , au bruit des fanfares. Si le bois est susceptible d’ĂȘtre tournĂ© , la cavalerie, qui ne peut rendre aucun service dans l’intĂ©rieur, ira se porter au delĂ  pour menacer les communications de l’ennemi et prĂ©cipiter sa retraite. On peut encore , lorsque le bois a Ă©tĂ© balayĂ©, lancer quelques escadrons au galop sur la route qui le traverse , lesquels, dĂ©bouchant dans la plaine pĂȘle-mĂȘle avec les fuyards , changeront leur retraite en pleine dĂ©route. Passage des riviĂšres. — Le plus grand obstacle qu’on puisse rencontrer dans les marches, c’est une riviĂšre non guĂ©a- ble, dont les ponts sont rompus, et derriĂšre laquelle l’ennemi est postĂ©. Il y a toujours lĂ  une perte de temps d’autant plus considĂ©rable que les difficultĂ©s Ă  surmonter sont d’une nature plus grave et qu’on a plus de peine Ă  se procurer les bateaux nĂ©cessaires pour le passage et pour l’établissement des ponts. Lorsque la colonne est suivie d'un Ă©quipage de pontons, cela peut suffire pour traverser une petite riviĂšre ; mais lorsque le fleuve Ă  franchir est large, il faut avoir recours aux rĂ©quisitions et chercher dans le pays mĂȘme les bateaux et tous les DES MARCHES ET DES MANOEUVRES. 129 bois nĂ©cessaires. Mais , de façon ou d'autre , en petit comme en grand, qu’il s’agisse d’un seul corps ou d’une armĂ©e entiĂšre , l’opĂ©ration doit toujours ĂȘtre conduite d’aprĂšs les mĂȘmes principes que nous allons dĂ©velopper ici. Le passage se fait par ruse , ou de vive force , et le plus souvent en employant les deux moyens rĂ©unis; il ne peut ĂȘtre tentĂ© qu’aprĂšs que les olliciers de l'Ă©tat-major ont fait la reconnaissance de la riviĂšre pour trouver l’endroit le plus favorable, lequel doit, en gĂ©nĂ©ral, offrir une rive dominante enveloppant par un circuit bien prononcĂ© la rive opposĂ©e, et se trouver dans le voisinage de quelqu’allluent qui permette de faire arriver facilement les bateaux. On cherche Ă  dissimuler scs projets et Ă  donner le change Ă  l’ennemi; on fait des prĂ©paratifs en tout autre endroit que celui oĂč l’on veut jeter le pont; et, quand tout est prĂȘt pour l’opĂ©ration , on s’approche tout il coup du vĂ©ritable point de passage. A l’aube du jour, des batteries, avantageusement placĂ©es sur des parties dominantes de la rive qu’on occupe , croisent leurs feux de l’autre cĂŽtĂ©, balayent les environs, chassent ou forcent Ă  se cacher les dĂ©tachements qui s’y trouvent. Je dis les dĂ©tachements, car une pareille opĂ©ration ne se tenterait pas impunĂ©ment devant de grandes forces. Pendant ce temps des bateaux descendent le cours de l’affluent oĂč ils Ă©taient d’abord cachĂ©s; ils arrivent et se remplissent de soldats. Ces premiĂšres troupes se portent rapidement sur la rive ennemie, et s’y Ă©tablissent du mieux qu’elles peuvent, en profitant des plis de terrain, des broussailles , haies ou clĂŽtures qu’offrent les localitĂ©s. L’artillerie croise ses feux en avant d’elles et les met Ă  meme de rĂ©sister Ă  des forces bien supĂ©rieures. Pendant que ces troupes combattent et cherchent h se maintenir, les bateaux en vont chercher de nouvelles. Il y a un double avantage Ă  ces transports successifs on augmente l’audace des soldats qui ont dĂ©jĂ  passĂ©, en leur ĂŽtant momentanĂ©ment toute pensĂ©e de retraite et en leur donnant l’assurance d’un prompt secours. A chaque 9 i50 DES MARCHES ET DES MANOEUVRES, dĂ©barquement, la position de l’attaquant s’amĂ©liore ; vient enfin le moment oĂč, dĂ©cidĂ©ment supĂ©rieur, il bat la charge , pousse vivement l’ennemi et va prendre position en avant. L’artillerie cesse son feu quand il offre du danger pour les troupes qui sont sur l’autre rive ; elle va, en appuyant Ă  droite ou Ă  gauche, se placer sur quelque plateau d’oĂč elle dĂ©couvre au loin et d’oĂč elle puisse balayer la campagne de l’autre cĂŽtĂ© du fleuve. Quand les choses en sont Ă  ce point et qu’on est dĂ©cidĂ©ment maĂźtre des deux rives , on fait arriver les bateaux ou les pontons destinĂ©s Ă  la construction du pont et on les jette avec la plus grande cĂ©lĂ©ritĂ©, sans toutefois que le passage par bateaux soit interrompu un seul moment. En mĂȘme temps, les officiers du gĂ©nie tracent les ouvrages de fortification qui couvriront le pont et en assureront la possession pour le cas d’une retraite, jusqu’au moment oĂč les Ă©vĂ©nements del a guerre permettront de supprimer cette communication. Une telle mesure de prudence n’est jamais de trop, quelle que soit la supĂ©rioritĂ© dont on jouisse. Le pont doit s’établir en amont de l’affluent, pour n’ĂȘtre point exposĂ© aux avaries qui pourraient rĂ©sulter du choc des bateaux qu’un accident aurait privĂ© de leurs conducteurs et que le courant entraĂźnerait. Ceci est pourtant contraire Ă  ce qui se pratique dans la ConfĂ©dĂ©ration; le rĂšglement des pontonniers prescrivant de faire descendre les bateaux pour les mettre en place ; mĂ©thode plus prompte , il est vrai, bonne pour un exercice, mais chanceuse Ă  la guerre. Quand le pont est achevĂ© , l’artillerie, la cavalerie et le reste de l’infanterie, dĂ©filent en colonne et vont se poster au delĂ . Nous appuierons ces prĂ©ceptes de l’exemple suivant, extrait de la relation du passage de la Limmat par Dedon. En 1799, le gĂ©nĂ©ral MassĂ©na occupait la rive gauche de cette riviĂšre et celle du lac de Zurich. De l’autre cĂŽtĂ© Ă©tait le gĂ©nĂ©ral Korsakoff Ă  la tĂȘte de l’armĂ©e russe, qui ne tenait pas une DES MARCHES ET DES MANOEUVRES. 131 ligne moins Ă©tendue. ConformĂ©ment aux principes, MassĂ©na, voulant marcher en avant et reprendre l’offensive pour s’opposer Ă  la jonction du marĂ©chal Souwarovv qui descendait des Alpes, dirigea ses efforts sur le centre de la ligne ennemie, et choisit pour cela le point deDielikon, Ă©galement Ă©loignĂ© de Zurich et de Baden. La riviĂšre forme en cet endroit un repli considĂ©rable dont la convexitĂ©, tournĂ©e vers la rive gauche, permettait d’établir des batteries Ă  feux croisĂ©s. La rive droite est basse et commandĂ©e par la rive gauche; les postes ennemis qui l’ocupaient une fois repoussĂ©s, les bois qu’on y trouve Ă©taient tout Ă  l’avantage de l’attaquant. La plaine oĂč l’ennemi avait son principal poste pouvait ĂȘtre balayĂ©e dans tous les sens par le canon. Tels Ă©taient les avantages de ce point de passage ; voici quels en Ă©taient les inconvĂ©nients. Il n’y avait aucune Ăźle protectrice pour dĂ©charger les bateaux et les lancer Ă  l’eau, ni confluent oĂč on put les rassembler et donner un abri pour rembarquement des premiĂšres troupes. A ces difficultĂ©s se joignait celle de faire venir les bateaux sur chariots, depuis Bremgarten, par un chemin trĂšs-Ă©troit, mauvais et presque partout encaissĂ© , au travers des collines qui sĂ©parent la Reuss de la Limmat. Il avait fallu tirer ces bateaux de la premiĂšre de ces deux riviĂšres, la seconde n’en pouvant point fournir sans donner l'Ă©veil Ă  l’ennemi qui Ă©tait campĂ© par dĂ©tachements tout le long de ses bords. Il y avait, en particulier, tout prĂšs du point de passage, un corps de 2,000 grenadiers qu’il fallut repousser avant de commencer les ponts. On ramassa donc des bateaux et des nacelles sur la Reuss et le lac de Zug; on alla mĂȘme en chercher jusqu’au lac de NeuchĂątel ; avec beaucoup de peine on n’en put rĂ©unir que trente-sept, qui furent portĂ©s en deux convois jusqu’à DiĂ©- likon et cachĂ©s derriĂšre un petit bois de sapins situĂ© Ă  quelque distance de la riviĂšre. Quant aux bateaux destinĂ©s Ă  la construction du pont, on les prit Ă  Rottenschwyll oĂč on les laissa jusqu’au dernier moment. L32 I> MARCHES T>ES MANOEUVRES. Pendant qu’on s'occupait de ccs prĂ©paratifs Ă  DiĂ©tikon , le gĂ©nĂ©ral Soult se disposait Ă  passer la Linth, non loin de son embouchure dans le lac de Zurich. Ce passage devait aussi ĂȘtre vĂ©ritable ; mais, pour diviser et dĂ©tourner l’attention de l’ennemi, on fit Ă  Brugg,prĂšs du confluent de la Limmat et de l’Aar, les prĂ©paratifs les plus ostensibles. LĂ , tous les ouvriers Ă©taient en mouvement; on Ă©quipait en forme de ponts volants deux des plus grands bateaux du lac de Lucerne ; on construisait des radeaux; on faisait des rĂ©quisitions d’agrĂšs , de rames, etc. Enfin j on rĂ©ussit complĂštement Ă  donner le change Ă  l’ennemi. La veille du jour fixĂ© pour le passage, le colonel Dedon fit replier le pont de RotlenschWyll et descendre les bateaux jusqu’à Bremgarten, oĂč ils furent chargĂ©s sur des voilures et conduits par terre jusqu’à DiĂ©tikon ; ils y arrivĂšrent Ă  l’entrĂ©e de la nuit et restĂšrent chargĂ©s jusqu’au moment de l’attaque. Quant la nuit fut bien close, les barques destinĂ©es au passage des troupes furent portĂ©es silencieusement Ă  bras d’hommes jusqu’au bord de la riviĂšre, et les canons distribuĂ©s sur le bord de maniĂšre Ă  protĂ©ger efficacement l’opĂ©ration et Ă  porter des obus dans le camp ennemi. Le commandant de l’artillerie, le colonel Foy, le mĂȘme qui s’est acquis depuis une si grande cĂ©lĂ©britĂ© Ă  la tribune , avait en outre placĂ© une forte batterie en face du village d’Oilwyll, pour intercepter le chemin de WĂŒrenlos Ă  Zurich, par lequel les secours pouvaient arriver aux deux mille grenadiers. L’artillerie avait pris ses dispositions avec tant d’ordre et de silence que non-seulement les postes russes, mais encore les troupes françaises en bataille Ă  la rive gauche ne l’aperçurent pas. Les troupes destinĂ©es au passage s’étaient de mĂȘme rangĂ©es en silence et dans le plus grand ordre, Ă  cinquante pas du rivage. Une forte rĂ©serve Ă©tait placĂ©e entre DiĂ©tikon et Schlieren, pour s’opposer au retour offensif que la garnison de Zurich aurait pu tenter pendant l’opĂ©ration du passage. DES MARCHES ET DES MANOEUVRES. 133 Tous ces dispositifs nocturnes Ă©tant achevĂ©s , chacun Ă©tant Ă  son poste, et le crĂ©puscule commençant Ă  poindre, les bateaux furent lancĂ©s Ă  l’eau malgrĂ© la hauteur du rivage; les troupes d’avant-garde abordĂšrent promptement la rive droite au nombre de six cents hommes et chassĂšrent deux cents cosaques qui Ă©taient sur le bord de la riviĂšre en avant-poste. Le canon se fit entendre , mais son feu ne dura pas longtemps parce qu’il aurait pu incommoder les troupes qui gagnaient du terrain et se portaient en avant en battant la charge. DĂšs lors on se borna Ă  accĂ©lĂ©rer le passage successif de l’infanterie dans les barques. DĂšs que le succĂšs du dĂ©barquement fut assurĂ© et que les troupes furent assez en forces de l’autre cĂŽtĂ© pour se maintenir contre les deux mille hommes qu’elles avaient en tĂȘte, on fit avancer au grand trot l’équipage de pont qui, jusque-lĂ , Ă©tait restĂ© au village de DiĂ©tikon, et les travaux du pont furent commencĂ©s aussitĂŽt; la lĂ©gion helvĂ©tique y fut employĂ©e et s’y distingua. En deux heures et demie le pont fut terminĂ©, ainsi que le chemin et la rampe qui y conduisaient ; et dĂ©jĂ  huit mille hommes d’infanterie Ă©taient de l’autre cĂŽtĂ© , parce que les transports n’avaient pas cessĂ© pendant toute la durĂ©e de la construction du pont. L’artillerie lĂ©gĂšre, la cavalerie et le restant de l’infanterie dĂ©filĂšrent promptement sur ce pont; et, quatre heures aprĂšs l’avoir commencĂ© , toutes les troupes se trouvaient rĂ©unies sur le plateau de Fahr, qui domine la rive droite. Il n’y a rien de plus instructif que la relation de ce passage de riviĂšre, qui a si bien rĂ©ussi pour avoir Ă©tĂ© trĂšs-bien conduit. C’est pourquoi je l’ai rapportĂ© avec quelques dĂ©tails ; et je l’ai fait d'autant plus volontiers que la scĂšne s’est passĂ©e sur un théùtre qui nous est connu. La tĂȘte de pont que les Français construisirent alors, existe encore maintenant. Ce n’est pas toujours avec des bateaux que l’on passe des riviĂšres, des radeaux peuvent suffire Ă  cet effet Annibal sut bien s en contenter pour franchir le RhĂŽne dans sa plus grande 154 des marches des manoeuvres. largeur ; et il avait dans son armĂ©e un grand nombre d’élĂ©phants qui, indĂ©pendamment de leur masse, offraient encore, par leur rĂ©sistance Ă  monter sur les radeaux, une difficultĂ© de pins Ă  surmonter. Les radeaux ont cela d’avantageux, que les boulets de l’ennemi ne peuvent pas les couler h fond, et que l’on trouve toujours du bois pour leur construction, soit dans les forĂȘts voisines , soit dans la dĂ©molition de quelques habitations. Et d’ailleurs, si l’on Ă©tait obligĂ© de faire venir de loin les bois nĂ©cessaires, leur transport sur des voitures est plus facile et sujet Ă  beaucoup moins d’accidents que celui des bateaux. La main-d’Ɠuvre est peu de chose pour monter les radeaux il suffit de lier ensemble des poutres ou des troncs de sapins ou de peupliers bois lĂ©gers et de les recouvrir de planches. Cependant, on cherchera toujours Ă  se procurer quelques bateaux, ou nacelles, pour faire passer des troupes plus promptement sur la rive ennemie et faciliter l’établissement des radeaux. Le pont se construit aussi avec des chevalets ; c’est lorsque la riviĂšre n’a pas un cours bien rapide et que le fond n’en est pas trop inĂ©gal. Le fameux pont de la BĂ©rĂ©zina en 1812, Ă©tait sur des chevalets. Les Suisses, dans leurs guerres d’Italie , se servirent quelquefois de ponts suspendus, en cordes, pour franchir les nombreuses riviĂšres dont ce pays est coupĂ©. Il est assez curieux de trouver dans des opĂ©rations de guerre et chez un peuple agreste , la premiĂšre idĂ©e d’un genre de construction rĂ©putĂ© nouveau, et qui s’est si fort rĂ©pandu depuis quelques annĂ©es. On peut quelquefois employer des moyens, imaginer quel- qu’artifice , pour rendre le passage moins meurtrier quand .les forces considĂ©rables sont employĂ©es Ă  le dĂ©fendre. Ainsi Charles XII, voulant passer la Dwina devant les Russes qui venaient de s’affaiblir parun gros dĂ©tachement, fit construire des barques d'une nouvelle invention , dont les bords trĂšs-Ă©levĂ©s servaient, Ă  la fois, de parapet pour couvrir les soldats pendant la traversĂ©e, et de pont-levis pour aborder DES MARCHES ET DES MANOEUVRES. 135 plus facilement sur la rive. Il fit en outre , avant de tenter le passage, allumer une grande quantitĂ© de paille mouillĂ©e, dont l’épaisse fumĂ©e , chassĂ©e sur l’ennemi par un vent favorable , devait masquer en grande partie le mouvement des nacelles, et cacher le point d'abordage. Cela lui rĂ©ussit complĂštement; il n’eut que trĂšs-peu Ă  souffrir du tir incertain de l’artillerie russe ; il s’empara de la rive et en chassa les dĂ©fenseurs. Ce passage fut suivi de la conquĂȘte de la Courlande et de plusieurs autres pays. Si la riviĂšre est guĂ©able, ce qu’on a de mieux Ă  faire est de la passer sans pont, et le plus tĂŽt possible. Ce mouvement audacieux rĂ©ussit presque toujours, mĂȘme contre des forces imposantes, parce qu’il intimide l’ennemi et donne du montant aux assaillants. Lors de l’invasion du Portugal par le gĂ©nĂ©ral Junot, la route se trouvait coupĂ©e par un ravin large et profond, avec une petite riviĂšre dans le bas, dont le pont avait Ă©tĂ© rompu le gĂ©nĂ©ral Labordc s’apercevant que ses soldats hĂ©sitaient et commençaient Ă  murmurer, descend de cheval et se prĂ©cipite au milieu de l’eau Apprenez mes enfants, leur dit-il, comment on passe les riviĂšres sans pont. C’est la meilleure leçon qu’on puisse donner pour des cas semblables; cependant il ne faudrait pas non plus aller se jeter en Ă©tourdi dans des difficultĂ©s si grandes qu’on ne pĂ»t pas en sortir. Car il ne suffit pas que la riviĂšre soit guĂ©able pour s’y prĂ©cipiter, il faut encore que la rive opposĂ©e soit abordable ; si elle est trĂšs-escarpĂ©e et fortement marĂ©cageuse, vous ĂȘtes singuliĂšrement compromis pour peu que l’ennemi conserve de sang-froid et sache apprĂ©cier les avantages de sa si. tuation. Dans ce cas, il est prĂ©fĂ©rable de faire halte pour reconnaĂźtre la riviĂšre et chercher quelqu’autre passage en amont et en aval, tout en ayant l’air de vouloir l’eirectuer Ă  l’endroit oĂč l’on se trouve. L’ennemi, incertain , se divise pour garder les diffĂ©rents points menacĂ©s, et rend par-lĂ  l’opĂ©ration moins chanceuse. Il n’est pas non plus sans importance de consulter le temps il est des riviĂšres torrentueuses qui, 156 DES MARCHES ET DES MANOEUVRES, Ă  la moindre pluie, se gonflent si rapidement, que vous courriez le plus grand danger de voir vos soldats entraĂźnĂ©s et engloutis par le courant, ou vos colonnes coupĂ©es en deux , si vous hasardiez un semblable passage par un temps de pluie. Il est bien essentiel de songer h prendre ce genre d'informations avant d’arriver sur les lieux. Quoiqu’il en soit, ces passages se font en colonne plutĂŽt que dans l’ordre dĂ©ployĂ©, d’abord parce que les guĂ©s n’ont qu’une Ă©tendue limitĂ©e, ensuite parce qu’il s’agit bien plus d’aborder l’ennemi que d’échanger avec lui une fusillade qui serait sans rĂ©sultat. Cependant, quand la riviĂšre est partout guĂ©able, on peut, comme NapolĂ©on auTagliamento, en 1797, embrasser plus d’espace, et mettre quelques bataillons dĂ©ployĂ©s entre les colonnes il donna l’ordre que chaque rĂ©giment formĂąt deux colonnes serrĂ©es avec les bataillons des ailes et dĂ©ployĂąt celui du centre pour nourrir le feu et se prĂ©senter Ă  l’ennemi sur un plus grand front. Mais, en gĂ©nĂ©ral, le passage Ă  guĂ© d’une riviĂšre, comme toute autre attaque de vive force , se fait en colonne. Plus le guĂ© a de largeur et plus le passage devient facile , parce qu’on forme un plus grand nombre de colonnes et qu’on aborde l’ennemi sur un front plus Ă©tendu. Les dĂ©ploiements sont alors prompts et la crise abrĂ©gĂ©e. La cavalerie doit passer en amont pour rompre le courant; et c’est encore une excellente prĂ©caution de faire une seconde chaĂźne de cavaliers en aval du passage, pour arrĂȘter et sauver les hommes que le courant pourrait entraĂźner. Si l’ennemi a pris quelques mesures pour embarrasser le guĂ© avec des abalis, des herses de laboureurs, etc. , on se fait prĂ©cĂ©der par quelques hommes qui, armĂ©s de fourches, de grilles en fer ou autres instruments, et sous la protection d’un feu vif, purgent le guĂ© de ces obstacles qu’une reconnaissance prĂ©alable a signalĂ©s. On recommande encore de traverser le guĂ© en Ă©charpe pour se prĂ©senter obliquement au courant et lui donner moins de prise, mais la colonne ne peut pas ĂȘtre DES MARCHES ET DES MANOEUVRES. 157 comparĂ©e h une digue ; les hommes qui la composent laissent entre eux des intervalles par lesquels l’eau s’échappe. DĂšs lors, chaque individu a Ă  soutenir Ă  peu prĂšs le mĂȘme effort que si la colonne traversait la riviĂšre perpendiculairement. Il n’y a peut-ĂȘtre d’autre avantage rĂ©el Ă  prendre cette direction oblique que de faciliter le dĂ©ploiement sur l’autre rive. C’est une vĂ©ritable attaque de front dans l’ordre oblique, telle qu’Alexandre l’a employĂ©e dans son fameux passage du Granique. L’historien dit qu’il avait disposĂ© trĂšs- habilement ses troupes pour le passage , eu Ă©gard Ă  la nature du lieu il les avait conduites Ă  travers le fleuve en biaisant, pour ne pas trouver l’ennemi prĂȘt Ă  les assaillir au moment oĂč elles toucheraient l’autre bord. ArrivĂ©e de la colonne levant l’ennemi .—Le gĂ©nĂ©ral, aussitĂŽt qu’il est prĂ©venu de la prĂ©sence de l’ennemi, se porte rapidement Ă  l’avant-garde pour reconnaĂźtre ses forces et sa position, ainsi que le terrain sur lequel il doit lui-mĂȘme manƓuvrer et combattre. Il a avec lui le commandant de l’artillerie, et au moins un officier supĂ©rieur de chacun des corps qui composent la colonne; en sorte qu’aprĂšs avoir arrĂȘtĂ© ses dispositifs, en consĂ©quence de ce qu’il a vu, il peut donner Ă  chacun directement les ordres concernant leurs propres corps, et leur faire connaĂźtre sommairement les dispositions de la bataille et le rĂŽle qu’ils y joueront. Cependant les troupes qui composent la colonne font halte sur la route, aprĂšs avoir envoyĂ© quelques bataillons pour renforcer l’avant-garde, si cela est nĂ©cessaire; et, en attendant les ordres, elles se serrent en masse pour occuper le moins longueur possible. Les bagages restent en arriĂšre, et la cavalerie qui les escortait file Ă  cĂŽtĂ© du chemin et vient se place Ă  la queue de l’infanterie. L’artillerie de bataille est dans le centre de la colonne, et les caissons de rĂ©serve s’en approchent assez pour qu’on puisse y recourir en cas de besoin. Le commandant du parc en a la surveillance , et il les rassemble dans l’endroit oĂč ils seront le moins exposĂ©s. 158 DES MARCHES ET DES MANOEUVRES, Ainsi formĂ©e et n’occupant plus qu’un espace considĂ©rablement diminuĂ©, la colonne peut s’avancer encore, soit sur la route, soit en prenant telle autre direction plus ou moins oblique qui lui serait indiquĂ©e; et, si la bataille ne doit pas se livrer le mĂȘme jour, elle arrivera ainsi sur le terrain oĂč elle bivouaquera; elle s’y dĂ©ploiera, allumera ses feux et attendra le lendemain. Mais quand le gĂ©nĂ©ral envoie l’ordre de se prĂ©parer au combat, la colonne s’arrĂȘte de nouveau et se subdivise en plusieurs autres colonnes partielles qui vont se placer Ă  droite et Ă  gauche de la route Ă  distance de dĂ©ploiement. Supposons, pour fixer les idĂ©es, qu’il s'agisse de la division fĂ©dĂ©rale que nous avons formĂ©e en colonne de marche dans l’art. 1 de ce chapitre les deux bataillons restants de la brigade qui fait tĂȘte de colonne se sont portĂ©s rapidement en avant pour soutenir l’avant-garde. Il reste donc trois brigades en colonne serrĂ©e sur la route, avec douze piĂšces d’artillerie entre la seconde et la troisiĂšme. Pour prendre l’ordre prĂ©paratoire au combat, la premiĂšre de ces brigades se portera par le flanc Ă  droite de la route jusqu’à la distance de 800 mĂštres, qui est celle nĂ©cessaire au dĂ©ploiement, comme on le voit Ă  la figure 8 e . L’artillerie restera sur la roule formĂ©e par batteries. La seconde brigade fera par le flanc gauche et ira prendre sa place de l’autre cĂŽtĂ© du chemin, aussi Ă  800 mĂštres de distance. C’est plus qu’il ne fauta 1’arlillcric pour se mettre en bataille, puisqu’à 60 mĂštres par batterie il lui suffirait de 180 Ă  200 mĂštres, y compris les intervalles; mais, outre que la seconde brigade pourra aussi bien se dĂ©ployer Ă  droite qu’à gauche s’il est nĂ©cessaire de boucher un vide, il convient de laisser de l’espace Ă  l’artillerie pour qu’elle puisse choisir la place oĂč son effet sera le mieux assurĂ©. La troisiĂšme brigade restera aussi sur la route derriĂšre l’artillerie, soit pour se dĂ©ployer en seconde ligne, soit pour se tenir prĂȘte Ă  renforcer une des ailes. Enfin le peloton de cavalerie, s’il vaut la peine d’en faire mention, se placera en rĂ©serve derriĂšre celte brigade qui sera rejointe plus tard par le bataillon qu’elle avait laissĂ© Ă  l’arriĂšre-garde. DES MARCHES ET DES MANOEUVRES. IĂŽ0 La division se portera en avant lorsque ces dispositions seront terminĂ©es, et elle entrera sur son champ de bataille dans cet ordre prĂ©paratoire. Elle y trouvera la brigade d’avant- garde dĂ©jh en position. Il ne lui faudra pas plus d’un quart d’heure pour se former en bataille, chaque brigade faisant sa manƓuvre isolĂ©ment et ne devant pas mettre plus que cela Ă  dĂ©ployer ses quatre bataillons. Nous venons d’indiquer le dernier terme de la marche offensive ; les mouvements qui se font ensuite constituent les manƓuvres proprement dites; en tant qu’elles s’exĂ©cutent par des marches, elles se rattachent indirectement au sujet que nous traitons dans ce chapitre ; mais nous en parlerons ailleurs, et nous nous contenterons de dire pour le moment qu’elles doivent ĂȘtre simples, rapides, et ne jamais exposer la troupe qui les exĂ©cute Ă  ĂȘtre attaquĂ©e avant d'ĂȘtre en mesure de se dĂ©fendre. En rĂ©sumĂ©, nous dirons encore que c’est par les marches de roule qu’on exĂ©cute les plans de la stratĂ©gie sur le grand théùtre des opĂ©rations, que ce sont les marches-manƓuvres qui prĂ©parent la victoire et les manƓuvres proprement dites qui la dĂ©cident. §3. — Ses Marches de Flahg. En rĂšgle gĂ©nĂ©rale, il ne faut jamais prĂȘter le flanc ; mais il est des circonstances oĂč non-seulement on ne peut pas l’éviter, mais oĂč une marche de flanc est ce qu’il y a de plus convenable, et oĂč il faut se prĂ©senter ainsi momentanĂ©ment pour atteindre un but important. Tel serait le cas oĂč un corps ne pourrait opĂ©rer sa jonction avec d’autres qu’en longeant les positions de l’ennemi, et oĂč il y aurait urgence Ă  ce qu’il arrivĂąt promptement et par le plus court chemin pour prendre part Ă  une grande bataille. Ce serait appliquer faussement la rĂšgle que de faire un long dĂ©tour pour ne pas prĂȘter 140 DES MARCHES ET DES MANOEUVRES. le flanc, car l’inconvĂ©nient d’arriver trop tard est pire que celui qu’on aurait Ă©vitĂ©. A la guerre il n’y a aucun principe absolu, toute rĂšgle a ses exceptions, et, bien qu’en gĂ©nĂ©ral on ne doive pas exĂ©cuter des mouvements de flanc, il arrive ce* pendant quelquefois dans les marches-manƓuvres qu’une colonne se trouve dans cette position. Il faut donc dire ici quelles sont les prĂ©cautions dont elle doit user pour se mettre Ă  l’abri de tout Ă©vĂ©nement fĂącheux. Le plus grand danger que la colonne ait h courir Ă©tant d’ĂȘtre attaquĂ©e sur son flanc pendant sa marche, on doit placer du cĂŽtĂ© de l’ennemi un fort dĂ©tachement qui suivra la colonne parallĂšlement h sa direction et Ă  une distance assez rapprochĂ©e pour rester continuellement en rapport avec elle et ne pas se compromettre. Il faut qu’il puisse ĂȘtre promptement renforcĂ© ou soutenu, suivant le besoin. Une distance d’une demi-lieue serait dĂ©jĂ  considĂ©rable ; cependant on ne peut en fixer la limite , parce qu’elle dĂ©pend des circonstances et de la nature des localitĂ©s. C’est ordinairement l’avant-garde qui devient corps flanquant dans une marche de flanc; mais il est bon de l’augmenter de quelques bataillons, parce qu’elle court plus de chances d’ĂȘtre attaquĂ©e que dans une marche en avant, et qu’il est encore plus nĂ©cessaire qu’elle puisse maintenir sa position contre une attaque sĂ©rieuse. Ainsi, par exemple, pour notre division fĂ©dĂ©rale, nous mettrions une brigade entiĂšre d'infanterie au corps flanquant, tandis que la moitiĂ© nous a suffi pour l’avant-garde ; nous y laisserions l’artillerie et la cavalerie dans les mĂȘmes proportions. Le corps flanquant aura son avant-garde , son arriĂšre- garde et ses propres flanqueurs, chacun de ces dĂ©tachements envoyant en avant de lui et sur le cĂŽtĂ© un nombre suffisant d’éclaireurs pour que toute surprise soit impossible. La colonne principale n’a plus besoin que d’une petite avant-garde, qui marche Ă  quelques centaines de pas de la tĂȘte ; elle est suivie de son arriĂšre-garde ordinaire qui, toutefois, s’en est rapprochĂ©e davantage. j'V *-*L't .3&WÏ$' *v sbÂŁ& —ïrsĂŠ^srsirac . 4 ' ^ ' "‱‱?,‱ '**&*- i*^*rc ^T-ttC,.- ,-W^ /'/ /U DES MARCHES ET DES MANOEUVRES. 141 Les bagages sont encore plus embarrassants dans cette circonstance que de coutume il faut, ou les renvoyer sur les derriĂšres de l’armĂ©e par un dĂ©tour qui les Ă©loigne de l’ennemi , ou, si cela est possible , les faire cheminer parallĂšlement h la colonne, du cĂŽtĂ© opposĂ© Ă  celui oĂč une attaque est Ă  craindre et de maniĂšre Ă  ce qu’ils soient toujours couverts. Telles sont les dispositions gĂ©nĂ©rales de la marche de flanc elles sont retracĂ©es dans la ligure 9 e , oĂč M indique la position de l’ennemi supposĂ© Ă©tabli sur quelque hauteur ; À est la colonne principale , avec son avant-garde a , et son arriĂšre- garde a'; B est le corps flanquant, ayant aussi une avant-garde particuliĂšre b , et une arriĂšre-garde b 1 , avec un dĂ©tachement de flanqueurs b" du cĂŽtĂ© de l’ennemi. Les Ă©claireurs ne sont que sur le flanc droit, parce qu’il n’y a pas de motif d’en avoir h gauche. Les bagages D sont censĂ©s marcher sur une route parallĂšle Ă  celle que suit la colonne. Pour ce qui est des dispositions particuliĂšres et intĂ©rieures, il faut qu’à chaque instant la colonne, aussi bien que le corps flanquant, soient en mesure de recevoir l’attaque; et pour cela il est indispensable que les colonnes soient formĂ©es Ă  distance entiĂšre pour que, par un simple Ă  droite de toute les subdivisions la ligne de bataille soit promptement formĂ©e. Marcher dans un ordre parfait et conserver ses distances comme Ă  la manƓuvre,sontlesconditionsnĂ©cessairesdes marches de flanc, et c’est ce qui les rend d’une exĂ©cution difficile. Ce serait un contre-sens dans cette occasion de marcher en colonne serrĂ©e, ou seulement Ă  demi-distance comme dans les autres marches manƓuvres , puisqu’il faudrait, pour recevoir l’ennemi, changer de direction et se dĂ©ployer sur la tĂȘte des colonnes , ce qui prendrait nĂ©cessairement beaucoup de temps. En gĂ©nĂ©ral, marche-t-on droit Ă  l'ennemi, il faut se serrer autant que possible sans cependant que les manƓuvres en soient gĂȘnĂ©es; le cotoye-t-on, il faut, au contraire , se former Ă  distance entiĂšre et garder soigneusement ses intervalles. 142 UES MARCHES ET DBS MANOEUVRES» Si le corps flanquant trouve en chemin quelque dĂ©filĂ© latĂ©ral, par lequel l’ennemi pourrait dĂ©boucher, et qui n’exige pas trop de monde pour le garder, tel que serait un pont, une chaussĂ©e entre marais, un village, etc., il y laisse un dĂ©tachement qui reste lĂ  jusqu’à ce que la colonne ait dĂ©filĂ© et vient ensuite rejoindre ou remplacer l’arriĂšre-garde. Cette mesure de prĂ©caution serait inutile dans un pays ouvert, puisque ces petits dĂ©tachements ne suffiraient pas Ă  leur objet, et que lĂ  d’ailleurs les surprises ne sont pas aussi Ă  craindre que dans un pays coupĂ©. C'est surtout dans les montagnes et en cĂŽtoyant les riviĂšres que les dĂ©bouchĂ©s latĂ©raux doivent ĂȘtre convenablement occupĂ©s. Il va sans dire que si on peut dĂ©rober une marche de flanc, soit Ă  la faveur d’un brouillard ou de la nuit, soit en profitant de quelque accident de terrain qui empĂȘche l’ennemi de s’apercevoir de ce mouvement, cela vaudra toujours mieux que de la faire Ă  dĂ©couvert. Toutefois il n’en faut pas moins protĂ©ger la marche par un corps dĂ©tachĂ©; et si celui-ci rencontre les patrouilles ennemies, il doit prendre ses mesures pour soutenir une attaque vigoureuse de maniĂšre Ă  faire croire que tout le corps d’armĂ©e est lĂ . Pendant ce temps, la colonne gagne du terrain sans se laisser dĂ©tourner de son but, et, lorsqu’elle est assez Ă©loignĂ©e pourn’ĂȘtre plus en prise, le dĂ©tachement abandonne sa position et se retire lestement en suivant, s’il le faut, une autre direction que la colonne, pour aller, plus tard, la rejoindre par un dĂ©tour. L’ennemi ne le poursuivra pas bien loin, parce qu’il prĂȘterait lui-mĂȘme le flanc aux troupes qui l’ont dĂ©passĂ©. C’est surtout dans les marches de flanc qu’il est nĂ©cessaire d’avoir des renseignements exacts sur la qualitĂ© des routes et sur la nature des obstacles qu’on y rencontrera ; car dans ces marches le moindre retard peut devenir fatal. Si donc on apprend qu’il y a quelque dĂ©filĂ© Ă  passer, on envoyĂ© d’avance ce qu’il faut de troupes pour l’occuper et empĂȘcher l’ennemi de s’en emparer. Sans cette prĂ©caution la colonne pourrait DES MARCHES ET DES MANOEUVRES. 143 ĂȘtre arrĂȘtĂ©e h ce dĂ©filĂ©, et le combat qu’elle serait obligĂ©e de livrer .pour le forcer, indĂ©pendamment du temps qu'il lui ferait perdre, l’exposerait encore Ă  attirer sur elle des forces considĂ©rables. Lorsqu’en 1809 l’empereur NapolĂ©on, voulant concentrer son armĂ©e sur la rive droite du Danube entre Ratisbonne et Augs- bourg, fit exĂ©cuter ces belles marches manƓuvres qui seront Ă©ternellement admirĂ©es, le marĂ©chal Davoust dut, avec un corps de 30,000 hommes environ, faire une marche de flanc pour se diriger de Ratisbonne Ă  Neustadt, devant les Autrichiens qni Ă©taient dans les environs de Rohr en grandes forces et commandĂ©s par l’archiduc Charles. Il exĂ©cuta cette marche pendant la nuit ; son corps Ă©tait composĂ© de quatre divisions d’infanterie et de deux divisions de cavalerie, une de cuirassiers, l’autre de chasseurs ; il fit marcher celle-ci sur sa gauche pour couvrir le mouvement, et il la renforça de quelques bataillons d’infanterie. Les quatre divisions de cette arme furent partagĂ©es en deux colonnes qui marchĂšrent parallĂšlement Ă  la chaussĂ©e , Ă  environ une demi-lieue de distance , la plus Ă©loignĂ©e de l’ennemi dĂ©bordant l’autre et formant Ă©chelon, de maniĂšre Ă  pouvoir l’appuyer si elle Ă©tait attaquĂ©e, ou opĂ©rer avec les troupes postĂ©es Ă  Neustadt la jonction qui Ă©tait le but de la marche. Les cuirassiers Ă©taient rĂ©partis entre ces deux colonnes pour Ă©clairer le pays. Les bagages et le parc de rĂ©serve suivirent la chaussĂ©e qui longe la rive droite du Danube ; ils Ă©taient ainsi couverts par les deux colonnes et par l’avant-garde. Le dĂ©filĂ© d’Abbach, par lequel les bagages devaient passer, avait Ă©tĂ© occupĂ© dĂšs le soir par un bataillon d’infanterie. Et, comme l'ennemi se montrait aussi en forces sur la rive gauche, le marĂ©chal avait laissĂ© une forte arriĂšre-garde dans Ratisbonne pour en dĂ©fendre les portes aussi longtemps que possible. Au matin ces colonnes furent attaquĂ©es, et, aprĂšs avoir combattu vaillamment Ă  Tann, elles se rĂ©unirent aux troupes de la ConfĂ©dĂ©ration germanique qui formaient le centre de 1 ar- 144 DES MARCHES et des MANOEUVRES. mĂ©e, pendant que l’aile droite, sous les ordres de MassĂ©na , marchait d’Augsbourg sur le mĂȘme point, en menaçant le flanc gauche et les derriĂšres de l’armĂ©e autrichienne. Ce que le marĂ©chal Davoust a fait dans celte circonstance doit ĂȘtre imitĂ© toutes les fois que le corps appelĂ© Ă  exĂ©cuter une marche de flanc est nombreux, et que le pays est assez ouvert pour qu’on puisse former deux colonnes. La plus Ă©loignĂ©e de l’ennemi marchera la premiĂšre, et les autres viendront ensuite, de maniĂšre Ă  s'Ă©chelonner et h se prĂȘter mutuellement secours. Si l’ennemi s’avance contre la premiĂšre, il est pris en flanc par les autres ; s’il attaque la derniĂšre, celles qui prĂ©cĂšdent sont en mesure de la soutenir. C’est ce que montre clairement la figure 10 e , dans laquelle M,M reprĂ©sente l’armĂ©e ennemie en position ; A est l’avant-garde ou corps flanquant; B, C, D trois colonnes dans lesquelles on suppose que le corps d’armĂ©e a pu se subdiviser. Ces colonnes se dĂ©bordent d’environ toute leur longueur, et elles sont censĂ©es avoir la gauche en tĂȘte , de maniĂšre que par un Ă  droite en bataille, elles se trouvent formĂ©es en Ă©chelon face Ă  l’ennemi; et, au premier moment, il n’y a que l’échelon de droite qui soit engagĂ©. 11 peut ou tenir ferme si sa position est bonne, en attendant que le second le rejoigne, ou se retirer Ă  la hauteur de celui-ci. Les bagages E peuvent filer sur la mĂȘme route que la colonne D , ou suivre, si cela est possible, une ligne encore plus Ă©cartĂ©e. La distance d’une colonne Ă  l’autre peut ĂȘtre fixĂ©e d’un quart de lieue h une demi-lieue. Le premier Ă©chelon serait trop compromis si les autres en Ă©taient plus Ă©loignĂ©s. La marche de flanc en plusieurs colonnes est un de ces cas oĂč il peut convenir de se frayer un chemin avec la hache et la pioche, afin de les tenir Ă  une convenable distance. C’était autrefois une chose trĂšs-commune que d’ouvrir des marches de cette maniĂšre, parce que les colonnes restaient trĂšs-rapprochĂ©es pour manƓuvrer; mais depuis que les armĂ©es ont repris la mobilitĂ© qui leur convient, on y a presque t I “t B 3 Ă  j ÜBaUSSOiJÜAÜG 'tIU f i j 113 3 S j ^lamasoii TICS MARCHES ET DES MANOEUVRES. 1 A' entiĂšrement renoncĂ©. On voit cependant NapolĂ©on Ă  lĂ©na faire pratiquer, pendant la nuit qui prĂ©cĂ©da la bataille, plusieurs chemins pour transporter son artillerie et faciliter le dĂ©ploiement des troupes. Le roi de Prusse, qui avait affaire Ă  une armĂ©e peu man- ƓuvriĂšre , avait coutume d’arriver sur elle par une marche de flanc, H formait la sienne en deux colonnes rompues par pelotons, de telle sorte que par un Ă  droite ou un Ă  gauche en bataille, toute l’armĂ©e se formait sur deux lignes en un clin d’Ɠil. A cet effet, il changeait de direction dans le voisinage de l’ennemi, Ă  la faveur de quelque rideau et couvert par son avant-garde. Ces longues colonnes couraient le risque d’ĂȘtre attaquĂ©es en tĂȘte, et elles l'auraient Ă©tĂ© souvent si les armĂ©es adverses eussent Ă©tĂ© plus lestes. Le roi de Prusse, pour remĂ©dier Ă  ce grave inconvĂ©nient, a quelquefois doublĂ© ses lignes et en a fait quatre colonnes disposĂ©es par centre et par ailes, chacune de ces colonnes faisant partie des deux lignes, comme l’indique la ligure 11 e . Les deux colonnes du centre A,À sont composĂ©es en entier d’infanterie ; une moitiĂ© de chaque colonne est pour la premiĂšre ligne, l’autre moitiĂ© pour la seconde ligne. La colonne B de cavalerie et la colonne C de la mĂȘme arme, Ă©galement partagĂ©es en deux parties pour former les deux lignes, occuperont les deux ailes de l’ordre de bataille. Une avant-garde D couvre la tĂȘte des colonnes et masque leur mouvement ; une arriĂšre-garde E vient Ă  la suite pour se placer en rĂ©serve derriĂšre les deux lignes. Quand il est question de dĂ©ployer les colonnes, on leur fait faire un changement de direction Ă  droite ou Ă  gauche, suivant le plan qui a Ă©tĂ© arrĂȘtĂ© ; il est Ă  droite dans la figure. Les deux moitiĂ©s de la colonne B de cavalerie tournent donc Ă  droite pour se porter en B',B' et former l’aile droite, chacune sur son terrain. Les autres font halte. Lorsque la colonne B a dĂ©fdĂ©, la premiĂšre colonne A du centre tourne aussi Ă  droite, chaque moitiĂ© se portant dans la ligne quelle 10 146 MARCHES Et DES MANOÉCVftfĂźS. doit occuper en A',A'. Viennent ensuite l’autre colonne du centre, et l’aile gauche C qui va se placer en C',C'. L’arriĂšre-garde prend la diagonale pour aller occuper la place E'; et l’on dispose de l’avant-garde D pour renforcer une des ailes quand le mouvement qu’elle doit couvrir est achevĂ©. Cette maniĂšre d’entrer sur un champ de bataille, quoique impraticable devant un ennemi entreprenant, a eu trop de cĂ©lĂ©britĂ© par les victoires du Grand FrĂ©dĂ©ric, pour n’en pas parler ici, en tant qu’elle se rattache aux marches de flanc. g 4. — Des Marches en retraite. Une retraite se fait, ou volontairement lorsque l’armĂ©e est encore intacte ; ce n’est alors qu’une simple marche en arriĂšre, qui n’exige pas d’autres prĂ©cautions que les marches ordinaires ; ou bien elle se fait aprĂšs une bataille perdue, et exige de la part de celui qui la dirige toute l’expĂ©rience et la fermetĂ© d’un militaire consommĂ©. Nous ne parlerons que de ce dernier cas. L’essentiel dans une retraite c’est de gagner du terrain pour se soustraire Ă  la poursuite de l’ennemi. Il faut donc faire des marches forcĂ©es et profiter de la nuit pour prendre de l’avance. Les marches de nuit sont sans inconvĂ©nient dans cette circonstance, parce que les embuscades ne sont pas Ă  craindre pour celui qui se retire, puisqu’il traverse un pays dont il est maĂźtre. Le marĂ©chal de Turenne', aprĂšs avoir Ă©tĂ© battu Ă  Mariendal, se dĂ©fendit jusqu’à la nuit Ă  la faveur du terrain ; et, profitant de l’obscuritĂ©, il continua sa marche sans ĂȘtre suivi de prĂšs, parce que les ImpĂ©riaux, dans la crainte des embuscades, voulurent attendre le jour. On rĂ©ussit quelquefois Ă  cacher le dĂ©part en laissant dans la position qu’on vient de quitter des feux allumĂ©s avec quel- DES MARCHES IiT DES MANOEUVRES. 147 Jues hommes pour les entretenir et faire croire que le bivouac est encore occupĂ©. Ces faibles dĂ©tachements se mettront eux-mĂȘmes en route Ă  la pointe du jour et Ă©chapperont aisĂ©ment par leur lĂ©gĂšretĂ©. Quand on a le projet de gagner ainsi quelques heures par une marche de nuit, il faut, autant que possible, Ă©tablir le bivouac derriĂšre quelque rideau qui en masque la vue h l’ennemi, et ne laisser en Ă©vidence sur les collines que les troupes nĂ©cessaires pour montrer qu’on est lĂ . En les Ă©tendant plus que de coutume et en doublant les feux, elles paraĂźtront plus nombreuses et le stratagĂšme rĂ©ussira. Lorsque par un moyen quelconque on a pris de l’avance, il faut la conserver, mĂȘme quand on devrait faire le sacrifice de quelques bagages pour marcher plus lestement; dans un tel moment c’est moins aux voitures qu’aux hommes qu’on doit songer. Cependant on ne nĂ©gligera rien pour sauver le matĂ©riel et surtout celui de l’artillerie. DĂšs que le gĂ©nĂ©ral s’est dĂ©cidĂ© Ă  opĂ©rer sa retraite, il envoyĂ© l’ordre Ă  l’ollicier qui est chargĂ© de la direction des bagages, de prendre les devants par telle route qu’il lui indique, et de hĂąter sa marche autant que possible. Et, comme ces bagages ont dĂ» se tenir Ă  une certaine distance, ils peuvent aisĂ©ment faire quelques lieues avant que le mouvement gĂ©nĂ©ral soit en pleine activitĂ©. En effet, ce n’est pas sans avoii; Ă  surmonter de grandes difficultĂ©s qu’une armĂ©e peut commencer sa retraite en prĂ©sence de l’ennemi, surtout si elle a beaucoup souffert dans le combat. Il faut qu’elle se maintienne du mieux qu’il lui est possible en repoussant les attaques du vainqueur et en ne cĂ©dant le terrain que pied Ă  pied, jusqu’à ce qu’elle ait trouvĂ© quelque position qui la favorise et qu’elle puisse dĂ©fendre jusqu’à la nuit. Il faut que le gĂ©nĂ©ral profite du premier rĂ©pit, pour rassembler ses troupes dĂ©sorganisĂ©es, leur faire prendre quelque nourriture, un peu de repos, pendant qu il expĂ©die ses ordres pour la formation de la colonne de marche 148 DÈS MARCHES ET DES MANOEUVRES; et qu’il compose son arriĂšre-garde. 'Il faut enfin, malgrĂ© l’obscuritĂ©, que chaque corps prenne sa place sur la route assignĂ©e, aprĂšs s’ĂȘlre procurĂ© les moyens de transport pour ses blessĂ©s. Ainsi ce ne sera guĂšre qu’au milieu de la nuit que le mouvement rĂ©trograde pourra commencer. Si l’on se trouvait dans la dure nĂ©cessitĂ© d’abandonner des blessĂ©s, on les rassemblerait dans une ou plusieurs maisons, avec un officier de santĂ© et quelques hommes pour les Soigner, et on les recommanderait Ă  la gĂ©nĂ©rositĂ© du vainqueur. Mais on ne doit prendre un tel parti qu’aprĂšs avoir fait tout le possible pour les sauver. Les anciens Suisses, dans leurs nombreuses guerres, emportaient les blessĂ©s sur des hallebardes plutĂŽt que de les laisser sur le champ de bataille, et se relayaient sous un si noble fardeau. 11 est bien des occasions oĂč l’humanitĂ©, autant que l’honneur, peut engager Ă  les imiter. Del’arriĂšre-garde .—Elle doit ĂȘtre composĂ©e des meilleures troupes, ou de celles qui ont le moins soulfert. Elle doit ĂȘtre forte en artillerie, parce qu’il n’y a que cette arme pour tenir en respect les corps poursuivants et les obliger Ă  des dĂ©ploiements qui leur font perdre du temps, en mĂȘme temps qu’ils donnent Ă  la troupe qui se retire celui de gagner du terrain, ou d’occuper quelque position avantageuse pour combattre . L’arriĂšre-garde est appelĂ©e Ă  tenir ferme partout oĂč le pays lui est favorable, et, comme le gros de la colonne continue sa route, elle doit souvent en ĂȘtre sĂ©parĂ©e ; il faut donc que sa composition la mette en Ă©tat de se suffire Ăč elle-mĂȘme en toute situation , et de combattre sur toute espĂšce de terrain, Sans qu’on puisse prĂ©ciser sa force , on dira cependant qu’en gĂ©nĂ©ral une arriĂšre-garde est plus nombreuse qu’une avant- garde, et que ce ne serait pas trop d’y employer jusqu’au cinquiĂšme, etmĂȘme au quart du corps-d’armĂ©e auquel elle appartient; car, indĂ©pendamment des combats journaliers qu’elle est appelĂ©e Ă  livrer , le service qu’exige sa sĂ»retĂ© est extrĂȘmement pĂ©nible, parce que les mĂȘmes troupes, par la difficultĂ© UES MARCHES ET UES .MANOEUVRES. 149 qu’il y aurait Ă  les renouveler, sont souvent obligĂ©es de rester Ă  l’arriĂšre-garde jusqu’à ce que la retraite soit accomplie. En marche, l’arriĂšre-garde se subdivise en trois parties qui sont le gros de l’arriĂšre-garde restant rassemblĂ© autant que possible ; l’extrĂȘme arriĂšre-garde qui l’avertit des mouvements de l’ennemi, et lui donne le temps de se disposer Ă  le recevoir; et un dĂ©tachement intermĂ©diaire pour former la liaison avec le corps d'armĂ©e et occuper les dĂ©filĂ©s que l’on doit traverser. En outre, elle est coloyĂ©e par de petits dĂ©tachements de flanqueurs qui la garantissent des surprises et qui amortissent la vivacitĂ© des attaques de la cavalerie ennemie. Le gĂ©nĂ©ral , autant que ses fonctions nombreuses et les soins dont il est chargĂ© le lui permettent, se tient Ă  l’arriĂšre-garde , comme au poste le plus important. Car le salut de son armĂ©e dĂ©pend de la conduite de cette arriĂšre-garde ; et ce n’est que de lĂ  qu’il peut reconnaĂźtre les forces rĂ©elles de l’ennemi et juger de ses intentions ; ce n’est que de lĂ  non plus qu’il peut donner Ă  temps les ordres convenables pour dĂ©jouer ses projets. On voit dans la vie du chevalier Bayard, combien’ce hĂ©ros tenait Ă  honneur de figurer Ă  l’avant-garde dans les mouvements offensifs , et de couvrir lui-mĂȘme, et souvent aux risques de sa personne, la retraite des corps auxquels il Ă©tait attachĂ©. Pour que l’arriĂšre-garde soit toujours prĂȘte Ă  faire front Ă  l’ennemi et Ă  le repousser lorsqu’il s’approche de trop prĂšs , elle doit marcher en ordre, autant, toutefois, que les circonstances le lui permettent, les diffĂ©rents corps conservant entre eux leurs distances et leurs positions- respectives. Que la troupe soit en colonne ou en bataille , serrĂ©e ou Ă  distance entiĂšre, c’est toujours en marchant par le second rang face en arriĂšre qu’elle se relire, quel que soit l’espace Ă  parcourir. Ainsi, chaque fois qu’on se remet enroule aprĂšs une halte, la colonne se forme comme s’il Ă©tait question de marcher du cĂŽtĂ© opposĂ©, et elle ne s'Ă©branle qu’aprĂšs avoir lait face en loO DES MAUCUES ET DES MAJfOËUVIlËS. arriĂšre. De mĂȘme lorsqu’on l’arrĂȘte, on commande face eti tĂȘte, avant de la former en bataille. Cette recommandation , toute simple qu’elle paraisse, n’est pas sans utilitĂ©, pourĂ©viter la confusion qui pourrait rĂ©sulter de ce que les uns marcheraient conformĂ©ment au principe et les autres dans un ordre contraire. Mais ceci ne s’applique qu’aux troupes de l’arriĂšre- garde appelĂ©es Ă  combattre Ă  tous les moments ; celles du corps principal peuvent marcher dans l’ordre naturel. Lorsque le pays est ouvert, l’arriĂšre-garde doit marcher sur plusieurs colonnes, Ă©chelonnĂ©es de maniĂšre Ă  donner le moins de prise possible. Ainsi, par exemple, s'il y a quelque dĂ©filĂ© en arriĂšre de l’aile droite, ce sera la colonne de ce cĂŽtĂ© qui cĂ©dera le plus de terrain pour se rapprocher de ce dĂ©filĂ© qu’il faut occuper; celle de la gauche, se retirera plus lentement et repoussera les coureurs ennemis. Dans les dĂ©filĂ©s, au contraire, toute l’arriĂšre-garde marche sur une seule colonne, h l’exception des flanqueurs qui cherchent toujours Ă  tenir les hauteurs. Les colonnes de l’arriĂšre- garde se forment en carrĂ©s vides ou pleins, lorsqu’ayant Ă  traverser de grandes plaines, elles sont harcelĂ©es par une cavalerie nombreuse ; les carrĂ©s sont vides s’ils sont exposĂ©s Ă  l’artillerie, et pleins dans le cas contraire. Mais, de maniĂšre ou d’autre, ces carrĂ©s doivent toujours ĂȘtre disposĂ©s de maniĂšre Ă  se flanquer mutuellement, et c’est ce qui arrivera tout naturellement si les colonnes sont convenablement Ă©chelonnĂ©es. L’extrĂȘme arriĂšre-garde qui, dans ce cas, forme le dernier Ă©chelon et couvre la marche, doit ĂȘtre composĂ©e de la meilleure cavalerie et d’artillerie lĂ©gĂšre, pour manƓuvrer offensivement contre les corps ennemis qui s’approchent de trop prĂšs. Si elle a affaire Ă  des forces trop considĂ©rables, elle se retire au galop et va se placer sous la protection des colonnes d’infanterie ou dans les intervalles de leurs carrĂ©s. Dans les pays coupĂ©s et fortement accidentĂ©s, c’est au contraire l’infanterie qui couvre la marche , parce qu’elle seule peut y ĂȘtre employĂ©e utilement. Alors la cavalerie prend les DES MARCHES ET DES MANOEUVRES. 151 devants, jusqu’à ce qu’elle trouve un terrain qui lui soit propre et oĂč elle puisse reprendre son service ordinaire. Passage d'un pont en retraite. —S’il se rencontre un pont sur la route, le corps principal, aprĂšs l’avoir traversĂ©, y laissera le nombre de troupes nĂ©cessaire pour le garder jusqu’à l’arrivĂ©e du dĂ©tachement intermĂ©diaire dont nous avons parlĂ©. Celui-ci s’y Ă©tablira et fera ses dispositions pour repousser tout corps ennemi qui s’y prĂ©senterait. Lorsque l’arriĂšre- garde, prĂ©venue de ces dispositions, est Ă  une certaine distance du dĂ©filĂ©, elle se dĂ©ploie pour arrĂȘter le plus longtemps possible l’armĂ©e que nous supposons toujours ĂȘtre Ă  sa poursuite ; et, aprĂšs une rĂ©sistance suilisammenl prolongĂ©e, elle fait une retraite en Ă©chelons ou en Ă©chiquier ; puis elle passe le dĂ©lilĂ© par les deux ailes , et va s’établir sur la rive opposĂ©e, oĂč dĂ©jĂ  une partie de l’artillerie, qui a pris les devants, a Ă©tĂ© occuper les emplacements les plus favorables. L’extrĂȘme arriĂšre-garde fait un dernier effort pour dĂ©fendre l’entrĂ©e du pont, pendant que les sapeurs prĂ©parent tout ce qu’il faut pour le brĂ»ler ou le couper. On place quelques piĂšces pour balayer le pont; on en met d’autres Ă  droite et Ă  gauche pour croiser de feux son avenue. Les tirailleurs, rĂ©pandus sur le bord , contrarient l’établissement des batteries ennemies, et les bataillons cherchent, Ă  la faveur des plis de terrain, Ă  prendre quelque position oĂč, tout Ă  la fois, ils se soustraient aux feux si dangereux de celle artillerie , cl enveloppent le dĂ©bouchĂ© du pont. Un chef qui a du coup-d’Ɠil peut, dans ce cas, Ă©pargner bien des pertes Ă  sa troupe. Si l’on parvient Ă  couper le pont, l’ennemi sera arrĂȘtĂ© plus eu moins longtemps suivant la nature des difficultĂ©s que la riviĂšre peut offrir. Sinon l’arriĂšre-garde, aprĂšs une rĂ©sistance poussĂ©e aussi loin qu’il lui est possible sans se compromettre, se remettra en marche. Le commandant fera d’abord partir les bataillons les plus Ă©loignĂ©s du pont, puis il enverra une partie de son artillerie prendre plus loin de nouvelles b K S MARCHES ET DES MANOEUVRES'. positions d'oĂč elle puisse battre efficacement les environs et surtout la route, et il placera sa cavalerie sur les flancs pour charger les premiĂšres troupes qui voudront se mettre Ă  sa poursuite. Les tirailleurs sont dĂ©ployĂ©s pour couvrir la retraite , Ă  la faveur des haies , des fossĂ©s et de tous les obstacles qu’ils peuvent trouver ; ils forment un long rideau qui masque et protĂšge le mouvement des colonnes. Ces tirailleurs se retirent Ă  mesure que l’ennemi s’avance, mais toujours en disputant le terrain. Lorsque la nuit est venue, et que la poursuite de l’ennemi a cessĂ© , l’arriĂšre-garde allume scs feux , et se livre au repos ; mais elle n’attend pas que le jour ait paru pour se remettre en route ; quelles qu’aient etc les fatigues de la veille, il faut, pour en Ă©viter de plus grandes encore , s’éloigner de l’ennemi, en partant quelques heures avant lui. Dans un moment pressĂ© on peut traverser le pont Ă  la course et sans conserver rigoureusement ses rangs, pourvu qu’on ait soin d’envoyer de l’autre cĂŽte les drapeaux et les guides des diffĂ©rents bataillons avec des officiers d’état-major, pour indiquer aux troupes , Ăč mesure qu’elles arrivent, l’emplacement qu’elles doivent occuper. Il est cependant nĂ©cessaire qu’un pareil mouvement ne se fasse pas tout Ă  fart en tumulte, et que les bataillons sachent dans quel ordre ils doivent passer. En 1811, le marĂ©chal Ney a fait une pareille manoeuvre au combat de Redinha en Portugal. Mais s’il arrivait qu’il y eĂ»t de l’encombrement sur le pont, et que l’artillerie de l’ennemi pĂ»t en mĂȘme temps y diriger ses coups, les pertes seraient Ă©normes et la dĂ©route s’ensuivrait indubitablement. La manƓuvre que nous indiquons ne peut donc ĂȘtre regardĂ©e que comme un pis-aller, et on ne l’entreprendra, ainsi que le fit le marĂ©chal Ney, que lorsqu’il n’y aura plus autre chose a faire, et que pourtant on ne sera pas disposĂ© Ă  mettre bas les armes. Passage des dĂ©files eu relraue .— Si l'extrĂȘme arriĂšre-garde DES MARCHES ET DES MANOEUVRES. 155 sc trouve pressĂ©e par l’ennemi lorsqu’elle est engagĂ©e sur une chaussĂ©e entre des marais, ou des murs qui ne laissent aucun moyen de prendre des mesures dĂ©fensives sur les cĂŽtĂ©s, elle ne peut, Ă©tant composĂ©e de cavalerie, se tirer d’embarras qu'en prenant le trot pour aller rejoindre le gros de l’arriĂšre-garde, et sc mettre sous la protection de son canon. On profile de quelque rĂ©largissement de la chaussĂ©e pour y mettre une ou deux, piĂšces qui balayeront ‱es approches aussitĂŽt que cette cavalerie aura dĂ©filĂ©, et la suivront elles-mĂŽmes dĂšs qu’elles auront produit leur effet. Mais quand l’extrĂȘme arriĂšre-garde est composĂ©e d’infanterie elle ne peut, au contraire , dans le cas supposĂ© , se retirer que trĂšs-lentement, en employant le feu de chaussĂ©e pour amortir l’ardeur des poursuivants, jusqu’à ce que les localitĂ©s permettent d’autres dispositions. Si les cartouches viennent Ă  manquer en ce moment la position est critique; il ne reste d’autres ressources que dans les charges Ă  la bayon- nelte que tentent les derniĂšres troupes pour le salut des autres. Un long dĂ©filĂ© de montagnes est trĂšs-propre Ă  arrĂȘter l’ennemi dans sa poursuite ; mais il faut y entrer avant lui pour y prendre position ; et c’est lĂ  le difficile quand on est suivi de prĂšs. Car ce qui fait votre sĂ»retĂ© quand une fois le gros de la troupe n passĂ©, vous est contraire si l’ennemi vous talonne ; on se prĂ©cipite en foule Ă  l’entrĂ©e du dĂ©filĂ©, et il s’y forme un grand dĂ©sordre dont on ne se dĂ©brouille pas facilement. Cependant ce danger est plus Ă  craindre Ă  l’entrĂ©e d’un pont qu’à celle d’un dĂ©filĂ© de montagnes, parce que le rĂ©trĂ©cissement y est plus brusque. Le passage du pont de la BĂ©rĂ©sina, dans la retraite de Moscou, est un terrible exemple des dangers qu’une troupe vivement poursuivie peut rencontrer Ă  l’entrĂ©e du dĂ©filĂ©. L’arriĂšre-garde doit donc tenir ferme en avant, jusqu’à ce que le corps intermĂ©diaire y ait pĂ©nĂ©trĂ© et sc soit mis en mesure d’en dĂ©fendre l’entrĂ©e. Les bataillons de l’arriĂšre-garde s’y acheminent ensuite les uns aprĂšs les autres, et par intervalles; ils y prennent des positions succĂšs- lo4- DES MARCHES ET DES MANOEUVRES. sives pour protĂ©ger la retraite des derniĂšres troupes et arrĂȘter l’ennemi pour ainsi dire Ă  chaque pas. La cavalerie, qui a dĂ» se retirer des premiĂšres, se hĂąte de passer le dĂ©filĂ© pour aller se former en bataille h son dĂ©bouchĂ© ou dans les petites plaines qu’on y rencontre quelquefois. L’artillerie s’échelonne sur la route en profitant de tous les circuits oĂč elle peut se placer sans ĂȘtre trop exposĂ©e , et d’oĂč elle a un bon champ de tir. L’extrĂȘme arriĂšre-garde se retire en disputant le terrain, sous la protection des corps qui ont occupĂ© lespositions de droite et de gauche ; et quand elle arrive aux batteries et qu’elle les a dĂ©masquĂ©es, celles-ci entrent en jeu et suivent, aprĂšs quelques volĂ©es, le mouvement de retraite. L’arriĂšre-garde profite des instants oĂč l’ennemi est repoussĂ© pour abattre des arbres et les jeter en travers du chemin ; un dĂ©tachement de sapeurs est utile pour cela. Quand le dĂ©filĂ© est trĂšs-resserrĂ© , que d’un cĂŽtĂ© sont les abĂźmes et de l’autre des rochers escarpĂ©s, comme cela se voit presque partout dans nos Alpes, on trouve dans la destruction des ponts et les coupures de la route un excellent moyen de retarder la poursuite de l’ennemi , si ce n’est de l’arrĂȘter complĂštement. On peut encore , dans certains cas , se tirer d’embarras en mettant le feu aux broussailles ou herbes sĂšches qu’on vient de traverser; le vent chassant la flamme du cĂŽtĂ© de l’ennemi, celui-ci devra reculer ou s’arrĂȘter jusqu’à ce qu’elle ait tout consumĂ©. Deux ou trois charrettes rompues sur la route rempliront quelquefois le mĂȘme objet. Enfin, c’est dans de telles localitĂ©s qu’on doit avoir recours aux embuscades et essayer de ces stratagĂšmes dont les anciens faisaient un si frĂ©quent et si heureux usage. Peut-ĂȘtre ces moyens sont-ils un peu trop dĂ©daignĂ©s de nos jours ; il n’y a point de honte Ă  recourir Ă  la ruse quand on est obligĂ© de cĂ©der Ă  la force. A ce sujet je dois recommander la lecture de la retraite des dix mille par XĂ©nophon, comme un des livres les plus instructifs et les plus intĂ©ressants. Si le dĂ©filĂ© dans lequel la retraite s’opĂšre est en communication avec quelque vallĂ©e qui donne Ă  l’ennemi le moyen de DES MARCHES ET DES MANOEUVRES. 155 vous couper le chemin, il est indispensable de faire occuper le dĂ©bouchĂ© de ce dĂ©lilĂ© latĂ©ral jusqu’à ce que les derniers corps l’aient dĂ©passĂ©. Et, en tout cas, ce doit ĂȘtre un motif de ne pas prolonger la rĂ©sistance au delĂ  du temps nĂ©cessaire pour assurer la retraite du corps principal, alĂźn de ne pas donner Ă  l’ennemi celui de vous tourner. Les villages, les bois, sont aussi des dĂ©filĂ©s dont une arriĂšre- garde peut profiter pour gagner du temps ; mais elle ne doit pas s’obstiner Ă  les dĂ©fendre parce quelle finirait par ĂȘtre enveloppĂ©e et sĂ©parĂ©e du corps principal. Elle doit se borner a faire bonne contenance pour obliger l’ennemi Ă  dĂ©ployer ses moyens. Le commandant fait occuper les maisons et les clĂŽtures, ou la lisiĂšre du bois, par une partie de sa troupe, pendant qu’il envoyĂ© le reste au delĂ  pour assurer sa communication avec le corps principal. Sa cavalerie est employĂ©e Ă  balayer le pays Ă  droite et Ă  gauche; elle chasse les patrouilles ennemies et ĂŽte toute inquiĂ©tude de se voir tournĂ©s Ă  ceux qui dĂ©fendent le village ou le bois. L’artillerie trouve ordinairement de bons emplacements dans ces localitĂ©s, oĂč il n’est pas facile de la dĂ©loger. Cependant le commandant ne se laissera pas sĂ©duire par ces avantages et il ordonnera la retraite quand il verra l’ennemi en mesure d’attaquer; il a obtenu ce qu’il voulait en l’obligeant aux lenteurs de ces formalitĂ©s; il retire donc les troupes les plus exposĂ©es et les envoyĂ© prendre des positions plus en arriĂšre, pendant que les autres barricadent les avenues et entravent la marche de l’ennemi, pour suivre ensuite le mouvement gĂ©nĂ©ral. On conçoit que le commandant de l’arriĂšre-garde doit souvent se trouver dans des positions bien difficiles. Il faut donc, pour ĂȘtre Ă  la hauteur de sa mission, qu’il dĂ©ploie tout Ă  la fois beaucoup de fermetĂ© de caractĂšre , de ressources d’esprit et de talents militaires. Il finit qu’il ait la confiance du soldat et que sa bravoure soit apprĂ©ciĂ©e de l’ennemi mĂȘme. S’il n’est pas de poste plus dangereux que celui de l’arriĂšre-garde, c’est aussi le plus honorable le marĂ©chal Ncy s’est acquis une 156 DES MARCHES ET DES MANOEUVRES. gloire immortelle en couvrant la marche de l’armĂ©e française dans la funeste retraite de Russie. Pendant plusieurs semaines, il fut tous les jours aux prises avec l’ennemi, et plus d’une fois il combattit comme un simple grenadier. Les soldats se raconteront longtemps dans leurs bivouacs les hauts faits de celui qui rentra le dernier sur une terre amie, aprĂšs avoir supportĂ©, avec quelques braves, tout ce que la fortune peut accumuler de dangers et de privations sur les dĂ©bris d’une troupe dĂ©sorganisĂ©e, anĂ©antie par les frimais. § 5. — Marche simultanĂ©e de plusieurs Colonnes. Jusqu’à prĂ©sent nous n’avons eu en vue qu’une seule colonne, ou un seul corps d’armĂ©e marchant sur la mĂȘme route. Nous allons maintenant nous occuper de la marche simultanĂ©e de plusieurs corps composant une grande armĂ©e, en supposant que l’ennemi soit dans le voisinage. Nous dirons d’abord que chacune de ces colonnes, pouvant ĂȘtre attaquĂ©e isolĂ©ment et avoir Ă  lutter plus ou moins de temps jusqu’à ce que les autres arrivent Ă  son secours, doit s’astreindre aux mĂȘmes rĂšgles de prudence et se conduire d’aprĂšs les mĂȘmes principes que si elle marchait seule. Ainsi tout ce qui est contenu dans les articles prĂ©cĂ©dents lui est encore applicable elle aura son avant-garde particuliĂšre, scs Ă©claireurs; elle se subdivisera en autant de colonnes partielles que les circonstances pourront le nĂ©cessiter ou les localitĂ©s le permettre; elle choisira ses positions, ses cantonnements, ses bivouacs dans les limites de l’espace dont elle peut disposer; elle frappera les rĂ©quisitions indispensables Ă  la nourriture et Ă  l’entretien de la troupe; elle aura son administration Ă  elle, etc. mais aux conditions de rester toujours en corrĂ©lation avec les autres colonnes et de manƓuvrer vers le mĂȘme but. DES MARCHES ET DES MANOEUVRES. 157 indĂ©pendamment des avant-gardes particuliĂšres dont les diverses colonnes sont prĂ©cĂ©dĂ©es, il y aura un des corps qui prĂ©cĂ©dera les autres et formera comme Favant-garde gĂ©nĂ©rale de toute l’armĂ©e, de mĂȘme qu’un autre peut rester en arriĂšre comme rĂ©serve ou arriĂšre-garde gĂ©nĂ©rale. En sorte que la disposition d’une grande armĂ©e, partagĂ©e en plusieurs corps et marchant sur plusieurs routes est sommairement indiquĂ©e par la figurĂ© 12 É , dans laquelle on a supposĂ© que l’armĂ©e est partagĂ©e en cinq corps et s’avance sur trois directions parallĂšles. La route du milieu est occupĂ©e par trois corps A, B, C, le premier formant l’avant-garde gĂ©nĂ©rale, le second le centre de l’armĂ©e et le troisiĂšme l’arriĂšre-garde gĂ©nĂ©rale, qu’on appellera plutĂŽt rĂ©serve dans cette circonstance. Les deux autres routes sont suivies, chacune par une colonne D ou E , jouant, par rapport Ă  l’armĂ©e entiĂšre, Ă  peu prĂšs le mĂŽme rĂŽle que les flanqueurs dans la marche d’une seule colonne isolĂ©e. Toute l’étendue de terrain embrassĂ©e par les colonnes, c’est- Ă -dire la distance DE, est ce qu’on appelle le front de ta marche. Il est ordinairement de plusieurs lieues, en sorte que toutes espĂšces de circonstances de terrain peuvent s’y rencontrer. C’est cependant une rĂšgle dont on ne doit pas s’écarter, d'Ă©viter de laisser entre deux des obstacles, tels que riviĂšres, lacs, grands marais, chaĂźnes de rochers impraticables, qui empĂȘcheraient les corps de communiquer entre eux et de se secourir en cas d’attaque. Si donc de semblables obstacles se prĂ©sentent en chemin, ou bien l’armĂ©e entiĂšre fait un circuit pour les Ă©viter , ou bien celle des colonnes que cet obstacle sĂ©parerait des autres si elle continuait Ă  marcher dans la mĂŽme direction, appuie Ă  droite ou Ă  gauche pour l’éviter, et vient se placer derriĂšre les corps voisins, jusqu’à ce que, le pays s’élargissant de nouveau, elle puisse reprendre sa place. La figure indique qu’il y a une avant-garde particuliĂšre en tĂšte de chaque corps, et que de plus ceux des ailes ont dĂ©tachĂ© extĂ©rieurement des flanqueurs pour Ă©clairer le pays Ă  1S8 DES MARCHES ET DES MANOEUVRES. droite et Ă  gauche. En sorte que si on a Ă©gard h ces dĂ©tachements , l’armĂ©e s’avance rĂ©ellement sur cinq colonnes. Mais dans la dĂ©signation gĂ©nĂ©rale de la marche , on n’indique que la direction suivie par les corps principaux, et, dans l’exemple actuel, on dit que l’armĂ©e marche en trois colonnes. La distance entre les colonnes qui suivent des routes diffĂ©rentes ne doit pas dĂ©passer deux Ă  trois lieues, sauf les cas d’exception dans lesquels on se trouve quelquefois forcĂ©ment. Ainsi, lorsqu’on peut disposer de plusieurs chemins Ă  peu prĂšs parallĂšles, il ne faut pas que les corps latĂ©raux D et E soient Ă©loignĂ©s de plus de trois lieues du corps central B. À une plus grande distance ils se trouveraient compromis si, Ă©tant attaquĂ©s subitement par des forces trĂšs-supĂ©rieures, ils Ă©prouvaient de la dillicultĂ© Ă  se replier sur les corps en arriĂšre; leur canon ne serait pas entendu, et les autres corps, trop Ă©loignĂ©s, n’auraient pas le temps d’arriver Ă  leur secours. Quant Ă  l’avant-garde gĂ©nĂ©rale A, marchant ordinairement sur la grand’roule et ayant ses derriĂšres bien dĂ©gagĂ©s, elle peut, au besoin, opĂ©rer plus facilement sa retraite sur les corps qui la suivent, elle peut donc aussi se porter Ă  une plus grande distance en avant; je dis plus, elle le doit, puisque sa tĂąche est de dĂ©couvrir rennemi, de reconnaĂźtre ses forces et sa position ; elle se portera donc jusqu’à une marche, huit ou dix lieues, du corps B, ou du moins elle pourra s’avancer jusque-lĂ  sans inconvĂ©nient, sa distance ne pouvant Ăštre[fixĂ©e d’une maniĂšre invariable. La rĂ©serve C restera au moins Ă  trois ou quatre lieues en arriĂšre du corps central, de maniĂšre que celui-ci ait le temps de se dĂ©gager des dĂ©filĂ©s qu’il aura Ă  traverser dans sa marche, avant que l’autre y arrive. La rĂ©serve d’artillerie , le parc, les bagages sont rĂ©unis Ă  la suite de celle des colonnes qui a le moins de probabilitĂ© de rencontrer l’ennemi. Ils sont placĂ©s en F dans la figure. Cependant chaque colonne conserve avec elle ce qui lui est indispensable, en fait de bagages, et le place Ă  la queue sous IES MARCHES ET DES MANOEUVRES. 150 escorte; plus on les en dĂ©barrasse, mieux cela vaut; il en l'este toujours trop. Le gĂ©nĂ©ral en chef se tient habituellement au corps central , parce que c’est de lĂ  qu’il a plus facilement des nouvelles des autres corps et qu’il peut expĂ©dier plus promptement ses ordres. Cela ne l’empĂȘchera pourtant pas de se porter de sa personne au corps d’avant-garde, quand il devra Ă©tudier le terrain avant que l’armĂ©e entiĂšre y arrive, ou voir de prĂšs les dispositions de l’ennemi. Pour que la marche s’exĂ©cute rĂ©guliĂšrement, il est nĂ©cessaire que le commandant de chaque colonne soit instruit sommairement du but que se propose le gĂ©nĂ©ral en chef, et qu’il sache quels sont les corps voisins, qui sont ceux qui le prĂ©cĂšdent ou le suivent, par qui il sera appuyĂ© en cas d’attaque, sur qui il doit se replier s’il rencontre des forces trop supĂ©rieures. Il faut de plus qu’il y ait un Ă©change continuel d’estafettes entre le grand quartier-gĂ©nĂ©ral et les quartiers- gĂ©nĂ©raux des corps d’armĂ©e, pour que, d’une part., le major- gĂ©nĂ©ral , qui expĂ©die les ordres de marche, sache Ă  chaque instant comment ils s’exĂ©cutent, et que, de l’autre, les commandants des corps soient tenus au courant de ce qui se passe et informĂ©s des modifications qui peuvent ĂȘtre apportĂ©es Ă  l’ensemble de l’opĂ©ration. Les ordres transmis aux diffĂ©rents corps de l’armĂ©e française par le marĂ©chal Berthier , dans les marches qui ont prĂ©cĂ©dĂ© les grandes batailles des derniĂšres guerres, sont Ă  cet Ă©gard d’une haute instruction. Il est maintenant facile de comprendre que la disposition que nous venons d’indiquer rĂ©pond Ă  tous les cas qui peuvent se prĂ©senter dans la marche , et donne Ă  l’armĂ©e entiĂšre la facilitĂ© de se concentrer promptement pour livrer bataille. Si elle rencontre l'ennemi en tĂȘte, ce qui est le cas ordinaire, le corps d’avant-garde A fait un mouvement de retraite pour se rapprocher des corps qui le suivent; Ă  moins qu’il ne soit arrivĂ© sur une position importante Ă  garder, auquel cas il fait son possible pour s’y maintenir. Les corps F et E changent 100 DES MARCHES ET DES MANOEUVRES. de direction Ă  droite et h gauche pour se rapprocher du centre , tout en continuant h marcher en avant. Le corps central B se hĂąte d’arriver pour appuyer et doubler le corps A. Les corps latĂ©raux D et E se joindront pour former la seconde ligne. La rĂ©serve C arrivera ensuite et sera employĂ©e Ă  telle destination que le gĂ©nĂ©ral jugera convenable. Ces dispositions sont les plus naturelles, mais elles peuvent ĂȘtre modifiĂ©es de plusieurs maniĂšres ; par exemple, la premiĂšre ligne peut ĂȘtre formĂ©e par un des corps D ou E se joignant Ă  l’avant-garde À, et la seconde ligne par le corps central B et l’autre corps latĂ©ral. On peut mettre trois corps en premiĂšre ligne et deux en seconde, ou deux en premiĂšre et trois en seconde , etc. Cela dĂ©pend des projets ultĂ©rieurs du gĂ©nĂ©ral et du plus ou moins de facilitĂ© qu’il trouve Ă  rĂ©unir d’abord tel ou tel corps h l’avant-garde, en raison des distances , de la nature des chemins , ou de telles autres circonstances qui s’opposent Ă  ce qu’on adopte Ă  la guerre une maniĂšre d’agir uniforme. Et ceci, bien loin d’ĂȘtre un inconvĂ©nient , prĂ©sente un avantage rĂ©el par l’ignorance oĂč l’ennemi se trouve, jusqu’au dernier moment, des dispositifs qui seront pris contre lui. L’ennemi se montre-t-il en forces sur le cĂŽtĂ© et menace-t-il d’attaquer l’armĂ©e par un de ses flancs, tous les corps font tĂȘte de colonne de ce cĂŽtĂ©, et la disposition gĂ©nĂ©rale n’est point changĂ©e il y a toujours un corps d’avant-garde , un d’arriĂšre-garde, un corps central et deux corps pour couvrir les flancs. Si, par exemple , l’armĂ©e doit changer de direction Ă  droite, le corps D forme l’avant-garde , B reste au centre, A et G deviennent corps flanqueurs, et E fait la rĂ©serve. Pour un mouvement de retraite , ou pour attaquer un ennemi qu’on a sur ses derriĂšres, le revirement est complet le corps C devient avant-garde, A arriĂšre-garde ou rĂ©serve, les corps E et D restent flanqueurs, et B corps central. En un mot cette disposition est telle que de quelque cĂŽtĂ© fto/S. 00 mĂštres, ses coups doivent se succĂ©der 188 DES BATAILLES. sans interruption, pour inquiĂ©ter continuellement l’ennemi. De plus prĂšs, on ne tire plus qu’à mitraille. Le plus petit .calibre se met dans les parties les plus avancĂ©es du champ de bataille; le plus gros s’emplace au contraire dans les positions les plus Ă©loignĂ©es, dans les ailes refusĂ©es, sur les hauteurs, partout oĂč il est le moins en prise; sa grande portĂ©e, la justesse de son tir, font qu’on peut ainsi s’en servir et produire les mĂŽmes effets qu’en tirant de plus prĂšs avec un calibre infĂ©rieur. Il y a donc de l’avantage Ă  avoir au moins deux calibres Ă  l’armĂ©e, d’autant plus que s’il se prĂ©sente quelque redoute Ă  enlever, une muraille Ă  abattre, une barricade, un abatis Ă  forcer, on en vient plus aisĂ©ment a bout avec le gros canon, parce que dans ces cas les effets produits sont en raison des masses multipliĂ©es par les vitesses ; or, les gros boulets ont Ă  la fois plus de masse et plus de vitesse. Il est une autre arme qu’on peut regarder comme une artillerie trĂšs-portative, je veux parler des carabiniers, dont l’usage est d’une excellence si bien reconnue pour un pays de bois et de montagnes, tel que le nĂŽtre. C’est Ă  la faveur des arbres et des rochers que le carabinier ajuste son coup avec sĂ»retĂ©, qu’il charge son arme avec soin ; il faut donc qu’il ne craigne pas d’en ĂȘtre dĂ©busquĂ© par de simples tirailleurs qui, plus lestes que lui Ă  recharger leurs armes, pourraient avoir de l’avantage. Si le carabinier se voit trop exposĂ©, il tire avec prĂ©cipitation , ajuste mal, et n’est plus alors qu’un fantassin ordinaire ; peut-ĂȘtre mĂŽme vaut-il moins qu’un voltigeur, en raison de la lenteur de ses coups. Si le carabinier s’agite trop, s’il est obligĂ© de courir, le seul mouvement de son pouls Ă©levĂ© suffit pour dĂ©truire la justesse du tir. Il rĂ©sulte de lĂ  que les carabiniers, loin d'ĂȘtre employĂ©s comme troupes lĂ©gĂšres , doivent en quelque sorte ĂȘtre mis en position et soutenus par des tirailleurs, comme l’artillerie est appuyĂ©e par des bataillons ou par des escadrons. Alors les carabiniers feront un mal extrĂȘme Ă  l’ennemi, en dirigeant leurs coups de prĂ©fĂ©rence sur les officiers, comme firent les Suisses des pe- DÈS BATAILLÉS; 189 lits Cantons quand les Français violĂšrent leur territoire. Rien ne dĂ©sole plus l’adversaire que cette mĂ©thode; rien n’est plus propre Ă  jeter le dĂ©sordre dans ses rangs. La portĂ©e des cĂąrabines Ă©tant plus considĂ©rable que celle du fusil de munition , c’est aux carabiniers 11 engager l'action; ils sont encore hors de prise, iis batailles. 209 l’ennemi quelques boulets, elmque fois qu’elles ont aperçu ses masses. Le combat des tirailleurs se soutient ainsi plus ou moins longtemps, jusqu’à ce qu’ils soient repoussĂ©s, ou qu’à un ordre donnĂ©, leurs chaĂźnes se replient pour se rapprocher de la ligne de bataille qui s’est formĂ©e pendant ce temps. Les batteries partent au trot pour aller se rĂ©unir Ă  celles qui sont dĂ©jĂ  en position. Les chasseurs relĂšvent les carabiniers, qui vont se rallier derriĂšre eux; une moitiĂ© forme la chaĂźne , l’autre les soutient, et, dans cet ordre, toute la chaĂźne des tirailleurs opĂšre sa retraite en rĂ©pondant aux tirailleurs ennemis et en se dirigeant vers les intervalles des bataillons. Ils dĂ©masquent d’abord les batteries qui entrent aussitĂŽt en jeu. Les carabiniers se placent en Ă©chiquier, comme il leur est prescrit ; les chasseurs, en s’écoulant, viennent donbler les ailes des bataillons, et l’ordre de bataille est complĂ©tĂ©. Alors les deux premiĂšres divisions entrent en action; elles ouvrent leur feu, si l’ennemi est Ă  bonne distance , ou marchent Ă  lui l’arme au bras. Quant Ă  la troisiĂšme, elle se borne Ă  canonner devant elle et Ă  faire montre de scs forces ; elle n’entrera en action qu’aprĂšs les autres et qu’autant que cela sera nĂ©cessaire pour contenir la droite de l’ennemi. La figure 25° montre ces dispositions et de quelle maniĂšre les commandants des divisions se sont conformĂ©s Ă  l’esprit de leur instruction le commandant de la premiĂšre a retirĂ© de chaque ligne un bataillon pour se former une petite rĂ©serve dont il puisse disposer au besoin , et l’a placĂ©e derriĂšre le centre; il s’est prĂ©parĂ© Ă  aborder l’ennemi, dans l’ordre parallĂšle. Le commandant de la seconde division a formĂ© sa premiĂšre ligne en deux Ă©chelons, mais il a doublĂ© le bataillon de la droite pour renforcer cette aile qui doit agir ; il a mis tous ses carabiniers en premiĂšre ligne ; sa seconde ligne ne prĂ©sente d’autre particularitĂ© sinon que les trois bataillons de droite sont plus rapprochĂ©s les uns des autres que ceux de gauche , toujours dans la mĂȘme intention d’agir vigoureuse- 14 ÙES IWTArÉLES. 210 ment par le roi Charles I aux troupes parlementaires , le prince Robert culbuta celles qu’il avait devant lui et les poursuivit avec acharnement. Mais Cromwel, qui de son cĂŽtĂ© , avait battu les troupes royales qui lui Ă©taient opposĂ©es, les laissa fuir, Ăšt, se repliant sur celles qui combattaient encore, il les prit en flanc et dĂ©cida la victoire. Il lit ce qu’aurait dĂ» faire le prince Robert qui remporta les premiers avantages, et qui, s’il eut eu autant de prudence que de valeur, eĂ»t peut-ĂȘtre conservĂ© la couronne Ă  son Roi. An- tiochus perdit la bataille de RapliĂ©e par une faute semblable. Il poursuivit Ă  la tĂȘte de sa cavalerie celle de PtolĂ©mĂ©e qu’il avait mise en dĂ©route , laissant son infanterie aux prises avec l’ennemi. Mais EchĂ©cates, qui commandait l’autre aile des Egyptiens, fit, Ă  la faveur de la poussiĂšre qu’élevaient les Ă©lĂ©phants et la cavalerie , un mouvement latĂ©ral qui le porta I DUS BATAILLES. 213 sur le flanc des troupes opposĂ©es , et dĂ©cida la victoire en sa faveur. Antiochus, vainqueur de son cĂŽtĂ©, et dĂ©jĂ  bien loin du champ de bataille , ne s’aperçut que trop tard de la dĂ©faite de l'autre moitiĂ© de son armĂ©e. Dans l’état oĂč il se trouvait lui-mĂȘme il ne put point lui porter de secours, et fut trop heureux de se retirer dans RaphĂ©e. Ainsi, dans tous les temps, les mĂȘmes fautes amĂšnent les mĂȘmes rĂ©sultats. 11 faut donc, aprĂšs un premier succĂšs, nĂ© poursuivre l’ennemi qu’avec circonspection , se rallier, reformer ses rangs pour ĂȘtre en Ă©tat de soutenir de nouvelles attaques, prendre momentanĂ©ment position, jeter un regard autour de soi pour tĂącher de voir au juste ce qui se passe. Quand les troupes se sont ralliĂ©es, qu’elles ont repris haleine et qu’on s’est assurĂ© qu'il n’y a aucun danger Ă  marcher en avant, on recommence la poursuite en la dirigeant de maniĂšre Ă  sĂ©parer les corps ennemis, et Ă  leur ĂŽter toute possibilitĂ© de se rĂ©unir. Pendant que les bataillons reformĂ©s manƓuvrent dans ce but, les troupes lĂ©gĂšres harcĂšlent l’ennemi dans sa retraite , l’artillerie le suit et ne lui donne aucun repos , la cavalerie se prĂ©cipite sur les corps qui conservent quelqu’apparence d’ordre, elle les taille eu piĂšces ou leur fait mettre bas les armes. Mais en suivant le principe que l’ordre doit se rĂ©tablir dans les rangs quand on a enfoncĂ© l’ennemi sur quelque point, il faut aussi se garder de perdre son temps Ă  rectifier trop rigoureusement des alignements. Ce n’est pas dans la rectitude parfaite des lignes que consiste l’ordre, mais dans le tact d’homme Ă  homme. Restez serrĂ©s et poussez en avant, il n’en faut pas davantage pour culbuter de nouveau un ennemi qui a dĂ©jĂ  pliĂ©. Perdez au contraire votre temps Ă  redresser vos lignes comme sur une plaine d’exercice, et vous laisserez Ă  l’ennemi celui de se reformer et de vous prĂ©senter une seconde fois la bataille. C’est ainsi que souvent Ă  la guerre la perfection de l’ordre est intempestive, bien que l’ordre en lui-mĂȘme soit une excellente chose. UES BATAILLES. 216 On voit donc qu’il y a deux extrĂȘmes Ă  Ă©viter quand on a fait plier l’ennemi qu’on a devant soi. Trop de circonspection rendrait inutile votre premier succĂšs, trop de fougue vous perdrait. Ce n’est que devant un ennemi entiĂšrement en dĂ©route qu’on peut tout se permettre, car alors, selon l’expression Ă©nergique du marĂ©chal de Saxe, on le chasserait avec des vessies. Il est peu d’actions de guerre oĂč un chef n’ait pas ainsi deux Ă©cueils h Ă©viter; c’est pourquoi il faut tant de tact et de sang-froid pour s’arrĂȘter au meilleur parti. Dans le cas actuel, un mĂ©lange de prudence et d’audace est nĂ©cessaire pour s’avancer autant qu’il faut et pas plus qu’il ne faut. Un chef ne doit pas seulement regarder devant lui, mais souvent de cĂŽtĂ© et quelquefois derriĂšre. J1 doit savoir ce qui se passe dans les corps voisins, s’il est soutenu, si la ligne dont il fait partie se maintient, si les rĂ©serves sont engagĂ©es, s’il ne peut plus compter que sur lui-mĂȘme, etc. pour se conduire en consĂ©quence. VoilĂ  pour ce qui concerne les corps particuliers. Quant Ă  l’armĂ©e entiĂšre, son chef en dirige les mouvements de maniĂšre Ă  rendre sa victoire dĂ©cisive en gagnant, le plus possible, du terrain du cĂŽtĂ© de la ligne de retraite de l’ennemi pour l’intercepter; il dispose de ses derniĂšres rĂ©serves pour renverser tout ce qui rĂ©siste encore ; et, pendant que les diffĂ©rents corps poussent devant eux l’ennemi vaincu, le tournent, l’acculent Ă  des obstacles, font des prisonniers, s’emparent de son matĂ©riel, il prend quelque repos, dicte ses ordres pour le bivouac du champ de bataille et pour les marches du lendemain ; sa sollicitude se porte sur les blessĂ©s; il tĂ©moigne aux troupes sa satisfaction dans un ordre du jour oii il rappelle ce que chaque corps a fait pour la victoire ; il prend enfin des mesures pour remplacer les munitions consommĂ©es, remplir le plutĂŽt possible les vides causĂ©s par les perles et tirer du pays toutes les ressources qu’il peut offrir. DES BATAILLES. 217 § 4. — DES Batailles dĂ©fensives. L’armĂ©e la plus faible est ordinairement obligĂ©e de recevoir la bataille. Elle choisit, autant qu’il lui est possible, une position favorable pour y attendre l’ennemi, tĂąchant ainsi de supplĂ©er h son infĂ©rioritĂ© numĂ©rique par l’avantage des lieux. Positions, — Or, voici ce qu'on entend par une bonne position; c’est celle qui, sans ĂȘtre trĂšs-Ă©levĂ©e, domine cependant les environs, et qui offre l’espace nĂ©cessaire pour y dĂ©ployer les troupes. Le terrain occupĂ© doit ĂȘtre assez uni et dĂ©pourvu d’obstacles pour permettre toute espĂšce de manƓuvres aux diffĂ©rentes armes, et pour qu’en particulier l’artillerie et la cavalerie puissent le parcourir en tout sens. 11 faut que son Ă©tendue soit en rapport avec la force de l’armĂ©e ; et, Ă  cet Ă©gard, nous ferons remarquer que la ligne de bataille, peut, dans le cas oii l’on occupe une position, s’étendre davantage qu’en plaine, parce qu’il n’est pas nĂ©cessaire de la doubler dans toute l’étendue. Pourvu qu’on oppose deux lignes h l’ennemi dans les parties les plus accessibles, cela sullit ; on peut se contenter d’une seule partout ailleurs et mettre entre les corps de plus grands intervalles, occupĂ©s seulement par des tirailleurs. L’avantage des lieux permet ces dĂ©viations Ă  la rĂšgle. Tous les saillants Ă©tant convenablement occupĂ©s par de l’artillerie, ou seulement par des carabiniers et de l'infanterie, l’ennemi ne saurait sans se compromettre prĂȘter le flanc pour se jeter dans les intervalles derriĂšre lesquels les rĂ©serves peuvent d’ailleurs se trouver. Une divison fĂ©dĂ©rale de seize bataillons, quatre batteries, huit compagnies de carabiniers et quatre escadrons, sullirait pour occuper convenablement une position de 5,000 pas d’étendue, c’est-Ă -dire d’une demi lieue. Les ailes de la position doivent ĂȘtre fortement appuyĂ©es Ă  des obtacles naturels, tels que de grands marais, un lac, une riviĂšre profonde, des bois, des rochers qui rassurent l’annĂ©e 218 DES BATAILLES‱ occupante contre les dangers d’une attaque de flanc, ou qui obligent l’ennemi Ă  de trĂšs-grands mouvements excentriques s’il veut envelopper une aile ou tourner la position. Sur le front, le terrain offrira des pentes douces que le canon puisse aisĂ©ment balayer et qui permettent de marcher Ă  l’ennemi quand on le jugera convenable. On y verra, de distance en distance, des bouquets de bois, des villages, hameaux ou cas- sines, qui, occupĂ©s convenablement, forment des saillants redoutables dont les feux se croisent et que l’ennemi est obligĂ© d’enlever avant d’aborder la ligne. Une position dont le front est couvert par une riviĂšre ou par des escarpements difliciles Ă  gravir, ne convient qu’à une armĂ©e proportionnellement trop faible pour charger elle-mĂȘme l’ennemi quand il s’avance, et qui doit, pour ces motifs, s’en tenir Ă  une dĂ©fensive absolue ; mais, pour peu qu’on ait de forces, il faut se mĂ©nager la facultĂ© des retours offensifs, de ces coups de vigueur qui intimident et arrĂȘtent l'attaquant. VoilĂ  pourquoi le champ de bataille doit offrir des pentes douces sur son front, comme un immense glacis soumis aux feux de la troupe qui en occupe le sommet, et par lequel elle puisse se prĂ©cipiter elle-mĂȘme sur l’assaillant, ou le poursuivre s’il est repoussĂ©. Mais en mĂȘme temps ce glacis doit ĂȘtre dĂ©fendu par les points solides dont nous avons parlĂ©, sans quoi l’ennemi le franchirait trop aisĂ©ment, n’ayant Ă  essuyer que des feux de front. En arriĂšre de la position les routes seront faciles, pour qu’en cas de revers la retraite puisse s’effectuer en ordre. Nous disons les routes, parce qu’une seule ne suffit pas ; il en faut plusieurs pour que le champ de bataille soit aisĂ©ment et promptement Ă©vacuĂ©. Ce n’est pas une bonne position que celle qui n’a qu’une seule issue pour la retraite; car, indĂ©pendamment du retard qu’on Ă©prouverait Ă  franchir le dĂ©filĂ© dans une retraite, tout serait perdu si l’ennemi s’en rendait maĂźtre. Le danger s’accroĂźt lorsque cette roule unique aboutit Ă  une des ailes au lieu d’arriver au centre. Le mieux est d’avoir DES BATAILLES. 219 plusieurs chemins praticables au travers d’un pays boisĂ© et coupĂ©, oĂč l’armĂ©e, en se retirant, puisse trouver des moyens d’arrĂȘter l’ennemi. Un pays trop ouvert est dangereux aussi, parce qu’il n’y a rien de plus redoutable que les charges de cavalerie pour une armĂ©eplusou moins en dĂ©sordre quand elle commence sa retraite. Notre pays est heureusemenUpartagĂ© sous ce rapport. IndĂ©pendamment des roules de retraite, dont la direction est perpendiculaire Ă  la ligne de bataille , il est bon qu’en arriĂšre de cette ligne il y en ait une autre croisant les premiĂšres et allant de la droite h la gauche, afin qu'en cas de pluie, lorsque les terres s’enfonceraient sous le canon, on eĂ»t un moyen de porter rapidement l’artillerie partout oĂč elle serait nĂ©cessaire dans l’étendue du front. La situation la plus favorable de cette roule de manƓuvre est en arriĂšre de la seconde ligne. Ce n’est pas assez que la position offre aux dĂ©fenseurs ces avantages, il faut encore que le terrain bas, qui est laissĂ© Ă  l’ennemi, soit Ă©tranglĂ© , coupĂ© de fossĂ©s, de haies, de pans de murs, de flaques d'eau , etc., en un mot, de ces sortes de difficultĂ©s locales, qui, sans ĂȘtre insurmontables , gĂȘnent ou rompent les manƓuvres. Autant il importe de vous mĂ©nager, dans le choix du champ de bataille, la facilitĂ© des mouvements pour pouvoir vous porter rapidement d’un point Ă  l’autre, suivant le besoin, et arriver en forces partout oĂč l’ennemi se prĂ©sente , autant, par une raison contraire, vous devez chercher h entraver la marche des colonnes ennemies, empĂȘcher leur libre communication en les obligeant Ă  traverser un terrain hachĂ© pour arriver Ă  vous. Du plus ou moins de facilitĂ© des marches et des dĂ©ploiements dĂ©pend, en grande partie, le succĂšs des batailles. Quant Ă  la forme gĂ©nĂ©rale de la position , il faut qu’elle soit concave au dehors si l'espace est restreint, et qu’au contraire elle soit convexe si elle a beaucoup de dĂ©veloppement. La raison en est que, dans le premier cas, l’armĂ©e 220 DES BATAILLES. occupe toute . l'Ă©tendue de la position, et qu’étant appuyĂ©e sur ses ailes, comme nous le supposons , elle est sans crainte de se voir envelopper, et peut donner Ă  ses feux la direction convergente, si favorable Ă  la dĂ©fense rapprochĂ©e. Dans le second cas, au contraire , pouvant ĂȘtre appelĂ©e Ă  se porter d’un point Ă  l’autre pour dĂ©jouer les manƓuvres de l’ennemi et repousser ses attaques, il est bon que la position soit convexe au dehors , afin de n’avoir que les cordes Ă  parcourir quand l’adversaire dĂ©crit les arcs. Mais, Ă  proprement parler, ceci n’est point une position de combat, laquelle doit ĂȘtre proportionnĂ©e Ă  la grandeur de l’armĂ©e qui l’occupe ; c’est plutĂŽt un terrain qui, facilitant les marches-manƓuvres, donne les moyens de se porter plus promptement sur les points menacĂ©s, ou d’opĂ©rer tout Ă  coup une concentration en face des parties vulnĂ©rables de l’ennemi. Les avantages d’un tel terrain sont plutĂŽt stratĂ©giques que tactiques. Les positions que l’on rencontre ne rĂ©unissent que rarement toutes les conditions que nous venons d’énumĂ©rer, les meilleures sont celles qui en approchent le plus. L’art consiste Ă  tirer tout le parti possible des avantages qu’elles offrent, et Ă  supplĂ©er, par les secours de la fortification , ou par do bonnes dispositions de troupes, h ce qui leur manque. Pour que les villages puissent flanquer la ligne de bataille, et qu’il soit avantageux de s’en couvrir, il faut qu’ils soient solidement construits. Des maisons de bois , bien loin de favoriser la dĂ©fense, peuvent lui ĂȘtre trĂšs-nuisibles par la facilitĂ© qu’a l’ennemi de les incendier. On jette dans les villages quelques bataillons , des carabiniers et de l’artillerie , suivant leur importance ; en crĂ©nelant les murailles extĂ©rieures on se procure une excellente dĂ©fense, et les canons, cachĂ©s par les maisons, sont trĂšs-favorablement placĂ©s pour prendre d’écharpe ou de flanc les bataillons ennemis. La ligne en avant de laquelle se croisent ces feux , doit Ă  son tour ĂȘtre assez rapprochĂ©e des villages pour les soutenir et empĂȘcher qu’ils soient tournĂ©s. La fortification donne les DES BATAILLES* 221 moyens de meltre promptement un village en Ă©tat de dĂ©fense; nous renvoyons pour cela au chapitre IX de notre MĂ©morial des travaux de guerre. Quelque bonne que soit une position il ne faut pas s’y enchaĂźner, mais se mĂ©nager la libertĂ© des mouvements. Car s’il est vrai que le faible doit chercher les avantages du terrain , il ne l’est pas moins qu’une dĂ©fense purement passive est insuffisante. Il faut, au contraire , qu'elle soit, autant que possible, active et attaquante pour Ă©tonner et intimider l’ennemi. En marchant Ă  lui au lieu de l’attendre, on peut cacher en partie l’état de faiblesse oĂč l’on se trouve, se multiplier Ă  ses yeux ; on peut couper quelqu’une de ses colonnes, Ă©craser un corps dĂ©tachĂ© ou trop aventurĂ©, en un mot, lui faire supporter des Ă©checs partiels qui, tout Ă  la fois, le rendront plus circonspect et exalteront le moral de vos propres soldats. Dispositiotis dĂ©fensives. — Puisqu’on ne rencontre pas partout de fortes positions, ni des obstacles Ă  des distances convenables pour y appuyer ses ailes, il faut, tout en sachant profiter des avantages qui se rencontrent sur le terrain qu’on occupe, savoir aussi supplĂ©er Ă  ce qu’il y manque par une bonne disposition de troupes ceci du moins vous accompagnera partout. L'essentiel est de mettre les ailes Ă  l’abri d’une attaque de flanc. On parviendra d’abord h se garantir des charges de cavalerie sur ces parties faibles en plaçant quelques bataillons en potence Ă  l’extrĂ©mitĂ© des deux lignes. Ils y resteront formĂ©s en colonnes, prĂȘts Ă  marcher, et quand la cavalerie se prĂ©sentera ils feront un Ă  droite ou un Ă  gauche pour la recevoir, ou se formeront en carrĂ©s, ou simplement serreront en masse, suivant le temps et les lieux. A la bataille de Molvitz, gagnĂ©e par FrĂ©dĂ©ric en 1741 , la cavalerie de son aile droite avait Ă©tĂ© mise en dĂ©route ; l'infanterie allait ĂȘtre prise en flanc, si trois bataillons qui n’avaient pu se dĂ©ployer, et qui par hasard se trouvaient lĂ  en potence 222 DES BATAILLES. sur la ligne de bataille, n’eussent arrĂȘtĂ© la cavalerie victorieuse. Cette infanterie, chargĂ©e h plusieurs reprises, tint bon jusqu’à ce que l’aile gauche , qui jusque-lĂ  avait Ă©tĂ© refusĂ©e, s’avançùt sous la conduite du brave marĂ©chal Schwerin et dĂ©cidĂąt la victoire. Sans ces trois bataillons qui se trouvaient en colonne Ă  l’extrĂ©mitĂ© de l’aile droite, cette aile eĂ»t probablement Ă©tĂ© culbutĂ©e et la bataille perdue avant que la gauche eut pu rĂ©tablir les affaires. C’est rarement un mal que l’espace manque au dĂ©ploiement et oblige Ă  laisser quelques bataillons en colonne derriĂšre une ligne, ou quelques pelotons derriĂšre un bataillon. On renforce encore les ailes en tenant en arriĂšre de leurs extrĂ©mitĂ©s, et formant Ă©chelon, quelques escadrons prĂȘts Ă  charger ceux que l’ennemi enverrait contre le flanc de l’armĂ©e. Le roi de Prusse, dans les ordres qu’il dicta pour la bataille de Ilohenfriedberg, eut en vue une disposition analogue un rĂ©giment de hussards, dit-il, se formera en troisiĂšme ligne Ă  chaque aile de cavalerie, pour en couvrir le flanc ou pour servir Ă  la poursuite. Si l’on est infĂ©rieur en cavalerie, c’est par des carrĂ©s, placĂ©s Ă©galement en Ă©chelons des ailes dans l’ordre de bataille, qu’on se garantira des attaques enveloppantes de la cavalerie ennemie. Quant aux entreprises plus sĂ©rieuses de l’infanterie, dirigĂ©es contre les flancs pendant la bataille et quand le front est fortement engagĂ©, on les paralyse en faisant dĂ©border la premiĂšre ligne par la seconde et celle-ci par la rĂ©serve, de maniĂšre que l’ennemi soit lui-mĂȘme tournĂ© quand il cherche Ă  gagner un flanc, ou qu’il soit obligĂ© Ă  dĂ©crire un grand mouvement circulaire, toujours trĂšs-dangereux, s’il veut tourner Ă  la fois tous les Ă©chelons. On n’expose ainsi aux premiĂšres attaques de l’ennemi, et jusqu’à ce qu’il ait dĂ©masquĂ© ses projets, que le moins de troupes possible. On se rĂ©serve la facultĂ© de tenir hors de prise une des ailes, ou de faire entrer successivement, Ă  mesure du besoin et sans encombrement ni embarras, la totalitĂ© des forces disponibles. lĂŻ-[MIL- fĂč/ V JW tĂ»oiy J » l/r/r*>s Disposition h 90 la premiĂšre bataille de Fleuras, pour n’avoir pas portĂ© son aile droite sur un plateau ou pli de terrain qui dominait lĂ©gĂšrement le champ de bataille. Le marĂ©chal de Luxembourgayant remarquĂ© cette faute en profita habilement. Il vit, qu’à la faveur de ce rideau, il pouvait faire filer sa cavalerie et la dĂ©ployer sur le plateau, contre le liane de l'armĂ©e ennemie ; cette manƓuvre fut promptement exĂ©cutĂ©e et dĂ©cida la victoire. Ce n’était pourtant qu’une Ă©lĂ©vation de quelques pieds, toute dĂ©couverte, qui procura a l’armĂ©e française cet immense avantage, parce que l’armĂ©e impĂ©riale avait nĂ©gligĂ© de s’en emparer. Un simple bois, dans lequel on jette quelques compagnies de tirailleurs, permet d’étendre la ligne de bataille, et de prĂ©senter, sans s'affaiblir sensiblement, un front Ă©gal h celui de l’ennemi. Une hauteur procure des avantages d’une autre nature ; si la hauteur est isolĂ©e et d’une Ă©tendue restreinte, formant comme un mamelon au milieu de la plaine, il convient, si rien d’ailleurs ne s’y oppose, d’y placer le centre de l’ordre de bataille. L’ennemi devant, selon la rĂšgle, marcher d’abord contre ce point, sera obligĂ© Ă  une attaque sur le centre la plus rude pour lui, et pour vous la plus facile a repousser. Quand , pour une cause quelconque , comme par exemple pour ne pas dĂ©couvrir sa ligne de retraite, on est obligĂ© de conserver la hauteur sur son liane au lieu d’y mettre le centre, on l’occupe aussi fortement que l’espace le permet avec une les ailes. On doit alors faire tous ses efforts pour la conserver pendant la bataille. Autant elle vous est avantageuse tant que vous la tenez, autant elle servira les projets de l’ennemi quand d s en sera emparĂ©. Si le mamelon est a plusieurs sommitĂ©s, avantage restera toujours Ă  celui qui occupera le point culminant; c’est donc le cas de s’étendre jusque-lĂ , si on peut le ane sans trop s’affaiblir, et d’v construire un blockhaus ou ,,ne sim P'e redoute. UES lIAÏAILLtS. 05 2 Les hauteurs peuvent former une chaĂźne de coltines, dont la direction est ou parallĂšle Ă  la ligne de retraite ou transversale le premier cas rentre dans ce qui vient d’ĂȘtre dit plus haut; dans le second, les hauteurs offrent plus ou moins les avantages d’une bonne position. On place alors la premiĂšre ligne sur le haut des pentes, la seconde ligne et les rĂ©serves sur le revers. La ligne de bataille suit ainsi la direction gĂ©nĂ©rale de la chaĂźne de collines. Plus cette chaĂźne approche de couper Ă  angle droit la ligne de retraite, plus elle est avantageuse. Plus au contraire elle lui est oblique, et moins on y trouve de ressources pour une bonne dĂ©fense. En eiret, l'armĂ©e AB lig. 26 e , occupant des hauteurs dont la direction forme, avec la ligne de retraite XY, un angle obtus, a son flanc gauche trĂšs-exposĂ©; car l’ennemi peut envelopper cette extrĂ©mitĂ© avec des forces supĂ©rieures en s’établissant en EF perpendiculairement Ă  sa ligne d’opĂ©rations , c’est-Ă -dire que, par un dĂ©ploiement naturel et sans aucun mouvement excentrique, il se trouve placĂ© pour opĂ©rer une attaque de flanc, attaque qui ne sera dĂ©jouĂ©e qu’en changeant la position de l’armĂ©e AB , ce qui ne peut se faire que lorsque les hauteurs prĂ©sentent un plateau assez large pour exĂ©cuter un changement de front en arriĂšre ; et ce n’est pas lĂ  notre supposition. 11 faut donc, quand on est ainsi postĂ©, ou recevoir l’attaque de flanc, ou abandonner les hauteurs. Il ne sullit donc pas qu’il y ail des hauteurs sur son chemin pour les occuper et y attendre l’ennemi, il faut encore que ces hauteurs aient une direction convenable par rapport Ă  la ligne d’opĂ©rations. Le danger que nous venons de signaler n'est pas le seul l’ennemi, pour peu que sa supĂ©rioritĂ© soit marquĂ©e, et que les collines soient accessibles vers l’aile droite de l’armĂ©e AB, renoncera peut-ĂȘtre Ă  l’attaque de flanc, si naturelle et si facile, pour porter son plus grand effort de l'autre cĂŽtĂ©. La raison stratĂ©gique l'emporte alors sur celle de haute tactique. II prend la disposition CID Ă  droite il n'oppose que la portion DES BATAILLES. 255 CI, suffisante pour couvrir sa propre communication ; Ă  gauche il renforce son ordre de bataille et dirige tous ses efforts de ce cĂŽtĂ©. Il est clair que si cette attaque rĂ©ussit, l’aile droite B sera rejetĂ©e en arriĂšre et l’armĂ©e sera sĂ©parĂ©e de sa ligne de retraite, circonstance non moins fĂącheuse que la prĂ©cĂ©dente. Ainsi, par le seul fait de la direction oblique de la position, l’armĂ©e dĂ©fensive est exposĂ©e ou Ă  ĂȘtre prise en flanc, ou Ă  perdre ses communications si l’ennemi fait son devoir. RĂ©pĂ©lons-le donc, une chaĂźne de collines n’offre de vĂ©ritables avantages Ă  l’armĂ©e qui l’occupe, que lorsque sa direction diffĂšre peu de la perpendiculaire h la ligne d’opĂ©rations, et que celle-ci passe Ă  peu prĂšs au milieu. Emploi des fortifications. — L’art doit supplĂ©er Ă  la nature quand les appuis manquent aux ailes dans de semblables localitĂ©s. Des abatis, des redoutes construites aux extrĂ©mitĂ©s, remplacent, quoique d’une maniĂšre bien souvent imparfaite , les obstacles naturels. Le temps nĂ©cessaire pour bien conditionner ces ouvrages manque toujours. 11 faut cependant faire tout son possible pour Ă©lever des fortifications, puisque c’est alors le seul moyen qu’on ait de renforcer les parties faibles. Ce n’est pas le seul cas oĂč l’ingĂ©nieur soit appelĂ© Ă  fournir les secours de son art. Il a quelquefois la tĂąche de fortifier des positions choisies d’avance pour y livrer une de ces grandes batailles qui dĂ©cident du sort des empires. Le temps, cet Ă©lĂ©ment si prĂ©cieux Ă  la guerre, lui est donnĂ© ; il peut donc ‱aire quelque chose de bon, s'il joint au coup-d’Ɠil, qui dicte les meilleures dispositions, l’activitĂ© et le dĂ©vouement qui en assurent l’exĂ©cution. 11 se mĂ©nagera la possibilitĂ© des retours offensifs, car on ne doit jamais se coller aux retranchements. Çcs ouvrages, quels qu’ils soient, seront donc sĂ©parĂ©s les uns es autres, laissant entre eux de grands intervalles qui permettent de dĂ©boucher sur un front respectable ; chacun d’eux sera tien conditionnĂ© , fraisĂ© , palissadĂ©, fermĂ© Ă  la gorge, pour o in un degrĂ© de rĂ©sistance qui en rende la prise difficile. 11 254 DK S 1IATAILLES. vaut mieux peu d’ouvrages avec un bon relief et de grands fossĂ©s, qu’une quantitĂ© de taupiniĂšres insignifiantes, qui n’arrĂȘtent pas cinq minutes une troupe rĂ©solue. Voyez, pour les dĂ©tails de ces ouvrages, notre MĂ©morial pour les travaux de juerre . Sous la protection de ces ouvrages et Ă  la faveur de la position, on peut adopter un systĂšme de dĂ©fensive manƓuvrante et mĂȘme attaquante , si bien fait pour des gens de cƓur et si propre Ă  soutenir le moral des troupes. Cette mĂ©thode est la meilleure, parce que l’élan de l’attaque est nĂ©cessaire Ă  la victoire. Il est dans le cƓur de l’homme de se croire le plus fort lorsqu’il marche en avant. Un mouvement impĂ©tueux lui donne de la confiance , l’entraĂźne, le porte Ă  l’audace. Nous couvrir, au contraire , de retranchements continus, c’est mettre chacun dans le secret de notre faiblesse, c’est nous rendre incapables de rien entreprendre contre l’ennemi, c’est enfin Ă©teindre l’ardeur de la troupe et glacer son courage. FrĂ©dĂ©ric h Bunsclwitz, le czar Pierre Ă  Pultawa, ont montrĂ© tout le parti qu’on peut tirer de la fortification sur un champ de bataille. Les derniĂšres guerres offrent aussi de nombreux exemples de l’emploi'des moyens de l’art, mĂȘme dans les campagnes les plus rapides et les plus promptement terminĂ©es. Si les militaires sont partagĂ©s d’opinion Ă  l’égard des forteresses, ils n’ont qu’une voix pour proclamer l’utilitĂ© delĂ  fortification de campagne. Les Anglaisy ont eu recours pour amĂ©liorer quelques-uns de leurs champs de bataille dans la pĂ©ninsule et notamment celui de TalavĂšra. Ils Ă©taientpostĂ©s sur un ’ _ ’ueau, leur droite appuyĂ©e auTage et couverte par des clĂŽtures de jardins; devant leur front Ă©tait un profond ravin, et ils occupaient par leur gauche un mamelon qui commandait tout le terrain environnant. En arriĂšre les communications Ă©taient faciles et permettaient de porter rapidement des secours d’une extrĂ©mitĂ© Ă  l’autre de la ligne. Les approches Ă©taient, au contraire, coupĂ©es parle ravin, par les clĂŽtures et par des bois d’oliviers. Cette localitĂ© L>HS BATAILLES. rĂ©unissait donc une grande partie des caractĂšres qui constituent une bonne position; niais l’existence du ravin sur le Iront s’opposait aux retours offensifs. Elle convenait Ă  une armĂ©e qui se tenait essentiellement sur la dĂ©fensive ; et le gĂ©nĂ©ral anglais, non content des avantages que le terrain lui prĂ©sentait, lit encore Ă©lever des ouvrages de campagne et faire des abatis partout oĂč cela pouvait ĂȘtre utile. L’attaque, au lieu de se diriger principalement sur la gauche oĂč Ă©tait Ă©videmment la clef du champ de bataille, fut dissĂ©minĂ©e sur tout le front de la position et partout repoussĂ©e. Sir Wellesley, placĂ© sur le mamelon, dĂ©couvrait tous les mouvements des colonnes françaises, et faisait avancer Ă  propos des troupes pour les paralyser; celles-ci manƓuvraient sur les revers et pouvaient Ă  leur aise se concentrer sur les points les plus menacĂ©s. Aucun des ouvrages ne fut entamĂ©, et les Français., aprĂšs avoir perdu prĂšs de dix mille hommes dans ces attaques infructueuses, furent obligĂ©s de se retirer. Mais les Anglais 11 e profilĂšrent par de leurs avantages, soit que le terrain qui s’était opposĂ© aux dĂ©veloppements de l’attaque fĂ»t un obstacle Ă  la poursuite, soit que le caractĂšre temporiseur de leur gĂ©nĂ©ral l’eĂ»t engagĂ© Ă  rester en position. Dans la campagne de 1807, les Russes avaient fortifiĂ© une suite de mamelons en avant de Ileilsberg, sur la riviĂšre d’Alle. Les retranchements formaient autour de cette ville un demi- cercle de 1,08 gemenl tic front en arriĂšre, en pivotant sur l’extrĂ©mitĂ© la moins exposĂ©e ; replier en potence une partie des troupes; disposer de la seconde ligne pour Ă©chelonner la premiĂšre, en la prolongeant du cĂŽtĂ© menacĂ©; enfin, faire marcher les rĂ©serves pour attaquer l'ennemi qui attaque, et le prendre lui-mĂȘme en flanc. Ce dernier parti est le meilleur, parce qu’il a quelque chose d’audacieux et qu’il ranime les courages abattus. Il ne dĂ©range rien Ă  la position respective des corps; ceux-ci peuvent alors agir conformĂ©ment aux circonstances, sous la protection de cette attaque qui surprendra l’ennemi et arrĂȘtera sa marche. Les autres partis sont dangereux la potence a l’inconvĂ©nient d’ĂȘtre facilement enveloppĂ©e, et de prĂ©senter Ă  l’enfilade deux longues branches dans lesquelles l’artillerie fait de grands ravages. Les troupes sont dans une position respective telle, qu’elles ne peuvent se porter en avant sans ouvrir l’angle et faire jour Ă  l’ennemi, ni rĂ©trograder sans se refouler les unes sur les autres.. Et, si le crochet en arriĂšre doit s'exĂ©cuter sous le feu de l’ennemi, il amĂšne une dĂ©route inĂ©vitable, parce qu’il est presque impossible que le mouvement se fasse sans confusion. A plus forte raison doit-on craindre d’opĂ©rer un changement de front en arriĂšre avec l’armĂ©e entiĂšre, quand l’attaque est imminente. Faire marcher la seconde ligne par le flanc pour se porter vers le point attaquĂ©, ne vaut guĂšre mieux. Les troupes de la premiĂšre ligne, se voyant privĂ©es de leur appui, perdent courage et ne tiennent plus que faiblement. Il faut le moins possible sĂ©parer les deux lignes. D’ailleurs la seconde ligne peut ĂȘtre dĂ©bordĂ©e aussi bien que la premiĂšre, et le mouvement dont nous parlons devenir impossible. Les rĂ©serves seules sont assez disponibles pour ĂȘtre employĂ©es partout et en toute occasion. C’est donc avec les rĂ©serves qu’on pourvoira au plus pressĂ©, en les dirigeant contre l’aile de l’ennemi. Mais alors, que doivent faire les autres troupes? Se porter en avant par un changement de front sur vm K DI. S 2 ,"! l'aile menacĂ©e; non par un de ces changements de front mĂ©thodiques et compassĂ©s, on les corps sont rigoureusement astreints Ă  conserver leurs places respectives; mais un changement fait h mouvements rompus, oĂč chaque corps se porte individuellement, et par le plus court chemin, Ă  la place oĂč il peut ĂȘtre employĂ© utilement. Il faut dans ce cas courir au plus pressĂ©. Pour expliquer ceci par un exemple, nous supposerons une ligne Jl, fig. 27 e , surprise sur son flanc gauche par l’armĂ©e N qui se dispose Ă  l’attaque. AussitĂŽt que l’ennemi est dĂ©couvert, la ligne M, que nous supposerons composĂ©e de quatre brigades, rompt par divisions Ă  gauche, et serre en masse dans chaque brigade. Pendant que ces prĂ©paratifs s’exĂ©cutent la rĂ©serve R se porte par la gauche dans la position S, oĂč elle se dĂ©ploie de maniĂšre Ă  menacer le flanc droit de l’ennemi. quatriĂšme brigade dĂ©ploiera sur sa derniĂšre division ; et la brigade suivante dĂ©ploiera sur sa premiĂšre division; ou, en d’autres termes, l’une se dĂ©veloppera Ă  droite et l’autre Ă  gauche, de maniĂšre que lorsque le mouvement sera achevĂ©, et cela ne sera pas bien long, ces deux brigades seront Ă©chelonnĂ©es en face de l’armĂ©e N et se lieront avec la rĂ©serve. La seconde brigade prend la diagonale pour aller se placer h la droite de la quatriĂšme ; et la premiĂšre reste en colonne derriĂšre le centre, pour remplacer la rĂ©serve. On arrive ainsi, le plus promptement possible, Ă  faire entrer en ligne, dans la nouvelle direction, des forces Ă©gales Ă  celles-qu’on avait dans la position primitive, en admettant que la rĂ©serve R soit l’équivalant d’un des quatre autres corps. Il n’y a de changĂ© que l’ordre des corps entre eux, mais on ne doit nullement redouter ce genre d’inversion. Si l’armĂ©e ennemie N dĂ©bordait encore davantage, la rĂ©serve ne chercherait pas Ă  la prendre en flanc ; cela la sĂ©parerait trop de la troisiĂšme brigade; elle se bornerait k faire front; mais alors ce serait la seconde brigade qui pourrait se prolonger sur le flanc gauche de l’ennemi. C est pour simplifier que nous n’avons supposĂ© qu’une DES BATAILLES. 'iAi seule ligne; s’il y en avait deux, la seconde suivrait les mouvements de la premiĂšre. Les manƓuvres que nous venons d’indiquer sont Ă©galement applicables au cas d’une colonne arrĂȘtĂ©e tout Ă  coup dans sa marche par l’ennemi qui se trouve en position. Elles conviennent Ă  de faibles corps, comme h de grandes armĂ©es. Ainsi un bataillon dĂ©ploierait d’abord deux compagnies pour soutenir le premier choc de l’ennemi, cl manƓuvrerait avec le reste. Retraite. — Quelques soins qu’on ait pris, quelque courage qu’on ait dĂ©ployĂ©, il faut souvent cĂ©der au nombre ou aux caprices de la fortune. Heureux alors quand, aprĂšs une action longuement disputĂ©e, on parvient Ă  se dĂ©gager du champ de bataille, sans essuyer une dĂ©route complĂšte. Le mouvement rĂ©trograde commence pour ainsi dire sans qu’on s’en aperçoive ; les troupes perdent insensiblement du terrain Ă  mesure que l’ennemi en gagne, en raison de sa supĂ©rioritĂ© qui se prononce toujours davantage. Vient enfin le moment oĂč toute rĂ©sistance paraissant dĂ©sormais inutile, le gĂ©nĂ©ral donne l’ordre de la retraite. En supposant toujours que l’armĂ©e soit rangĂ©e sur deux lignes , la retraite se fait d’abord par la premiĂšre ligne, qui se retire en Ă©chiquier. C’est-Ă -dire que les bataillons pairs marchent en arriĂšre une centaine de pas, plus ou moins, pendant que les bataillons impairs tiennent ferme. Quand les premiers se sont arrĂȘtĂ©s, remis en ordre, qu’on les voit prĂȘts Ă  combattre, on fait exĂ©cuter aux autres le mĂȘme mouvement rĂ©trograde. Ils passent dans les intervalles pour aller se poster plus loin, Ă  la distance requise; et ainsi de suite. Pendant ce temps, la seconde ligne suit le mouvement, ou mĂȘme le prĂ©cipite pour aller occuper quelque position avantageuse d’oĂč elle puisse protĂ©ger la premiĂšre ligne. Mais si celte premiĂšre ligne a trop souffert, on se hĂąte de la remplacer par la seconde, en faisant exĂ©cuter la manƓuvre con- I BATAILLES. 241 nue du passage des lignes. Sur quoi il faut observer que des deux maniĂšres de faire ce remplacement, celle qui est offensive, c’est-Ă -dire celle oĂč la seconde ligne marche en avant pour passer dans les intervalles de la premiĂšre , est prĂ©fĂ©- ' rable. Alors chaque bataillon se forme en colonne serrĂ©e , se porte quelques pas en avant de la premiĂšre ligne et se dĂ©ploie, ou mieux encore charge Ă  la baĂŻonnette. Cette maniĂšre en impose h l’ennemi ; il se voit attaquĂ© et devient, quelque temps du moins, plus circonspect. La seconde maniĂšre est d’ailleurs dangereuse, parce que la premiĂšre ligne, arrivant plus ou moins en dĂ©sordre sur la seconde, peut entraĂźner tout ou partie de celle-ci dans sa dĂ©route , si elle ne trouve pas des intervalles suffisants pour s’écouler. En gĂ©nĂ©ral, la troupe qui cĂšde le terrain doit autant que possible marcher lentement, avec calme, en serrant les rangs pour ne pas donner de prise. Elle s’arrĂȘte souvent; elle se retourne pour faire feu sur l’ennemi quand il suit de trop prĂšs. C’est ainsi qu’elle parviendra, sans tomber dans un trĂšs- grand dĂ©sordre , Ă  gagner quelque poste avantageux ou Ă  se couvrir des ombres de la nuit. La cavalerie seule peut se retirer avec prĂ©cipitation; elle le doit mĂŽme, parce que sa vitesse fait sa sĂ»retĂ© ; mais c’est pour revenir Ă  la charge quand elle se sera ralliĂ©e, et dĂ©gager l’infanterie. Lorsqu’un rĂ©giment ou un bataillon est tout Ă  fait rompu, lorsque les soldats prennent dĂ©cidĂ©ment la fuite , le chef saisit un drapeau et va le planter dans quelqu’endroit bien visible, en faisant battre les tambours qu'il a pu rassembler. Les soldats , honteux d’abandonner les drapeaux qu’ils ont jurĂ© de dĂ©fendre au prix de leur sang, viennent peu Ă  peu s’y rallier. Les officiers de tout grade s’emploient Ă  rĂ©tablir l’ordre et Ă  faire renaĂźtre quelque confiance dans cette troupe dĂ©moralisĂ©e. C’est alors surtout qu’on apprĂ©cie ce que valent de bons cadres de sous-officiers et l’exemple des vieux soldats. Pendant que les deux lignes se retirent, la rĂ©serve ne reste point inactive. L’infanterie de cette rĂ©serve occupe les postes 16 242 f>ES oĂč elle peut s’établir solidement, ou bien elle forme des carrĂ©s entre lesquels l’armĂ©e s’écoule et qui sont comme autant de redoutes qui arrĂȘtent l'ennenti. C’est ainsi qu’à Ma- rengo les gardes consulaires firent ce fameux carrĂ© contre lequel vinrent se briser toutes les charges de la cavalerie autrichienne, et qui mĂ©rita le nom de redoute de granitĂ© qui lui fut dĂ©cernĂ© par l’armĂ©e. En mĂȘme temps la cavalerie fait tous ses efforts pour protĂ©ger la retraite par des charges audacieuses et rĂ©itĂ©rĂ©es ; elle ne doit jamais compter l’ennemi, mais se prĂ©cipiter sur lui oĂč qu’il soit et en quelque nombre qu’il soit, afin de l’obligera des dĂ©ploiements qui ralentissent sa poursuite. Si elle est ramenĂ©e, c’est un petit malheur dans la circonstance actuelle. Avant tout il faut gagner du temps ; et rien n’est plus propre Ă  atteindre ce but que des attaques prĂ©cipitĂ©es, furieuses, quel qu’en soit le rĂ©sultat. L’artillerie, de son cĂŽtĂ© , croise de feux le champ de bataille, en faisant usage de toutes ses ressources et choisissant les positions les plus favorables. Elle ne doit pas non plus craindre de s’exposer, au risque mĂȘme de perdre quelques piĂšces; sans son appui bien soutenu, la retraite de l’infanterie sous la mitraille de l’ennemi ne saurait ĂȘtre qu’une dĂ©route. Cependant les bagages ont pris les devants sous l’escorte de quelques troupes. Ils s’étaient tenus Ă  distance pendant la bataille ; ils se sont mis en route aussitĂŽt que l’ordre de la re- raile leur a Ă©tĂ© envoyĂ©. Ils hĂątent leur marche pour ne point entraver celle de l’armĂ©e. La nuit protectrice arrive enfin. L’ennemi las de combattre, Ă©puisĂ© de ses perles, est forcĂ© de s’arrĂȘter. On profite donc de cette circonstance pour se rallier. On se remet en ordre autant que possible ; on fait prendre aux troupes quelque nourriture, et, sans songer au repos dans cette nuit de malheur, on force de marche pour gagner quelques lieues sur l’ennemi. Une forte arriĂšre-garde, commandĂ©e par l’officier le plus intrĂ©pide et le plus expĂ©rimentĂ©, reste en position pour couvrir la retraite. Cette arriĂšre-garde, forcĂ©e aussi Ă  bKR 243 quitter le terrain, dispute pied Ă  pied tout ce qu’elle abandonne. Ce qu’il y a de pire dans une bataille perdue, c’est la dĂ©- * moralisation des troupes. Il faut donc tout faire pour affaiblir ces funestes impressions. Les chefs, par leur contenance et leurs paroles, raniment les esprits abattus. Le gĂ©nĂ©ral surtout, loin de paraĂźtre altĂ©rĂ©, doit montrer beaucoup de calme, visiter les bivouacs, donner ses ordres comme s’il ne s’était rien passĂ© de fĂącheux. C’est ainsi qu’il donnera une haute idĂ©e de sa constance et de la grandeur de son courage. La troupe, un moment Ă©branlĂ©e, reprendra confiance et sera prĂȘte Ă  faire payer cher Ă  l’ennemi un succĂšs Ă©phĂ©mĂšre. Malheur h lui s’il n’a pas su profiler de sa victoire , s’il s’est endormi en oubliant cet adage, qu'Ă  la guerre rien n’est fait tant qu’il reste quelque chose Ă  faire. Le roi de Prusse recommande de se retirer Ă  quarante lieues quand on est battu, mais de s’arrĂȘter au premier poste avantageux pour remettre l’armĂ©e et relever les esprits abattus. C’est ce qu’ont fait les ducs de Weymar et de Rohan , les deux plus grands capitaines de leur siĂšcle. AprĂšs avoir perdu la bataille de Rhinfeld, ils s’arrĂȘtĂšrent Ă  six lieues du champ de bataille, et lĂ , prenant conseil de leur courage, ils ralliĂšrent les dĂ©bris de leur armĂ©e, et, par une marche de nuit, se prĂ©sentĂšrent inopinĂ©ment devant le camp des Bavarois qui , ne s’attendant pas Ă  un pareil retour, se gardaient trĂšs-mal. Ils furent surpris et mis dans la plus complĂšte dĂ©route ; ils perdirent tous leurs canons et les bagages. VoilĂ  une belle ‱ revanche que les Bavarois n’auraient pas laissĂ© prendre, si, au lieu de coucher sur le champ de bataille et de se livrer Ă  la joie, ils se fussent mis'Ă  la poursuite des vaincus. La rĂšgle que donne le roi de Prusse et qu’il a mise lui-mĂȘme en pratique aprĂšs la perte de la bataille de llohenkirch, est d’accord avec ce que nous venons de dire; mais on est rarement le maĂźtre de s’arrĂȘter oĂč et quand on veut. Cela est d’autant plus difficile que l’armĂ©e a mieux fait son devoir dans le com- H.- cv 244 DES BATAILLES. bal; car plus elle s’esl engagĂ©e, plus elle a montrĂ© d’opiniĂątretĂ©, de rĂ©sistance, moins aussi il lui est possible de se retirer en ordre. Il devient alors nĂ©cessaire qu’elle gagne du pays pour rassembler ses dĂ©bris ou appeler h elle ses renforts. On ne doit pas perdre de vue que s’il est honorable de mettre promptement un terme Ă  la retraite, il ne Test pas moins de ne pas dĂ©sespĂ©rer delĂ  fortune pour un premier revers, et de revenir h la charge plusieurs fois, jusqu’à dĂ©soler, vaincre mĂȘme celui qui d’abord se croyait maĂźtre du champ de bataille. Ne voit-on pas souvent une armĂ©e battue Ă  l’une de ses ailes, ne point s’ébranler Ă  l’autre, y recevoir au contraire les soldats dispersĂ©s, puis marcher audacieusement Ă  l’ennemi? Cette gĂ©nĂ©reuse rĂ©solution n’est-elle pas souvent couronnĂ©e d’un Ă©clatant succĂšs? Si, au lieu de cela, le gĂ©nĂ©ral ordonne la retraite, peut-ĂȘtre parviendra-t-il Ă  se retirer sans pertes sĂ©rieuses, mais il n’en aura pas moins Ă©tĂ© vaincu. Certes , la victoire est d’un assez grand prix pour ne pas y renoncer aussi lĂ©gĂšrement. Le premier des devoirs, la premiĂšre de toutes les nĂ©cessitĂ©s, c’est de se bien battre; arrive aprĂšs ce qui pourra. On Ă©crase l’ennemi si on est vainqueur; il ne s'en relĂšve pas, et la guerre est finie. Dans le cas contraire, et quoique vaincu, on inspire de l’effroi Ă  l’ennemi par l’étendue de ses pertes. C’est ainsi qu’à Saint-Jacques les anciens ConfĂ©dĂ©rĂ©s, attaquĂ©s par une armĂ©e dix fois plus nombreuse que la leur, combattirent avec tant de valeur et d’acharnement, qu’ils ne cĂ©dĂšrent le terrain qu’avec leurs vies. Ils pĂ©rirent tous ; mais, plus heureux que les Spartiates aux Thermopyles, ils sauvĂšrent leur patrie de l’invasion dont elle Ă©tait menacĂ©e. Le Dauphin de France , effrayĂ© de sa victoire , ne voulut pas aller plus avant et ne songea plus qu’à faire alliance avec un peuple dont la renommĂ©e ne fit que s’accroĂźtre par cette hĂ©roĂŻque dĂ©faite. CHAPITRE Y. De la DĂ©fense les ltiviĂšres et les Montagnes. Cet objet est si intĂ©ressant pour les militaires suisses, que nous avons cru devoir lui consacrer un chapitre particulier. - DÉFENSE DES RIVIÈRES. Disposition des troupes .—Il faut, pour dĂ©fendre une riviĂšre, partager l’armĂ©e en plusieurs corps d’observation, que l'on place de distance en distance devant les endroits les plus menacĂ©s, et pas trop prĂšs des bords, pour n’ître pas exposĂ©s au canon de l’ennemi. Ces corps restent rĂ©unis; ils envoient seulement de petits dĂ©tachements pour observer ce qui se passe sur la rive opposĂ©e , et ils communiquent entre eux par de frĂ©quentes patrouilles. Les dĂ©tachements, qu’il est inutile de faire nombreux , se postent dans les bouquets de bois , derriĂšre les levĂ©es ou les plis de terrain, partout oĂč sans se dĂ©couvrir eux-mĂȘmes ils peuvent le mieux voir l’autre rive. La distance qu’on peut mettre entre les corps d’observation dĂ©pend de la largeur de la riviĂšre et des difficultĂ©s qu’elle offre h l’ennemi pour l’établissement de ses ponts ; car il faut que les corps voisins aient le temps d’arriver au secours de celui qui serait attaquĂ© avant que l’ennemi ait achevĂ© l’opĂ©ration du passage. Une distance de trois lieues est dĂ©jĂ  grande sur un fleuve tel que le Rhin , oĂč un pont ne se jetterait pas en moins de deux ou trois heures. Si donc il y avait trois corps pareils, ils observeraient convenablement huit Ă  neuf lieues du cours du fleuve ; car l’ennemi ne pourrait tenter le pas- DE LA DÉPENSE DES AIVIÈHKS. 2f6 sage ni dans l'intervalle de deux corps, ni en dessus, ni en dessous, Ă  une lieue ou une lieue et demie des corps extrĂȘmes, sans que le plus voisin , bientĂŽt suivi des autres , n’arrivĂąt pour s’y opposer. Une forte rĂ©serve, ou corps principal , se tient en arriĂšre de tous les corps d’observation Ă  une distance proportionnĂ©e Ă  l’espace qu’ils occupent, et telle qu’il ait le temps d’arriver sur le point oĂč l’ennemi veut forcer le passage, avant que son projet soit effectuĂ©. Si la ligne Ă  garder est grande, on formera deux rĂ©serves au lieu d'une seule. Pour que ccs corps puissent se porter rapidement au secours les uns des autres, il faut qu’il existe une bonne route parallĂšle au fleuve, et des chemins transversaux partant du point qu’occupe la rĂ©serve cl aboutissant Ă  cette route. Quand la communication parallĂšle se rapproche beaucoup du fleuve, et qu’elle est soumise au canon de la rive opposĂ©e , elle perd tous ses avantages. Dans les endroits oĂč cela arrive, il faut y supplĂ©er en ouvrant une nouvelle communication plus en ar- liĂšre. Voici maintenant les mesures de dĂ©tail qu’il faut ajouter aux dispositions gĂ©nĂ©rales que nous venons d'indiquer Ă©tablir un systĂšme de signaux de jour et de nuit pour donner l'alarme sur toute la ligne; retirer les bateaux sur la rive qu’on occupe ; couler h fond ceux qu’on ne peut pas emmener, et remonter les plus gros tout Ă  fait en amont pour pouvoir les lĂącher au courant aprĂšs les avoir chargĂ©s de pierres, et tĂącher de rompre ainsi les ponts de l'ennemi. Si la riviĂšre est guĂ©able en quelques endroits , on s’efforcera d’en dĂ©grader le fond en y pratiquant des coupures avec la drague ; sinon on Ă©tablira au dĂ©bouchĂ© du guĂ© un bon abatis ou quelque retranchement. S’il existe entre deux guĂ©s ou deux points favorables a un passage un Ă©troit dĂ©lilĂ©, il est bon de le fortifier pour rester maĂźtre de la route et ĂŽter aux corps ennemis, qui auraient passĂ© sur les deux points, la facilitĂ© de se joindre avant d’ĂȘtre attaquĂ©s. Les ponts dont la dĂ©fense est DU LA DEFENSE DES RIVIÈHES. 247 jugĂ©e trop diflicile doivent ĂȘtre coupĂ©s, sans Ă©gard aux rĂ©clamations des habitants. II faut, dans ces grandes circonstances, que l’intĂ©rĂȘt privĂ© cĂšde Ă  l’intĂ©rĂȘt gĂ©nĂ©ral. Mais aussi on doit se garder de causer des dĂ©sastres inutiles, et ce serait faire un mal sans nĂ©cessitĂ© que de brĂ»ler un pont sur une riviĂšre guĂ©able. La condition , pour exiger ce grand sacrifice , est donc que l’ennemi soit oblige par lĂ  Ă  faire venir ses Ă©quipages et Ă  jeter un pont. Quand le pont est de nature Ă  ĂȘtre interceptĂ© par une coupure Ă  pont-levis, on peut encore l’épargner si on a le temps de faire cette coupure ; sinon, il est condamnĂ©, et la flamme prive l’ennemi de ce moyen de passage. Lorsqu’on se dĂ©cide b faire le pont-levis, il ne faut pas nĂ©gliger d’en crĂ©neler le tablier, alin de pouvoir en dĂ©fendre directement les approches. On doit aussi avoir soin de couper toutes les poutres, alin de ne rien laisser Ă  l’ennemi qui puisse favoriser le rĂ©tablissement de la coupure. FeuquiĂšre raconte dans scs MĂ©moires, qu’il dut la rĂ©ussite de l’attaque d’un pont Ă  ce que les ennemis avaient nĂ©gligĂ© ces prĂ©cautions. Le tablier du pont-levis couvrit ses soldats des feux directs en mĂȘme temps que les parapets les garantissaient des feux de lianes. sur la rive un amas de poutrelles qui Ă©taient lĂ  comme exprĂšs pour leur donner les moyens de refaire la coupure. C’est donc encore une attention qu’il faut avoir que d’enlever de la rive opposĂ©e tous les bois de construction qui s’y trouvent; il est d’ailleurs nĂ©cessaire de s’en procurer en grande quantitĂ© pour les besoins de la dĂ©fense. TĂȘlcs de pont. — Mais le mieux est de couvrir le pont que l’on veut conserver par de bons retranchements , sans prĂ©judice toutefois de toutes les prĂ©cautions qu’on peut prendre sur le pont lui-mĂȘme ou en arriĂšre. On se mĂ©nage ainsi la facultĂ© de passer sur l’autre rive, si on le juge Ă  propos, et quand l’occasion sera favorable. L’ensemble des fortifications constitue ce au’on appelle une tĂȘte de pont , quelle que soit 248 IE LA DÉFENSE DES RIVIÈRES. d’ailleurs la disposition qui ait Ă©tĂ© adoptĂ©e pour les ouvrages. Si la tĂȘte de pont n’a d'autre objet que de couvrir immĂ©diatement le dĂ©bouchĂ© et de permettre h un petit corps d’observation de se tenir au delĂ  de la riviĂšre , ou Ă  des dĂ©tachements de cavalerie d'aller faire des reconnaissances dans les environs sans crainte de se voir coupĂ©s de leur point de retraite , elle peut se rĂ©duire Ă  un seul ouvrage, tel qu’une lunette , un bonnet de prĂȘtre , ou un front bastionnĂ© avec longues branches sur les cĂŽtĂ©s. Mais quand elle doit jouer un rĂŽle plus important, qu’elle est destinĂ©e Ă  favoriser la retraite d’un corps principal et Ă  le recevoir au besoin dans son intĂ©rieur, la tĂȘte de pont doit ĂȘtre construite sur de tout autres proportions. II faut d’abord qu’elle laisse, entre les ouvrages et la riviĂšre, une vaste Ă©tendue oĂč les troupes puissent se rĂ©unir sans trop d’encombrement. Elle doit prĂ©senter extĂ©rieurement une chaĂźne d’ouvrages dĂ©tachĂ©s, Ă  bonne distance les uns des autres et se flanquant mutuellement. Ces ouvrages , bien armĂ©s et pourvus, si possible, de grosse artillerie, fraisĂ©s et palissadĂ©s Ă  leurs gorges, forment les points solides de la position, autour desquels et entre lesquels les troupes dĂ©fensives manƓuvreront. IntĂ©rieurement, un ouvrage capital servira tout Ă  la fois de rĂ©duit pour les ouvrages avancĂ©s, et de protection immĂ©diate Ă  l’entrĂ©e du pont. Cet ouvrage sera ou un vaste bonnet de prĂȘtre, ou une couronne , ou un ouvrage Ă  cornes, suivant le cas et la nature des localitĂ©s. En arriĂšre dupont, sur la rive occupĂ©e, de fortes batteries seront disposĂ©es pour flanquer les ouvrages avancĂ©s, en appuyer les ailes, et pour couper le pont si cela devient nĂ©cessaire. Voyez, pour de plus amples dĂ©tails, le MĂ©morial des travaux de guerre, chap. VII. La tĂȘte de pont d’Aarbcrg est basĂ©e sur ces principes. Elle Ă©tait destinĂ©e Ă  recevoir au besoin une division entiĂšre de 12 Ă  15,000 hommes, et Ă  pouvoir nĂ©anmoins ĂȘtre dĂ©fendue par une seule brigade, jusqu’à l’arrivĂ©e des secours. Dix ouvrages de formes et de grandeurs diverses devaient former l’enceinte DE LA DÉPENSE DES RIVIÈRES. 240 extĂ©rieure sur une circonfĂ©rence de 7 h 800 mĂštres de rayon. Trois seulement de ces ouvrages ont Ă©tĂ© exĂ©cutĂ©s; ce sont ceux qui occupent les hauteurs et qui interceptent les principales routes. On peut les regarder comme le noyau de la dĂ©fense, aussi ont-ils Ă©tĂ© faits Ă  grands profils et Ă  fort relief. Les ouvrages intermĂ©diaires qui complĂštent la disposition, Ă©tant moins importants, se construiraient facilement au moment du besoin. Les ressources bornĂ©es de la ConfĂ©dĂ©ration obligent Ă  faire ces Ă©conomies. Pour bien juger cette grande tĂȘte de pont, il ne faut pas sĂ©parer les ouvrages qui restent Ă  faire de ceux qui sont exĂ©cutĂ©s et soigneusement entretenus, de mĂȘme qu’il faut se figurer ces derniers fraisĂ©s dans tout leur pourtour et fortement palissadĂ©s h leur gorge. Le rĂ©duit de la tĂȘte de pont est une espĂšce de grand redan Ă  ailerons qui fut construit en 4815. On ne lui aurait fait subir qu’une lĂ©gĂšre modification pour en tirer parti. II peut quelquefois convenir de substituer h la disposition prĂ©cĂ©dente un seul fortin jetĂ© en avant du pont, Ă  une distance telle , que, sans cesser de le couvrir, il laisse cependant un intervalle assez grand pour rassembler sous sa protection des forces capables d’agir extĂ©rieurement, ou pour recevoir une division en retraite. On trouve les vestiges d’un pareil ouvrage construit par le duc de Rohan , Ă  450 mĂštres de la Tardis- Rruck, dans l’angle formĂ© par la Landquart et le Rhin. C’est un fort Ă  quatre bastions, de 250 mĂštres de cĂŽtĂ©, avec demi- lunes ; on en reconnaĂźt encore trĂšs-bien la forme. Lorsque la Landquart roule d'abondantes eaux, ce fort est trĂšs-bien placĂ© pour couvrir Ă©galement le pont sur cette riviĂšre roule de Coire, et celui du Rhin route de Ragatz. Mais lorsque ses eaux sont basses, ou que seulement elle est guĂ©able , ce qui arrive souvent, on peut le tourner pour se porter par les bords du Rhin sur la Tardis-Bruck. La riviĂšre, au lieu de se prĂ©senter en travers de la ligne d’opĂ©rations de l’ennemi, peut lui ĂȘtre parallĂšle. Dans ce cas, il faut tortiller des deux cĂŽtĂ©s le pont qu’on veut conserver, 250 DK LA DÉFENSE DES RIVIÈRES. car on ne sait pas de quel cĂŽtĂ© l’altaque aura lieu. Du reste , les principes h appliquer sur chaque rive isolĂ©ment, sont les mĂȘmes que dans le cas prĂ©cĂ©dent. Ces doubles tĂȘtes de pont offrent de grands avantages dĂ©fensifs Ă  une troupe manƓuvriĂšre elles permettent de passer d’un cĂŽtĂ© quand l’ennemi se prĂ©sente de l’autre, et de mettre toujours la riviĂšre entre lui et soi, en ne laissant dans les ouvrages que la garnison nĂ©cessaire Ă  leur dĂ©fense, laquelle, pouvant toujours ĂȘtre renouvelĂ©e ou renforcĂ©e , fera une belle rĂ©sistance. Du reste, l’ennemi n’ira pas outre si le corps qui occupe la tĂȘte de pont est de quelqu’importance , car il perdrait sa ligne d’opĂ©rations. 11 faut donc qu’il procĂšde contre cette tĂšte de pont. On l’oblige ainsi Ă  attaquer une position fortifiĂ©e; il y perdra nĂ©cessairement du temps et du monde. S’il se partage pour entourer la position et la prendre des deux cĂŽtĂ©s Ă  la fois, l’armĂ©e dĂ©fensive peut, au moyen dupont dont elle est maĂźtresse, se porter tout entiĂšre contre une des parties et l’écraser. Il est h prĂ©sumer, qu’à moins d’une telle supĂ©rioritĂ© de forces que toute proportion cesse, l’attaquant ne se prĂ©sentera que d’un cĂŽtĂ©; dĂšs-lors il ne faut pas considĂ©rer une double tĂȘte de pont comme une place de guerre exposĂ©e Ă  un siĂšge. Elle est encore trĂšs-bonne, lors mĂȘme que les ouvrages d’une rive sont vus et plongĂ©s de la rive opposĂ©e, pourvu qu’ils ne prĂ©sentent pas ce dĂ©faut du cĂŽtĂ© oit ils font face, et que du reste ils satisfassent Ă  toutes les conditions du tracĂ©; car il faut supposer, nous le rĂ©pĂ©tons, que lorsque l'ennemi se prĂ©sente d’un cĂŽtĂ© vous ĂȘtes en forces de l’autre. Une forteresse , au contraire , qui ne renferme souvent qu’une faible garnison et qui doit se suffire Ă  elle-mĂȘme, sera nĂ©cessairement entourĂ©e quand l'ennemi voudra en faire le siĂšge. 11 faut donc qu’elle soit si bien dĂ©filĂ©e qu’on ne puisse de nulle part voir ou tirer dans ses ouvrages. Telle est la diffĂ©rence d’une forteresse Ă  une double tĂȘte de pont construite uniquement pour favoriser les manƓuvres dĂ©fensives d’une armĂ©e. Celle-ci rĂ©sulte du rapprochement accidentel de deir DE LA DEFENSE DES RIVIÈRES. 2S1 ouvrages de guerre iudĂ©pendanls, ou pouvant ĂȘtre regardĂ©s connue tels; l’autre forme un ensemble dont rien ne peut ĂȘtre sĂ©parĂ©. Nous avons eu aussi l’occasion de construire quelques ouvrages Ă  Saint-Maurice, dans le principe des doubles tĂȘtes de pont. Pour bien juger cette importante position , qui ferme les trois routes de Martigny, de Tlionon et de Villeneuve , il faut bien se pĂ©nĂ©trer des principes ci-dessus Ă©noncĂ©s, et comprendre ce que peut faire une division entiĂšre qui en occupe toutes les bailleurs. Nous devons , au reste , ajouter que les fortifications qui existent en attendaient d’autres dont l’exĂ©cution avait Ă©tĂ© remise au moment du besoin. Elles ne sont que le rĂ©duit de la position qui assure la possession du pont, le pivot des manƓuvres que les troupes de toutes armes auraient eu Ă  exĂ©cuter pour se maintenir et repousser l'ennemi. Les lorteresses, Ă  moins qu’elles ne soient trĂšs-vastes et pourvues d’ouvrages avancĂ©s, ne peuvent pas rendre h une armĂ©e les mĂȘmes services que les tĂȘtes de pont construites acl hoc , lors mĂȘme que celles-ci n’ont point d’escarpe en maçonnerie; parce que l’espace intĂ©rieur des forteresses est trop restreint, et que les dĂ©filĂ©s des portes sont beaucoup trop Ă©troits pour que l’armĂ©e puisse promptement s'Ă©couler dans une retraite, ou en dĂ©boucher en forces pour l’attaque. Mais elles offrent d’excellents rĂ©duits, et au moyen d’un camp retranchĂ© construit en avant, elles acquiĂšrent d’éminentes propriĂ©tĂ©s dĂ©fensives. C’est pourquoi, lorsqu’on les possĂšde, il faut se garder de les dĂ©truire. Pour nous, en particulier, qui avons si peu d'argent Ă  mettre aux fortifications, nous devons y regarder Ă  deux fois avant de renverser des remparts , si vieux qu’ils paraissent, quand ces remparts nous assurent la possession des ponts sur nos principales riviĂšres. Une forteresse, quoique petite, sera encore une bonne tĂȘte de pont lorsqu’elle sera sĂ©parĂ©e de huit Ă  neuf cents mĂštres de la riviĂšre et des ponts qu’elle protĂšge, parce que l’espace n’est pas assez grand pour que l’ennemi s’y jette sans s'ex- DE LA DÉFENSE DES RIVIÈRES. 2ĂŽÂ»â€œ2 poser Ă  d’immenses dangers, et qu’il est suflisant pour le rassemblement des dĂ©fenseurs. C’est ce que nous avons dĂ©jĂ  dit en parlant des tĂȘtes de pont dĂ©tachĂ©es, telle que celle du duc de Rohan. La diffĂ©rence, s’il y en a une, est toute en faveur de la forteresse, parce que les fortifications en sont plus solides. NapolĂ©on recommande quelque part cette disposition. Nous terminerons ce que nous avons Ă  dire sur les tĂȘtes de pont en citant textuellement l’archiduc Charles sur ce sujet Il n’y a pas de meilleure attitude dĂ©fensive , dit-il, que lorsqu’on occupe des points par lesquels on menace continuellement l’ennemi d’une attaque et on l’oblige de penser Ă  sa propre sĂ»retĂ©. Rien ne remplit mieux cet objet que des tĂȘtes de pont en arriĂšre desquelles on fait cantonner les troupes. Toute autre position peut ĂȘtre tournĂ©e. Mais une tĂȘte de pont bien construite, mise Ă  l’abri d’un coup de main et couvrant parfaitement le passage qu’elle dĂ©fend , n’est sujette Ă  aucun des inconvĂ©nients si redoutables Ă  d’autres postes, parce qu’elle ne peut jamais manquer ni d’une garnison suffisante, ni de vivres, ni de munitions de guerre. L’ennemi est rĂ©duit Ă  observer sans cesse un dĂ©bouchĂ© par lequel des forces supĂ©rieures peuvent se porter sur lui. » Lorsqu’on se restreint Ă  la dĂ©fensive absolue de la riviĂšre, ce qui est toujours un pis-aller, il faut porter une attention particuliĂšre sur les points oĂč l’ennemi pourrait jeter avantageusement un pont. Ces endroits sont ceux oĂč la riviĂšre forme en dehors un coude trĂšs-prononcĂ©, parce qu’ une telle forme favorise l'Ă©tablissement de batteries Ă  feux croisĂ©s, sous la protection desquelles s’effectueraient des dĂ©barquements successifs. Ce sont encore les endroits oĂč la riviĂšre est partagĂ©e en plusieurs bras par des Ăźles qui couvrent les prĂ©paratifs du passage ; ceux oĂč viennent aboutir des riviĂšres tributaires, Ă  la faveur desquelles l’ennemi pourrait faire arriver de l’intĂ©rieur ses bateaux, ses pontons et tous leurs agrĂšs. On dressera donc des batteries en ces endroits ; on y construira mĂȘme des redoutes, des fortins, dans les emplacements qui dĂ©couvrent DE LA DÉFENSE DES RIVIÈRES. 253 le mieux les rives. On y tiendra habituellement une garde qui sera dĂ©tachĂ©e du corps d’observation le plus voisin, lequel, dans ce cas, ne saurait ĂȘtre Ă©loignĂ©. Quand le temps manque pour confectionner ces ouvrages, on y supplĂ©e par de simples tranchĂ©es ou bourrelets de terre, construits rapidement en arriĂšre du coude de la riviĂšre et de maniĂšre h envelopper l’espace oĂč les troupes se formeraient aprĂšs avoir opĂ©rĂ© leur dĂ©barquement. Ces tranchĂ©es occupant, autant que possible, les parties Ă©levĂ©es du terrain, forment comme un demi-cercle dans l’intĂ©rieur duquel l’ennemi sera exposĂ© Ă  des feux convergents et meurtriers ; on cherche Ă  les dĂ©rober au canon de l’autre rive, et on a soin de ne pas trop approcher leurs extrĂ©mitĂ©s du bord quand il est dominĂ©; sans ces prĂ©cautions la tranchĂ©e serait prise d’enli- lade et rendue intenable. Les premiĂšres troupes qui viennent au secours des avant-postes quand l’attaque est connue, se jettent dans ces tranchĂ©es et font tous leurs efforts pour s’y maintenir jusqu’à ce que les rĂ©serves arrivent. C’est ainsi qu’en usa le duc de VendĂŽme devant le prince EugĂšne qui, lui ayant dĂ©robĂ© une marche, s'efforça de jeter un pont sur l’Àdda dans un endroit trĂšs-favorable. VendĂŽme accourut en toute hĂąte et arriva avant que le pont fĂ»t terminĂ© ; il essaya en vain d’arrĂȘter les travaux des pontonniers ; ils Ă©taient trop bien protĂ©gĂ©s par l’artillerie pour qu’on pĂčt en approcher. Cependant il fallait empĂȘcher l’armĂ©e impĂ©riale de dĂ©boucher VendĂŽme chercha donc Ă  se poster de maniĂšre Ă  envelopper l’armĂ©e ennemie ; il fit construire avec une rapiditĂ© incroyable une levĂ©e de terre formant comme un demi-cercle autour des impĂ©riaux. Elle fut achevĂ©e presque en mĂȘme temps que les ponts. Le prince EugĂšne, jugeant dĂšs-lors le passage impossible, ordonna la retraite. Quand on peut ainsi prendre l’attaquant en flagrant dĂ©lit avant qu’il ait achevĂ© ses ponts, on a sur lui un immense avantage; son artillerie, sa cavalerie et une grande partie de son infanterie sont de l’autre cĂŽtĂ©. Le peu de troupes qu’il a pu DE LA DÉFENSE DES RIVIÈRES. Jaire passer par des transports successifs, est loin de suffire pour forcer les corps qui se sont rĂ©unis b quitter la rive; et, lors mĂŽme qu’il parviendrait b se maintenir et b terminer ses ponts, il aurait une peine extrĂȘme b en dĂ©boucher, l’espace lui manquant pour se dĂ©ployer sous le feu convergent des batteries dĂ©fensives et sous celui non moins meurtrier des carabiniers. On arrive au mĂŽme rĂ©sultat si les ponts Ă©tant achevĂ©s on parvient b les rompre avant que le gros de l’armĂ©e ait passĂ©. Aussi faut- il tout essayer pour atteindre ce but on charge de gros-bateaux d'autant de pierres qu’ils en peuvent contenir, on construit des radeaux composĂ©s de gros troncs d’arbres, et on les lĂąche tous ensemble au courant. Il est difficile, si le fleuve a quelque rapiditĂ© comme le RhĂŽne, le Rhin et la plupart des riviĂšres qui arrosent la Suisse, que quelques-uns de ces corps flottants, si ce n’est tous, ne viennent pas heurter les ponts et les rompre. C’est ainsi qu’en 1809 les Autrichiens rĂ©ussirent b sĂ©parer en deux l’armĂ©e française, en abandonnant au courant quelques-uns de ces moulins flottants qui se trouvent sur le Danube. Les corps qui avaient passĂ© les premiers, et qui dĂ©jbjĂ©taient maĂźtres de Gros-Aspcrn et d’Es- ling sur la rive gauche, se virent enveloppĂ©s par I armĂ©e entiĂšre de l’archiduc Charles et obligĂ©s, aprĂšs une rĂ©sistance hĂ©roĂŻque mais vaine, de rentrer dans la grande Ăźle de Lobau, que forment les bras du Danube en cet endroit. AprĂšs cet Ă©chec, il fallut aux Français deux mois de persĂ©vĂ©rance et d’immenses travaux pour construire plusieurs ponts solides et des estocades destinĂ©es b les prĂ©server de nouveaux malheurs. Ces ponts, faits de pilotis, sous la direction du gĂ©nĂ©ral Bertrand, sont le plus bel ouvragĂ© de ce genre qui ait Ă©tĂ© fait par des armĂ©es, depuis le fameux pont que CĂ©sar construisit sur le Rhin, ne trouvant pas qu’il y eĂ»t assez do sĂ»retĂ© ni qu’il fĂ»t de la dignitĂ© romaine de passer ce fleuve en bateaux. Moyens secondaires. — Les plus grandes difficultĂ©s qu’on rencontre dans la dĂ©fense des riviĂšres, c’est de ne pas se lais- 1E LA. DÉFENSE DES ltlVIÈIlES. 255 se *' tromper par de fausses dĂ©monstrations, et d’étre averti Ă  temps du vĂ©ritable passage. Il faut des officiers de grande expĂ©rience dans les postes d'observation , qui ne perdent point la tĂȘte Ă  la premiĂšre alerte et ne prennent pas aisĂ©ment le change. Quant au second objet, celui d’étre promptement averti des entreprises de l’ennemi, on y parvient, comme il a Ă©tĂ© dit plus haut, au moyen de signaux convenus pour le jour et pour la nuit, tels qu’un certain nombre de coups de canon, tirĂ©s Ă  intervalles dĂ©terminĂ©s, des fusĂ©es volantes, de grands feux allumĂ©s sur les sommitĂ©s les plus visibles du terrain environnant, etc. Ce dernier moyen expose facilement aux mĂ©prises si on ne prend pas toutes les prĂ©cautions pour les Ă©viter, parce que les bergers sont dans l’habitude d'allumer des feux la nuit pour garder leurs troupeaux. On peut encore, en organisant un service d’estafettes, avoir trĂšs- promptement des nouvelles de l’ennemi. C’est peut-ĂȘtre le moyen le plus simple ; c’est Ă  coup sĂ»r le moins sujet Ă  erreur et il est toujours bon de se le mĂ©nager, indĂ©pendamment des autres. 11 est enfin possible d’établir quelques tĂ©lĂ©graphes dont les piĂšces pourraient ĂȘtre prĂ©parĂ©es d’avance et faire partie du matĂ©riel de l’armĂ©e. Le gĂ©nĂ©ral Sucliet en usa ainsi pour la dĂ©fense du Var en 1800; il lit Ă©tablir un tĂ©lĂ©graphe dans le fort Monlalban d’oĂč il Ă©tait facile d’observer une grande partie des mouvements de l’armĂ©e autrichienne. Un second tĂ©lĂ©graphe fut placĂ© Ă  Gilette, sur la rive droite du Var. L’un et l’autre correspondaient avec un troisiĂšme Ă©tabli au quartier gĂ©nĂ©ral de Sl-Laurent. Ce moyen d’obtenir rapidement des avis, sert Ă©galement Ă  transmettre des ordres, et, sous ce rapport, rien ne peut le remplacer quand les distances Ăč parcourir sont un peu grandes, et qu’un temps clair en favorise l’emploi. II est ensuite une loi militaire, une loi d’honneur qu’il ne faut jamais violer, c’est d’aller au canon quand son bruit se fait entendre distinctement et se prolonge assez pour qu’on ne puisse pas douter d’un engagement sĂ©rieux. Aucune ex- 250 DE LA DÉFENSE DES RIVIÈRES. cuse 11 e saurait ĂȘtre bonne pour un chef qui serait restĂ© immobile dans sa position quand le tonnerre lointain du canon lui aurait fait savoir qu’une grande affaire a lieu ' e distance. Il ne peut pas mĂȘme allĂ©guer des ordres supĂ©rieurs, car des ordres contraires ont pu ĂȘtre interceptĂ©s, les olliciers qui les portaient ont pu ĂȘtre tuĂ©s. C’est Ă  lui de juger le degrĂ© d’urgence, de prendre quelque chose sous sa responsabilitĂ© personnelle pour voler oĂč l’honneur et le danger l’appellent. Si le soldat, si l’ollicier subalterne doivent obĂ©issance entiĂšre aux ordres que leur donnent les supĂ©rieurs; s’il leur est interdit d’y rien changer de leur propre mouvement, il n’en est pas de mĂȘme d’un chef dont l'intelligence est plus dĂ©veloppĂ©e, le coup d’Ɠil plus sĂ»r, et qui ordinairement a plus d’expĂ©rience des choses; il conserve nĂ©cessairement une certaine latitude dans son commandement pour se conduire suivant les circonstances et pourvoir aux cas imprĂ©vus. ManƓuvres. — AussitĂŽt que l’alerte est donnĂ©e, les postes les plus voisins accourent vers le point de passage et chargent, en quelque nombre qu’elles soient, les premiĂšres troupes qui ont pris pied en deçà, pour tĂącher de les jeter dans la riviĂšre avant qu’il en dĂ©barque d’autres, ou tout au moins ils font leur possible pour sc maintenir, Ă  la faveur des haies, des broussailles, des jetĂ©es qui se trouvent souvent sur le bord des cours d’eau, jusqu’à ce que des renforts arrivent. Si l’ennemi a commis l’imprudence de commencer l’établissement du pont avant d’ĂȘtre maĂźtre du terrain sur les deux rives, les carabiniers, pendant l’action, lĂąchent de s’approcher assez pour dĂ©couvrir les pontonniers et les ajuster. C’est ainsi qu’en 1709 les carabiniers suisses firent Ă©chouer le passage de l’Aar tentĂ© Ă  Dettingen par l’armĂ©e autrichienne. En vain une artillerie formidable balayait la rive gauche, les carabiniers, se glissant le long du bord et se couvrant de tous les accidents qu’offrait le terrain, parvinrent Ă  s’embusquer et k abattre les pontonniers qui osaient encore se montrer. Les bateaux mal retenus I»E LA DÉFENSE DES RIVIÈRES. 257 sur un fond rocailleux, dĂ©semparĂ©s cl privĂ©s de leurs conducteurs, dĂ©rivaient au courant. Il Ă©tait aussi pĂ©rilleux que difficile de les faire remonter. L’arcliiduc Charles dĂ©sespĂ©rĂ©, dut renoncer Ă  la construction de ce pont, que la prĂ©sence des troupes, qui allaient toujours grossissant, rendait dĂ©sormais impossible. I/arlillerie et la cavalerie doivent ĂȘtre les premiĂšres Ă  arriver au secours des avant-postes; si le terrain s’y prĂȘle, la cavalerie se prĂ©cipite sur l'ennemi, pendant que l’artillerie cherche Ă  s’établir dans des positions favorables pour contrc-bat- tre l’artillerie ennemie qui tonne en ce moment, ou pour Ă©craser les troupes de dĂ©barquement. Quelques batteries d’ar- til'eric lĂ©gĂšre rendraient d’excellents services dans une pareille circonstance, par la promptitude avec laquelle elles peuvent arriver et se placer. Les corps d’observation de droite et de gauche, qui se sont mis en mouvement aux premiers coups de canon, ne tardent pas Ă  se montrer et Ă  prendre position. De moment en moment l’action est plus chaude, et la position de l’ennemi, qui peut Ă  peine faire usage de son artillerie dans la crainte de tirer sur ses propres troupes, devient toujours plus critique. 11 ne peut pas tenir serrĂ© et enveloppĂ© comme il l’est, si, au moment oĂč les rĂ©serves arriveront, il n’est pas parvenu Ă  terminer ses ponts. Il faut qu’il mette bas les armes. Mais il arrive souvent que le dĂ©fenseur, en dĂ©pit de toutes ses prĂ©cautions, est pris au dĂ©pourvu, parce que l’ennemi a mille moyens de le tromper. Alors les troupes ne peuvent pas arriver h temps, ou, se prĂ©sentant les unes aprĂšs les autres, elles sont successivement Ă©crasĂ©es. Le passage est forcĂ©, et comme celui qui l’a entrepris est ordinairement le plus fort, le dĂ©- lenscur doit se retirer pour aller prendre en arriĂšre quelque autre position. Quel que soit le danger qu’il y ait de voir l’ennemi rĂ©ussir Ă  surprendre le passage, ce n'est point une raison de trop s’étendre pour I empĂȘcher, et de dissĂ©miner ses forces tout le 17 258 DE LA DEFENSE DES RIVIÈRES. long de la riviĂšre ; parce qu’ainsi on ne se trouve nulle part en mesure de lui rĂ©sister. De deux choses l’une, ou l’ennemi reste rĂ©uni, ou il se partage. S’il se concentre, vous en faites autant, vous le cĂŽtoyez sur l’autre rive, autant du moins que vous pouvez ĂȘtre instruit de ses mouvements. Il est alors dilli- cile, si les localitĂ©s vous sont favorables et si vous ĂȘtes bien servi par les espions ou par les habitants, que l’ennemi parvienne h surprendre le passage ; si au contraire il occupe une grande Ă©tendue de pays par des corps sĂ©parĂ©s, il n’est redoutable nulle part ; vous n’avez aucune raison de vous dissĂ©miner vous-mĂȘme, car en demeurant rassemblĂ© au centre vous pourrez vous porter en forces sur le corps qui aurait franchi la riviĂšre, et le culbuter avant que les autres dĂ©tachements, qui, dans le cas que nous supposons, sont nĂ©cessairement trĂšs- Ă©loignĂ©s, et qui ont le dĂ©filĂ© du pont Ă  passer, pussent entrer en ligne. Mais qui dit concentration de forces ne dit pas entassement sur le mĂȘme point. En rĂ©unissant toutes les troupes dans un seul camp on se priverait de*la possibilitĂ© de surveiller les rives; ce serait tomber dans un autre extrĂȘme; il faut prendre des dispositions analogues Ă  celles que nous avons indiquĂ©es dans le commencement de ce chapitre. La concentration est suffisante quand tous les corps sont en mesure de se prĂȘter un secours mutuel et qu’on a la certitude, qu’en raison des localitĂ©s, l’ennemi ne pourra passe jeter entre deux. Le mot concentration ne doit donc pas se prendre dans un sens absolu, mais recevoir une interprĂ©tation plus large; il en est Ă  peu prĂšs de mĂȘme de toutes les rĂšgles militaires. Un puissant moyen de dĂ©concerter les mesures de l’ennemi, et de neutraliser les effets moraux que doit produire la rĂ©ussite d’un passage de riviĂšre, c’est de l’opĂ©rer soi-mĂȘme sur un autre point pour agir offensivement dans le pays occupĂ© par l’ennemi. De pareilles dĂ©terminations indiquent toujours, chez ceux qui les prennent, des hommes de cƓur ; elles frappent l’imagination, raniment les espĂ©rances, relĂšvent les courages abattus, en mĂȘme temps qu’elles Ă©tonnent, dĂ©mo- 259 DE LA DÉFENSE DES RIVIÈRES. Ă©lisent l’adversaire, en lui faisant supposer de plus grandes forces et plus de moyens qu’on n’en a rĂ©ellement celui-ci se verra obligĂ© de repasser la riviĂšre pour venir dĂ©fendre son propre territoire. C’est ce qui arriva Ă  Montecuculli en 1674, lorsque aprĂšs avoir passĂ© le llhin, il vit Turenne le franchir de son cĂŽtĂ© , au lieu de chercher Ă  dĂ©fendre les frontiĂšres de France par les moyens ordinaires. L’initiative que Montecu- culli avait su prendre habilement ne lui servit h rien il fut obligĂ©, par la manƓuvre de Turenne plus habile encore , de se reporter sur la rive droite. Quelquefois on s’éloigne h dessein d’une riviĂšre pour donner h l’ennemi l’envie de la passer et pour revenir promptement l'attaquer avant que toute son armĂ©e ait franchi le dĂ©lilĂ© et se soit Ă©tablie en deçà du pont. Pour que cĂšttc ruse soit utile il laut qu’en se retirant on ait l’avantage de se placer dans une bonne position, en mĂ©mo temps qu’on ne laisse Ă  l’ennemi qu’un terrain bas et Ă©troit, oĂč il ne lui soit pas possible de dĂ©velopper ses forces ; sans cela, on court le risque de se faire battre si l’ennemi parvient Ă  faire passer des forces suffisantes. Une pareille faute n’est pas sans exemple. Le marĂ©chal de CrĂ©qui, Ă  Consarbruck, laissa Ă  dessein les ennemis passer leurs ponts, diffĂ©rant toujours de les attaquer pour en envelopper un plus grand nombre dans la dĂ©route. Plus il en passera , disait-il Ă  ceux qui Ă©taient surpris de sa conduite, et plus nous en battrons. Il en passa tant qu’il ne put leur rĂ©sister il fut battu complĂštement et couvert de confusion. Mais cette faute valut Ă  la France un grand gĂ©nĂ©ral. CrĂ©qui fut guĂ©ri de sa prĂ©somption et ne conserva que le degrĂ© d’ardeur nĂ©cessaire pour les grandes entreprises. C’est ainsi que les hommes supĂ©rieurs et vraiment dignes de commander aux autres savent profiter de leurs propres fautes. DE LA DÉFENSE DES MONTAGNES. 2C0 g 2. — DĂ©fense des Montagnes. Ce sont, ou les habitants eux-mĂȘmes qu’anime l’esprit d’indĂ©pendance , ou des troupes rĂ©guliĂšrement organisĂ©es, qui combattent pour repousser l’ennemi d’un pays profondĂ©ment sillonnĂ© de rochers et de torrents, couverts de forĂȘts et que protĂšgent de hautes montagnes. La dĂ©fense prend un caractĂšre diffĂ©rent dans ces deux cas. Par les habitants. — Lorsque les montagnards se sont armĂ©s pour faire respecter leur asile et conserver la libertĂ©, leur bien le plus prĂ©cieux, ils font Ă  l’agresseur une guerre terrible. Elle n’a rien de mĂ©thodique et met la science en dĂ©faut des combats journaliers, des actions de dĂ©tail, des apparitions soudaines, des marches, des contremarches, des fuites prĂ©cipitĂ©es; jamais de grandes batailles. Aujourd’hui ils rĂ©sistent de front, et, obligĂ©s de cĂ©der, on les verra demain sur les derriĂšres de l’ennemi. TantĂŽt ils occupent les cols et les sommitĂ©s des montagnes, tantĂŽt ils en descendent pour se prĂ©cipiter sur des corps isolĂ©s, qu’ils enveloppent ou dispersent. Dans ces actions de dĂ©tail, celui qui connaĂźt le mieux le pays a un immense avantage ; c’est presque dire que le dĂ©fenseur doit tĂŽt ou tard triompher de l’attaquant. Les succĂšs que peut avoir l'ennemi n’ont pas de grandes consĂ©quences dans un pays oĂč les dĂ©fenseurs ont tant de moyens de lui Ă©chapper, pour se rallier et reparaĂźtre ensuite aussi redoutables qu’auparavant. Est-il vaincu, au contraire, sa position est affreuse; il ne peut qu’à grand’peine rassembler ses dĂ©bris; entourĂ© de toutes parts, il doit se frayer par la force un chemin au travers des bois et des dĂ©lilĂ©s; les soldats qu’il laisse en arriĂšre ou qui s’égarent, tombent sous les coups des montagnards exaspĂ©rĂ©s, ou pĂ©rissent de misĂšre dans ces rĂ©gions stĂ©riles oĂč la nature avare ne montre que d’ñpres rochers. DE IA DÉFENSE DES MONTAGNES. 2GI C’est dans ce genre de guerre que l'activitĂ© , la rĂ©solution , l’audace, un gĂ©nie inventif et rusĂ©, sont surtout nĂ©cessaires. Un chef qui possĂšde ces qualitĂ©s, et qui par lĂ  mĂȘme s’est acquis la conliance de ses soldats, peut, avec un petit nombre d’hommes, tenir tĂȘte Ă  des armĂ©es nombreuses, les battre mĂȘme ou les ruiner en dĂ©tail. Sertorius est un grand modĂšle en ce genre il brava pendant longtemps la puissance de Rome ; avec un corps de sept Ă  huit mille hommes il combattit des forces dĂ©cuples, conduites par un MĂ©tellus et un PompĂ©e ; il le fit mĂȘme avec succĂšs, et peut-ĂȘtre eut-il remportĂ© tout l’honneur de la lutte si la trahison ne fĂ»t venue au secours des Romains en les dĂ©barrassant d’un ennemi si dangereux. De nos jours le gĂ©nĂ©ral Mina , combattant sur les mĂȘmes lieux, a suivi la mĂȘme tactique; il a longtemps disputĂ© la Catalogne Ă  des troupes beaucoup plus nombreuses que les siennes. Les guĂ©rillas espagnols se sont, de tout temps, distingues dans la guerre des montagnes. Par les troupes. — Avec des troupes ordinaires on doit s’astreindre Ă  plus de mĂ©thode. Cependant c’est toujours en manƓuvrant et en agissant offensivement qu’on rĂ©ussit le mieux Ă  arrĂȘter l’ennemi. On dĂ©joue ainsi ses projets, on renverse ses plans, on le force Ă  songer Ă  sa propre sĂ»retĂ©. Il n’a pas la mĂȘme libertĂ© de mouvements que le dĂ©fenseur, parce qu’il faut qu’il conserve sa ligne d’opĂ©rations, tandis que celui-ci, manƓuvrant chez lui, trouve une ligne de retraite partout oĂč un chemin lui est ouvert. Les habitants, sans ĂȘtre montĂ©s au mĂȘme degrĂ© d’exaltation qu’on l’a vu plus haut, sont cependant disposĂ©s Ă  prĂȘter main-forte aux dĂ©fenseurs et Ă  tomber sur l’assaillant toutes les fois que l’oc casion s’en prĂ©sente. Et si cc n’est ça, ils rendent toujours d’importants services en Ă©piant les mouvements de l’ennemi et en en donnant avis. Quelques-uns d’entre eux au moins prennent les armes et sont d’utiles auxiliaires dans une foule de cas. Chez nous, l’amour de l’indĂ©pendance est portĂ© si haut, 262 DE LA DÉFENSE DES MONTAGNES. et le sentiment national est si vif, que, sans aucun doute, l’étranger qui violerait le sol helvĂ©tique rencontrerait sur son cliemin, non-seulement une armĂ©e de cent mille hommes prĂȘte h combattre vaillamment, mais encore une population habile Ă  manier le fusil ; il y rencontrerait ces redoutables carabiniers, qui, sortis des rangs de la milice, ne cessent pas pour cela de s’exercer au maniement de l’arme des chasseurs montagnards. La premiĂšre rĂšgle h observer dans la dĂ©fense des pays de montagnes , c’est de ne point chercher h feinter tous les passages ; cela entraĂźnerait un morcellement funeste. Qu’on se figure ce qu’il faudrait de monde pour occuper tous les passages de nos Alpes, combien de difficultĂ©s on trouverait Ă  faire subsister dans ces rĂ©gions sauvages un si grand nombre de dĂ©tachements , l’impossibilitĂ© de coordonner leurs mouvements, la grande facilitĂ© qu’aurait l’ennemi de percer une aussi longue ligne , et on concevra tout ce qu’une dĂ©fense basĂ©e sur de tels principes aurait de dĂ©fectueux. C’est donc en se concentrant, autant que les localitĂ©s le permettent, et en occupant en forces des positions d’oĂč l’on puisse se porter rapidement sur les points attaquĂ©s , qu’on se met^en mesure de repousser l’agression. Or, ce n’est que dans les vallĂ©es qu’on trouve la possibilitĂ© de rassembler plusieurs bataillons ; c’est donc essentiellement par les vallĂ©es qu’on dĂ©fend les montagnes, sans prĂ©judice toutefois de ce qu’on peut faire sur les sommitĂ©s pour arrĂȘter la marche de l’assaillant. Nous dirons en second lieu qu’il faut deux choses dans ce genre de guerre manƓuvrer offensivement pour dĂ©busquer l'ennemi, prendre en flanc scs colonnes, sĂ©parer les corps dĂ©tachĂ©s , enlever ses convois, etc., et combattre dĂ©fensivement , c’est-Ăč-dire se poster, pour se mĂ©nager l’avantage des lieux toutes les fois qu’on en vient Ă  un engagement sĂ©rieux. Ces deux choses semblent contradictoires , cependant un homme habile sait les concilier il 1E LA DÉFENSE DES MONTAGNES. 265 ‱nanƓuvre de maniĂšre h se placer sur le flanc ou les derriĂšres de l’ennemi, et quand il y est parvenu il prend position , ou du moins il n’attaque que s’il domine les positions de 1’ ennemi, ce qui revient au mĂȘme quant au principe qui consiste Ă  Ă©viter tout engagement lorsqu’on a le terrain contre soi. L’ennemi, ne pouvant aller plus loin sans compromettre sa ligne d’opĂ©rations, est obligĂ© de se retourner contre le corps qui a pris ainsi position, et de venir l’attaquer. Tant qu’il ne l'a pas chassĂ© delĂ , il court Ă  tout instant le danger d’ĂȘtre sĂ©parĂ© ‱le ses renforts et de ses moyens de subsistance. Il faut donc, coĂ»te que coĂ»te, qu’il marche Ă  cette position, et qu’il l’attaque avant de pousser plus loin scs opĂ©rations. C’est Ă  quoi on voulait le contraindre ; s'il rĂ©ussit, ce ne sera pas sans de grandes pertes, et s’il Ă©choue, sa situation deviendra critique, bar exemple, lorsqu’une armĂ©e envahissante aurait pĂ©nĂ©trĂ© dans la vallĂ©e du RhĂŽne pour se porter sur Marligny, nous pourrions, indĂ©pendamment de la rĂ©sistance qui lui serait opposĂ©e de front, manƓuvrer offensivement sur son flanc ou ses derriĂšres par la Gemmi pu le Grimsel, et prendre ensuite pour le combattre des positions avantageuses aux dĂ©bouchĂ©s des vallĂ©es qui conduisent Ă  ces cols. L’ennemi devrait nous y venir chercher, sans quoi nous lui fermerions la grand’route en reprenant Tourtmagne ou Briegg, et peut- ĂȘtre tous les deux. Ainsi donc, Ă  des manƓuvres offensives, ou marches en avant, succĂ©deraient des combats dĂ©fensifs tout Ă  l’avantage de ceux qui les soutiennent quand les positions sont bien appuyĂ©es et d’un accĂšs difficile, comme cela arrive presque toujours dans les grandes montagnes. Secours de l'art. — À cĂŽtĂ© des manƓuvres dont l'efficacitĂ© est incontestable pour une bonne dĂ©fense,il y a d’autres moyens !»’il ne faut pas nĂ©gliger. Ce sont ceux que l’art peut offrir pour retarder ou mĂȘme arrĂȘter complĂštement la marche de l’ennemi dans certaines localitĂ©s, et ceux qu’on trouve dans 1 occupation des positions uniquement dĂ©fensives. Ainsi on doit prĂ©parer d’avance tout ce qu’il faut pour couper les rou- 264 DE LA DÉFENSE DES MONTAGNES. tes, les chemins et les sentiers. A cet eflct, on mine les culĂ©es des ponts de pierre, on attache des fagots aux ponts de bois, afin de faire sauter les uns et de brĂ»ler les autres au moment opportun ; on fait jouer le pĂ©tard dans les chemins en corniche et sur les rochers escarpĂ©s oĂč se trouve quelque sentier, et on remplace ces communications par des Ă©chafaudages faciles Ă  renverser ; on prĂ©pare dans les endroits les plus resserrĂ©s des fougasses qui, venant Ă  jouer quand l'ennemi se montre , peuvent lui faire beaucoup de mal. Si le chemin est bordĂ© quelque part d’une paroi de rochers qui le surplombe, ou d’un escarpement dont la nature des lieux assure la possession, on y fera un grand amas de pierres et de troncs d’arbres, pour les rouler sur l’ennemi quand il sera parvenu au pied de ces rochers. Il y a mille endroits dans nos montagnes qui peuvent Ăšlre dĂ©fendus de cette maniĂšre ; je me bornerai Ă  citer les rochers en corniche qui dominent le dĂ©filĂ© de Saint-Maurice. Des abatis de gros arbres au milieu du chemin, des traverses en terre ou en pierres sĂšches, et mĂȘme des parapets faits avec du fumier ou des tonneaux remplis de laine , forment le complĂ©ment des chicannes qu’on peut opposer Ă  l’assaillant pour retarder sa marche. Positions. — Mais de bonnes positions, bien dĂ©fendues, sont le plus grand obstacle que l’ennemi ait Ă  surmonter. Elles lui coĂ»teront cher s’il s’obstine Ă  les enlever de vive force , et il perdra bien du temps s’il est obligĂ© de les tourner. Les positions se prennent sur les cols et les sommitĂ©s , ou dans les vallĂ©es. Les premiĂšres , quoique trĂšs-fortes ordinairement contre une attaque de front, ne sont pas toujours les plus avantageuses h occuper, parce que l’ennemi ne manque pas de trouver des sentiers qui les tournent, mĂȘme dans les montagnes les plus escarpĂ©es. En 1799, le gĂ©nĂ©ral Gudin parvint, par une marche extraordinaire, Ă  dĂ©busquer un poste autrichien du col sauvage du Griinsel. Parlant de Gul- tanen, il se lit conduire jusqu’à des rochers que les habitants 1 2G3 DE LA DÉFENSE DES MONTAGNES. mĂȘmes avaient toujours regardĂ©s connue inaccessibles; il les gravit pendant la nuit, et se trouva, au point du jour, sur les sommitĂ©s qui dominent le liane droit de la position. De lĂ  il se prĂ©cipita sur les Autrichiens, pendant que le gros de sa troupe les attaquait de front en remontant la vallĂ©e. Quiconque a vu ces affreux rochers, comprendra tout ce que celte tentative avait d’audacieux, et en conclura qu’il n’y a rien d’impossible aux hommes douĂ©s d’une forte volontĂ©. Cet exemple prouve que les positions sur les cols et les sommitĂ©s ne sont pas Ă  l’abri du danger d’ĂȘtre tournĂ©es ; et comme d’ailleurs il est fort difficile d’y subsister, on ne doit les occuper qu’avec les forces strictement nĂ©cessaires pour empĂȘcher l'ennemi de s’en emparer de prime-abord, et suffisantes pour le repousser et lui causer des perles considĂ©rables s il s obstine Ă  les enlever de front. Des corps peu nombreux opĂ©reront plus lestement leur retraite ; peu embarrassĂ©s dans leur marche , ils ne craindront pas d’ĂȘtre gagnĂ©s de vitesse ; ils pourront mieux proiiter des circonstances du chemin pour arrĂȘter l’ennemi ; ils songeront plutĂŽt Ă  se battre qu’à fuir. Si enliu le malheur voulait qu’un de ces corps fĂ»t coupĂ© et pris, il n’en rĂ©sulterait pas un effet moral comparable Ă  celui que produirait la perte d’un dĂ©tachement considĂ©rable. Les dĂ©tachements qui dĂ©fendent les cols appartiennent ordinairement Ă  des corps plus nombreux cantonnĂ©s dans les vallĂ©es infĂ©rieures. Ces dĂ©tachements doivent se conduire d’aprĂšs les mĂȘmes principes que l’armĂ©e entiĂšre ; c’est-Ă -dirc que ce n’est pas en se fractionnant pour fermer tous les sentiers latĂ©raux qu’ils arrĂȘteront l’ennemi, ils ne pourraient faire nulle part une rĂ©sistance sĂ©rieuse. C’est en se groupant vers le passage principal qu’ils tiendront assez longtemps pour permettre aux troupes des vallĂ©es de faire quelque mouvement pour les secourir. C’est en plaçant des rĂ©serves en arriĂšre et sur les lianes, aux points oĂč les sentiers latĂ©raux viennent aboutir, qu’ils se garantiront du danger d’ĂȘtre cou- 2GH DE LA DÉFENSE DES MONTAGNES. pĂ©s. Les habitants peuvent ĂȘtre ici d’un grand secours quelques pĂątres, en gardant leurs troupeaux, allumeront des feux ou donneront des signaux convenus quand ils apercevront l’ennemi; quelques hommes armĂ©s, aussi bons dans les rochers que les meilleurs soldats, garderont ces sentiers, que sans eux il faudrait abandonner; ils les dĂ©fendront mieux que la troupe, parce qu’ils se sentent chez eux, et que la connaissance des localitĂ©s leur assure en tout cas une retraite. Ainsi, en 1799 le gĂ©nĂ©ral Loudon, chargĂ© de dĂ©fendre la position de Taufersdans le Tyrol, se mĂ©nagea de grosses rĂ©serves sur ses flancs et ses derriĂšres, et, mettant Ă  profit la haine des habitants pour les envahisseurs, haine qui allait jusqu’au fanatisme, il fit occuper par leurs excellents carabiniers tous les sentiers aboutissants, ce qui lui permit de faire ses postes plus nombreux et de mieux organiser sa rĂ©sistance. Les meilleures positions se trouvent ordinairement dans les vallĂ©es, parce qu’elles y sont en gĂ©nĂ©ral mieux appuyĂ©es, qu’il est possible de les occuper en forces, et par consĂ©quent de rester maĂźtre des hauteurs qui en assurent les flancs. L’ennemi ne peut donc pas les tourner aussi facilement que celles qui sont prises sur les cols; s’il veut le faire il est obligĂ© Ă  de trĂšs-grands dĂ©tours pour aller chercher d’autres vallĂ©es. Les positions proprement dites ne sont pas trĂšs-communes ; on compte celles qui offrent des caractĂšres de rĂ©sistance trĂšs- prononcĂ©s, et qui laissent peu Ă  dĂ©sirer. Elles se prennent en travers de la vallĂ©e, ou en long. Lorsqu'on se dĂ©fend en remontant une vallĂ©e que l’ennemi par consĂ©quent attaque par le bas, le terrain, sans offrir prĂ©cisĂ©ment ce qu’on appelle des positions, est cependant presque partout favorable. Mais quand une fois le col est franchi et qu’on descend dans la vallĂ©e opposĂ©e , les rĂąles sont changĂ©s, et l’ennemi occupant le haut, a, Ăč son tour, l’avantage. On ne trouve plus que de loin en loin des relĂšvements de terrain transversaux qui forment des positions dĂ©fensives , oĂč l’on se maintient d’autant mieux qu’elles sont plus Ă©troites et DE LA DÉFENSE DES MONTAGNES. 267 qu’elles sont appuyĂ©es par les ailes Ă  des montagnes plus escarpĂ©es. Ces positions ont toujours l’inconvĂ©nient d’ĂȘtre coupĂ©es en deux par le torrent qui coule au fond de la vallĂ©e, en sorte que si ce torrent n’est pas guĂ©able, les deux ailes ne peuvent pas se porter secours. Ainsi l’ennemi a la facultĂ© d’attaquer en forces supĂ©rieures une de ces ailes, et lorsqu’il l’a culbutĂ©e, de prendre en flanc l’aile qui est sur l’autre rive et de l’obliger Ă  se retirer Ă©galement. Il faut donc, dans la dĂ©fense de ces sortes de positions, gĂȘner, autant que possible , les communications des diffĂ©rents corps de l’armĂ©e ennemie , et faciliter, au contraire, celle des troupes qui les occupent. A cet effet, on coupe tous les ponts qui existent sur la riviĂšre en amont de la position, en mĂȘme temps qu’on en jette plusieurs en aval, au moyen desquels on fera passer d une rive Ă  l’autre les renforts, selon que le besoin le re- quĂ©rera. Ceci est la position en travers. On prend la position en long lorsqu’il est question d’arrĂȘter un ennemi qui veut dĂ©boucher par une vallĂ©e transversale h celle oĂč l’on se trouve rassemblĂ©. Le terrain se prĂ©sentant ordinairement en amphithéùtre devant les dĂ©bouchĂ©s, on l’occupe de maniĂšre Ă  envelopper de feux la tĂȘte de la colonne ennemie; l’artillerie y trouve des emplacements d’oĂč elle commande et foudroie la vallĂ©e qui est en face, ainsi que les petites plaines dans lesquelles elle s'ouvre. L’ennemi ne peut que bien difficilement parvenir Ă  se dĂ©ployer sous ces feux convergents et Ă  concerter ses attaques ; mais pour que la position jouisse de ces avantages, et qu’on puisse se promettre en l’occupant d’obliger les assaillants Ă  rĂ©trograder, il faut que la vallĂ©e soit Ă©troite, ou que du moins la riviĂšre se rapproche assez du dĂ©bouchĂ© pour que les troupes placĂ©es de l’autre cĂŽtĂ© puissent atteindre de leurs feux ce dĂ©bouchĂ©. Dans le cas contraire, il serait assez inutile d’aller prendre une position de laquelle on ne pourrait point agir sur la colonne ennemie. Il faut alors rester en deçà de la riviĂšre cl agir offensivement; on il aura pas le terrain pour soi, mais on aura toujours 268 DE LA DÉFENSE DES MONTAGNES. l'avantage d’envelopper et d’attaquer du fort au faible ; on aura encore celui d’opposer des troupes fraĂźches et concentrĂ©es Ă  des troupes arrivant Ă  la file, fatiguĂ©es d’une marche plus ou moins longue et pĂ©nible. Mais c’est surtout pour dĂ©fendre l’entrĂ©e d’une vallĂ©e latĂ©rale qu’on prend la position en long, et alors, que la vallĂ©e principale soit large ou Ă©troite, peu importe; tant qu’une riviĂšre non guĂ©able coule devant le front de la position, que ses ailes s’appuient Ă  des escarpements, h de profonds ravins, et que le terrain s’élĂšve en amphithéùtre du cĂŽtĂ© du dĂ©filĂ©, cette position est bonne Ă  tenir. L’ennemi ne peut vous en chasser qu’en le tournant par un trĂšs-grand mouvement ; l’aborder de front serait trop dangereux , puisque indĂ©pendamment de la difficultĂ© matĂ©rielle de franchir le torrent, il n’est guĂšre possible de manƓuvrer sous le feu plongeant des dĂ©fenseurs. C’est dans le bas des vallĂ©es, bien plus que dans le haut, qu’on rencontrera de semblables positions. LĂ  seulement la riviĂšre est assez riche des eaux qu'elle a reçues pour qu’on ne puisse pas impunĂ©ment essayer de la passer. PrĂšs des sources la position court risque d’étre enlevĂ©e si, aux difficultĂ©s du cours d’eau, ne se joignent pas des escarpements, de profonds prĂ©cipices qui soient comme de grands fossĂ©s rendant une attaque impossible. Si, contre la rĂšgle gĂ©nĂ©rale, nous dĂ©fendons jci le dĂ©filĂ© en avant, c’est que le terrain est si avantageux, qu’on peut y tenir ferme sans danger de se voir acculĂ© Ă  la montagne et coupĂ© de sa retraite. C’est ainsi que la dĂ©fense d’un pont qui s’opĂšre ordinairement en arriĂšre, se porte en avant quand des fortifications couvrent l'entrĂ©e du pont. On voit, d’aprĂšs ce qui prĂ©cĂšde, qu’il y a une diffĂ©rence trĂšs-grande entre les caractĂšres d’une bonne position dans les montagnes ou dans les pays que, comparativement, on peut appeler plats, ces derniĂšres devant offrir une pente douce en forme de glacis sur leur front; tandis que les autres au con- contrairc, qu’elles soient prises en long ou en travers de la DE LA DÉFENSE DES MONTAGNES. 260 ''allĂ©e, sont d’autant meilleures que leur Iront est d’un accĂšs plus dillicile. C’est que les unes sont purement dĂ©fensives et occupĂ©es par de petits corps ou de simples dĂ©tachements, tandis que les autres, destinĂ©es Ă  recevoir des armĂ©es entiĂšres, doivent laisser la facultĂ© des retours offensifs. Je vais citer un exemple fameux pour Ă©claircir ce qui prĂ©cĂšde ; il est tirĂ© de la guerre que les Français et les Russes se sont faite en Suisse dans l’annĂ©e 1700. C’était au moment oĂč MassĂ©na allait livrer la grande bataille de Zurich ; il occupait une ligne fort Ă©tendue depuis le confluent de l’Aar et de la Limmat jusqu’au Le gĂ©nĂ©ral Lecourbe commandait l’aile droite, et sa division Ă©tait Ă©chelonnĂ©e depuis AĂŻrolo jusqu’au lac de Lucerne. Souwarow, mĂ©content de ce que taisait son lieutenant en Suisse , voulut s’y rendre lui-mĂȘme avec son armĂ©e victorieuse ; il quitte les plaines riantes de l’Italie pour s’engager dans les vallĂ©es les plus sauvages des Alpes, vers la lin de septembre, Ă©poque oĂč les passages sont dĂ©jĂ  dangereux ou du moins trĂšs-dilliciles ; il remonte la vallĂ©e LĂ©vantinc, force le poste d’AĂŻrolo et attaque de front les rochers escarpĂ©s du mais il trouva lĂ  une rĂ©sistance invincible. En vain les meilleurs soldats, animĂ©s du souvenir de leurs victoires rĂ©centes, exaltĂ©s par les promesses de leurs prĂȘtres et l’espoir du paradis, font des prodiges de valeur. Une poignĂ©e d’hommes rend inutile tous leurs efforts, tant les lieux sont favorables aux dĂ©fenseurs; dĂ©jĂ  douze cents des plus intrĂ©pides, aprĂšs un combat de douze heures, couvrent les rochers de leurs cadavres, et les Russes n’ont fait aucun progrĂšs. Leurs adversaires non moins intrĂ©pides leur opposent une rĂ©sistance invincible ; ils sont Ă  couvert par des remparts naturels; et, quoiqu’ils combattent un contre quatre, leurs avantages sont immenses ; chacun a dĂ©jĂ  terrassĂ© deux de ses ennemis ; leur espoir est de disputer longtemps encore ces Thermopyles, lorsq u’un autre corps, qui avait fait un long circuit par le Val-Canaria, se montre sur leur gauche. Le gĂ©nĂ©ral Gudin, car c’était lui qui commandait en cet endroit, or- 270 DE LA DÉFENSE DES MONTAGNES. donna aussitĂŽt la retraite et abandonna le col. Mais en homme habile, il ne descendit point par la vallĂ©e de la Reuss ; tournant Ă  gauche, il alla s’établir sur les hauteurs du mont Furca et du Grimsel qui lui offraient des positions aussi faciles h dĂ©fendre que celle du St-Gotthard. L’ennemi le suivra-t-il? ou poursuivra-t-il sa route vers le lac des Waldstetten, but principal de sa marche? Dans le premier cas, Gudin dĂ©tourne l’orage, et l’armĂ©e française, qui, sous les ordres de MassĂ©na, occupe la rive gauche de la Limmat et du lac de Zurich, a le temps de prendre ses mesures pour empĂȘcher Souwarow de l’attaquer Ă  revers. DĂšs-lors toutes les combinaisons de ce gĂ©nĂ©ral sont dĂ©jouĂ©es et les sacrifices qu’il vient de faire sont inutiles. Le gĂ©nĂ©ral ennemi, au contraire, ne se laisse-t-il point dĂ©tourner de son but et marche-t-il sur Altorf avec toutes ses forces, alors Gudin, quittant la Furca, s’empare de nouveau du St-Gotthard, coupe la ligne d’opĂ©rations des Russes, et les met, en cas de revers, dans le plus sĂ©rieux embarras. Cependant le gĂ©nĂ©ral Lecourbe, averti de la retraite de Gudin, remonte la Reuss pour le secourir ; mais il n’est plus temps. R rencontre Souwarow qui dĂ©jĂ  avait dĂ©passĂ© le Trou d’Uri et le pont du Diable ; en mĂŽme temps il apprend que le gĂ©nĂ©ral Rosenberg, qui avait franchi le Crispait, allait dĂ©boucher par le MadĂ©ranerthal sur Amsteig. Il dut donc opĂ©rer promptement sa retraite, et se borner Ă  dĂ©fendre la basse vallĂ©e pour empĂȘcher son antagoniste d’arriver Ă  Stantz par l’Engelberg. Il prit une position en long sur la rive gauche de la Reuss, et disputa les ponts d’Attinghausen et d’Ers- feld dont l’armĂ©e russe, qui descendait par la rive droite, s’efforça de s’emparer. LĂ , un faible corps arrĂȘta pendant trois jours le conquĂ©rant de l'Italie, et le força enfin Ă  rĂ©trograder et Ă  se jeter dans le Muttathal, en traversant avec peine d’affreuses montagnes. La conduite de Lecourbe fut admirable on le vit passer lui-mĂȘme la riviĂšre pour attaquer les Russes au moment oĂč ils allaient franchir le pont d’Ersfeld. DĂ©jĂ  ils Ă©taient parvenus, malgrĂ© le feu le plus meurtrier, Ă  jeter une DE LA DÉFENSE DES MONTAGNES. 271 solive sur les piles du pont qui avait Ă©tĂ© rompu Ă  leur approche, quand le retour offensif de Lecourbc les força de songer eux-mĂȘmes h la dĂ©fense de leur propre camp. Je me suis Ă©tendu avec complaisance sur cet exemple, parce qu’il est fĂ©cond en leçons, surtout pour des militaires suisses. On y voit que, malgrĂ© la plus brillante valeur, les positions prises sur les sommitĂ©s ne peuvent ĂȘtre forcĂ©es de front, et que celui qui s’y obstine doit Ă©prouver des pertes considĂ©rables, mais que les mĂȘmes positions tombent aussitĂŽt qu’elles sont tournĂ©es, et qu’elles peuvent toujours l’ĂȘtre. On y voit qu’au contraire la dĂ©fense dans le bas des vallĂ©es peut ĂȘtre eflicace, mĂȘme contre des forces trĂšs-supĂ©rieures, quand celui qui la soutient sait tirer parti des localitĂ©s. On y voit enfin qu’au lieu de faire une retraite directe, lorsqu’on est forcĂ© dans une position,, il y a infiniment plus de gloire et d’avantages il faire une retraite latĂ©rale qui vous place sur le flanc de l’ennemi ou sur ses derriĂšres. Retranchements. — Il est quelques exemples de vallĂ©es dĂ©fendues par des retranchements; c’est effectivement une bonne chose quand la vallĂ©e est Ă©troite, que les montagnes h droite et Ă  gauche sont trĂšs-escarpĂ©es et dilĂŻicilement tour- nables, que les retranchements eux-mĂȘmes sont revĂȘtus en maçonnerie, et que le terrain sur lequel ils sont construits s’élĂšve sur le fond de la vallĂ©e de maniĂšre que l’artillerie puisse le battre jusqu’à une grande distance. Mais ces conditions sont plus dilliciles Ă  rencontrer qu'on ne le pense ; dĂšs-lors, l’emploi raisonnable de ce genre de dĂ©fense n’est pas frĂ©quent. Je ne parle point de ces petites redoutes pour des postes dĂ©tachĂ©s, de ces corps-de-garde crĂ©nelĂ©s destinĂ©s Ă  renfermer quelques hommes seulement; on en fait un frĂ©quent usage dans la guerre de montagnes. Je'parle des retranchements Ă©tendus qui barrent en entier une vallĂ©e; il est absolument nĂ©cessaire, pour que ces lignes aient de la valeur, qu’elles remplissent les conditions ci-dessus Ă©noncĂ©es. Les fortifications 272 DE DA DÉFENSE DES MONTAGNES. de seront dans ce cas lorsqu’on aura construit les ouvrages qui doivent en assurer les ailes ; elles forment littĂ©ralement une des portes de la Suisse, et sont d’une liante importance pour la dĂ©fense du pays en gĂ©nĂ©ral et pour celle des Grisons en particulier. EspĂ©rons que la DiĂšte n’attendra pas un moment de guerre pour faire exĂ©cuter les projets qui ont Ă©tĂ© dressĂ©s par l’état-major gĂ©nĂ©ral lors du dernier armement. On se contenta, Ă  cette Ă©poque, de relever les parapets qui avaient Ă©tĂ© dĂ©truits et de revĂȘtir en maçonnerie l’escarpe et la contre-escarpe. Les retranchements de montagnes les plus cĂ©lĂšbres de nos jours sont ceux de Feldkirch, surla frontiĂšre du Voralberg, h l’embranchement des routes de Rregenz et de Rludenz. Ces fortifications sont construites au pied des montagnes, et plutĂŽt en long qu’au travers de la vallĂ©e ; elles font face au llhin pour couvrir le dĂ©filĂ© de l’ill et l’entrĂ©e d’une vallĂ©e parallĂšle oĂč coule le ruisseau de fllalengen. A leur extrĂȘme gauche elles se retournent pour barrer la grande route qui, de Mayenfeld, conduit Ă  Feldkirch. Cette partie est continue cl faite sur le principe des lignes Ă  crĂ©maillĂšre ; elle forme avec la riviĂšre de l’Ill, un systĂšme quis’élend jusqu’auRhin, et couvre une vaste plaine oĂč une armĂ©e entiĂšre peut camper; le reste de la ligne est composĂ© d’ouvrages dĂ©tachĂ©s. C’est un vĂ©ritable champ de bataille prĂ©parĂ© et fortifiĂ© d’avance, contre une armĂ©e ennemie qui voudrait attaquer par la plaine en remontant le Rhin. R n’y a pas moins de 8,000 mĂštres, ou deux lieues militaires, d’une extrĂ©mitĂ© Ă  l’autre de cette ligne qui renferme dans son intĂ©rieur le bourg de Feldkirch et les villages d’Altcnstat et de Rankweil ; mais un tiers Ă  peu prĂšs de cet immense dĂ©veloppement est occupĂ© par l’Arlezcnberg dont les rochers et les pentes escarpĂ©es suflisent, Ă  l’aide d’abalis, pour dĂ©fendre la partie centrale de la ligne. Cette petite montagne, sur laquelle se trouve l’angle formĂ© par les deux parties de la ligne gĂ©nĂ©rale, prĂ©sente le mĂȘme phĂ©nomĂšne que le Flaschenberg prĂšs de Luciensteig ; c’est une masse de rochers qui forme DE LA DEFENSE DES MONTAGNES. 275 saillie au milieu de la plaine, comme si elle s'Ă©lail. primilivc- menl dĂ©tachĂ©e de la montagne principale, et arrĂȘtĂ©e lĂ  dans sa chute. En 179! le gĂ©nĂ©ral MassĂ©na essaya de s’emparer de celte importante position, clef des deux vallĂ©es de l’ill et du Rhin ; il l’attaqua par la partie qui regarde Mayenfeld ; mais aprĂšs des efforts incroyables et de grandes pertes, il fut obligĂ© de renoncer Ă  son entreprise. Il essaya vainement de tourner, par la montagne, la gauche des retranchements ; quelques compagnies de carabiniers tyroliens qui Ă©taient montĂ©s encore plus haut, s’avancĂšrent Ă  la faveur des bois, prirent en flanc la colonne tournante et l’obligĂšrent h la retraite. C’est le gĂ©nĂ©ral Ilotze, Suisse de naissance, qui commandait les Autrichiens ; il opposa une rĂ©sistance invincible Ă  la furie des attaques françaises ; la fortune couronna sa constance. Anciennement les retranchements dans les montagnes Ă©taient plus frĂ©quemment employĂ©s que de nos jours. En lo8G les Glaronnais, pour mettre leur pays Ă  couvert des incursions de la garnison de Wescn, fortifiĂšrent l’entrĂ©e de leur vallĂ©e par un bon retranchement avec fossĂ© et escarpe revĂȘtue. Ce retranchement passait Ă  Niifels, ou plutĂŽt en avant de Niifels, et s’appuyait d’un cĂŽtĂ© aux montagnes et de l’autre Ă  la Linth. On en voit encore des vestiges dans l’intĂ©rieur du village dont les habitations ont gagnĂ© du cĂŽtĂ© du lac. Les Autrichiens, aprĂšs les avoir forcĂ©s, furent taillĂ©s en piĂšces par les Glaronnais qui s’étaient ralliĂ©s sur les croupes de la montagne. Ceux-ci durent leur victoire Ă  l’emploi si simple et si naturel des rochers qu’ils firent rouler sur la cavalerie ennemie. Le mĂȘme moyen avait contribuĂ© Ă  la cĂ©lĂšbre victoire de Morgarlen, Un siĂšcle plus tard, un corps de 2,000 ConfĂ©dĂ©rĂ©s s’était postĂ© et retranchĂ© dans la vallĂ©e Levantine entre Poleggio et oiornico ; fi y fut attaquĂ© par un corps d’armĂ©e milanais, fort d environ 15,000 hommes, qui essaya Ă  plusieurs reprises d’escalader et de forcer les retranchements. Le premier jour les ConfĂ©dĂ©rĂ©s ne purent que rĂ©sister Ă  ces attaques; mais, ayant 18 274 1E LA DÉPENSE DES MONTAGNES. reçu le lendemain un renfort d’environ mille citoyens d’Uri et d’Underwald, ils sortirent de leurs retranchements et tombĂšrent avec tant de vigueur sur les ennemis, qu’ils les mirent en pleine fuite, aprĂšs leur avoir tuĂ© l , 400 hommes et pris leur artillerie. L’histoire ne dit pas de quelle nature Ă©taient ces fortifications; il est probable qu’elles Ă©taient simplement en terre et abatis, ou en pierres amoncelĂ©es. On n’en retrouve pas la moindre trace. Comme l’affaire eut lieu au mois de novembre, et qu’il faisait dĂ©jĂ  froid dans ces rĂ©gions, les confĂ©dĂ©rĂ©s rĂ©pandirent devant leur front les eaux d’un ruisseau qui, s’étant gelĂ©es, prĂ©sentĂšrent aux assaillants une grande surface glissante, sur laquelle ils ne purent conserver ni leur ordre ni leur assiette. Ce stratagĂšme fit Ă©chouer les attaques; il est bon h imiter dans des circonstances semblables. Dans des temps plus reculĂ©s, tous les passages par lesquels on pouvait pĂ©nĂ©trer dans les Ă©tats de Schwytz, d’Uri et d’Un- derwald, Ă©taient fermĂ©s par des retranchements continus, soit en maçonnerie, soit en terre, auxquels on donnait le nom de lezenen. On voit par lĂ  que les anciens Suisses, quelle que fut leur bravoure, ne dĂ©daignaient pas d’avoir recours Ă  la fortification pour assurer leur indĂ©pendance ; ils savaient faire les sacrifices nĂ©cessaires pour un si grand objet. Et nous, qui sommes plus riches qu’eux, ne saurions-nous les imiter ! non pas qu’il soit nĂ©cessaire de construire Ă  grands frais des forteresses ou de fortes lignes dans nos vallĂ©es, mais seulement il faudrait Ă©tablir daus certains passages et aux points dĂ©signĂ©s par les localitĂ©s, des fortins ou cluses, qui permissent, avec trĂšs-peu de monde, d’y arrĂȘter l’ennemi deux ou trois jours. Ces belles routes qui franchissent nos Alpes et font la prospĂ©ritĂ© du commerce, cesseraient par lĂ  d’étre dangereuses. Nous en aurions la clef pour les tenir onvertes pendant la paix et fermĂ©es en temps de guerre. Ces cluses, ' On lit dans les Voyayes aux Alpes, de M. De Saussure, que l’on trouve encore sur les chemins du Grand et du Pelit-Saint- Bernard, un peu au-dessus de la CitĂ©d’Aost, des constructions de ce çenre en assez bon Ă©tat. 9 DE LA DÉFENSE DES MONTAGNES. 27$ tout en maçonneries, dĂ©robĂ©es Ă  l’action directe du canon, voĂ»tĂ©es et pourvues de munitions de guerre et de bouche en quantitĂ© suffisante pour leurs petites garnisons, ne reviendraient pas extrĂȘmement cher, et bien certainement la dĂ©pense quelles entraĂźneraient ne peut pas balancer l’importance de leur objet. Yoilit ce qui prouverait h l’étranger, mieux que toutes nos protestations, la ferme intention oĂč nous sommes de faire respecter notre neutralitĂ©, et de dĂ©fendre Ă©nergiquement notre indĂ©pendance. Le peu d'ouvrages que nous avons construits h Saint-Maurice, ont plus servi que tout ce qui avait Ă©tĂ© dit ou Ă©crit jusqu’alors Ă  montrer ce que nous nous proposons de faire, quand un ennemi quelconque voudra user de cette belle route du Simplon , si commode pour certaines combinaisons stratĂ©giques. C’est que les travaux exĂ©cutĂ©s dans celte intention sont des faits , et qu’il y a plus d’éloquence persuasive dans les faits que dans les paroles. ManƓuvres. — Quand on perd l’espoir de dĂ©fendre une vallĂ©e avec succĂšs, on peut, en l’abandonnant, tenter une marche offensive, si quelque vallĂ©e latĂ©rale en donne la possibilitĂ© , plutĂŽt que de se retirer directement dans l’intĂ©rieur. Rien de plus honorable et de plus Ă©clatant que de pareilles dĂ©terminations; la fortune se plaĂźt souvent h les couronner de succĂšs; elle aime les actions hardies. Un chef timide, qui ne pense qu’à disputer les positions et qui recule Ă  mesure que l’ennemi s’avance, n’aura jamais de part Ă  ses faveurs. Il ne faut pas craindre de hasarder quelque chose dans la guerre de montagnes, en se portant, par un mouvement excentrique, sur le flanc ou les derriĂšres de l’ennemi ; les localitĂ©s s’y prĂȘtent ; le corps qui l’exĂ©cute a peu de chances d’ĂȘtre enveloppĂ©, mĂȘme lorsqu’il est trĂšs-infĂ©rieur en nombre, parce que l’ennemi, ordinairement trĂšs-Ă©tendu dans de longues vallĂ©es, ne peut que difficilement se rassembler, et que lors qu’il le serait, il lui faut du temps pour gagner les liait- 276 DE LA DÉFENSE DES MONTAGNES. teurs et sortir de la .gĂȘne oĂč le tient le manque d’espace. La petite troupe , bien postĂ©e , combattra toute la journĂ©e peut-ĂȘtre avant de voir l’ennemi gagner ses flancs, tant celui-ci Ă©prouve de difficultĂ©s Ă  concerter ses mouvements lorsqu'il est ainsi attaquĂ© inopinĂ©ment. La raretĂ© des communications s’oppose Ă  la prompte transmission des ordres, et, lorsqu’en- fin ils sont parvenus, il est dĂ©jĂ  trop tard pour les mettre Ăč exĂ©cution. L’attaquant a donc de grandes chances de remporter quelqu’avantage signalĂ©, et la renommĂ©e qui grossit tout en portera la nouvelle aux corps Ă©loignĂ©s avec toutes les amplifications dont elle est susceptible ; l’inquiĂ©tude pĂ©nĂ©trera chez l’ennemi, et la confiance, au contraire, renaĂźtra chez les dĂ©fenseurs. Le pire qui puisse arriver dans cette circonstance, c’est d’ĂȘtre obligĂ© de se retirer aprĂšs avoir Ă©chouĂ© dans l’attaque; mais la retraite est facile et peu dangereuse puisqu’elle se fait en remontant une vallĂ©e, et que le corps qui se retire se rapproche de ses renforts, tandis que celui qui poursuit s’éloigne des siens. Ainsi donc il y a beaucoup Ă  espĂ©rer et peu Ă  craindre d’un mouvement de la nature de celui dont nous parlons. Quand un corps dĂ©fensif parvient ainsi Ă  reprendre quelque passage important, quelque col qui coupe la communication de l’ennemi, il a le choix ou d’attaquer ou de rester en position. Il prendra le premier parti si les troupes qui lui sont opposĂ©es ne sont pas nombreuses, et si, en descendant des hauteurs qu’il occupe, le terrain ne lui devient pas dĂ©savantageux ; dans le cas contraire, le dĂ©fenseur se contentera du succĂšs obtenu et se prĂ©parera Ăč bien recevoir l’attaque il fera occuper les bois et les sommitĂ©s dominantes par ses carabiniers, il fera des abatis sur le chemin, prĂ©parera des rochers et des troncs pour les rouler sur l’assaillant, et il attendra. Si, aprĂšs un combat qui nĂ©cessairement doit ĂȘtre acharnĂ© puisque l’ennemi fera tous ses efforts pour regagner ses communications , la victoire se dĂ©clare pour les dĂ©fenseurs , ils ne doivent point s’abandonner Ăč une poursuite imprudente; mais, DE LA DEFENSE DES MONTAGNES. 277 aprĂšs avoir nettoyĂ© les environs, ils reviendront prendre leur position pour y recevoir l’ennemi de la mĂȘme maniĂšre toutes les lois qu’il s’y prĂ©sentera ; et si celui-ci rencontre de front une assez forte rĂ©sistance pour qu’il ne puisse pas dĂ©boucher dans la plaine, il finira par Ă©prouver une disette de vivres qui rendra sa position cruelle. On a dĂ©jĂ  vu combien la nature des localitĂ©s modifie les rĂšgles gĂ©nĂ©rales dans la guerre de montagnes. En voici encore un exemple les marches combinĂ©es de plusieurs dĂ©tachements pour envelopper l'ennemi sont, avec raison , condamnĂ©es comme trĂšs-dangereuses dans un pays ouvert ; hĂ© bien, dans les montagnes , c’est au contraire une trĂšs-bonne manƓuvre que de combiner la marche de plusieurs corps dans un but dĂ©terminĂ©, parce qu’une telle combinaison procure tous les avantages de l’ollensive sans offrir de danger rĂ©el. En ellet, dans les montagnes l’ennemi ne peut pas se jeter entre les diffĂ©rentes colonnes pour les accabler isolĂ©ment ; il suffit que chacune d’elles soit assez forte pour dĂ©fendre la vallĂ©e qu’elle occupe, et elle ne courra pas le risque d’ĂȘtre enveloppĂ©e ; enfin ces diverses colonnes ont leur retraite assurĂ©e si elles Ă©chouent dans leurs entreprises. La campagne de 1799 nous fournit un bel exemple d’une marche combinĂ©e qui a Ă©tĂ© couronnĂ©e d’un plein succĂšs le gĂ©nĂ©ral Lecourbe, chargĂ© de la dĂ©fense des petits cantons , parvint Ă  chasser les Autrichiens de tous les postes qu’ils occupaient, et Ă  se porter en trois jours de Lucerne au , dont il resta maĂźtre jusqu’à l’arrivĂ©e de Souwarow. AprĂšs s’ĂȘtre emparĂ© d’Altorf et de la basse vallĂ©e de la Reuss, au moyen d’un dĂ©barquement opĂ©rĂ© Ă  Fluelen sous la protection d’une colonne qui avait tournĂ© par l’Engelberg et les SĂżiennen, Lecourbe concerta un mouvement combinĂ© de trois colonnes pour balayer la haute Reuss et les vallĂ©es adjacentes. La premiĂšre, sous les ordres du gĂ©nĂ©ral Loison, devait partir du Haut-Underwald, passer le Susten et dĂ©boucher par Wasen sur le flanc de l’ennemi ; elle Ă©tait composĂ©e d'une demi-brigade et d’une petite 278 DE LA DÉPENSE DES MONTACNES. rĂ©serve de grenadiers. La seconde colonne, qui occupait dĂ©fensivement Meyringen et la vallĂ©e de l’Aar, eut la dillicilo tĂąche de dĂ©busquer les Autrichiens du poste qu’ils tenaient au Grimsel, de remonter ensuite la montagne de la Fourche, et de tourner, par la vallĂ©e d'Urseren, le trou d’Uri et le pont du Diable. On a vu, plus haut, comment le gĂ©nĂ©ral Gudin s’acquitta de cette commission, du succĂšs de laquelle dĂ©pendait celui de l’opĂ©ration entiĂšre. Le gĂ©nĂ©ral Lecourbe s’était FĂ©servĂ© le commandement de la troisiĂšme colonne qui Ă©tait destinĂ©e Ă  attaquer directement les Autrichiens en remontant la vallĂ©e de la Reuss, pour aller h la rencontre de ses deux autres colonnes. Cette attaque de front par le bas de la vallĂ©e eĂ»tĂ©tĂ© impossible si l’ennemi, menacĂ© sur scs derriĂšres, n’eĂ»t pas Ă©tĂ© obligĂ© de quitter successivement ses positions. Loison, avant de dĂ©boucher sur Wasen, eut Ă  enlever le fortin de Mayen , situĂ© un quart de lieue plus haut ; mais ce fortin , quoique revĂȘtu en maçonnerie , n’arrĂȘta pas longtemps la colonne française, parce que n’étant pas casematĂ© il fut plongĂ© par les tirailleurs qui gravirent les hauteurs rapides, mais non escarpĂ©es de la rive droite. Lecourbe , laissant se dĂ©velopper les attaques latĂ©rales, n’arriva Ă  Wasen qu’aprĂšs que la seconde colonne s’en fut emparĂ©. Il rĂ©unit scs forces pour marcher Ă  la rencontre de sa colonne de droite et attaquer le Le chemin, aux abords du pont du Diable, Ă©tait soutenu par des arceaux construits contre d'immenses parois de rochers ; les Autrichiens, en se retirant, avaient rompu ces arcades et dĂ©fendaient le passage depuis les hauteurs de la rive droite. La position Ă©tait tout Ă  leur avantage ; en sorte que les Français furent arrĂȘtĂ©s lĂ  assez longtemps. Ils rĂ©parĂšrent le chemin pendant la nuit. Le lendemain ils se prĂ©paraient Ă  une attaque qui aurait Ă©tĂ© nĂ©cessairement trĂšs-meurtriĂšre, quand les premiĂšres troupes du gĂ©nĂ©ral Gudin arrivĂšrent par Urseren et obligĂšrent l’ennemi Ă  abandonner les rochers oĂč est percĂ© le trou d’Uri pour le passage de la route. Celui-ci se retira par l’ObĂ©ralp sur Dissenlis, laissant les Français maĂźtres du ce nƓud de nos grandes Alpes. DE LA DÉFENSE DES MONTAGNES. 279 II est bon que les corps tournants aient avec eux de l’artillerie de montagne, Ă  dĂ©faut d’autre artillerie, non-seulement pour en imposer h l’ennemi, mais encore pour annoncer leur arrivĂ©e aux autres corps. Ils n’ont presque pas d’autre moyen de le faire, vu la diflicultĂ© des communications d'une vallĂ©e Ăč l’autre. Si les colonnes rencontrent quelque dĂ©tachement ennemi dans la vallĂ©e qu’elles parcourent, elles ne doivent pas se borner Ă  l’attaquer dans le fond de la vallĂ©e, car alors elles pourraient ĂȘtre arrĂȘtĂ©es par trĂšs-peu de monde, mais se donner la peine d’envoyer sur les croupes des colonnes de 11 an- queurs, pour dominer et dĂ©border les dĂ©fenseurs. Cela est d'ailleurs nĂ©cessaire en tout cas, pour dĂ©boucher avec avantage dans la vallĂ©e qu’on veut couper ; et, en gĂ©nĂ©ral, on ne doit jamais cheminer dans une vallĂ©e sans avoir des flanqueurs sur les croupes de droite et de gauche, autant et aussi haut que les localitĂ©s le permettent. Mais, avec ces prĂ©cautions, tout genre d’audace est permis, et ce seront peut-ĂȘtre les entreprises qui approchent de la tĂ©mĂ©ritĂ© qui rĂ©ussiront le mieux; elles Ă©tonnent et intimident l’ennemi, qui y voit toujours plus qu’il n’y a. Nulle part l’audace ne fait plus de prodiges, dit l’archiduc Charles, que dans les pays coupĂ©s et surtout dans les hautes montagnes, oĂč il ne s’agit que d’affaires de postes qui s’engagent et se dĂ©cident Ă  l’iinprovisle, et oĂč l'ellet de la surprise, suite ordinaire de l’audace, paralyse les forces de l’ennemi dans le moment critique. On peut, dans ces mouvements combinĂ©s, se servir d’embarcations armĂ©es pour transporter les troupes sur les lacs ou protĂ©ger leur marche le long des rives ; mais il ne faut pas perdre de vue que la navigation des lacs dans les pays de montagnes est extrĂȘmement incertaine, parle caprice et l’inconstance des vents ; que par consĂ©quent il ne faut jamais trop compter sur la coopĂ©ration des troupes ainsi transportĂ©es; elles peuvent arriver ou trop tĂŽt ou trop tard. Le gĂ©nĂ©- DE LA DÉFENSE DES MONTAGNES. 280 ral Lecourbe, voulant enlever une batterie que les Autrichiens avaient Ă©tablie Ă  BiĂŻmnen pour commander la navigation du lac, fit embarquer sur sa flottille cinq cents grenadiers, et dirigea en mĂȘme temps une colonne pour tourner le Riglii et arriver par Lowerz sur les derriĂšres de Briinnen. La flottille arriva la premiĂšre. Les grenadiers furent dĂ©barquĂ©s, et sans attendre la colonne de terre, ils marchĂšrent de suite h la batterie et s’en emparĂšrent. Mais les Autrichiens revinrent avec des troupes fraĂźches, reprirent la batterie et forcĂšrent les grenadiers Ă  regagner leurs bateaux. Lecourbe , apprenant cela et jugeant que son mouvement Ă©tait devenu inutile , abandonna les postes dont il s’était emparĂ© et vint reprendre sa position entre la Sild et le lac de Lucerne. C’est surtout pour se rendre maĂźtre de la navigation que les bateaux armĂ©s sont utiles, et Ă  cet Ă©gard ils peuvent rendre de grands services; c'est une chose Ă  laquelle il faut penser dans les prĂ©paratifs de dĂ©fense, surtout dans un pays montagneux oĂč les communications sur les rives sont quelquefois trĂšs-difficiles. Les embarcations armĂ©es dont les Français se servirent sur le lac de Lucerne, Ă©taient de grands bateaux du pays, allant Ă  la voile, pouvant porter cent cinquante Ă  deux cents hommes, et armĂ©s de deux piĂšces de canon. Nous en avons retrouvĂ© les dessins, en 1851, lorsque nous songions Ă  nous mĂ©nager de pareils moyens. Quand aprĂšs avoir disputĂ© pied h pied les hautes vallĂ©es, soit en prenant des positions successives, soit en manƓuvrant offensivement pour sĂ©parer les colonnes ennemies et les dĂ©tourner de leur but; quand, en un mot, on a Ă©puisĂ© tous les moyens de dĂ©fense que comportent les localitĂ©s, et qu’on est obligĂ© d’abandonner le pays d’en haut *, il reste encore les vallĂ©es infĂ©rieures oĂč l’on peut se rassembler en plus grandes Je me sers Ă  dessein de celte expression trĂšs-significative et fort usitĂ©e en Suisse, pour distinguer les liantes rĂ©gions de ce que, par opposition , on peut appeler le plat pays, bien que nulle part nous n’ayons de plaines proprement dites. ^ mmm mt 0 sĂ©i»? SiS* lnWilm'ffl ‱'00*//A>W5^ X'-vlĂŻ'zC'^i a* 155 mir MÈ^fi\riihr-. , vr 1 . '-J 1 > h \ LiM ‱&32S2* ℱ' '' " l ^ >'' l i i ^%^ mĂȘtm mĂ©M DE LA DÉFENSE DES MOMTAGNES. 281 forces, et que par consĂ©quent on doit dĂ©fendre par des manƓuvres de concentration. LĂ , on peut livrer de vĂ©ritables batailles, et les derniers gradins des montagnes offrent encore assez d’accidents pour qu’une tactique habile puisse en profiter. Ces positions infĂ©rieures se prennent Ă  l’embranchement de deux ou de plusieurs vallĂ©es principales , quand cette circonstance heureuse se prĂ©sente , ou au dĂ©bouchĂ© de l’une d’elles quand elle ne se rencontre pas. Ici, le dĂ©fenseur doit trouver de grands avantages par la facilitĂ© qu’il a de se porter rapidement d’un dĂ©bouchĂ© Ă  l’autre en suivant les lignes les plus courtes, tandis que l’ennemi, profondĂ©ment engagĂ© dans les vallĂ©es dont il s’est rendu maĂźtre, ne peut changer de ligne d’opĂ©rations , ou seulement envoyer des renforts d’une de ses colonnes Ă  la colonne voisine , sans faire de grands dĂ©tours en retournant en arriĂšre. Il est donc possible , lorsque celui-ci s'avance par plusieurs chemins , de se borner Ă  retarder sa marche dans les vallĂ©es les moins ouvertes, pour aller Ă  sa rencontre avec de plus grandes forces dans celle qui permet un dĂ©ploiement suffisant. AprĂšs l’avoir battu sur ce point, vous vous porterez rapidement sur le dĂ©bouchĂ© le plus voisin , oĂč il est d’autant plus probable que de nouveaux succĂšs vous attendent, que vous venez d en obtenir un plus Ă©clatant. AprĂšs cela, les autres colonnes n auront rien de mieux Ă  faire que de se retirer promptement , si elles ne veulent pas avoir le mĂȘme sort que les premiĂšres. Supposons, par exemple, qu’une armĂ©e de 30,000 hommes s’avance par trois vallĂ©es sur son point objectif M, qui est probablement la principale ville en dehors des montagnes fig. 28°. Les routes qui suivent ces vallĂ©es convergent sur * e point M, mais les deux premiĂšres Ă  droite se rĂ©unissent avant d’y arriver. L’armĂ©e envahissante, pour s’assurer la possession de ces trois vallĂ©es, est obligĂ©e d’y ĂȘtre Ă  peu prĂšs Ă©gales forces ; elle aura donc environ 10,000 hommes dans chacune d’elles. Supposons, en second lieu, que les dĂ©- 282 DE LA DÉFENSE DES MONTAGNES. fenseurs ne soient qu’au nombre Je 19,000. Ils ont pu jusque-lĂ  ĂȘtre ou n’étre pas partagĂ©s egalement dans les trois vallĂ©es, suivant les besoins ; mais le moment est venu d’opĂ©rer une concentration dĂ©cisive. Trois mille hommes dans chaque vallĂ©e suffisent pour en arrĂȘter dix mille, ou du moins pour retarder notablement leur marche, en coupant les ponts, barrant les dĂ©lilĂ©s, prenant des positions de flanc, etc. Le gĂ©nĂ©ral laissera donc trois dĂ©tachements a, b, c, de cette force, dans les trois vallĂ©es, et il viendra avec un corps principal d, fort de 10,000 hommes environ, se poster au point de convergence des deux premiĂšres. Si la vallĂ©e de droite est la plus accessible, c’est dans celle-lĂ  qu'il doit porter les premiers coups. Il prĂ©viendra le commandant du dĂ©tachement b de ce qu’il va faire, en lui enjoignant de nouveau de tenir ferme, et il marchera Ă  la rencontre du dĂ©tachement a, se rĂ©unira Ă  lui et livrera la bataille. Nous sommes ici 15,000 contre 10,000; la victoire ne peut pas ĂȘtre douteuse, quand d’ailleurs nous avons su choisir un terrain favorable et y amener l’ennemi. Si celui-ci se retire en Ă©vitant le combat, nous faisons sonner bien haut 'ce succĂšs apparent, mais nous nous gardons d’entamer une poursuite qui nous Ă©loignerait du point m, essentiel Ă  garder nous hĂątons, au contraire, de venir reprendre notre premiĂšre position, pour manoeuvrer selon que les Ă©vĂ©nements le rĂ©clameront. Quand l’ennemi, au contraire, s’est engagĂ© et a Ă©tĂ© battu une premiĂšre fois, on se contente de laisser le corps a Ă  sa poursuite, et l’on court rejoindre le dĂ©tachement b, pour livrer avec la mĂȘme supĂ©rioritĂ© de forces une seconde bataille. ImmĂ©diatement aprĂšs, le corps principal cl va se rĂ©unir par le chemin de traverse mn Ă  son troisiĂšme dĂ©tachement c, aprĂšs avoir Ă©galement laissĂ© le second b dans la vallĂ©e du milieu, pour y suivre ou y contenir l’ennemi. Cette fois, l’armĂ©e victorieuse poursuivra ses avantages; elle se mettra vivement Ă  la poursuite du troisiĂšme corps ennemi, et dĂ©bordant ainsi les deux autres, elle les obligera Ă©galement Ă  la retraite. DE LA DÉFENSE EES MONTAGNES. 283 On vient de reconnaĂźtre dans cet exemple l’avantage qu’il y a Ă  occuper l’embranchement ou le point de convergence de deux vallĂ©es. C’est que , d’une seule position , on observe et dĂ©fend les deux vallĂ©es par l’extrĂȘme facilitĂ© qu’on a de se porter en forces de l’une dans l’antre. Mais cet avantage n’est rĂ©el, qu’autant que les montagnes intermĂ©diaires sont encore assez abruptes pour que les deux colonnes ennemies ne puissent pas se lier et concerter leurs attaques. Si, au lieu de s’avancer par plusieurs vallĂ©es, comme nous l’avons supposĂ© plus haut, l’ennemi marche par une seule pour pĂ©nĂ©trer dans l’intĂ©rieur du pays, ses forces, il est vrai, se trouveront rassemblĂ©es, mais l’espace lui manquera pour les dĂ©ployer; il en sera embarrassĂ©. On ne se laissera donc pas intimider par cette concentration, mais on attendra bravement l’ennemi au dĂ©bouchĂ© de la vallĂ©e. On choisira sa position et son ordre de bataille de maniĂšre h envelopper le dĂ©filĂ© et Ă  couvrir de feux les colonnes qui chercheraient Ă  en sortir. C’est lĂ  surtout qu'il faut dĂ©ployer de la fermetĂ© et de l’audace, car si l’on est battu dans cette position enveloppante, on le sera Ă  bien plus forte raison dans toute autre. Les bataillons se serreront et prĂ©senteront Ă  l’ennemi une muraille d’airain, contre laquelle tous ses efforts viendront se briser. C’est le cas de doubler les rangs * dans 1 Le doublement des rangs par divisions me parait Ă©minemment propre Ă  la tactique suisse. Il est une foule de circonstances oĂč l’on pourrait l’employer utilement. En faisant passer les divisions paires derriĂšre les divisions impaires , on forme comme une seconde ligne dont le major peut prendre le commandement. Dans les feux, cette seconde ligne se tient Ă  une certaine distance, en se couvrant, autant que possible, des accidents du terrain ; elle dĂ©tache quelques hommes pour retirer les blessĂ©s. Dans les chocs, elle se rapproche et serre contre la premiĂšre ligne ; tous les serrc-filcs passent derriĂšre, et l’on a ainsi effectivement cinq rangs Ă  opposer a l’ennemi; on pourra donc marcher Ă  lui dans l’ordre dĂ©ployĂ©, sans perdre le temps Ă  former les masses. Le bataillon, Ă©tant plus court et plus solide, marchera sans se dĂ©sunir, et son choc sera presque aussi redoutable que celui d’une colonne serrĂ©e. Toutes les ma- 284 DE LA DÉFENSE DES MONTACNES. les endroits trop accessibles, pour donner Ă  la ligne de bataille plus de consistance. Chaque fois que l’ennemi sera repoussĂ©, on se prĂ©cipitera sur lui Ă  la baĂŻonnette pour augmenter son dĂ©sordre, mais on ne le poursuivra pas; on reprendra, au contraire, la position pour le recevoir encore de la mĂȘme maniĂšre s’il renouvelle son attaque. L’artillerie croisera ses feux sur le dĂ©bouchĂ© ; elle tirera Ă  extinction sans crainte d’exposer ses piĂšces ; c’est lĂ  qu’elles doivent servir, ou jamais. La cavalerie, si faible qu’elle soit, se jettera Ă  bride-abattue sur les corps le plus Ă  sa portĂ©e qui montreront de l’hĂ©sitation ou dans lesquels il se manifestera quelque dĂ©sordre. Elle a beau jeu, car l’ennemi a de la peine Ă  faire avancer la sienne, ainsi que son artillerie, sur le terrain Ă©troit qu’il encombre plutĂŽt qu’il ne l’occupe. Enfin les chefs, dans cette circonstance, doivent enlever les troupes par leur exemple ; c’est alors, s’ils les voient flĂ©chir, que non-seulement il leur est permis de payer de leur personne, mais que le devoir les y oblige. Saisissant un drapeau, ils se portent en avant et forcent les moins braves Ă  s’y rallier. Le combat se ranime, les bataillons se massent, et, faisant de concert un dernier effort, ils culbutent l’ennemi qui dĂ©jĂ  se croyait maĂźtre du terrain, et le refoulent dans le dĂ©iilĂ©. Alors la confusion est extrĂȘme ; les corps se prĂ©cipitent les uns sur les autres pour Ă©chapper au danger; les bagages qui embarrassent la route sont jetĂ©s dans la riviĂšre ; tout fuit du mĂȘme’ cĂŽtĂ©, c’est Ă  peine si une arriĂšre-garde parvient Ă  se former pour rallentir un peu la poursuite du vainqueur. Les Russes furent reçus de cette maniĂšre au dĂ©bouchĂ© du Muttathal lorsqu’ils tentĂšrent de s’emparer de la plaine de Schwytz, occupĂ©e par l’aile droite de l’armĂ©e française ; ni l’extrĂȘme bravoure qu’ils montrĂšrent dans celte occasion, ni l’opiniĂą- nƓuvres de ploiement, de dĂ©ploiement, peuvent d’ailleurs se faire Ă  rangs doublĂ©s, aussi bien que dans l’ordre mince. J’engage les militaires Ă  porter leur attention sur ce point, et Ă  se rappeler que c’est en combattant dans l’ordre profond, et par le choc, que les Suisses ont remportĂ© toutes leurs victoires. IE LA DÉFENSE DES MONTAGNES. tretĂ© du fanatisme, ne purent triompher des obstacles que leur opposaient les localitĂ©s et les habiles dispositions de leurs adversaires. Communications .—Ce qui prĂ©cĂšde montre clairement que de bonnes routes sont nĂ©cessaires pour la dĂ©fense d’un pays de montagnes ; sans de bonnes routes il serait impossible de se porter rapidement vers les endroits menacĂ©s, d’opĂ©rer la concentration des forces sur les points essentiels, et d’exĂ©cuter ces retours offensifs si propres Ă  soutenir le moral des troupes et Ă  jeter la perturbation chez l’ennemi. On peut donc, contradictoirement Ă  ce que l’on croit communĂ©ment, Ă©tablir en principe que de bonnes routes, bien loin de nuire Ă  la dĂ©fense, lui sont au contraire favorables. Cela est Ă©vident pour celles qui courent parallĂšlement h la fronLiĂšre, puisque parleur moyen les corps d’observations peuvent se porter Ă  la rencontre les uns des autres et rĂ©unir leurs efforts contre l’ennemi. Sans l’existence de ces routes parallĂšles , l’attaquant aurait un immense avantage sur le dĂ©fenseur, en ce qu’il lui serait facile de donner le change et d’appeler l’attention sur un point Ă©loignĂ© de celui par lequel il se propose de pĂ©nĂ©trer. Le dĂ©fenseur, trompĂ© par les apparences , se porterait sur la fausse attaque, et quand la vĂ©ritable serait dĂ©masquĂ©e il ne pourrait plus s'y opposer, parce que, faute de bonnes routes, il lui serait impossible d’arriver Ă  temps. On accordera donc que la facilitĂ© des communications parallĂšles Ă  la ligne de dĂ©fense est aussi favorable dans les montagnes, et plus peut-ĂȘtre, que dans les pays ouverts. Mais en est-il de mĂȘme pour les routes qui pĂ©nĂštrent dans l’intĂ©rieur ? L'opinion la plus rĂ©pandue est que les belles routes qui ont Ă©tĂ© ouvertes par le commerce pour traverser les grandes chaĂźnes de montagnes, compromettent la sĂ»retĂ© du pays. Cependant si l’on fait attention que, d'une part, il est trĂšs-important pour le dĂ©fenseur de pouvoir se porter avec une extrĂȘme promptitude sur les sommitĂ©s et les cols pour y 280 »E LA DÉFENSE DES MONTACNES. ’ arrĂȘter l’ennemi, etque de l’autre, une armĂ©e attaquante a tous jes moyens de surmonter les difficultĂ©s qu’un mauvais chemin oppose Ă  sa marche, on comprendra qu’une belle route n’a pas tous les inconvĂ©nients qu’on lui suppose. Ce qui en fait le danger, ce n’est pas d’ĂȘtre carrossable, c’est seulement d’ĂȘtre partout ouverte. Si elle Ă©tait fermĂ©e dans la partie la plus Ă©troite de la vallĂ©e par quelque fortin ou cluse , dĂ©robĂ© aux coups de l’artillerie ennemie , elle serait alors exclusivement Ă  l’avantage de la dĂ©fense. Un chemin, si mauvais qu’il soit, ne vaudra jamais ces fortins pour retarder la marche de l’ennemi ; celui-ci ne mettra guĂšre plus de temps pour arriver au point culminant en gravissant la montagne par un chemin rapide et pierreux , qu’en suivant une route large et bien ouverte. En effet, dans ce dernier cas, il ne lui est pas permis de s’avancer avec toute la vitesse que comporte un bon chemin ; il faut qu’il s’arrĂȘte souvent pour donner Ă  scs Ă©claireurs le temps de fouiller la vallĂ©e; il faut qu'il envoie des flanqueurs Ă  droite et Ă  gauche pour balayer les croupes des montagnes, tourner les bois, dĂ©couvrir les pĂąturages Ă©levĂ©s, etc. Tout cela lui prend beaucoup plus de temps que n’en exigerait le parcours du chemin, si mauvais qu’il fĂ»t. Ainsi la grande roule ne lui donne rĂ©ellement d’autre facilitĂ© que de pouvoir conduire son artillerie avec moins de chevaux et moins de fatigue. Mais la guerre de montagnes se fait principalement avec de l’infanterie; le peu de canons qu’on a avec soi on parvient toujours Ă  le transporter, car ce ne sont pas les bras qui manquent. On a fait passer par toute espĂšce de chemins, non-seulement des corps nombreux d’infanterie, mais encore de la cavalerie et de l’artillerie. Souwarow au KinzJgkulm et au Panix, NapolĂ©on au Saint-bernard, Macdonald au SplĂŒgen, l’ont prouvĂ©. D’ailleurs ce n’est pas le tout que de s’engager dans 1a vallĂ©e avec de l’artillerie, il faut en sortir pour s’étendre dans la plaine ; or, ce n’est pas la largeur du chemin qui changera rien Ă  la difficultĂ© du dĂ©ploiement. Quelle que soit donc la nature des communications, la position de l’ennemi DE LA DÉFENSE DES MONTAGNES. 287 rosie Ă  peu prĂšs la mĂŽme s’il doit y rencontrer de la rĂ©sistance. Mais il n’en est pas de mĂȘme pour le dĂ©fenseur qui, par une heure de retard dans sa marche, peut se voir prĂ©venu sur les sommitĂ©s ou dans les positions essentielles h occuper. Ce n’est pas par une marche lente et prĂ©cautionneuse, c’est h tire- d’aile qu’il doit se porter sur les points menacĂ©s. DĂšs-lors la bonne ou la mauvaise qualitĂ© du chemin exerce une grande influence sur le succĂšs du mouvement. On a tellement senti que la vitesse est un des Ă©lĂ©ments essentiels d’une bonne dĂ©fense , que les idĂ©es se sont dĂ©jĂ  portĂ©es sur les secours que les routes de fer, convenablement disposĂ©es , pourront offrir pour la dĂ©fense des Étals. Si les mauvais chemins sont nuisibles, en ce sens qu’ils empĂȘchent de se porter en forces et d’arriver Ă  temps sur les points attaquĂ©s, ils le sont encore davantage lorsqu’il s’agit de quitter une position pour en aller prendre une autre. L’artillerie reste en arriĂšre, les tirailleurs ennemis la harcĂšlent et inissent par s’en emparer. Et rien ne dĂ©courage autant une troupe que de perdre ses canons. 11 vaudrait mieux s’en passer que de s’exposer Ă  cet accident; et cependant nous avons vu qu’il est bon d’en avoir, tant pour se faire entendre quand on a besoin de secours, que pour en imposer Ă  l’ennemi. Donc, encore une fois, les bons chemins qui seuls rendent le transport de l’artillerie prompt et facile, sont nĂ©cessaires pour une bonne dĂ©fense, et si en les construisant on a soin d’établir les chiscs dont nous avons parlĂ©, ces chemins, tout Ă  l’avantage du pays en temps de paix , non-seulement n’auront plus rien de dangereux en temps de guerre, mais donneront au contraire la facilitĂ© de se rassembler en forces pour rejeter l’ennemi hors des frontiĂšres. Les routes jouent donc un trĂšs-grand rĂŽle dans la dĂ©fense elle sera vive ou languissante selon que ces routes seront larges et faciles, ou qu’elles offriront toutes les difficultĂ©s des chemins de montagnes ordinaires. Si donc on pouvait Ă©tablir, Ă  priori, un systĂšme de communications en rapport avec la dĂ©- 288 1K LA DEFENSE DES MONTAGNES. fense d’une frontiĂšre montagneuse, siĂ©e systĂšme ne rĂ©sultait pas au contraire de la conformation des localitĂ©s, voici comment il conviendrait de le disposer Ă  quatre ou cinq lieues en arriĂšre descrĂȘtes principales de la chaĂźne on Ă©tablirait une premiĂšre route parallĂšle Ă  cette chaĂźne , qui en franchirait tous ' les contreforts et qui, croisant les routes perpendiculaires , permettrait de passer de l’une Ă  l’autre selon le besoin. Toutes celles-ci seraient fermĂ©es par un fortin en maçonnerie dans l’endroit le plus propice, entre les sommitĂ©s de la chaĂźne cl la route parallĂšle. En arriĂšre de celle-ci, on en Ă©tablirait une seconde, au pied des montagnes et croisant les dĂ©bouchĂ©s de toutes les vallĂ©es. Au moyen de ce rĂ©seau de communications longitudinales et transversales , on pourrait donner h la dĂ©fense tout le degrĂ© d’activitĂ© dont elle est susceptible. Mais si une telle disposition est purement spĂ©culative, s’il est impossible de l’adopter en entier, on peut du moins en saisir l’esprit et s’en rapprocher autant que les localitĂ©s le permettent, en profitant de toutes les circonstances qui s’y prĂȘtent. Ainsi on Ă©largira des chemins trop Ă©troits; on adoucira leurs pentes ; on ouvrira des communications entre les vallĂ©es principales, au moyen des vallĂ©es secondaires; on construira des cluses pour fermer les chemins qui pĂ©nĂštrent dans le pays, etc. etc. VoilĂ  ce qui est faisable, et ce qu’on doit faire si l’on a Ă  cƓur de maintenir son indĂ©pendance. RĂ©sumĂ© .— Le rĂ©sumĂ© de tout ce qui prĂ©cĂšde est que la guerre de montagnes doit offrir un caractĂšre particulier d’audace et d’activitĂ© ; que tout y dĂ©pend de la rapiditĂ© des mouvements et de l’art avec lequel on sait prendre l’initiative, mĂȘme en se dĂ©fendant; que ce n’est pas en attaquant l’ennemi dans ses positions qu’on parvient Ă  le dĂ©loger, mais en manƓuvrant pour le tourner; qu’il faut, en se portant sur son flanc ou sur ses derriĂšres , l’obliger Ă  venir lui-mĂȘme nous chercher et Ă  combattre avec le dĂ©savantage du terrain ; en un mot, qu’on doit, autant que possible, manƓuvrer offensivement et combattre dĂ©fensivement. 1>E DÉFENSE DES MONTAGNES. 38 ! Le connĂ©table de LesdiguiĂšres a le premier, dans les temps modernes, montrĂ© ce qu’un gĂ©nĂ©ral habile et entreprenant peut faire avec une faible troupe dans un pays tel que les Alpes. Le duc de Rohan s’est Ă©galement distinguĂ© par sa belle dĂ©fense de la Valtcline en 1635. 11 eut l’habiletĂ© de se placer dans le centre de la vallĂ©e, et d’empĂ©ehcr la jonction des corps ennemis qui arrivaient par le haut et par le bas. En profitant de la route qui lui Ă©tait ouverte pour manƓuvrer, et prenant de bonnes positions pour combattre, il dĂ©fit plusieurs de ces corps , et eut enfin tout l’honneur de la campagne. L’ennemi se relira, et la petite armĂ©e du duc de Rohan prit ses quartiers d’hiver dans cette belle vallĂ©e qu’elle avait si bien dĂ©fendue. La relation de la campagne de la Valtcline, consignĂ©e dans un petit volume , est trĂšs-instructive ; j’en conseille la lecture Ă  nos jeunes ollicicrs. 1 ! CHAPITRE VL Des SiĂšges. Bien que la guerre des siĂšges ne soit pas celle Ă  laquelle des ofliciers suisses puissent jamais ĂȘtre appelĂ©s, il est cependant bon qu’ils en aient une idĂ©e pour embrasser autant que possible, dans leurs Ă©tudes, l’ensemble des opĂ©rations qu’une armĂ©e active aurait Ă  elfcctuer. Je serai donc bref, renvoyant aux traitĂ©s spĂ©ciaux ceux qui voudraient plus de dĂ©tails sur ce sujet. Le meilleur ouvrage h consulter est toujours celui de Vauban. * g i. - COMMENT ON COUVRE UN SIÈGE. Pendant qu’une partie des corps qui composent l’armĂ©e sont occupĂ©s a faire le siĂšge d’une place, il en est d’autres qui ont pour tĂąche de couvrir cette opĂ©ration et de repousser l’ennemi quand il se prĂ©sente pour secourir la place. On donne le nom d’armĂ©e d’observation Ă  celle qui couvre le siĂšge, et le nom d’armĂ©e de secours h celle qui s'efforce de le faire lever, ou de jeter des secours dans la place. L’armĂ©e de siĂšge est celle qui, sous la protection de l’armĂ©e d’observation, fait tous les travaux nĂ©cessaires pour prendre la place, tels que tranchĂ©es, batteries, etc. Celle-ci campe tout autour de la place assiĂ©gĂ©e et hors de la portĂ©e du canon; elle se fortifie dans ses camps, aussi bien contre les sorties de la garnison, que contre les at- ' TraitĂ© de la dĂ©fense des places, par Vauban, nouvelle Ă©dition , publiĂ©e avec l’autorisation du ministre de la guerre, par le gĂ©nĂ©ral ValasĂ©. TraitĂ© de l’attague , publiĂ© par le chef de bataillon du gĂ©nie, Augoyat. Paris, 1829. UES SIÈGES. 291 laques du dcliors. La marche qu’elle doit suivre pour exĂ©cuter ses travaux et arriver Ă  s’emparer de la place, est lixĂ©c par des rĂšgles que nous indiquerons dans l’article suivant. Nous parlerons d’abord de l’attitude que doit prendre l’armĂ©e d’observation chargĂ©e de couvrir le siĂšge, de la conduite qu’elle doit tenir, soit pour empĂȘcher l’ennemi de tomber par derriĂšre sur les camps dressĂ©s autour de la place, soit pour s’emparer des convois ou disperser les secours dirigĂ©s vers les assiĂ©gĂ©s. L’armĂ©e d’observation ne doit pas trop s’éloigner de celle qui est chargĂ©e des travaux du siĂšge, afin qu’au besoin elle puisse en tirer des renforts qui rentreront dans leurs camps aprĂšs l’action. Ces secours, arrivantau moment opportun quand un combat est imminent ou dĂ©jĂ  engage, seront prĂ©cieux cl contribueront puissamment Ă  dĂ©faire ou Ă  repousser l’ennemi. Le gĂ©nĂ©ral Bonaparte, lorsqu’il couvrait le siĂšge de Manloue, ne se borna pas Ă  tirer quelques bataillons de l’armĂ©e de siĂšge pour combattre les troupes nombreuses qui cherchaient Ă  l'envelopper, il la lit marcher tout entiĂšre; et c’est en rĂ©unissant ainsi l’armĂ©e de siĂšge h l’armĂ©e d’observation qu’il gagna la cĂ©lĂšbre bataille de Castiglionc. Ne pas trop s’éloigner est encore nĂ©cessaire pour bien couvrir le siĂšge et empĂȘcher que l’ennemi, dĂ©robant une marche, ne vous Ă©chappe et n’arrive inopinĂ©ment sur l’armĂ©e de siĂšge qui n’est pas toujours, qui est mĂȘme rarement en Ă©tat de le ’epousser. La consĂ©quence d’un tel Ă©vĂ©nement pourrait ĂȘtre la levĂ©e du siĂšge et la perle de l’artillerie et de tout le matĂ©riel. L’armĂ©e d’observation ne peut songer Ă  rester en position et Ă  se fortifier qu’autant que la place n’est accessible que d’un S ml cĂŽtĂ©. Si l’ennemi peut passer ailleurs ou arriver par plu. S eurs chemins, on doit les observer tous et conserver une tnassc centrale, qui bien loin de se liera des retranchements, se procurera par tous les moyens possibles le degrĂ© de mobilitĂ© qui lui est nĂ©cessaire ; ainsi elle ne traĂźnera avec elle que les bagages tout h fait indispensables; elle enverra aux camps DUS SIEGES. 1>92 de l’annĂ©e de siĂšge loul l'excĂ©dant avec les malades et les blessĂ©s; son artillerie sera bien attelĂ©e; les chemins par lesquels elle peut passer seront rĂ©parĂ©s ; enlin rien ne sera nĂ©gligĂ© pour assurer la rapiditĂ© des marches cl l’arrivĂ©e des masses sur les points menacĂ©s. Mais si le corps principal ne doit pas, dans la supposition que nous venons de faire, se couvrir de retranchements, les dĂ©tachements chargĂ©s de garder les avenues et d’observer l’ennemi ne se priveront pas de ce secours, quand le terrain le comportera ; il convient au contraire de fortifier les dĂ©fdĂ©s, les tĂȘtes de pont, pour donner Ă  ces dĂ©tachements la possibilitĂ© de s’opposer Ă  des forces supĂ©rieures, d’arrĂȘter mĂȘme momentanĂ©ment l’armĂ©e ennemie tout entiĂšre. On ne doit pas craindre de s’éclairer au loin et de pousser de temps Ă  autre des reconnaissances pour savoir ce que fait l’ennemi et dĂ©couvrir ses projets. Le voit-on concentrer ses forces, on est menacĂ© d’une attaque, et l’on doit prendre ses mesures en consĂ©quence; rassemblc-l-il des voitures, des approvisionnements, il veut essayer de jeter un secours dans la place; on en prĂ©vient l’annĂ©e de siĂšge qui se tiendra sur ses gardes, et l’on se prĂ©pare Ă  enlever le convoi, ou du moins Ă  l'empĂȘcher de passer. Si plusieurs routes conduisent des positions qu’occupe l’ennemi Ă  la ville assiĂ©gĂ©e, on se met Ă  cheval sur celle du milieu , et l’on dĂ©fend les autres indirectement par la crainte qu’on inspire Ă  l'ennemi de s’v engager en prĂȘtant le flanc Ă  vos forces rĂ©unies. Ainsi donc ici, comme dans tout autre cas de la dĂ©fensive, il faut se garder de la dissĂ©mination qui est une cause inĂ©vitable d’échecs partiels, ou de ruine totale. Quand l’ennemi a dĂ©masquĂ© ses projets, marchez Ă  sa rencontre et abordez-le avec rĂ©solution, quelle que soit sa force ce n’est pas le moment de compter les combattants. Cependant le bruit du canon , les estafettes, les oflicicrs d’ordonnance ont prĂ©venu l’armĂ©e de siĂšge de ce qui se passe. Son commandant met sous les armes tout ce qui lui reste de dis- Mi S SI KG ISS. Ăą}> pĂ©nible aprĂšs avoir pourvu largement Ă  la garde des tranchĂ©es, et pris les dispositions nĂ©cessaires pour repousser les sorties de la place, / _ ’ ailles et plus Ă  craindre dans ce moment dĂ©cisif que dans tout antre. Les troupes dĂ©signĂ©es pour prendre part Ă  l’action partent sans diffĂ©rer; en arrivant sur le champ de bataille elles se mettent en ligne , ou se placent en rĂ©serve , ou se prĂ©cipitent sur le liane et sur les derriĂšres de l’ennemi, suivant la position respective des corps qui sont aux prises. Rien ne peut contribuer plus puissamment au gain d'une que l’arrivĂ©e d’un pareil renfort, au moment oĂč elle 'St vivement disputĂ©e. C’est un semblable secours qui valut il nos pĂšres le gain de la bataille de Sempaeh. C’est l’apparition soudaine de la division Desaix qui ramena la victoire dans les rangs de l’armĂ©e française Ă  Marengo. Si, malgrĂ© le secours que l’armĂ©e de siĂšge peut donner h l’armĂ©e d’observation, celle-ci est obligĂ©e de cĂ©der le terrain, elle doit tĂącher de se retirer en ordre et d’aller se poster Ă  peu de distance du champ de bataille, pour inquiĂ©ter l’adversaire et l’empĂ©cher de se jeter avec toutes ses forces sur les lignes du siĂšge, en l’obligeant Ă  faire un dĂ©tachement pour couvrir sa nouvelle position. Pendant ce temps l’armĂ©e d’observation se rĂ©organise, elle rappelle tout ce qu’elle a de troupes Ă©loignĂ©es, et si elle se sent en force elle marche de nouveau contre l’armĂ©e de secours arrĂȘtĂ©e par les retranchements des camps qu’elle doit forcer pour parvenir jus- M't’à la forteresse. Alors, s’il y a de l’opiniĂątretĂ© de paĂźt et d’autre , peut se prĂ©senter cette singuliĂšre situation de deux armĂ©es Ă  la fois assiĂ©geantes et assiĂ©gĂ©es. Voici l’exemple d’un lait analogue tirĂ© des mĂ©moires historiques sur la maison de Savoie, par le marquis de Costa llm llhtO, le prince Thomas de Savoie et les Espagnols tenaient la ville de Turin dont h> citadelle Ă©tait dĂ©fendue par une garnison française. Au cotn- n >eneement de mai, le comte d’Harcourt, cĂ©lĂšbre par son courage et scs talents militaires, vint mettre le siĂšge devant ht place; mais, Ă  peine est-elle investie, que le marquis de 294 DES SIÈGES, LĂ©nages survint avec de trĂšs-grandes forces pour le bloquer lui-mĂȘme dans ses lignes. Turin, investi de la sorte, prĂ©sentait l’aspect singulier d’une citadelle assiĂ©gĂ©e par la ville , de la ville assiĂ©gĂ©e par une armĂ©e française, et de celle-ci enveloppĂ©e par une armĂ©e espagnole. Dans cette position, le prince de Savoie pouvait correspondre avec LĂ©nages par le moyen de bombes sans fusĂ©es, dans lesquelles on renfermait des lettres. On lit usage du mĂȘme moyen pour introduire dans la ville un peu do sel et des mĂ©dicaments, dont la disette Ă©tait trĂšs- grande. Lecomte d’IIarcourt, obligĂ© de se dĂ©fendre des sorties continuelles que faisait le prince Thomas, et des attaques rĂ©itĂ©rĂ©es de l’armĂ©e espagnole, s’entoura de doubles lignes qui le garantirent des unes et des autres. Enfin , aprĂšs quatre mois et demi de siĂšge, aprĂšs avoir endurĂ© dans son camp toutes les privations, il força la ville Ă  capituler. Le prince en sortit avec les honneurs de la guerre, et l’armĂ©e espagnole se retira. » Supposons que l’armĂ©e d’observation n’ait pas pu rĂ©sister Ă  l’armĂ©e de secours, et que celle-ci se soit immĂ©diatement jetĂ©e sur les lignes elles ait forcĂ©es h cause de leur grand dĂ©veloppement; il faudra sans doute, dans cette circonstance malheureuse, lever le siĂšge; mais tout ne sera pas perdu pour cela. Ralliant les dĂ©bris des deux armĂ©es qui sĂ©parĂ©es n’ont pu rĂ©sister, on en formera une plus forte et qui bientĂŽt sera en Ă©tat de livrer une nouvelle bataille. Si l’ennemi, craignant de se compromettre, reste dans les murs de la place, on ne lui pourra rien , mais un trop grand nombre de bouches Ă©puise promptement les approvisionnements, et la place ne larde pas Ă  capituler faute de vivres. On retrouve alors tout ce qu’on a perdu dans la prĂ©cĂ©dente affaire, et en mĂȘme temps on vient Ă  bout de l'entreprise sans effusion de sang, ce qui est toujours d’un grand prix aux yeux du chef qui aime ses soldats et qui est avare de leurs vies. Si, au contraire, l’ennemi ne craint pas de s’aventurer, s’il tient campagne pour Ă©viter d’ĂȘtre serrĂ© de trop prĂšs, alors, des siĂšges. 295 on est h deux de jeu, on livre de nouveaux combats, et l’on cherche, par des succĂšs partiels ou par le gain de la bataille quand l’ennemi l’accepte , Ă  se replacer dans la situation premiĂšre, c’est-Ă -dire dans la situation d’une armĂ©e qui en assiĂšge ou qui en bloque une autre. Si enfin l’ennemi partage ses forces, qu’il en laisse une partie dans la place pour la dĂ©fendre , et qu’avec le reste il tienne campagne, votre position s’amĂ©liore, parce que la possibilitĂ© vous est offerte de sĂ©parer de la place le corps qui en est sorti. Il faut pour cela tĂącher de vous placer entre deux par une marche de nuit et prendre si bien vos mesures., que l'attaque soit simullanĂ©e'sur tous les points, pour que le corps ennemi soit battu, dispersĂ© ou fait prisonnier, avant qu’il puisse recevoir des secours de la place. Ainsi le marĂ©chal Soult au siĂšge de Badajos , ayant affaire Ă  une armĂ©e plus forte que la sienne, sut profiter habilement d’une occasion qui se prĂ©senta de rĂ©tablir l’équilibre. Dix mille Espagnols, afin d’éviter l’encombrement, sortirent de Badajos pour aller camper sur des hauteurs sĂ©parĂ©es de l’armĂ©e française par la Guadiana et couvertes parla Gebora. On lira d’abord du camp français sur le camp espagnol avec des obusiers Ă  longue portĂ©e , afin de l’éloigner le plus possible des premiers ouvrages de la place dont il Ă©tait sĂ©parĂ© par un vallon de 000 toises de largeur. Une heure avant le jour le passage de la Guadiana s’effectue sur des bateaux; on passe Ă  guĂ© le torrent de la Gebora , et pendant que le marĂ©chal Mortier dirige une attaque de front sur les hauteurs et envoie sa cavalerie pour les tourner par sa droite, deux Ă  trois mille hommes d'infanterie se placent dans le vallon entre la forteresse et le camp, et, faisant face des deux cĂŽtĂ©s, coupent ainsi toute communication. Un succĂšs complet couronna d’aussi belles dispositions. Huit mille Espagnols mirent bas les armes , cinq ou six cents furent tuĂ©s, le reste parvint Ă  s’échapper. Tel fut le brillant combat de la Gebora, livrĂ© le 19 fĂ©vrier 1811 . ' 'f'Hcloircs cl ConquĂȘtes. DES SIÈGES. 20G § 2. — Travaux et OpĂ©rations du SiĂšge. DĂšs que l’armĂ©e de siĂšge arrive devant la place, elle en fait l’investissement , c'est-Ă -dire qu'elle intercepte toute communication delĂ  campagne avec la ville, en occupant par des postes plus ou moins forts, non-seulement les diverses avenues, mais encore leurs intervalles. Elle Ă©tablit ses camps tout autour de la place h une assez grande distance pour n’ùtre pas inquiĂ©tĂ©e par les boulets ennemis. Pour l’établissement de ces camps, on choisit dans la vaste circonfĂ©rence qu’on occupe les emplacements les plus propices, sous le point de vue militaire et sous celui de la salubritĂ© et de la commoditĂ©. Les camps Ă©tant situĂ©s h environ 3,000 mĂštres de la place c’est la grande portĂ©e du canon prĂ©sentent un dĂ©veloppement de cinq Ă  six lieues et quelquefois davantage; ils sont donc dans un Ă©tat de faiblesse qui compromet leur existence dans le cas oĂč un secours , Ă©chappant h l’armĂ©e d’observation , viendrait inopinĂ©ment les assaillir, qui mĂȘme les expose aux entreprises de la garnison, pour peu que celle-ci soit de force Ă  tenter un coup de main. Il faut donc avoir recours Ă  la fortification pour assurer ces camps contre les entreprises de l’ennemi on les entoure de deux lignes de retranchements; l’une faisant face Ă  la campagne se nomme la ligne de circonvallation, l’autre qui est tournĂ©e contre la ville est la ligne de contrevallation. Quelquefois ces lignes sont continues dans tout leur dĂ©veloppement, d’autres fois elles se rĂ©duisent Ă  quelques fortins Ă©levĂ©s sur les positions les plus favorables. On ne peut rien Ă©tablir de fixe Ă  cet Ă©gard ; les localitĂ©s et les circonstances dans lesquelles on se trouve , dictent au chef de l’armĂ©e et au commandant du gĂ©nie ce qu’il y a de mieux Ă  faire. Mais on peut dire, en gĂ©nĂ©ral, que la ligue de circonvallation , ayant plus d’importance que celle de contrevallation, attendu qu’on a plus Ă  redouter les attaques de l’armĂ©e de secours que les sorties de la garnison, est aussi construite avec plus de soins; DES SIÈGES. 297 la derniĂšre n’est ordinairement composĂ©e que de quelques ouvrages dĂ©tachĂ©s, Ă©levĂ©s sur les parties les plus accessibles. , dans l’établissement de ces lignes, de tous les accidents du terrain pour en diminuer l’immense dĂ©veloppement. On y remplace avec avantage les parapets en terre par des abatis, des inondations, etc. CĂ©sar, luisant le siĂšge d’Alesia, avait Ă  rĂ©sister Ă  deux armĂ©es, chacune plus forte que la sienne, l’une dans la ville , l’autre au dehors. En consĂ©quence, il entoura ses camps des deux lignes de circonvallation et de contrevallation. 11 mit un soin extraordinaire dans la construction de ces retranchements, et l’on donne encore comme modĂšle tout ce qu’il lit en celte circonstance *. L’intervalle entre les deux lignes doit ĂȘtre sullisant, non- seulement pour l’établissement des camps, mais encore pour permettre aux bataillons de se mouvoir en diffĂ©rents sens. Il faut pour cela un intervalle de 500 h 000 mĂštres. Les trois mille mĂštres qui doivent exister entre le camp et la place, se mesurent du milieu de cet intervalle. Quand les diffĂ©rents camps ou quartiers de l'armĂ©e , sont sĂ©parĂ©s par des riviĂšres, il faut avoir l’attention de jeter plusieurs ponts sur chaque cours d’eau pour assurer, autant que possible, les communications d’un quartier Ăą l’autre. Sans cette prĂ©caution, l’ennemi pourrait attaquer d’un cĂŽtĂ© pendant que de l’autre une portion de l’armĂ©e resterait spectatrice du combat, sans pouvoir ve’nir au secours des troupes engagĂ©es. On ne commence pas les travaux du siĂšge avant de s’ître approvisionnĂ© de tout ce qui est nĂ©cessaire, alin que si l’armĂ©e de secours venait Ă  couper les arrivages , le siĂšge ne fĂ»t pas Pour cela arrĂȘtĂ©. On conçoit que si on est maĂźtre de la campagne au point de n’avoir rien de semblable Ă  redouter, on Peut se relĂącher en quelque chose de la sĂ©vĂ©ritĂ© de la rĂšgle, Pour hĂąter l’ouverture des travaux ; mais toujours faut-il at- l ondre d’ĂȘtre assez abondamment pourvu de toutes choses , ’ Voyez les Commentaires de CĂ©sar, liv. Vil. 298 DES SIÈGES. pour que les travaux une fois commencĂ©s ne languissent pas. Les approvisionnements de fascines , de gabions, de bois de toute espĂšce, se font dans les forĂȘts les plus voisines ; quelquefois on est obligĂ© de les faire venir de plusieurs lieues Ă  la ronde. On met tous ces objets, par tas sĂ©parĂ©s et bien arrangĂ©s, dans des endroits couverts des vues de la place et hors de la portĂ©e de la bombe. On les nomme dĂ©pĂŽts de tranchĂ©e. Quand on s’est pourvu de tout ce qui est nĂ©cessaire pour commencer les travaux et pour pouvoir les pousser avec activitĂ© et sans discontinuitĂ©, on ouvre la tranchĂ©e contre la partie de la place qui, en raison des reconnaissances que les ingĂ©nieurs en ont faites, et Ă  l’aide des plans existants, est jugĂ©e la plus faible. C’est ordinairement celle qui est dominĂ©e, dont les ouvrages principaux sont ricochablcs, qu’on peut envelopper facilement, etc. Ainsi les parties basses et saillantes sont des parties d’attaque. L’ouverture delĂ  tranchĂ©e se fait de nuit, hors de la portĂ©e de mitraille ; on Ă©tablit une premiĂšre ligne dont la distance aux ouvrages les plus avancĂ©s de la place peut varier de 300 Ă  000 mĂštres, suivant l’importance de cette place et ce qu’on a h craindre de la garnison. C’est la premiĂšre parallĂšle *. Elle enveloppe la totalitĂ© des ouvrages qui ont quelque prise sur les points qu’on veut attaquer. On la trace parallĂšlement, ou h peu prĂšs parallĂšlement aux fortifications de la place ; de lĂ  le nom qu’on lui a donnĂ©. On l’appelle aussi place d’armes, parce que c’est dans cette ligne, ainsi que dans celles qui lui succĂšdent, que l’on place les troupes armĂ©es, ou gardes de tranchĂ©e, destinĂ©es Ă  protĂ©ger les travailleurs contre les sorties de la garnison. Les parallĂšles et les boyaux de communication constituent ce qu’on appelle en gĂ©nĂ©ral les tranchĂ©es. Toutes les tranchĂ©es sont creusĂ©es en terre d’environ un mĂštre ; mais leur largeur dans les diffĂ©rentes parties varient suivant les besoins. Les terres provenant des fouilles sont relevĂ©es en forme de parapets du cĂŽtĂ© de la place. Voyez le MĂ©morial pour les travaux de guerre, cliap. XII. DES SIÈGES. 299 De la premiĂšre parallĂšle ou place d’armes, on communique avec les dĂ©pĂŽts de tranchĂ©e par des boyaux en zig-zag, Ă  dĂ©faut de chemins creux ou de rideaux naturels. Ces communications en arriĂšre s’établissent, en mĂȘme temps que la parallĂšle, dĂšs la premiĂšre nuit. On s’avance ensuite de la premiĂšre parallĂšle contre la place par d’autres boyaux qu’on dirige en zig-zag sur les saillants, de maniĂšre' Ă  Ă©viter l'enfilade des ouvrages latĂ©raux. Chaque cheminement fait de la sorte s’appelle une attaque; il y en a autant que d’ouvrages Ă  prendre; ainsi il y aura trois attaques si on chemine sur les saillants de deux demi-lunes cl du bastion intermĂ©diaire. Quand les attaques sont arrivĂ©es Ă  peu prĂšs Ă  la moitiĂ© de la distance de la premiĂšre parrallĂšle Ă  la place, si l’on allait plus avant les travailleurs se trouveraient plus prĂšs des assiĂ©gĂ©s que des gardes de tranchĂ©e, et seraient par consĂ©quent trĂšs-compromis ; c’est pourquoi on Ă©tablit h cette distance une seconde parallĂšle qui, ainsi que la premiĂšre, enveloppe tous les ouvrages et lie entre elles les diverses attaques. On transporte les gardes de tranchĂ©e de la premiĂšre Ă  la seconde parallĂšle, lorsque celle-ci est terminĂ©e ; on s’avance ensuite jusqu’à une soixantaine de mĂštres des saillants des chemins couverts, et lĂ  on Ă©tablit une troisiĂšme et derniĂšre parallĂšle. On supprime la seconde parallĂšle lorsqu’on a cru devoir ouvrir la tranchĂ©e Ă  500 mĂštres seulement, et on la remplace par ce qu’on appelle des demi-places d’armes, qui sont des portions de parallĂšles propres Ă  recevoir quelques petits postes. La suppression de la seconde parallĂšle rĂ©sultant de la restriction de l’intervalle qu’on laisse ordinairement entre la premiĂšre parallĂšle et les ouvrages de la place, simplifie et abrĂšge les tra- 'aux du siĂšge. L’attaque de la citadelle d’Anvers oflre un exemple rĂ©cent de celte suppression qu’on adoptera probablement Ă  l’avenir, toutes les fois que la force de la garnison n’obligera pas Ă  des prĂ©cautions extraordinaires. C’est en avant des parallĂšles, ou dans les parallĂšles elles- hiemcs, que l’artillerie Ă©tablit les batteries au moyen des- TliS S1ÉGIÏS. 300 quelles elle ricoche ou prend d’enlilade les laces des ouvrages qui ont vue sur les attaques. C’est sous la puissante protection de cette arme que l’on parvient Ă  s’approcher, sans de trop grands risques, des ouvrages qu’elle balaye et chaude sans discontinuitĂ©. Ses projectiles dĂ©molissent les embrasures, labourent les remparts, en sorte que le canon de l’assiĂ©gĂ© est rĂ©duit au silence, et que les diverses piĂšces do la fortilieation restent presque dĂ©sertes. Un construit Ă  la sape ' sur les glacis, certains ouvrages qui vous conduisent au bord du chemin couvert et vous en rendent dĂ©finitivement maĂźtres ; alors on Ă©tablit dans le couronnement du chemin couvert, c’est-Ă -dire dans la tranchĂ©e qui eu suit le contour, des batteries pour dĂ©molir les lianes des bastions qu’on dĂ©couvre depuis là» et pour l'aire des brĂšches Ă  l’escarpe au moyen desquelles on puisse pĂ©nĂ©trer dans la place. Les batteries qui soĂ»l dirigĂ©es contre les lianes des bastions collatĂ©raux Ă  celui qu’on attaque, se nomment contre-batteries, parce que leur objet est de rĂ©duire au silence, de combattre le canon de ces flancs. Les batteries qui sont destinĂ©es Ă  renverser les escarpes ont reçu le nom de batteries de brĂšche. On ne donne l’assaut que lorsque la brĂšche a Ă©tĂ© rendue bien praticable par le renversement du parapet sur les dĂ©bris de murailles, et seulement aprĂšs avoir ouvert une galerie pour descendre dans le fossĂ©, et avoir pratiquĂ© au travers de celui-ci un bon Ă©paulemenl joignant le pied de la brĂšche. Les troupes commandĂ©es pour l’assaut se tiennent par dĂ©tachements dans le fossĂ©, dans le couronnement du chemin couvert et dans la troisiĂšme parallĂšle. Ces dĂ©tachements sont des- ’ La sapa est un moyen de construire les tranchĂ©es, lent en apparence, mais qui, se poursuivant la nuit comme le jour sans discontinuitĂ©, fait en peu de temps d’assez grands progrĂšs. Ce travail cstexĂ©cutĂ©par Icssaneurs, qui roulent devant eux un manteletouuu gros gabion farci de laine ou de fascines pour se mettre Ă  l’abri des arquebusades. Ils remplissent ainsi un gabion aprĂšs l’autre, et ne poussent en avant que lorsqu’ils ont bien consolidĂ© la portion de tranchĂ©e dĂ©jĂ  faite. DES SIÈGES. 501 tincs Ă  se soutenir cl Ă  se prĂȘter main-forte ; an signal convenu, le premier monte sur la brĂšche, en repousse les dĂ©fenseurs et cherche Ă  s'Ă©tablir solidement sur le haut, en construisant avec des gabions ce qu’on appelle un nid-de-pie; c’est un petit retranchement qui couronne la brĂšche et h l’abri duquel les soldats qu’on y place font feu sur tout ce qui se prĂ©sente. Les sapeurs sont chargĂ©s de celte construction; Ă  cet effet ils accompagnent en nombre suffisant les troupes de l’assaut, armĂ©s chacun d’une pelle et d’une pioche, etportant un gabion. Le second dĂ©tachement appuie le premier pour enlever la brĂšche ; il le relĂšve si la lutte est opiniĂątre. Le troisiĂšme borde les tranchĂ©es sur le glacis, et de lĂ  il balaye les parapets et surtout le haut de la brĂšche,.tant qu’il y a de la rĂ©sistance; mais on aura eu soin, avant d’en venir aux mains, de faciliter l’assaut en dirigeant sur l’ouvrage attaquĂ© autant de piĂšces que possible. Quand le combat commence, le canon doit se taire puisqu’il tirerait indistinctement sur les assaillants et sur les dĂ©fenseurs. Souvent la prise des premiers ouvrages amĂšne la reddition de la place ; quelquefois leur rĂ©sistance n’est que le prĂ©lude d’une dĂ©fense opiniĂątre oĂč il faudra arracher piĂšce Ă  piĂšce toutes les fortifications de l’assiĂ©gĂ©. Quelquefois encore la possession des remparts ne met-elle pas fin aux combats, et se voit-on dans la nĂ©cessitĂ© de disputer les rues, les maisons mĂȘmes, Ă  de courageux citoyens qui savent faire le sacrifice de leurs propriĂ©tĂ©s Ă  l’honneur et Ă  l’indĂ©pendance du pays. La dĂ©fense de Sarragosse, en 1808, peut ĂȘtre placĂ©e Ă  cĂŽtĂ© de tout ce que l’histoire offre de plus hĂ©roĂŻque et de plus digne de l’admiration des peuples. Les Espagnols, aprĂšs avoir perdu leurs fortifications, soutinrent encore pendant vingt-trois jours une guerre de maisons des plus acharnĂ©es. Us n’avaient plus de poudre quand ils capitulĂšrent. Leur perte f ut Ă©norme; on l’a Ă©valuĂ©e Ă  54,000 individus de tout Ăąge et de tout sexe. 502 I>ES SIÈGES. § 3. — Comment on dĂ©fend les approches d’une Forteresse. DĂšs qu'une forteresse est menacĂ©e par les armĂ©es ennemies on la dĂ©clare en Ă©tat de siĂšge, et, dĂšs ce moment, tout est soumis Ă  l’autoritĂ© militaire. On se hĂąte de faire entrer dans la place tout ce que les environs peuvent fournir en bois, fascines, gabions, aussi bien qu’en bestiaux, en blĂ©s, en comestibles de tout genre. On renvoyĂ© les gens sans aveu, toutes les bouches inutiles, et l’on ordonne aux habitants qui restent dans la ville de s’approvisionner de farine, de lĂ©gumes secs, d’huile, de viande salĂ©e, etc., pour plusieurs mois, alin de n’ĂȘtre pas obligĂ© de partager avec eux les approvisionnements de la garnison. On met la place en Ă©tat de dĂ©fense, en armant et rĂ©parant les fortifications, plantant les palissades, nettoyant et dĂ©sencombrant les communications, etc. Quand la garnison est assez nombreuse, et c’est le cas que nous supposerons, elle se garde bien de se renfermer en totalitĂ© dans la place; elle fait, au contraire, tous ses efforts pour en disputer les approches. On prend donc position en avant des faubourgs, et bien loin de les dĂ©molir, comme il faudrait le faire si la garnison moins nombreuse devait dĂšs le dĂ©but se renfermer dans la place, on les couvre par des retranchements, dans le double but de les garantir et de se mĂ©nager en arriĂšre le plus d’espace qu’il est possible. On met ainsi la ville Ă  l’abri des projectiles incendiaires, et l'on profite de tout ce que le terrain dont on reste maĂźtre peut offrir en fruits, lĂ©gumes, blĂ©s et fourrages. Les hommes et les chevaux qui ne sont point entassĂ©s se conservent en santĂ© ; l'altitude que tient la troupe chasse la crainte des cƓurs et soutient le courage. En respectant ainsi les habitations des faubourgs on se mĂ©nage la chance de les conserver, soit que l’ennemi n’attaque pas de ce cĂŽtĂ©, soit qu’on parvienne Ă  le repousser ; et si elles DES SIÈGES. 30 3 ont Ă  souffrir, le mal ne sera jamais si grand que si on les eĂ»t dĂ©molies radicalement Ă  l'approche de l’ennemi. On s’épargne donc une mesure cruelle, d’une exĂ©cution toujours difficile; on s’attache les habitants en leur montrant l’intention de conserver leurs propriĂ©tĂ©s ; on les engage mĂȘme ainsi Ă  travailler de leurs bras aux ouvrages qui protĂ©geront leurs demeures. Outre les retranchements prĂ©cĂ©dents, on construit sur tous les points les plus avantageux de solides redoutes ou fortins, on ferme les passages trop exposĂ©s par des abatis ou des coupures, on perce des crĂ©neaux aux murailles et Ă  tous les Ă©tages des maisons qui peuvent prĂȘter quelqu’appui, on ne nĂ©glige, en un mot, aucun moyen d’augmenter la force des positions extĂ©rieures. Sur un champ de bataille ainsi prĂ©parĂ© on peut espĂ©rer de faire une longue rĂ©sistance, disputer le terrain pied Ă  pied, et faire Ă©prouver Ă  l’attaquant de grandes pertes avant qu’il puisse ouvrir la tranchĂ©e devant la place, et commencer les travaux ordinaires d’un siĂšge. Aussi n’cst-ce qu’aprĂšs des attaques souvent rĂ©pĂ©tĂ©es et bravement soutenues que l’ennemi, par sa supĂ©rioritĂ© numĂ©rique et par la facilitĂ© qu’il a de rĂ©parer scs pertes, vient Ă  bout de se rendre maĂźtre de quelques ouvrages ou des premiĂšres maisons des faubourgs. Il doit lui-mĂȘme remuer de la terre pour se mettre il l’abri des entreprises hardies d’une garnison valeureuse, ou s’assurer la possession de ce qu’il tient. De nouveaux combats l’attendent; chaque pouce de terrain lui sera vendu chĂšrement. Peut-ĂȘtre se rebutera-t-il de tant de rĂ©sistance. Peut-ĂȘtre ^ue pendant la durĂ©e de la lutte, des Ă©vĂ©nements extĂ©rieurs de politique ou de guerre, de ces retours de fortune dont l’histoire ollrc tant d’exemples, viendront vous tirer de l’état alarmant quoique glorieux dans lequel vous commencez Ă  v °ns trouver. Telles sont du moins les chances que court celui qui i ie se dĂ©courage pas et qui sait, avec une fermetĂ© inĂ©branlable, persĂ©vĂ©rer daus sa rĂ©sistance. Aucun motif ne 501 nus SIEGES. peut engager un gĂ©nĂ©ral qui se trouve Ă  la tĂšte ES SIÈGES. arriver aux tranchĂ©es elles sont longtemps exposĂ©es aux feux les batteries et des places d’armes; c'est pourquoi on n’entreprend guĂšre de sorties que contre la derniĂšre parallĂšle et les ouvrages qui l’avoisinent. Cependant si l’on peut dĂ©couvrir le moment de l’ouverture de la tranchĂ©e, il faut le saisir pour opĂ©rer une grande sortie qui mette en dĂ©route les travailleurs elles force h remettre l’opĂ©ration Ă  la nuit suivante. Connaissant alors l’emplacement des premiĂšres tranchĂ©es, ori y dirigera toute l’artillerie dont le feu continuel rendra les travaux trĂšs-pĂ©rilleux, mĂȘme pendant les tĂ©nĂšbres. La grande sortie s’est faite de nuit, ce qui est contraire Ă  la rĂšgle gĂ©nĂ©rale ; mais dans ce cas il y a peu d’inconvĂ©nients, parce que l’ennemi n’est pas encore Ă©tabli; quand une fois il s’est reconnu, qu’il a Ă©bauchĂ© scs ouvrages, il vaut mieux l’attaquer Ă  la pointe du jour pour Ă©viter que les divers dĂ©tachements, qui prennent part Ă  la sortie et qui dĂ©bouchent simultanĂ©ment de dilfĂ©rents points du chemin couvert, ne viennent h se charger ou ii faire feu les uns sur les autres dans l’obscuritĂ©. AussitĂŽt que les troupes sont parvenues Ă  repousser les gardes de tranchĂ©e, les travailleurs se hĂątent de renverser les gabions, de dĂ©truire les Ă©paulements, etc. ; ils n’ont ordinairement que trĂšs-peu de temps pour celte opĂ©ration, parce que l’assiĂ©geant ne tarde pas Ă  revenir en forces et Ă  repousser la sortie dans la place. La cavalerie prend part quelque- lois aux grandes sorties, et l’artillerie de la place les soutient de son feu, autant que le mouvement des troupes le lui permet. Quand une fois la derniĂšre parallĂšle est solidement Ă©tablie et armĂ©e, il faut renoncer aux grandes sorties qui n’auraient 'lue de faibles chances de rĂ©ussite ; on Se contente alors d’en- v °yer, comme il a Ă©tĂ© dit, des dĂ©tachements de dix Ă  douze l'onimcs, qui se jetant sur les travaillleurs les plus avancĂ©s, les mettent en fuite et se retirent dĂšs qu’ils Ă©prouvent de la rĂ©sistance ; c’est pour effrayer les travailleurs, interrompre la sape, bien plus que pour tuer des hommes Ă  l’ennemi, qu’on lus envoyĂ©. AprĂšs chaque alerte l’assiĂ©geant a beaucoup de 20 DES SIÈGES. 306 peine, surtout lu nuit, Ă  rassembler ses travailleurs, en sorte que l’attaque languit souvent le jour paraĂźt, qu’un ouvrage trop imparfait doit ĂȘtre abandonnĂ© pour n’étre repris que la nuit suivante. Les contrcmines, ou mines dĂ©fensives, sont le moyen le plus puissant de prolonger la durĂ©e d’un siĂšge, parce qu’elles forcent l’attaquant Ă  des travaux qui, de leur nature, demandent beaucoup de temps pour ĂȘtre accomplis; aussi dĂšs que le front d’attaque est connu, prĂ©pare-t-on sous le glacis des fourneaux de mine, qui menaçant de faire sauter les batteries de l’assiĂ©geant, contraignent celui-ci Ă  cheminer aussi sous terre. Toutefois il est nĂ©cessaire, pour faire usage de ce moyen, que la place soit munie d’un systĂšme de galeries qui per- mettent de s’avancer sous le glacis et de prĂ©parer d’avance les fourneaux de mine. Lorsqu’elle en est dĂ©pourvue, on ne peut que pratiquer aux saillants de la forlilication quelques fougasses, ou petites mines, qui sont loin de produire au physique et au moral le mĂȘme effet que les mines proprement dites. Le dĂ©fenseur a, dans la guerre souterraine, un grand avantage sur l’attaquant, parce qu’il l’attend dans des galeries toutes prĂ©parĂ©es; qu’ainsi il a beaucoup moins de travail, et qu’il est maĂźtre de l’initiative. L’attaquant n’a d’autre ressource que de surcharger scs fourneaux, pour dĂ©truire Ă  de grandes distances ceux des dĂ©fenseurs; d'employer ce qu’on appelle des globes de compression; mais cela mĂȘme est fĂącheux pour lui, parce que ces fourneaux surchargĂ©s emploient une quantitĂ© prodigieuse de poudre et sont de longue exĂ©cution. Pour l’assiĂ©gĂ©, au contraire, des fourneaux de moyenne grandeur suffisent, car je crois avoir dĂ©montrĂ© ailleurs 4 qu’en raison de leur action en contre-bas, ils dĂ©fendent aussi bien le terrain des approches que si on les plaçait Ă  une profondeur double, comme est obligĂ© de le faire l’attaquant s’il veut donner Ă  ses globes toute la puissance dont ils sont susceptibles. * Voyez le chapitre \ de la Fortification permanente . .1 1IKS SIÈGES. 507 Les contremincs sont assez profondes si elles sont de 4 Ă  > mĂštres au-dessous de la surface du sol, et il ne faut que 200 Ă  700 livres de poudre pour les charger. Les charges croissant comme les cubes des profondeurs, on comprend pourquoi il y a une si grande diffĂ©rence entre les nombres ci-des- sus, et combien il y a de dĂ©savantage, sous ce rapport, Ă  s'enfoncer plus que nous ne le disons. Une mine ordinaire de 10 mĂštres de profondeur exige une charge de 3,000 livres de poudre; et si l’on veut que son fourneau soit surchargĂ©, il faut doubler ou tripler celte quantitĂ©. L’assiĂ©gĂ© a aussi de la supĂ©rioritĂ© dans la dĂ©fense des brĂš- 1 clics, parce qu’il enveloppe l'attaquant qui ne peut arriver que par un chemin Ă©troit et scabreux. C’est donc Ă  la dĂ©fense des brĂšches qu’il faut porter toute l’énergie possible; c’est pour celte pĂ©riode du siĂšge qu’il faut tout prĂ©parer d’avance on conserve soigneusement quelques piĂšces pour en armer, au moment de l’assaut, les ouvrages qui pourront prendre en flanc ou de revers la colonne d’attaque ; on prĂ©pare sur le haut de la brĂšche des bombes chargĂ©es pour les rouler sur l’assaillant ; on allume un grand feu au pied de la brĂšc lie qu’on entretient en y jetant des bĂ»ches depuis le haut; ou bien, si l’ennemi n’a battu qu’imparfailemenl la muraille, on va pendant la nuit en dĂ©blayer le pied, et, de la sorte, la brĂšche reste impraticable. On creuse des mines sous les dĂ©bris poulies faire sauter et ensevelir les assaillants ; on donne des armes de longueur, telles que piques, faux emmanchĂ©es, etc. aux soldats qui dĂ©fendent la brĂšche; on fait mĂŽme prendre des cuirassĂ©s Ă  ceux qui s’exposent aux premiers rangs. Si l’ou- v ragc attaquĂ© a quelque capacitĂ©, on tient des rĂ©serves dans fintĂ©rieur pour charger l’ennemi quand il dĂ©bouchera; on fait mĂȘme arriver la cavalerie dans ce moment dĂ©cisif. Telles sont en gĂ©nĂ©ral les mesures Ă  prendre pour la dĂ©fense d’une forteresse ; mais c’est surtout de la fermetĂ© du gouverneur et de l’intrĂ©piditĂ© des dĂ©fenseui-s que dĂ©pend le succĂšs; on peut espĂ©rer, avec de braves soldats, de repous- DES SIÈGES. 308 ser plusieurs assauts Ă  la mĂȘme brĂšche. C’est ainsi qu’en 1520 le chevalier Bayard a su conserver MĂ©ziĂšre h la France, quoique les murailles en fussent abattues en plusieurs en* droits. Retournez dire h MM. de Nassau et de Sickingen, rĂ©pondait-il au hĂ©raut qu’on lui avait envoyĂ© pour lui proposer une capitulation, que le roi m’a confiĂ© cette place, et que, Dieu aidant, vos maĂźtres seront las de l’assiĂ©ger avant quo je le sois de la dĂ©fendre. Je n’en sortirai que sur un pont fait des corps morts de ses ennemis. » CHAPITRE VIL Combats et Actions particuliĂšres. On donne le nom de combat Ă  un engagement partiel, au choc de deux corps faisant partie de deux armĂ©es ennemies. Il est rare qu’un combat ne soit pas, proportion gardĂ©e , plus meurtrier qu’une grande bataille ; et souvent, quand les parties engagĂ©es sont nombreuses, qualific-t-on de bataille ce qui, ! J la rigueur de la dĂ©finition, ne devrait ĂȘtre qu’un simple combat. Mais il ne faut pas mettre Ă  ces dĂ©finitions plus d’importance qu'elles n’en mĂ©ritent, car le nom ne fait rien Ă  la chose , et l’on peut dire qu’un combat est une petite bataille , comme une bataille est un grand combat. Le combat peut s’engager entre deux corps d’infanterie , entre deux corps de cavalerie , ou bien entre une troupe d’infanterie et une troupe de cavalerie , entre une troupe qui a du canon et une qui n’en a pas. Il peut avoir lieu en rase campagne ou dans des retranchements, etc. Il convient d’examiner ces diffĂ©rents cas, bien que le plus souvent il y ait de tout cela a la fois dans un engagement. C’est que, pour l’enseignement, il convient de simplifier les questions, et de les dĂ©gager de tout ce qui est Ă©tranger h l’objet spĂ©cial qu’on a en vue. Si- — Combat D’Infanterie oontbb Infanterie. Un combat d’infanterie contre les troupes de la mĂȘme arme °re la vĂ©ritable image d’une bataille tirailleurs en avant pour engager l’action, premiĂšre ligne dĂ©ployĂ©e pour le feu , seconde ligne abritĂ©e par des accidents de terrain et hors de lo portĂ©e du fusil, quelques masses sur les ailes et en rĂ©serve 510 COMBATS ET ACTIONS PAUTICUCIËKES. pour empĂȘcher d’ĂȘtre tournĂ© '. Ici, les soldats les mieux armĂ©s et les mieux exercĂ©s au tir ont l’avantage, car on est trĂšs-rapprochĂ©, et l’action qui s’est engagĂ©e par le feu se soutient de mĂȘme assez longtemps, attendu que n’ayant ni cavalerie, ni artillerie pour entamer ou Ă©branler l’ennemi, il faut Ă©claircir ses rangs avant de l’aborder de plus prĂšs. C’est dans un combat de quelques bataillons seulement que certaines manƓuvres indiquĂ©es par les rĂšglements, telles que les formations en bataille Ă  distance entiĂšre, les changements de front de toute une ligne, les feux de chaussĂ©e, etc., peuvent recevoir leur application et ĂȘtre utiles Ă  la troupe qui saura les exĂ©cuter avec promptitude et prĂ©cision. La premiĂšre attention d’un chef qui prĂ©voit un engagement est de faire prendre quelque nourriture Ă  sa troupe ; car une fois engagĂ© on n’y peut plus penser, et cependant on ne saurait attendre des charges bien vigoureuses de soldats affaiblis par la faim. Si la saison est rigoureuse il faut aussi Ă©viter de traverser un guĂ© pour marcher h l’ennemi, parce que les membres transis de froidure ne sont pas agiles, et qu’un soldat mouillĂ© est, dans ces circonstances , un soldat Ă  demi-battu. Il y a cependant exception si on passe l’eau pour croiser le fer, parce que la chaleur de l’action fait qu’on ne s’aperçoit pas des inconvĂ©nients qui viennent d’ĂȘtre signalĂ©s, et qu’un pareil mouvement a quelque chose d'audacieux qui ne peut que contribuer au succĂšs. Il est de rigueur, avant le combat, de faire l’inspection des armes pour voir si elles sont en Ă©tal, si elles ont de bonnes pierres, si les gibernes sont pleines, etc. Le gĂ©nĂ©ral rassemble les chefs et leur fait paĂź t de ses intentions , de scs espĂ©rances, ainsi que de ce qu’il sait des projets de l’ennemi. 11 les encourage par la eonliance qu’il leur accorde et excite leur Ă©mulation. Il leur recommande par dessus tout de se soutenir rĂ©ciproquement, d’éviter les efforts partiels, de mettre ' Si la troupe est peu nombreuse, elle ne forme qu’une seule ligne et une rĂ©serve. COMBATS ET ACTIONS PARTICULIÈRES. 311 le l'impĂ©tuositĂ© et de l’ensemble dans leurs attaques, de donner l’exemple Ă  leurs soldats, et de ne rien faire que de digne et de conforme Ă  l’honneur. Il convient avec eux d’un lieu de ralliement en cas de revers, et les renvoie b leurs corps respectifs. Si le combat est prĂ©vu , la troupe se met en grande tenue; elle doit cette politesse b un ennemi qu’elle estime. Une troupe qui a belle apparence est d’ailleurs plus disposĂ©e b bien faire son devoir. En plaine. — L’action commence par les tirailleurs qui se rĂ©pandent en avant jusqu’à une assez grande distance pour couvrir les dĂ©ploiements; et quand , au bout d’un temps plus ou moins long; ces tirailleurs ont dĂ©masquĂ© le front et se sont ralliĂ©s b leurs bataillons, les feux de la ligne commencent. On ne doit pas tirer de trop loin, car alors les coups sont perdus ; il ne faut pas non plus, par un excĂšs de confiance qui a Ă©tĂ© quelquefois funeste, attendre pour commencer que l’ennemi soit trop prĂšs, parce qu’ayant b soutenir plusieurs dĂ©charges les rangs s’éclaircissent d’autant plus que les premiers feux sont toujours les mieux dirigĂ©s. La bonne distance pour commencer est b 500 pas au plus'. Le feu debilbaude est b peu prĂšs le seul qu’on emploie, parce que le feu de pelotons a de la peine b se soutenir, qu’il amĂšne de la confusion dans le commandement, et que le soldat ne peut tirer juste qu’au- tant qu’on lui laisse toute libertĂ©. Cependant il est des cas oĂč le feu de bataillon ou de demi-bataillon produit un bon effet ; c’est, en particulier, lorsqu’il s’agit de recevoir de pied ferme une troupe qui s’avance audacieusement en colonne l’arme au bras. Dans ce cas il n’est point nĂ©cessaire de commencer b tirer d’aussi loin qu’on vient de dire ; il convient, au contraire, d’opposer audace b audace, et d’attendre que l’ennemi 1 A cette distance, il faut viser Ă  la tĂȘte et Ă  200 pas au milieu du corps. Voyez ce qui a Ă©tĂ© dit sur la portĂ©e des armes au chapitre 111. 512 COMBATS ET ACTIONS PARTICULIÈRES. soit Ă  trente ou quarante pas pour lui lĂącher un feu bien ajustĂ© et se prĂ©cipiter sur lui la baĂŻonnette en avant, sans recharger. Quand on tire de loin sur une troupe qui s’avance ainsi, on lui fait peu de mal, et son ardeur en redouble ; rien alors ne peut plus la retenir. Si, au contraire , on l’attend sans faire feu, celte contenance intimide les plus courageux, et, quand vient la dĂ©charge, la troupe attaquante est bien prĂšs de lĂącher pied. Si donc celle qui se dĂ©fend saisit le moment et fait succĂ©der h la dĂ©charge meurtriĂšre une attaque impĂ©tueuse Ă  l’arme blanche , elle restera trĂšs-probablement maĂźtresse du terrain. Lorsque la fusillade s’engage des deux cĂŽtĂ©s, on peut gagner insensiblement du terrain, par ce mouvement instinctif du soldat qui le porte h s’avancer sur son adversaire quand il croit lui ĂȘtre supĂ©rieur. C’est ainsi que, sans mouvement apparent, sans manƓuvre commandĂ©e, on voit une des ailes se porter en avant, petit Ă  petit, signe infaillible d’un succĂšs de ce cĂŽtĂ©. Alors on doit faire approcher une troupe de rĂ©serve et la dĂ©ployer contre le flanc dĂ©jĂ  Ă©branlĂ© de l’ennemi, ou la faire immĂ©diatement charger en colonne. Si celte attaque a du succĂšs, toute la ligne s’avance et aborde l’ennemi Ă  la baĂŻonnette en marchant en bataille, ou en se formant en colonnes d’attaque par bataillons, avec les tirailleurs dans les intervalles. Ce dernier parti est le prĂ©fĂ©rable dans les cas ordinaires les chefs animent les colonnes et remĂ©dient au dĂ©sordre presque inĂ©vitable Ă  la tĂšte qui a beaucoup Ă  souffrir et que le mouvement dĂ©sunit. AussitĂŽt qu’ un bataillon a rompu l’ennemi, il se dispose Ă  prendre en flanc les troupes voisines qui conserveraient encore leurs rangs. Pour cela, chaque colonne doit ĂȘtre prĂȘte Ă  se partager en deux et Ă  marcher par les deux flancs; c’est Ă  {quoi est Ă©minemment propre la colonne d’attaque. Une fois fennemi enfoncĂ© ainsi sur deux ou trois points, sa ligne sera bientĂŽt dispersĂ©e. Mais ,^quand les deux corps sont trĂšs-rapprochĂ©s, il vaut quelquefois mieux charger de front et dans l’ordre dĂ©ployĂ© que de perdre du temps Ă  former les colonnes d’attaque. Si 313 COMBATS ET ACTIONS PARTICULIÈRES. l’on conduit des bataillons bien exercĂ©s, ce dernier moyen est trĂšs-ellicace pour enfoncer l'ennemi, quand on lui voit montrer de l’hĂ©sitation, ou qu’il a dĂ©jĂ  Ă©prouvĂ© de grandes pertes. En l’abordant ainsi partout Ă  la fois, on lui ĂŽte tout moyen de former des ouvertures pour laisser passer les assaillants et les envelopper ensuite. Quelquefois encore, on abordera l’enncnii avec les bataillons partie dĂ©ployĂ©s, partie formĂ©s en colonnes. Pendant que ces derniers doublent leurs divisions, les tirailleurs les couvrent, et les autres bataillons continuent leur feu. Toute la ligne s’ébranle ensuite les bataillons dĂ©ployĂ©s font halle Ă  petite distance cl soutiennent le feu, les colonnes se prĂ©cipitent sur l’ennemi, percent la ligne et menacent ses flancs. Les bataillons dĂ©ployĂ©s s’avancent alors et achĂšvent de balayer le terrain. Ils s’appuient ainsi et favorisent mutuellement leur action. L’ordre mi-parti de bataillons dĂ©ployĂ©s et de bataillons en masse se prend quelquefois dĂšs le dĂ©but de l’action, dans l’intention de donner plus de consistance Ă  la ligne, tout en conservant l’avantage des feux. C’est lorsqu’on se propose d’agir offensivement sur un point dĂ©terminĂ© de la ligne ennemie, d’enlever la clef du champ de bataille, etc. A la bataille de Fucntes-de-llonor, en 1811, une brigade, composĂ©e de cinq bataillons, en avait trois en colonnes serrĂ©es pat- division, et les deux intermĂ©diaires dĂ©ployĂ©s. Mais, le plus souvent, cet ordre d’attaque rĂ©sulte de ce qu’au moment de se porter sur l’ennemi, quelques bataillons se sont formĂ©s en colonnes, tandis que d’autres, mieux placĂ©s pour faire usage leurs feux, sont restĂ©s dĂ©ployĂ©s. Les vides qui se forment alors dans la ligne sont remplis par des chaĂźnes de tirailleurs. La rĂšgle dans les charges est, qu’une fois entamĂ©es il faut l° s pousser Ă  fond, ne plus tirer un seul coup de fusil, mais Se jeter le plus promptement possible sur l’ennemi, tant pour Ă©luder son feu que pour le culbuter par la force du choc. On tle croise la baĂŻonnette qu’à dix pas de lui; jusque-lĂ  on Marche l’arme au bras pour ne pas se dĂ©sunir. Il n’y a rien 514 COMBATS ET ACTIONS PARTICULIÈRES. Ăźle plus imposant qu’une colonne s’avançant ainsi an pas de charge; la terre en tremble. Quand l’ennemi est enfoncĂ©, on lĂąche quelques compagnies Ă  ses trousses, et l’on reprend ses rangs pour renouveler, s’il le faut, le combat avec la seconde ligne ou les rĂ©serves. Ne vous arrĂȘtez cependant que le temps nĂ©cessaire pour vous rallier, et marchez hardiment Ă  cette seconde ligne qui, dĂ©couragĂ©e de l’échec que vient de recevoir la premiĂšre, dĂ©sorganisĂ©e peut-ĂȘtre par la retraite prĂ©cipitĂ©e des bataillons enfoncĂ©s, ne fera probablement qu'une faible rĂ©sistance. Si le combat est opiniĂątre et que votre premiĂšre ligne ail beaucoup souffert, faites avancer la seconde et opĂ©rez le passage des lignes en avant, en faisant former en masses les bataillons de la seconde ligne, et les conduisant au pas de charge par les intervalles ouverts instantanĂ©ment dans la premiĂšre. Ce mouvement offensif, couvert par les tirailleurs, Ă©branlera l’ennemi; il ne soutiendra que dilĂŻicilement le feu de ces bataillons qui viennent de se dĂ©ployer, et qui ont des troupes fraĂźches Ă  opposer Ă  des troupes harassĂ©es. Ici, il faut remarquer, que si le passage des lignes s’était opĂ©rĂ© par un mouvement de retraite, en faisant passer les bataillons de la premiĂšre ligne derriĂšre ceux de la seconde, le succĂšs serait beaucoup plus douteux. Tout mouvement rĂ©trograde est dangereux, parce que le moral du soldat en est affectĂ©. Se retirer est, aux yeux du plus grand nombre, avouer qu’on est battu. Il faut surtout Ă©viter les mouvements en arriĂšre avec des troupes peu expĂ©rimentĂ©es, qui se troublent aisĂ©ment. Cependant, la premiĂšre ligne, devenue seconde, se reforme, emporte ses blessĂ©s, prend du repos et se dispose h de nouveaux efforts pour terminer le combat. Ces troupes, jointes Ă  la rĂ©serve, ou appuyeront une des ailes, ou, par un mouvement plus Ă©tendu, se porteront sur le flanc de l’ennemi, ou cnlin s’opposeront Ă  une manƓuvre pareille de sa part. Mais la fortune peut aussi vous ĂȘtre contraire ; vous coin- COMBATS ET ACTIONS PARTICULIÈRES. 315 meneez Ă  vous en apercevoir au terrain que vos troupes abandonnent involontairement, et h l’espĂšce de dĂ©sordre et de fluctuation qui se manifestent dans leurs rangs. Alors, vous faites approcher une partie de vos rĂ©serves, et si ces nouvelles troupes ne rĂ©tablissent pas le combat, le moment est venu de commencer la retraite. DĂ©jĂ  la premiĂšre ligne s’est ‱ approchĂ©e malgrĂ© elle de la seconde; peut-ĂȘtre mĂȘme en est-elle si prĂšs que pour Ă©viter la confusion il n’y a plus un instant Ă  perdre, et qu’on doit ordonner immĂ©diatement le passage des lignes en retraite. Il s’exĂ©cute par pelotons, suivant le rĂšglement français, parce qu’ainsi la seconde ligne est plus promptement dĂ©ployĂ©e; et il est urgent qu’elle le soit quand l’ennemi vous mĂšne ainsi tambour battant. Si la premiĂšre ligne se retire en ordre, elle s’arrĂȘte Ă  trois ou quatre cents pas en arriĂšre et fait face en tĂȘte; mais, si quelques bataillons sont Ă  la dĂ©bandade, comme cela n’arrive que trop souvent, leurs chefs se saisissent des drapeaux, se font suivre de quelques tambours, et, se portant dans un endroit bien visible, ils y plantent le signe du ralliement et font battre pour y appeler les soldats Ă©pars. Cependant, la seconde ligne ne peut pas tenir longtemps contre des troupes victorieuses; elle commence avec ordre sa retraite, soit en bataille marchant lentement et Ă  front renversĂ©, puis faisant halte pour se retourner contre l’ennemi et l’arrĂȘter par des dĂ©charges bien nourries, soit en Ă©chiquier Par bataillons ou demi-bataillons, soit enlin en Ă©chelons quand une des ailes est moins pressĂ©e que l’autre. En mĂȘme temps, °n jette sur les lianes tout ce qu’on peut de tirailleurs pour ‱alentir l’ardeur des poursuivants. C’est aussi le moment d’employer ce qui reste de troupes qui n’auraient pas encore combattu. Ces derniĂšres, traversant la ligne, se prĂ©cipitent s,, r l'ennemi la baĂŻonnette en avant et, par cette attaque vigoureuse, elles suspendent sa marche, l’obligent Ă  se tenir Sl *r ses gardes et Ă  ne s’avancer qu’avec circonspection. On u, chc ainsi de dĂ©fendre pied Ă  pied le champ de bataille 516 COMBATS ET ACTIONS PARTICULIÈRES. jusqu’il la nuit. Les petits bagages et les blessĂ©s ont pris les devants. Si quelque dĂ©filĂ©, tel qu’un pont, une chaussĂ©e entre marais, etc., s’od'rc h la troupe en retraite, elle doit reformer sa ligne en avant, tenir ferme et commencer, sous la protection d’un feu bien nourri, la manƓuvre connue sous le nom de passage du dĂ©filĂ© en retraite. Elle se fait par une seule aile, ou par les deux, suivant que le dĂ©filĂ© se trouve placĂ© derriĂšre la ligne. La troupe se reforme de l’autre cĂŽtĂ© quand le dĂ©filĂ© a peu de longueur; dans le cas contraire, elle doit le dĂ©fendre par le feu de chaussĂ©e si l’ennemi ne renonce pas Ă  sa poursuite. Dans un dĂ©filĂ© de montagnes, on pourra peut-ĂȘtre dresser quelqu’cmbuscade h un ennemi trop ardent. C’est un moyen sur lequel il ne faut pas trop compter, mais qui rĂ©ussit encore, quoique bien usĂ©. Rien n’est h nĂ©gliger quand il s’agit de se tirer d’embarras. Sur des hauteurs .—Mais on ne combat pas toujours dans une plaine; le plus souvent, au contraire, l’ennemi occupe des hauteurs ou d'autres positions favorables. C’est lĂ  qu’il faut aller le chercher quand on ne peut pas le tourner. Or, on attaque une hauteur de front, ou par le cĂŽtĂ©. Le plus souvent on emploie les deux moyens rĂ©unis, parce qu’il est nĂ©cessaire de diviser l’attention de l’ennemi. Sans cela il aurait trop d’avantage sur vous. Si le dĂ©fenseur est Ă  dĂ©couvert, s’il n’occupe que les pentes et non le sommet, on peut commencer par des feux pour Ă©claircir ses rangs, et surtout par des feux de tirailleurs, qui, embrassant un cercle plus grand, donneront moins de prise et feront converger leurs coups sur le point d’attaque. Mais cette tiraillerie n’est pas de longue durĂ©e ; les colonnes, qui s’avancent, y mettent bientĂŽt fin ; l’arme au bras, elles gravissent les hauteurs d’un pas lent, et en s’arrĂȘtant quelquefois pour respirer. Ce n’est que lorsqu’elles sont tout prĂšs qu’elles croisent la baĂŻonnette et accĂ©lĂšrent le pas pour se jeter sur l’ennemi, si celui-ci n’a pas dĂ©jĂ  abandonnĂ© sa position. Les colonnes doivent plutĂŽt comBatsTet actions particuliĂšres. 317 ĂȘtre nombreuses que profondes; trop de longueur les rendrait lourdes. 11 est essentiel qu’aucune colonne ne s’aventure plus que les autres, afin qu’il y ait de l’ensemble dans l’attaque. Autrement on risque de la voir Ă©chouer. L’ennemi occupe-t-il tout Ă  fait la hauteur, il est inutile de tirailler, parce que le terrain le cache, h moins toutefois qu’il n’ait lui-mĂ©me des tirailleurs sur la pente. Les colonnes, prĂȘtes Ă  joindre l’ennemi, aprĂšs avoir gravi la hauteur, s’arrĂȘtent pour se reformer et prendre haleine, surtout lorsque, par la forme du terrain et par la position retirĂ©e de l’ennemi, on n’en est point encore vu, comme on ne le voit point. On doit s’attendre h une bonne rĂ©ception et il des dĂ©charges meurtriĂšres, car, le dĂ©fenseur, aux trois quarts couvert par le terrain, a tout l’avantage quand vous paraissez il est dĂ©ployĂ©, et vous ĂȘtes en colonne ; il est frais, et vous ĂȘtes fatiguĂ©s. Il faudra donc l’aborder avec la plus grande impĂ©tuositĂ© et ne lui permettre, s’il est possible, qu’une seule dĂ©charge. Vous pourriez mĂȘme user de ruse pour le dĂ©garnir de son feu ; envoyer d’abord quelques tirailleurs, et, sous leur protection, vous avancer aussi prĂšs que possible en vous courbant, montrer les shakos au bout des baĂŻonnettes, et, si les coups partent, vous lever tout h coup et vous prĂ©cipiter sur l’ennemi. Mais, toujours, les colonnes doivent ĂȘtre accompagnĂ©es de nombreux tirailleurs qui remplissent leurs intervalles et couvrent leurs flancs. Ces tirailleurs, plus serrĂ©s que de coutume, redoublent la vivacitĂ© de leurs feux; ils opposent, pour a nsi dire, une ligne dĂ©ployĂ©e Ă  la ligne ennemie et prĂ©parent le succĂšs de l’attaque. La conduite h tenir dans la dĂ©fense des hauteurs est tracĂ©e P ar ce qui prĂ©cĂšde; nous ajouterons seulement, qu’aprĂšs avoir reçu, par un feu bien dirigĂ©, les premiĂšres troupes l l *i se sont montrĂ©es, il faut, sans recharger, s’avancer en baille et se jeter sur elles avec rĂ©solution ; puis, quand on les a repoussĂ©es, reprendre sa premiĂšre position en se couvrant toujours du terrain. C’est le moyen que les Anglais ont, plus 318 COMBATS ET ACTIONS PARTICULIÈRES. d’une fois, employĂ© avec succĂšs contre les attaques en colonnes des troupes françaises, et notamment sur les hauteurs de Pampelune, dans la campagne de 1813. Si vous avez quelques fortifications sur la hauteur, gardez- vous d’en masquer les feux ; vous n’en tireriez aucune protection. Le gĂ©nĂ©ral Taupin, h la bataille de Toulouse, commit une pareille faute; il se plaça devant la redoute de SypiĂšre qui faisait la force de sa position. Il en commit une autre qu’il est bon de signaler, parce qu’elle se rattache Ă  notre sujet, ce fut de former toute sa division en une seule colonne, laquelle, enveloppĂ©e de feux et ne pouvant rĂ©pondre que par le bataillon de la tĂȘte, perdit son Ă©lan, fut repoussĂ©e et chassĂ©e en dĂ©sordre de sa position. L’attaque contre les ennemis qui avaient une riviĂšre Ă  dos et qui gravissaient avec peine les hauteurs, Ă©tait convenable, mais il fallait la faire en plusieurs colonnes, et non en une seule. Si les Français, moins bouillants, se fussent dĂ©ployĂ©s sur le sommet des hauteurs, imitant en ceci la mĂ©thode de leurs adversaires, il est Ă  prĂ©sumer, qu’accueillant de leurs feux une troupe dĂ©sunie, ils l’eussent repoussĂ©e, et que leurs bataillons s’avançant ensuite en masses sĂ©parĂ©es, ils l’eussent refoulĂ©e dans la petite riviĂšre du Lers. Il rĂ©sulte de lĂ , que si vous ĂȘtes dĂ©ployĂ©s, et que l'ennemi s’avance sur vous en une seule colonne, il ne laul point vous en effrayer, mais former le demi-cercle ou la tenaille, pour envelopper de feux cette troupe dont la tĂȘte seule peut vous rĂ©pondre. Mettez du calme, ajustez bien, et vous verrez se fondre cette masse d’abord si menaçante. Si, malgrĂ© cela, elle continue Ă  pousser en avant, ne lui rĂ©sistez pas de front, cela serait inutile, ouvrez-lui au contraire le chemin, et de plus belle altaquez-lĂ  par le flanc; aucun de vos coups ne sera perdu dans une masse aussi compacte; sa perte est assurĂ©e. Il est plus diflicile de rĂ©sister Ă  une attaque de plusieurs colonnes. Cependant, si elle est prĂ©maturĂ©e, si vos troupes sont encore intactes, serrez vos rangs et commencez Ă  bonne distance un feu bien nourri. Faites porter vos pelotons des COMBATS ET ACTIONS PARTICULIÈRES. 319 ailes sur le flanc les colonnes, et l’ennemi voyant ses pertes s’accumuler, ou s’arrĂȘtera pour se dĂ©ployer et rĂ©pondre b votre feu, ou ne vous abordera que mollement. Dans les bois. — Si l’ennemi occupe un bois, c’est principalement avec les tirailleurs qu’on le dĂ©busque ; ce serait s’exposer Ă  de grandes pertes que de se prĂ©senter Ă  lui, de prime- abord, en ligne ou en colonne. Les tirailleurs enveloppent les parties saillantes, parce qu’ainsi ils prennent de cĂŽtĂ© ceux des ennemis qui cherchent a se cacher derriĂšre les arbres, et ils sillonnent le bois de leurs feux. S’il y a quelque partie qui soit dominĂ©e de prĂšs par des hauteurs., ou dont on puisse s’approcher b couvert, les tirailleurs la choisissent de prĂ©fĂ©rence, parce que c’est Ă©videmment aussi une partie faible. Pour s’approcher du point d’attaque, on profite, autant que possible, de tous les avantages locaux en se coulant le long des haies et des fossĂ©s, se couvrant des sillons, des moindres plis de terrain, des trous, des buissons isolĂ©s, etc. ; on fait feu de chaque point qu’on est parvenu b occuper, pour inquiĂ©ter renneini ; et, lors mĂȘme qu’on ne lui ferait pas grand mal, on rend son tir plus incertain. En mĂȘme temps qu’on s’avance ainsi de front en chaĂźnes trĂšs-ouvertes, on tĂąche de dĂ©tourner l’attention de l’ennemi, en dirigeant de fausses attaques sur des points Ă©loignĂ©s. AussitĂŽt que les tirailleurs se sont emparĂ©s de la lisiĂšre du hois et qu’ils se sont couverts des premiers arbres, on fait arriver quelques dĂ©tachements pour les soutenir; et, b mesure qu’ils pĂ©nĂštrent dans la forĂȘt, le gros de la troupe s’avance ; on le partage en plusieurs petites colonnes qui entrent dans le bois au son des tambours et des trompettes; elles marcheront en se tenant toujours b une certaine distance des tirailleurs et prĂȘtes b les soutenir s’ils Ă©taient ramenĂ©s. Une clairiĂšre se prĂ©sente-t-elle, il faut, avant de la traverser, rallier la troupe et prendre de nouvelles mesures pour attaquer avec ensemble l’autre portion de la forĂȘt; on en lera au- 320 COMBATS ET ACTIONS PARTICULIÈRES. tant Ă  l’égard de toute espĂšce d’obstacle que l'on pourrait rencontrer; vous vous garderez donc de franchir isolĂ©ment un fossĂ©, un ravin, une forte haie, car vous pourriez rencontrer l’ennemi en forces, de l’autre cĂŽtĂ©, et ne pouvoir plus vous rĂ©unir pour lui rĂ©sister. Quand la forĂȘt n’a pas beaucoup d’étendue, on cherche plutĂŽt Ă  la tourner qu’à l’enlever de vive force; il faut, dans ce cas, s’en tenir hors de la portĂ©e du fusil. La dĂ©fense consiste Ă  faire occuper la lisiĂšre du bois par les tirailleurs, et, si l’on en a le temps, Ă  faire nettoyer tous les environs, couper les troncs, combler les fossĂ©s, afin de mieux voir l’ennemi et de lui ĂŽter les moyens de se couvrir; on fera des abatis dans les parties les plus accessibles, et, de prĂ©fĂ©rence, en coupant les arbres de celles qui forment des saillants trop aigus; on peut aussi flanquer ces saillants par de petits ouvrages pour empĂȘcher l’attaquant de les envelopper. Des troncs de sapins couchĂ©s les uns sur les autres et maintenus par des piquets, sont excellents pour ce genre de constructions. DerriĂšre la ligne des tirailleurs, on place des troupes de soutien, soit pour assurer la retraite, soit pour donner des renforts; on en met aussi sur les ailes pour n’îlre pas tournĂ©. En arriĂšre de tout cela, Ă  Ă©gale distance des points menacĂ©s, on place la rĂ©serve qui agira suivant les circonstances. Ainsi, par exemple, pour peu que l’attaque soit dĂ©cousue et que la dĂ©fense se soutienne Ă  la lisiĂšre, la rĂ©serve pourra agir offensivement, soit en dĂ©bouchant du bois, soit en en faisant le tour. Celte attaque peut avoir du succĂšs, parce que la troupe qui l’exĂ©cute est cachĂ©e dans sa marche et que l’assaillant en sera surppris, La meilleure arme pour les combats dans les bois est la carabine, aussi les Suisses y auront-ils toujours l’avantage, et faut-il nous estimer heureux que notre pays soit couvert de forĂȘts. COMBATS ET ACTIONS l'ARTICULlfcltES. 32 t Dans les villages. — Pour dĂ©fendre un village, l’infanterie se distribuera dans les jardins, derriĂšre les haies et aux fenĂȘtres des maisons. Un seul rang de fusiliers sullit dans ce cas; en consĂ©quence, on peut s’étendre davantage qu’en rase campagne ; cependant on ne le fait qu’autant que cela est nĂ©cessaire; c’est encore une position bien favorable pour les carabiniers, parce qu’étant h l’abri des vues de l’ennemi, ils ont la facilitĂ© de tirer posĂ© et d’ajuster leurs coups. On met dans les rues ou avenues du village des pelotons entiers pour appuyer la ligne extĂ©rieure des tirailleurs ; une rĂ©serve est an centre du village, ou un peu en arriĂšre, prĂȘte h se porter partout oĂč l’ennemi aurait pĂ©nĂ©trĂ©; si l’on en a le temps, il ne faut pas nĂ©gliger de crĂ©neler les murailles, de renforcer les haies par de petits parapets en terre, de fermer les entrĂ©es avec des barricades, en un mot de mettre le village en Ă©tat de soutenir une vigoureuse rĂ©sistance par tous les moyens que l’art enseigne ou que l’industrie peut crĂ©er. ' Quand le village est entourĂ© ou prĂ©cĂ©dĂ© de vignes, de dĂ©filĂ©s et autres dillicnltĂ©slocales, la dĂ©fense doit commencer lĂ ; et, si l’on en est repoussĂ©, on se replie insensiblement sur le village qu’une partie des troupes occupe et met en Ă©tat. C’est une maniĂšre de gagner du temps ; et, dans de telles circonstances, c’est souvent un grand avantage que de pouvoir prolonger la dĂ©fense de quelques heures, parce qu’on augmente la chance d’ĂȘtre dĂ©livrĂ©; les secours peuvent arriver dans cet intervalle. Des sorties vigoureuses, toutes les fois que l’occasion est favorable, sont un excellent moyen de dĂ©fense ; mais il ne faut Pas les pousser trop loin, ni se jeter, en cas de succĂšs, dans une poursuite inconsidĂ©rĂ©e ; la retraite de l’ennemi pourrait n ’ĂȘtre qu’un piĂšge pour vous faire sortir du poste avantageux que vous occupez. Il ne faut pas non plus nĂ©gliger d’occuper Voyez Ă  cet Ă©gard le MĂ©morial pour les travaux de guerre, Chapitre IX. 21 122 COMBATS ET ACTIONS PARTICULIÈRES! convenablement la partie du village par laquelle la sortie doit rentrer, afin que l’ennemi ne s’y jette pas avec elle, ou ne vienne pas lui couper la retraite. Si, en arriĂšre de la premiĂšre ligne de dĂ©fense, on en peut prĂ©parer une seconde qu’occupera la rĂ©serve, la rĂ©sistance n’en sera que plus opiniĂątre. L’église avec son cimetiĂšre offre , souvent un moyen d’organiser celte dĂ©fense centrale. Les communications avec la ligne extĂ©rieure doivent alors ĂȘtre rendues faciles en renversant les obstacles qui pourraient les embarrasser on perce les murailles, on abat les haies, on jette des ponts sur les ruisseaux , on comble les fossĂ©s. Ces mĂȘmes obstacles, on les laisse subsister sur le terrain qui doit servir de champ de bataille h l’ennemi, dans les parties qu’on peut balayer de la position qu’on occupe ils gĂȘneront ses mouvements et ne lui donneront aucun abri. Ceux dont il peut se couvrir seront dĂ©truits. Pour Ă©viter toute confusion, chaque dĂ©tachement sera instruit de la maniĂšre dont il opĂ©rera sa retraite quand il y sera forcĂ©. En gĂ©nĂ©ral, c’est un point sur lequel il est bon de s’entendre avant toute espĂšce d’engagement. Dans tout ceci on ne doit pas perdre de vue que les villages construits en bois sont plus dangereux qu’utiles h occuper, Ă  cause de la facilitĂ© avec laquelle le feu peut y ĂȘtre mis par les dĂ©fenseurs, aussi bien que par les attaquants. On comprend aussi qu’un village qui peut ĂȘtre enveloppĂ© de toutes parts se dĂ©fendra mal. II faut donc, pour opĂ©rer une bonne dĂ©fense, 1° que le village soit en pierre ; 2° qu’il s’appuie Ă  quelque riviĂšre qui empĂȘche de le tourner, ou qu’il soit soutenu par des troupes en arriĂšre. L’attaque d’un village est bien difficile quand on n’a pas d’artillerie. Pour ces sortes d’entreprises le canon est l’arme principale. Cependant, si l'ennemi n’a pas ou le temps de s’y fortifier, on peut tenter l’attaque avec de l’infanterie seule , pourvu qu’on soit'en forces supĂ©rieures. En gĂ©nĂ©ral, elle se fait en colonnes ce serait s'exposer h de grandes pertes que COMBATS ET ACTIONS PARTICULIÈRES. 325 Je se dĂ©ployer devant un ennemi ainsi postĂ© ; seulement on enveloppe le village de tirailleurs pour dĂ©loger les dĂ©fenseurs des haies, des murs de jardins qu’ils occupent, tirer aux fenĂȘtres, et tĂącher de s’emparer de quelques maisons isolĂ©es oĂč ils puissent tenir ferme et combattre l’ennemi Ăč armes Ă©gales. Si ces tirailleurs sont ramenĂ©s, ils se reploient et tĂąchent de se mettre h couvert vis-Ă -vis le point qu’ils ont attaquĂ©, pour revenir bientĂŽt Ă  la charge, aprĂšs avoir reçu quelques renforts. Les colonnes ne s’avancent qu’aprĂšs que le feu des tirailleurs a produit son effet. On s’en aperçoit Ă  la mollesse de celui des dĂ©fenseurs. Jusque-lĂ , les colonnes se tiennent hors de portĂ©e ou cachĂ©es par quelque pli de terrain. Pendant qu’une colonne attaque de front et cherche Ă  pĂ©nĂ©trer dans la rue principale du village, on en dirige d’autres sur les cĂŽtĂ©s pour chercher d’autres passages ou tourner le village , si possible. Ces colonnes ont Ă  leur tĂȘte les sapeurs des bataillons ou d’autres ouvriers qui, munis de haches et de leviers, de pelles et de pioches, renversent les murailles, coupent les haies et les palissades , comblent les fossĂ©s, en un mot, ap- planissent tous les obstacles qui s’opposent Ă  la marche des troupes. Si quelque maison rĂ©siste plus que les autres, on l'entoure pour l’attaquer Ă  la fois de tous les cĂŽtĂ©s , et si les dĂ©fenseurs s’obstinent Ă  ne pas mettre bas les armes , on les y contraint en les menaçant de brĂ»ler leur rĂ©duit. On fait apporter pour cela paille et bigots ; mais on n’y mettra le feu no’aprĂšs une nouvelle sommation, l’humanitĂ© devant conserver ses droits mĂȘme au milieu des combats. Si l’ennemi se dĂ©fend de maison en maison, il faut suivre 1 mĂȘme mĂ©thode dans l’attaque, c’est-Ă -dire qu’on jettera monde dans les maisons dont ou est maĂźtre pour tirailler P a c les fenĂȘtres et de dessus les toits. Ce sera quelquefois en Perçant les murailles de proche en proche qu’on arrivera aux derniers retranchements des dĂ©fenseurs. On conçoit que ce genre de guerre ne peut se faire que dans de gros villages 324 COMBATS ET ACTIONS PARTICULIÈRES. ou des bourgs dont les rues sont, comme dans les villes, formĂ©es de maisons rapprochĂ©es, solidement bĂąties. Dans ces endroits, il est une prĂ©caution Ă  prendre; elle consiste Ă  ne s’avancer qu’à la file dans la rue dont on cherche Ă  s’emparer ; les hommes, se glissant ainsi le long des murs, se couvrent des moindres saillies et parviennent Ă  gagner les postes avantageux sans trop s’exposer. Tout comme aussi lorsqu’il faut enlever un poste de vive force, on doit Ă©viter l’entassement des troupes dans le dĂ©filĂ© , car si l’attaque est repoussĂ©e il se formera un encombrement funeste aux assaillants ; on fera donc succĂ©der les pelotons Ă  d’assez grands intervalles, en lĂąchant toujours de tenir couverts ceux qui n’agissent pas. g 2. — Combat du Cavalerie contre Cavalerie. La suprĂȘme loi pour la cavalerie est de ne point attendre le choc , mais d’aller Ă  la rencontre de l’ennemi et de prendre le galop pour l’aborder. Autrement elle serait entraĂźnĂ©e et dispersĂ©e ; car il est bien prouvĂ© par l’expĂ©rience qu’un escadron , mĂȘme de la cavalerie la plus lourde , ne saurait, en restant immobile , rĂ©sister Ă  l’impulsion d’un autre escadron composĂ© des plus petits chevaux et qui arriverait sur lui en carriĂšre. Non pas que le choc de la cavalerie se mesure, comme en mĂ©canique , en multipliant la masse par la vitesse ; mais parce que le galop donne de l’élan, anime les chevaux, et que les cavaliers timides sont ainsi entraĂźnĂ©s par les autres. Lorsque deux corps de cavalerie s’avancent l'un contre l’autre pour s’aborder de front, celui-lĂ  aura l’avantage qui aura su disposer de quelques escadrons ou seulement de quelques pelotons pour les jeter, au moment de la charge , sur le flanc de l’ennemi. Le rĂ©sultat d’un pareil mouvement est encore plus dĂ©cisif que dans les combats d’infanterie, tant COMBATS ET ACTIONS PARTICULIÈRES. 52o par la rapiditĂ© avec laquelle il s’exĂ©cute que par la difficultĂ© qu’éprouve la ligne ennemie de s'y opposer. On prescrit donc de placer, en arriĂšre des ailes d’une ligne de cavalerie , des colonnes composĂ©es de quelques escadrons ou pelotons , suivant la force du corps en bataille. Ces colonnes, formĂ©es h distance entiĂšre , en mĂȘme temps qu’elles donnent la possibilitĂ© de se jeter sur le flanc de l’ennemi par un dĂ©ploiement progressif sur la droite ou sur la gauche, sont le moyen le plus sĂ»r de se garantir soi-mĂȘme contre une attaque de ce genre, puisque la colonne Ă  distance entiĂšre peut, en un clin-d'Ɠil, se former en bataille pour se porter h la rencontre de l’ennemi qui voudrait envelopper l’extrĂ©mitĂ© de la ligne. Dans une attaque faite par la grosse cavalerie, les colonnes d’ailes pourraient ĂȘtre formĂ©es de chevaux lĂ©gers , qui, indĂ©pendamment du rĂŽle que nous venons de leur assigner, auraient encore la tĂąche de poursuivre l’ennemi aprĂšs la charge, pendant que la ligne de bataille reformerait ses rangs. Comme l’ennemi peut employer le mĂȘme moyen, il faut encore garder quelque petite rĂ©serve pour Ă©chelonner les colonnes d’ailes; ne fĂ»t-ce qu'un peloton, il les rassurera contre le danger d’ĂȘtre dĂ©bordĂ©es. Quand la cavalerie peut appuyer ses ailes h quelqu’obsta- cle naturel qui empĂȘche l’ennemi de manƓuvrer sur son flanc, les colonnes d’ailes ne sont plus nĂ©cessaires; mais, dans les circonstances ordinaires, on ne saurait trop les recommander. On voit donc qu’un corps de cavalerie qui marche Ă  l’attaque d’un autre corps de cavalerie, est en partie dĂ©ployĂ© et en Partie formĂ© en colonnes. Tout en satisfaisant aux conditions PrĂ©cĂ©dentes, il s’étend autant que possible, parce qu’il im- P°rte de mettre en jeu h la fois le plus grand nombre de c °uibattants. Une troupe qui ne se prĂ©senterait qu’en colonne se rait indubitablement battue, les cavaliers de la tĂšte pouvant seuls faire usage de leurs sabres ; enveloppĂ©e et attaquĂ©e sur ses deux flancs, cette colonne ne se tirerait d’une si fĂącheuse position que par une prompte fuite. 326 COMliATS ET ACTIONS PARTICULIÈRES. Si la cavalerie s’avance sur une seule ligne continue , ne laissant que de trĂšs-petits intervalles entre les escadrons, on dit qu’elle charge en muraille. Ce genre d’attaque, qui est fort imposant, n’est praticable qu’à un petit nombre d’escadrons, parce que les inĂ©galitĂ©s du sol, les obstacles qui se prĂ©sentent sur le chemin, les refoulements inĂ©vitables dans une ligne d’une certaine longueur, font qu'au lieu d’un choc gĂ©nĂ©ral, on n’obtient qu’une succession de chocs partiels qui ne produisent pas Ă  beaucoup prĂšs le mĂȘme effet ; si la ligne est mise en dĂ©sordre sur quelque point, et Ă  plus forte raison si elle est percĂ©e par l’ennemi, la dĂ©route peut se jeter dans la ligne entiĂšre ; les fautes ne se rĂ©parent que dillicilement; en- lin on perd un des principaux avantages de l’arme, qui est la mobilitĂ©. La charge en muraille, sur un grand front, ne peut guĂšre se pratiquer que lorsqu’il s’agit de balayer un champ de bataille couvert de bataillons rompus, qui çà et lĂ  font encore quelque rĂ©sistance. L’attaque en Ă©chelons est trĂšs-usitĂ©e dans la cavalerie; elle offre l’avantage de ne pas engager toutes les forces Ă  la fois, et de laisser plus de facilitĂ© pour parer aux accidents du combat. Tant que les derniers Ă©chelons n’ont pas croisĂ© le fer, on peut en disposer soit pour soutenir ceux qui sont engagĂ©s, soit pour se porter sur le flanc de l’ennemi. C’est surtout lorsque la troupe doit, pour attaquer, passer de l’ordre en colonne Ă  l’ordre dĂ©ployĂ©,’comme cela arriverait, par exemple , en sortant d’un dĂ©filĂ© , que cette formation est avantageuse, parce qu’il n’est pas nĂ©cessaire d’attendre que toute la troupe soit en ligne pour entamer la charge; il sullit que le premier Ă©chelon soit formĂ© ; les autres arriveront successivement. Tant que le dĂ©ploiement n’est pas achevĂ©, l’ennemi est incertain du cĂȘtĂ© oĂč se dirigeront les efforts, et celle incertitude est tout Ă  votre avantage. Vous pouvez d’abord former deux ou trois Ă©chelons pour menacer sa gauche ; il y enverra du renlort. Alors vous dirigez les autres Ă©chelons contre sa droite affaiblie , qui doit ainsi cĂ©der Ă  vos ef- COMBATS ET ACTIONS PARTICULIÈRES. 327 forts, la rapiditĂ© des mouvements ne permettant guĂšre les contre-manƓuvres. Si le premier Ă©chelon est victorieux , il prend la ligne ennemie par le flanc , pendant que les autres l’attaquent de front. Mais il faut que les Ă©chelons aient en eux-mĂȘmes assez de consistance pour que leur choc produise l’effet qu’on en attend. Ainsi on les formera par rĂ©giments, ou tout au moins par escadrons; des Ă©chelons par pelotons ne signifieraient rien. Nous Je rĂ©pĂ©tons, la cavalerie doit toujours , pour combattre la cavalerie , se former sur un front plus ou moins Ă©tendu, sans prĂ©judice toutefois des colonnes d’ailes ou autres moyens d’attaquer l'ennemi par le flanc pendant qu’on le combat de front. Quels que soient les dispositifs adoptĂ©s, les principes pour la charge sont toujours les mĂȘmes la troupe commence par s’ébranler au pas, puis elle prend le trot qu’elle accĂ©lĂšre insensiblement pour se mettre au galop h quelque distance de l’ennemi, et entrer en pleine carriĂšre en poussant de grands cris quand elle n’en est plus qu’à une centaine de pas. Sans ces prĂ©cautions, et si l’on prenait le galop de trop loin , les chevaux arriveraient essoufflĂ©s et dĂ©sunis ; il n’y aurait plus cet ensemble imposant d’une grande masse de cavalerie alignĂ©e ; les chocs seraient partiels et sans effet. Les cavaliers poussent des cris pour s’animer mutuellement et exciter les chevaux. Au moment du choc et dans la mĂȘlĂ©e qui s’ensuit l’avantage est, toutes choses Ă©gales d’ailleurs, pour la troupe qui saura se servir de la pointe plutĂŽt que du tranchant de ses armes ; car les coups d’estoc tuent ou mettent hors de combat, tandis que ceux de taille ne font souvent que des blessures peu dangereuses. Si la cavalerie lĂ©gĂšre se trouve en prĂ©sence de la grosse cavalerie , elle ne peut en soutenir le choc ; elle doit donc s Ă©parpiller et charger individuellement, ou en fourrageurs, su r les flancs ; caracoler autour de la ligne , fuir devant elle en se prĂ©valant de la lĂ©gĂšretĂ© et de la vitesse de ses chevaux ; 1 attaquer en tirailleurs, en dĂ©chargeant sur elle le mousqueton 5Ü8 COMBATS ET ACTIONS PARTICULIÈRES. et les pistolets. C’est Ă  peu prĂšs le seul cas oĂč les armes Ă  feu puissent ĂȘtre employĂ©es dans les combats de cavalerie ; car, nous l’avons dĂ©jĂ  dit, le mousqueton n’est point donnĂ© au cavalier pour s’en servir en ligne de bataille , mais seulement pour escarmoucher, pour se tirer d’embarras quand il est dĂ©montĂ©, et pour en faire usage dans quelques cas exceptionnels. Ce serait donc commettre une faute que de s’arrĂȘter dans une charge pour faire feu, l’élan serait perdu et l’attaque trĂšs- probablement repoussĂ©e. C’en serait une encore de se servir de ce moyen pour recevoir une charge ; on serait culbutĂ© avant d’avoir posĂ© le mousqueton et tirĂ© le sabre. Quand le corps de cavalerie est nombreux, il se forme sur deux lignes, comme l’infanterie. La premiĂšre est toujours dĂ©ployĂ©e. La seconde, qui souvent est d’une force infĂ©rieure, ou se dĂ©ploie en parties, et dĂ©borde les ailes de la premiĂšre de maniĂšre Ă  empĂȘcher l’ennemi de la tourner, ou se forme en autant de colonnes par pelotons Ă  distance entiĂšre qu'il y a d’escadrons. Toutes ces colonnes sont prĂȘtes h se former en bataille par un mouvement en avant trĂšs-rapide, et cependant elles laissent entre elles de grands intervalles par lesquels les escadrons de la premiĂšre ligne pourraient s’écouler facilement s’ils Ă©taient mis en dĂ©route ou ramenĂ©s aprĂšs une charge manquĂ©e. Sans cette prĂ©caution, la seconde ligne courrait le risque d’ĂȘtre entraĂźnĂ©e par la premiĂšre. La seconde ligne se tient Ă  5 ouGOOpas de distance de la premiĂšre , dont elle suit tous les mouvements en avant ou en arriĂšre. Si la premiĂšre ligne est repoussĂ©e, la seconde envoie quelques escadrons de ses ailes sur les flancs de l’ennemi pour la dĂ©gager. En mĂȘme temps, les colonnes se portent en avant au trot pour se dĂ©ployer aussitĂŽt qu’elles seront dĂ©masquĂ©es, et se prĂ©cipiter sur l’ennemi dont la ligne est aussi dans quelque dĂ©sordre. C’est ainsi que, dans les combats de cavalerie, une troupe d’abord victorieuse est ramenĂ©e par des escadrons qui succĂšdent Ă  ceux qui ont Ă©tĂ© battus, et font en un clin-d’Ɠil changer la face des affaires. La rapiditĂ© des mouvements ex- COMBATS KT ACTIONS l'AItTICULlÈRKS. 320 plique ces pĂ©ripĂ©ties bien plus frĂ©quentes daus cette arme que dans l’infanterie. Pour Ă©viter ces accidents le ralliement est toujours nĂ©cessaire , mĂȘme aprĂšs le plus brillant succĂšs. Mais, pour cela, il n est point nĂ©cessaire de s’arrĂȘter. On lance quelques pelotons en fourrageurs pour harceler l’ennemi, et l’on fait a van cer au pas les Ă©tendards. Les cavaliers, lidĂšles Ă  la trompette qui les appelle, viennent reprendre leurs rangs, et les escadrons, en s’avançant toujours, sont bientĂŽt reformĂ©s et prĂȘts Ă  fournir de nouvelles charges. La colonne serrĂ©e est celle qui convient le mieux Ă  l’infanterie manƓuvrant sur le champ de bataille ; la colonne Ă  distance entiĂšre est, au contraire, la formation habituelle de la cavalerie, parce que les diverses subdivisions peuvent, sans se rompre , tourner au galop pour se former en bataille avec la plus grande rapiditĂ©, de quelque cĂŽtĂ© que l'ennemi se montre. Cependant, la cavalerie peut aussi, quand elle n’a rien Ă  craindre pour ses flancs, manƓuvrer Ă  demi-distance pour occuper moins de profondeur. Elle est alors obligĂ©e de rompre les subdivisions pour sortir de la colonne, ce qui n’est pas sans quelques inconvĂ©nients. Cette maniĂšre de marcher lui donne le moyen de tromper l’ennemi sur la force des colonnes, dont les unes peuvent ĂȘtre formĂ©es Ă  demi-distance, et ‱es autres h distance entiĂšre. § .3. — Combat db Cavalerie comthb Infanterie. Les charges contre l’infanterie se font principalement en colonne formĂ©e par escadrons, h double distance, afin que, S un escadron est repoussĂ© , les cavaliers puissent se retour- ner et s’écouler de droite et de gauche pour venir se rallier derriĂšre la colonne. Le second escadron, qui se trouve prĂȘt, 550 COMBATS ET ACTIONS PARTICULIÈRES. charge immĂ©diatement et fait la mĂȘme manƓuvre que le premier ; le troisiĂšme arrive h son tour, puis le quatriĂšme , et si l’infanterie qu’on attaque ne fait pas bonne contenance , si elle ne mĂ©nage pas bien son feu, elle sera indubitablement enfoncĂ©e. Les attaques en colonnes, h double distance, se dirigent principalement sur les angles des carrĂ©s qui sont mal dĂ©fendus quand il n’y a pas de canons. Contre des lignes dĂ©ployĂ©es et qu’on ne peut tourner, on fait ordinairement des charges en Ă©chelons. Cependant les charges en colonnes, quand elles seraient simultanĂ©es surplusieurs points, ne seraient pas moins bonnes. Les unes et les autres valent mieux que la charge en muraille contre l’infanterie, parce que la perle d’un escadron ne les arrĂȘte pas , que l’on conserve la libertĂ© de mouvement pour se porter sur les parties faibles ou momentanĂ©ment dĂ©garnies de feux ; enfin , parce que des chocs rĂ©itĂ©rĂ©s ou successifs Ă©puisent l’infanterie et produisent plus d’effet rĂ©el qu’une seule charge, quelque nombreuse et imposante qu’elle soit. Une charge en muraille contre l’infanterie ne peut rĂ©ussir que lorsque celle-ci est dĂ©jĂ  Ă©branlĂ©e par les pertes que le canon lui a causĂ©es, ou lorsque la pluie a mis ses armes hors d’état de faire feu. A la bataille de Dresde, Murat, profitant d’une semblable circonstance, enfonça une ligne d’infanterie autrichienne et lui sabra beaucoup de monde. La cavalerie doit Ă©viter de passer trop prĂšs des bois et des rochers, Ă  moins de s’étre assurĂ©e qu’ils ne sont pas occupĂ©s par des tirailleurs. Elle courrait risque d’éprouver de grandes pertes si elle tombait sous le feu de ces tirailleurs auxquels elle ne peut pas rĂ©pondre. Quand une charge a rĂ©ussi, que la ligne ennemie est enfoncĂ©e, l’essentiel n’est pas de sabrer les fuyards, mais bien de se jeter sur les troupes qui font encore bonne conte ‱ effet, la cavalerie se rallie et manƓuvre pour envelopper le flanc des portions de ligne qui soutiennent encore le combat. Une ligne d’infanterie, qui est prise ainsi, est une ligne balayĂ©e. ^ COMBATS ET ACTIONS PARTICULIÈRES. 551 Quand, au contraire, la charge est repoussĂ©e , il faut tourner bride et gagner au galop un endroit oĂč le ralliement puisse s’opĂ©rer. S’il y a une seconde ligne, on la dĂ©masque promptement pour lui donner la facilitĂ© d’entrer en action. Les rangs Ă©tant reformĂ©s, on se prĂ©pare h une nouvelle charge; car il ne faut pas se dĂ©courager pour avoir manquĂ© la premiĂšre. Une bonne cavalerie ne craint pas de renouveler plusieurs fois ses attaques. Quant h l’infanterie, son rĂŽle est de ne point se laisser intimider, et de recevoir la cavalerie par un feu bien dirigĂ© qu’elle ne commencera que de prĂšs, Ă  deux cents pas seulement, et par salves, pour produire plus d’effet. Le feu de rangs, qui est assez compact sans jamais laisser le front dĂ©pourvu, est le plus convenable h employer. Il est possible de faire quatre dĂ©charges pendant que la cavalerie parcoure les 200 pas qui la sĂ©parent de l’infanterie quand le feu commence. En effet, l’infajjterie, pouvant tirer trois coups Ă  la minute, ou un coup toutes les vingt secondes, et la cavalerie mettant plus de vingt secondes h parcourir deux cents pas au galop, celle-ci aura Ă  recevoir d’abord Ăč cette distance la dĂ©charge du troisiĂšme rang, dix secondes aprĂšs, celle du second rang, puis lorsqu’elle ne sera plus qu’à une cinquantaine de pas une nouvelle dĂ©charge du troisiĂšme rang qui a eu le temps de recharger, et enfin la dĂ©charge du premier rang qui est restĂ© genou en terre, si elle arrive jusqu’aux baĂŻonnettes. * On pourrait objecter que, dans le trouble que doit nĂ©cessairement occasionner une charge poussĂ©e Ă  fond, le troisiĂšme rang, n’aura pas pu recharger ses armes, et qu’en rĂ©alitĂ© la cavalerie n’aura eu Ă  essuyer que trois dĂ©charges; c’est dĂ©jĂ  beaucoup; mais toutes uos ressources ne sont pas encore Ă©puisĂ©es; le quatriĂšme rang est encore lĂ  avec ses armes chargĂ©es, qui jettera sa bourre au nez des cavaliers qui auraient l’audace d’aborder la ligne. . Voyez le RĂšglement d'exercice pour l'infanterie f c ralion, I ro partie, art. k. de la ConfĂš- 552 COMBATS HT ACTIONS l'AlflTCljI,IKIUÏS . Mais si le premier escadron est obligĂ© de faire volte-face, le troisiĂšme rang aura, en tout cas, le temps de recharger et sera prĂȘt Ă  recevoir le second escadron quand il se prĂ©sentera. Ceci suppose que l’infanterie est formĂ©e sur quatre rangs ; c’est en effet ce que prescrit le rĂšglement, et ce qui est indispensable lorsqu’on n’a pas d’artillerie pour en imposer Ă  la cavalerie et la tenir Ă©loignĂ©e. Une troupe sur deux rangs est trop faible pour de semblables combats; il en faut au moins trois; quatre valent mieux. La baĂŻonnette est la derniĂšre ressource contre une cavalerie assez audacieuse pour braver tous les feux. On a imaginĂ© de tendre des cordeaux, de dresser des chevaux de frise devant le front pour arrĂȘter la cavalerie ; mais ces moyens, qui peuvent sĂ©duire dans des exercices de parade, sont sans valeur devant l’ennemi; ils sont embarrassants et gĂȘnent la troupe dans ses manƓuvres. Le fantassin ne peut et ne doit compter que sur ses armes pour repousser la cavalerie ; il lui faut du sang-froid et la conviction que des chevaux ne pĂ©nĂ©treront jamais dans une troupe d’infanterie bien serrĂ©e et hĂ©rissĂ©e de baĂŻonnettes; la peur, le dĂ©sordre, les ravages de l’artillerie peuvent seuls la compromettre. Qu’elle ne s’effraye ni de l’approche des chevaux, ni des cris des cavaliers, qu’elle serre et appuie ses rangs, qu’elle mĂ©nage bien son feu, et elle n’aura rien h redouter d’une charge. Mais c’est principalement par son ordre de bataille que l’infanterie rĂ©siste Ă  la cavalerie ; en se formant en plusieurs carrĂ©s qui se flanquent mutuellement, elle fait plus que doubler sa force de rĂ©sistance ; les feux de flanc et de revers, qu’on se procure de la sorte, sont bien plus h redouter pour la cavalerie que les feux directs. Nous avons dĂ©jĂ  dit, en parlant des batailles, comment se forment les grands carrĂ©s de division ou de brigade ; ici il ne s’agit que de carrĂ©s de bataillons, parce que nous ne supposons qu’un simple engagement entre une troupe d’infanterie et une troupe de cavalerie ; dans ce cas, la petitesse des carrĂ©s importe peu; il n’y a guĂšre que les COMRATS ET ACTIONS PARTICULIÈRES. 33Ô Ă©tats-majors Ă  y renfermer; il vaut mĂȘme beaucoup mieux former plusieurs petits carrĂ©s qu’un seul grand, parce que si ce grand carrĂ© Ă©tait enfoncĂ© tout serait perdu, tandis que lorsqu’il y en a plusieurs, la perte de l’un d’eux n’entraĂźne pas celle des autres, outre que cet accident est moins probable puisqu’ils sont mieux dĂ©fendus dans ce dernier cas que dans le premier. La formation de ces carrĂ©s est trĂšs-simple les bataillons marchent et manƓuvrent en colonnes serrĂ©es, chaque bataillon formant sa colonne; ils se mettent sur une seule ligne, h distance ou demi-distance de dĂ©ploiement; ils font individuellement un changement de direction Ă  quarante-cinq degrĂ©s, et ils forment simultanĂ©ment leurs carrĂ©s, sur la place qu’ils occupent, en prenant par la tĂȘte lesdislancesqui leur sont nĂ©cessaires. PlacĂ©s de la sorte, les carrĂ©s ont toutes leurs faces dĂ©masquĂ©es; ils peuvent, quoique trĂšs-rapprochĂ©s les uns des autres, faire feu sans se nuire, et les tirailleurs ont encore la possibilitĂ© de se pelotonner aux angles opposĂ©s de chaque carrĂ©; on peut aussi se procurer le flanquement dĂ©sirĂ© en formant les carrĂ©s en Ă©chelons, chaque bataillon s’avançant assez pour ne point gĂȘner celui qui est en arriĂšre ; la bonne distance est de deux fronts de division ; une distance d’un Iront et. demi peut, Ă  la rigueur, suffire, mais il faut beaucoup de prĂ©cision dans la manƓuvre pour que les carrĂ©s ne se tirent pas les uns sur les autres. Nos troupes devraient s’exercer souvent Ă  ce genre de manƓuvres ; ce qu’elles auraient le plus h redouter en cas de guerre, ce serait les attaques de l a cavalerie, faute de pouvoir les paralyser par des attaques Se mblables. 11 faut donc qu’elles sachent prendre ces disposions d’une maniĂšre prompte et sure, sans la moindre hĂ©sita- l °n, et avec celte assurance qu’on n’apporte qu’aux choses 'lui sont familiĂšres. Remarquons que ces manƓuvres, se faisant en colonne serrĂ©e, n’exposent point les troupes Ă  ĂȘtre prises SUr le temps et Ă  ĂȘtre sabrĂ©es avant que le mouvement soit a chevĂ©, parce que la colonne serrĂ©e est en elle-mĂȘme capa- COMBATS ET ACTIONS PARTICULIÈRES. 554 blĂ© de repousser une attaque de cavalerie ; c’est un carrĂ© plein qui, moyennant un Ă  droite et un Ă  gauche des files latĂ©rales, et un demi-tour Ă  droite des derniers rangs, fait l'eu de tous les cĂŽtĂ©s. L’infanterie pourra donc manƓuvrer et marcher de la sorte en prĂ©sence de la cavalerie, sans courir de grands dangers, pourvu que chaque masse reste bien compacte et que les colonnes se tiennent h portĂ©e de se secourir mutuellement. Avec les carrĂ©s vides elle n’a pas le mĂȘme avantage, parce que dans les marches les lianes s’allongent et se dĂ©sunissent, en sorte que lorsque le carrĂ© s'arrĂȘte et fait front de nouveau, il y a des vides dans les rangs, par lesquels la cavalerie pourrait pĂ©nĂ©trer si elle arrivait avant qu’ils fussent bouchĂ©s. L’infanterie doit prendre garde de ne pas perdre ses coups contre de simples escarmoucheurs que la cavalerie envoyĂ© quelquefois en avant, pour tĂąter la troupe qui lui est opposĂ©e, la dĂ©garnir de son feu ou Ă©lever de la poussiĂšre Ă  la faveur de laquelle elle puisse faire quelque mouvement qui prĂ©pare son attaque. Si l’infanterie tirait imprudemment sur ces cavaliers isolĂ©s dont elle n’a rĂ©ellement rien Ă  craindre, les premiers escadrons s’élanceraient sur elle et la prendraient au dĂ©pourvu. Elle ne doit rĂ©pondre Ă  ces escarmoucheurs que par le feu de quelques tirailleurs qui, sans trop s’aventurer, se portent en dehors du carrĂ© et chassent ces importuns. Ce qui prĂ©cĂšde dit assez, qu’à moins d’ĂȘtre fortement appuyĂ© par les ailes, ce n’est pas en se dĂ©ployant en ligne qu'on peut combattre la cavalerie. On n’essayera pas en sa prĂ©sence des manƓuvres telles que les dĂ©ploiements par un mouvement processionnel, les changements de front, etc., elles sont trop lentes et donnent trop de prise Ă  une cavalerie alerte, pour ĂȘtre tentĂ©es. RĂ©pĂ©tons-le, pour manƓuvrer devant la cavalerie et pour la combattre , l’infanterie ne peut se former qu’en masses ou en carrĂ©s. COMBATS ET ACTIONS PARTICULIÈRES. 335 §4. — Attaque D’une Batterie. Une troupe d’infanterie ou de cavalerie peut ĂȘtre destinĂ©e Ă  enlever une batterie c’est lorsque la batterie est mal soutenue et qu’elle n’est composĂ©e que d’un petit nombre de piĂšces. Les Suisses, dans leurs guerres avec les Bourguignons, avaient fort peu d’artillerie ; ils comptaient sur celle de leurs adversaires dont ils s’emparaient ordinairement. La troupe qui marchait Ă  la batterie, se jetait ventre Ă  terre quand elle voyait le feu des piĂšces; les boulets passaient au dessus d’elle ; elle se relevait pour s’approcher davantage , se couchait de nouveau pour Ă©viter une seconde salve , se relevait encore, courait aux piĂšces, s’en empa- rait et les tournait contre l’ennemi lui-mĂȘme. Mais, de nos jours, l’artillerie est trop bien servie pour qu’une troupe rĂ©unie puisse essayer un semblable jeu; et d’ailleurs, les coups Ă©tant tirĂ©s les uns aprĂšs les autres sans discontinuitĂ© , il lui serait impossible de les Ă©viter tous. Il n’y a que des hommes isolĂ©s, combattant en tirailleurs qui, jugeant mieux de la piĂšce qu’ils ont devant eux , puissent en Ă©viter les coups en se couchant quand ils y voient mettre le feu ; ils arriveront ainsi et en rampant, pour ainsi dire, jusqu’à gagner quelque pli de terrain qui les couvre en partie et d’oĂč ils puissent inquiĂ©ter les canonniers Ă  leurs PiĂšces. Ce n’est donc qu’en s’ouvrant, pour former une c haine de tirailleurs, qu’une troupe d’infanterie peut marier de front Ă  l’attaque d'une batterie ; la distance d’un *'°Binie Ă  l’autre doit ĂȘtre aussi grande que possible , afin d offrir peu de prise aux boulets ou Ă  la mitraille, et de permettre Ă  chaque individu, soit de se couvrir des inĂ©galitĂ©s sol, soit de faire ce qui a Ă©tĂ© dit plus haut. En mĂȘme temps que ces tirailleurs marchent de front Ă  la boiterie, d’autres troupes formĂ©es en colonnes en menacent 336 COMBATS ET ACTIONS PARTICULIÈRES. les flancs; car la batterie n’est ordinairement pas seule , elle est soutenue par de l’infanterie ou de la cavalerie qu’il faut repousser pour s’en emparer. Si l’artillerie dirige son feu sur ces colonnes, les tirailleurs en profitent pour s’approcher d’elle et mĂȘme pour se jeter dans la batterie ; si au contraire elle continue Ă  rĂ©pondre aux tirailleurs, les colonnes s’avancent sans de grandes pertes. ArrivĂ©es Ă  petite distance , elles se prĂ©cipitent sans dĂ©libĂ©rer sur la troupe d’escorte, et, aprĂšs l’avoir culbutĂ©e , elles la laissent courir pour se retourner et prendre la batterie Ă  revers. On comprend que la cavalerie, par la rapiditĂ© de ses mouvements, est l’arme qui est surtout propre Ă  ce coup de main. Il convient donc d’attaquer une batterie avec les deux armes rĂ©unies, l’infanterie en avant et de front en tirailleurs, la cavalerie en colonnes sur les ailes. Les piĂšces prises, il faut, si les chevaux sont encore en Ă©tat de les conduire , se hĂąter de les emmener , sinon , ou lorsqu’on voit arriver des forces supĂ©rieures pour les reprendre , il faut les enclouer, ou tout au moins emporter les refouloirs; on les mettra ainsi hors d’usage pour quelque temps. L’en- clouage se fait au moyen d’une baguette de pistolet qu’on chasse dans la lumiĂšre avec un caillou et qu’on force h se recourber dans l’ñme de la piĂšce. Il suit de ce qui prĂ©cĂšde, qu’une batterie qui n’est soutenue que par des forces infĂ©rieures Ă  celles de l’ennemi, ou qui n’a pas de cavalerie Ă  opposer Ă  la sienne, et qui, par consĂ©quent, court le plus grand danger d’ĂȘtre attaquĂ©e par le flanc, doit chercher Ă  gagner un terrain dĂ©favorable Ă  la cavalerie. Des broussailles qui la couvriraient en partie, sans cependant empĂȘcher son actionj la lisiĂšre d’un bois, seraient des emplacements qu’elle devrait choisir de prĂ©fĂ©rence. Quelques tirailleurs , postĂ©s Ă  droite et Ă  gauche des piĂšces pour contenir les tirailleurs ennemis , seront d’un bhn secours. L’infanterie se tiendra Ă  quelque distance, prenant ses dispositions pour recevoir l’attaque, et la cavalerie , s’il y en a , formera COMBATS ET ACTIONS PARTICULIÈRES. 5 ." 7 Ăźles Ă©chelons encore plus en arriĂšre pour se jeter sur le flanc de la cavalerie ennemie, au moment oĂč celle-ci cherchera Ă  dĂ©border l’infanterie. 11 n’est pas impossible Ă  une batterie qui se voit enveloppĂ©e de faire lace de tous cĂŽtĂ©s, et, pour peu que le terrain lui soit favorable, de repousser les attaques d’une nombreuse cavalerie. On lit, dans la vie du gĂ©nĂ©ral Foy, que, se trouvant prĂšs de Schalfouse , aprĂšs la prise de Zurich , en 1799, il vit dĂ©boucher du pont une masse de cavalerie russe. Heureusement qu’il y avait prĂšs de sa batterie un bouquet de sapins ; d se hĂąta d'y retirer ses piĂšces et les y plaça en carrĂ©. La cavalerie russe Ă©tait nombreuse ; son attaque fut terrible. Cependant les canonniers, excitĂ©s par leur digne chef, tinrent bon et ne cessĂšrent de tirer Ă  mitraille qu’au moment oĂč ils furent dĂ©livrĂ©s par deux rĂ©giments d’infanterie qui accoururent pour les secourir. g 5. — Attaque et dĂ©temse d’dnb Redoute. La redoute est armĂ©e de canon, ou n’est dĂ©fendue que par l’infanterie. Dans le premier cas, il faudra faire taire le canon avec du canon ; dans le second, on peut marcher sans prĂ©ambule h son attaque. Les tirailleurs principalement les carabiniers enveloppent d’abord la redoute dans une partie de son contour, dirigeant leurs coups sur la crĂȘte du parapet pour empĂȘcher les dĂ©fenseurs de se montrer, ou du moins pour les forcer Ă  tirer "’ec prĂ©cipitation et sans justesse. Ils resserrent leur cercle "'sensiblement, et, leurs feux convergents, sillonnant les pa- la Pels, prennent de plus en plus la supĂ©rioritĂ©. ArrivĂ©s Ă  fluelque distance des fossĂ©s, ils se mettent h la course et sau- len t dedans, Ăč moins que des obstacles tels que palissades, "l'atis, trous de loup, ne les arrĂȘtent ; auquel cas ils les ren* 22 COMBATS ET ACTIONS versent avec la hache , ou les comblent avec les fascines dont ils ont eu la prĂ©caution de se munir. Cependant tous ne se jettent pas dans le fossĂ©; une partie reste sur la contrescarpe pour tirer sur quiconque oserait se montrer derriĂšre le parapet. Quand les troupes ont repris haleine au fond du fossĂ©, elles donnent l’assaut; et pour cela, les soldats s’aident les uns les autres et montent sur la berme ; de lĂ  ils s’élancent tous ensemble sur le parapet, sautent dans la redoute et forcent les dĂ©fenseurs Ă  mettre bas les armes. Si la redoute Ă©tait armĂ©e de canon et prĂ©sentait un degrĂ© de force plus grand que nous ne l’avons supposĂ© , il faudrait d’abord la canonner de maniĂšre Ă  briser ses palissades , dĂ©monter ses piĂšces, labourer ses parapets. On cherche , pour placer le canon d’attaque, les endroits les plus favorables ; ce sont ceux qui dominent l’ouvrage, ou qui, se trouvant dans le prolongement des faces, donnent le moyen de les prendre d’enfilade. Si la redoute est percĂ©e d’embrasures, il faut diriger une ou deux piĂšces dans chacune ; les coups de plein fouet qu’elles leur adresseront, non-seulement dĂ©monteront les piĂšces, mais encore pĂ©nĂ©treront dans l’intĂ©rieur de l’ouvrage, et y feront des ravages dĂ©moralisants pour le dĂ©fenseur. Quelques bons tireurs, qui s’approcheront de ces embrasures en en Ă©vitant les coups directs, ajusteront les canonniers toutes les fois qu’ils sc montreront pour recharger leurs piĂšces. C’est seulement aprĂšs que celte artillerie aura produit son effet, que les tirailleurs envelopperont l’ouvrage pour agir comme il a Ă©tĂ© dit plus haut. Mais si l’infanterie de ligne doit prendre part Ă  l’attaque, elle se forme en autant de colonnes qu’il y a de saillants Ă  attaquer ; chacune de ces colonnes est prĂ©cĂ©dĂ©e de quelques travailleurs armĂ©s de haches , et de porteurs d’échelles. C’est une sage prĂ©caution que de donner aux hommes des premiers rangs des fascines dont ils se font un bouclier, et au moyen desquelles ils comblent en partie les fossĂ©s. Les tirailleurs s’ouvrent pour laisser passer les colonnes ; ils redoublent la vivacitĂ© de leur feu pour soutenir l’at- COMBATS RT ACTIONS PARTICULIÈRES. !>.VJ laque jusqu’au moment, oĂč les assaillants escaladent le parapet. U’essenliel, dans ce moment dĂ©cisif, c’est de faire avec ensemble le dernier effort, et de sauter dans l’ouvrage de tous les cĂŽtĂ©s Ă  la fois. Il faut donc que la troupe s’arrĂȘte un moment sur la benne et qu'elle attende le signal convenu, pour gravir le talus extĂ©rieur et monter vers la plongĂ©e. Ce doit ĂȘtre comme une vague qui passe sur un Ă©cueil. Si la redoute n’est pas secourue, ni appuyĂ©e par des troupes qui en dĂ©fendent les flancs, il est difficile qu’elle rĂ©siste longtemps Ă  une attaque dirigĂ©e de la sorte et vaillamment exĂ©cutĂ©e. On ne peut disconvenir que la dĂ©fense d’une redoute abandonnĂ©e Ă  ses propres forces, ne soit une commission fort pĂ©rilleuse et dont le succĂšs est trĂšs-problĂ©matique. Mais, ordinairement, la redoute est flanquĂ©e par d’autres ouvrages sur ses ailes, ou soutenue par des troupes. Dans tous ces cas on peut raisonnablement espĂ©rer de repousser l’ennemi, ou de soutenir assez longtemps ses attaques pour donner aux troupes de secours le temps d’arriver. Quoiqu’il en soit, le premier soin du commandant du poste doit ĂȘtre de soutenir le moral de ses soldats par son air de confiance , ses propos guerriers, son activitĂ© h mettre toutes choses dans le meilleur ordre. Si l’attaque n’est pas immĂ©diate, le commandant fera entourer la redoute d’abatis ; il s’approvisionnera de grosses pierres pour la dĂ©fense des fossĂ©s; il tĂąchera de se procurer des s *tcs h terre pour en faire des crĂ©neaux sur le parapet. Sinon d y supplĂ©era par des bourrelets de gazons qui feront comme Citant de petites embrasures h travers lesquelles les meilleurs l,r eurs ajusteront l’ennemi. Une poutre, mise en travers sur bourrelets, peut h la fois servir de frontal aux tireurs et de nio yen de dĂ©fense lorsqu’on la fera roule sur l’assaillant. bo canon engage l’affaire. AussitĂŽt qu’on dĂ©couvre les bni- te Hes de l’ennemi, on tire dessus pour profiter de l’avantage 1 U ° n a au premier moment. Mais quand une fois ces batte- ,,es ont pris leur position, que les piĂšces en sont en partie SiO COMBATS ET ACTIONS PARTICULIÈRES. couvertes par le terrain, et que leurs feux commencent Ă  produire de l'effet, la lutte n’est plus Ă©gale. 11 faut retirer le canon dans l’intĂ©rieur de l’ouvrage; on ne laissera que celui qui serait couvert par de bonnes traverses. On peut nĂ©anmoins le remettre en batterie, de temps Ă  autre, pour lĂącher quelques coups de mitraille sur les tirailleurs qui serreraient l’ouvrage de trop prĂšs. Cela les intimide plus que la fusillade. Elle n’est d’abord soutenue que par quelques-uns des plus habiles tireurs qui se nichent dans les angles, derriĂšre les traverses, partout oĂč les coups de l’ennemi parviennent le plus dillicilement. Mais quand la redoute est tellement serrĂ©e que l’artillerie ennemie ne pourrait continuer son feu sans danger, pour les assaillants, les soldats montent sur les banquettes, les piĂšces sont ramenĂ©es, et le feu le plus vif est dirigĂ© sur les colonnes d’attaque et sur les chaĂźnes de tirailleurs qui cherchent Ă  renverser les abalis pour se frayer un passage jusqu’à la contrescarpe. C’est le moment de faire partir les fougasses qu’on aurait prĂ©parĂ©es sur le glacis ou dans l’intĂ©rieur de l’ouvrage. Si, malgrĂ© cela, l’ennemi parvient jusqu’au fossĂ© et qu’il s’y rassemble pour donner l’assaut, tout n’est pas encore perdu. O 11 roule sur lui des obus, des troncs d’arbres, degrossespier- res, puis on monte sur le parapet pour le recevoir avec la baĂŻonnette ou la crosse du fusil. Plus d’une attaque a manquĂ© pour avoir Ă©tĂ© reçue de la sorte. A la dĂ©fense d’IIuningue, en 17ÜG, le capitaine d’artillerie Foy, s’apercevant que l’en- neini avait dĂ©jĂ  dressĂ© ses Ă©chelles contre la demi-lune qu’il occupait, fait rouler dans le fossĂ© des obus, qui font Ă  l’ennemi, qui y Ă©tait entassĂ©, un mal considĂ©rable. Les canonniers se saisissent de leurs leviers, de leurs refouloirs, s’élancent sur le parapet et renversent dans le fossĂ© les premiers qui se prĂ©sentent. L’ennemi dĂ©couragĂ© dut renoncer Ă  son attaque. Les ouvrages de campagne ne sont pas, sans doute, aussi faciles Ă  dĂ©fendre que cette demi-lune, parce que leurs fossĂ©s n’ont pas la mĂȘme profondeur; cependant il en est dont les COMBATS ET ACTIONS PARTICULIÈRES. 341 parapets ont assez de relief pour qu’on paisse, sans tĂ©mĂ©ritĂ©, la tenter. Si l’on rĂ©flĂ©chit au dĂ©sordre des assaillants dans un tel moment, Ă  la dillicultĂ© qu’ils ont de faire usage de leurs armes , et Ă  l’avantage physique et moral que doit avoir celui qui est placĂ© debout sur le parapet, dont le pied est affermi, que rien ne gĂȘne dans ses mouvements, non-seulement on concevra que les dĂ©fenseurs ont des chances pour eux , mais encore on se demandera comment il serait possible qu’ils ne fussent pas victorieux. § G. — Attaque et dĂ©fense D’dne Cassine. On nomme cassine une grande ferme isolĂ©e avec ses dĂ©pendances, telles que granges, celliers, Ă©tables, etc. Ces bĂątiments sont ordinairement entourĂ©s de murailles formant cour, et sont, par lĂ  mĂȘme, trĂšs-propres Ă  ĂȘtre dĂ©fendus. L’attaque d’une seule maison ou d’une cassine retranchĂ©e offre souvent plus de difficultĂ©s que celle d'une redoute, parce que les accĂšs en sont plus difficiles, et que l’ennemi, tirant de tous les Ă©tages, y est ordinairement bien couvert. Approchez-vous donc avec prĂ©caution pour prendre une idĂ©e du genre de difficultĂ©s qui vous allendenl, faites votre r econnaissance et arrĂȘtez vos dispositifs pour l’attaque qu’il est bon de commencer un peu avant le jour, afin de vous approcher des murs sans de trop "grands dangers. Vous ignorez quels sont les moyens de rĂ©sistance que l’ennemi prĂ©pare dans l’intĂ©rieur; n’importe, il vous suffit de connaĂźtre, pour moment, quelles sont les murailles percĂ©es de crĂ©neaux flui auront vue sur les attaques, quelles sont les ouvertures °h vous devez diriger vos efforts. Pendant que vous vous fondrez maĂźtre de ces parties, le jour viendra qui Ă©clairera Vos progrĂšs et vous montrera ce qu’il vous reste Ă  connaĂźtre. Autant il Ă©tait nĂ©cessaire de profiter des ombres de la nuit 542 COMBATS ET ACTIONS PARTICULIÈRES. pour vous approcher et vous emparer des parties extĂ©rieures, autant il y aurait de tĂ©mĂ©ritĂ© Ă  pĂ©nĂ©trer dans l’intĂ©rieur sans voir ce qui s’y trouve ; vous tomberiez dans un vĂ©ritable guĂȘpier, oĂč les plus braves des vĂŽtres perdraient la vie. Munissez-vous de tout ce qui es’t nĂ©cessaire pour faire sauter les serrures et enfoncer les portes; et si, dans votre troupe, il ne se trouvait personne qui sĂ»t manier ces instruments , vous forceriez des ouvriers de rĂ©quisition h vous accompagner. Mais, comme la peur les prendra aisĂ©ment, il faut charger quelques soldats dĂ©terminĂ©s de ne point les perdre de vue. Vous devez apporter aussi quelques Ă©chelles pour pĂ©nĂ©trer, s’il est possible, par les fenĂȘtres, ou jeter des grenades dans l’intĂ©rieur. Vous prendrez des sacs Ă  terre ou de forts plateaux pour masquer les crĂ©neaux, surtout ceux qui sont dans le bas des murs, et que vous ne pouvez emboucher. Enfin vous vous pourvoirez de quelques bottes de paille et de fagots pour mettre le feu h la cassine, si cela devenait nĂ©cessaire. Je ne suppose point que vous ayez du canon, car avec un pareil secours vous auriez bientĂŽt raison de l'ennemi, se fĂ»t- il retranchĂ© dans un chĂąteau-fort. L’attaque est faite par un simple corps d’infanterie. Vous vous approchez en silence jusqu’à ce que vous soyez dĂ©couverts; mais quand les sentinelles vous ont annoncĂ©, et que l’ennemi commence Ă  tirailler, vous vous prĂ©cipitez sur les premiĂšres dĂ©fenses et les abordez sur plusieurs points Ă  la fois pour diviser l’attention de l’ennemi. Une premiĂšre enceinte, une muraille crĂ©nelĂ©e, je le suppose, vous arrĂȘte d’abord; mais en plaçant plusieurs fusils dans chaque crĂ©neau, vous avez trop d’avantage sur le dĂ©fenseur pour qu’il vous rĂ©siste longtemps sur ce point. 11 le quitte bientĂŽt pour se renfermer dans son rĂ©duit. Vous enfoncez la porte du clos pour le suivre, ou vous abattez un pan de mur. Vous voilĂ  au pied de la maison votre premier soin doit ĂȘtre de faire boucher avec les sacs Ă  terre ou les plateaux les C0MUAT9 ET ACTIONS PARTICULIÈRES. 343 crĂ©neaux infĂ©rieurs, et, en mĂȘme temps, d'assaillir les portes pour les enfoncer h coups de haches et de bĂ©liers, ou les enlever de leurs gonds avec les leviers dont vous ĂȘtes munis. Si ces portes ne sont pas appuyĂ©es par derriĂšre, elles seront bientĂŽt renversĂ©es, quelque fortes qu’elles soient. Cependant les plus adroits tireurs visent aux fenĂȘtres pour en chasser tous ceux qui s’y prĂ©sentent, et cela est facile, mĂȘme de nuit, si la maison est Ă©clairĂ©e en dedans; eux-mĂȘmes ont soin de changer de place pour que le coup qu’ils viennent de tirer ne les trahisse pas. Les soldats se rĂ©unissent deux par deux, trois par trois, pour emboucher les crĂ©neaux qui sont Ă  leur portĂ©e, ou pour tirer sans relĂąche contre ceux qu’ils ne peuvent atteindre autrement. Ils se saisissent de ce qu’ils peuvent trouver sous la main, en poutres, plateaux, meubles, pour masquer ceux de ces crĂ©ueaux dont l’effet est le plus Ă  craindre. Pendant que les uns sont ainsi occupĂ©s, d’autres approchent les Ă©chelles et cherchent Ă  escalader les premiĂšres fenĂȘtres que l’ennemi a momentanĂ©ment abandonnĂ©es. Ceux-ci vont Ă  la recherche des issues dĂ©robĂ©es et essayent de pĂ©nĂ©trer par les endroits oĂč l’ennemi est le moins sur ses gardes ; ceux-lĂ  suspendent une forte poutre Ă  un chevalet composĂ© de trois piĂšces liĂ©es ensemble par le haut, et, en brandissant ce bĂ©lier, ils font une brĂšche Ă  la muraille, et fournissent Ă  leurs camarades un nouveau moyen de pĂ©nĂ©trer dans l’intĂ©rieur. La nuit rend ces opĂ©rations faciles. Quand le jour vient Ă©clairer cette scĂšne vous pouvez entrer dans le rez-de-chaussĂ©e et en chasser dĂ©finitivement les dĂ©fenseurs, en renversant les barricades Ă  mesure que vous les dĂ©couvrez. Maintenant ils ont le haut de la maison, et vous tenez le bas. Vous leur offrez la capitulation s’ils l’acceptent tout est fini ; vous traitez vos prisonniers en braves militaires, et vous leur tĂ©moignez d’autant plus d’égards qu’ils ont fait one plus belle rĂ©sistance. Si la capitulation est rejetĂ©e, vous n’irez pas perdre votre temps, et vous exposer Ă  toutes sortes COMBATS ET ACTIONS PARTICULIÈRES. 3 U de dangers en escaladant les Ă©tages supĂ©rieurs dont les escaliers sont probablement rompus ; mais allumant un grand feu au-dessous, vous forcerez ces enragĂ©s h demander merci. Il peut se rencontrer des cas oĂč il faille employer des moyens extraordinaires pour s’emparer d’un semblable poste, mais telle est en gĂ©nĂ©ral la marelie Ă  suivre. Pour dĂ©fendre une cassine, il faut commencer par la mettre en Ă©tat de rĂ©sistance on barricade les portes, et, pour peu qu’on ait du temps, on perce des crĂ©neaux h tous les Ă©tages, en ayant soin de les faire aussi petits que possible, et assez liants pour que l’ennemi ne puisse pas les emboucher. Une banquette, construite en planches posĂ©es sur des tonneaux, sur des meubles ou des chevalets, permettra d’en faire usage depuis le dedans. On pratique aussi des crĂ©neaux Ă  raz-terre ; ils inquiĂštent beaucoup l’ennemi s’il ne songe pas Ă  les masquer. Les angles sont les parties faibles, il faut donc tAcher d’v percer un crĂ©neau, quoique cela soit ordinairement plus difficile qu’ailleurs. On abattra la couverture si elle est de chaume, pour Ă©viter le danger du feu ; et, si elle est en tuiles, on y pratiquera des ouvertures, au moyen desquelles on puisse jeter toutes sortes de choses sur l’ennemi, qui, nichĂ© au bas des murailles, serait Ă  l’abri du feu des crĂ©neaux. Pour Ă©carter l’incendie, qui est de tous les accidents le pire, les planchers seront recouverts d’une couche de terre ou de fumier. Les poutres principales de la charpente seront Ă©tançonnĂ©es, si l’on a du bois sous la main , afin qu’une brĂšche aux murailles n’en entraĂźne pas la chute; et, pour boucher cette brĂšche, on tiendra prĂȘts quelques meubles, tels que buffets, grandes tables, etc. On ouvre enlin le plancher au-dessus de la porte, pour pouvoir percer de baĂŻonnettes les premiers qui se prĂ©senteront Ă  cette porte. Il va sans dire que si la cassine est entourĂ©e d’une muraille de clĂŽture, on la percera de crĂ©neaux, toujours d’aprĂšs les mĂŽmes principes, et qu’on ne se retirera dans la maison qu’aprĂšs avoir dĂ©fendu l’enceinte et fait au dehors toute la rĂ©sistance dont on est capable. COMBATS ET ACTIONS PARTICULIÈRES. 545 L'hisloire offre bien des exemples de postes de cette nature, qui ont Ă©tĂ© dĂ©fendus pendant longtemps, mĂȘme contre des forces trĂšs-supĂ©rieures. Une bande de guĂ©rillas commandĂ©e par un capucin, fut forcĂ©e de se rĂ©fugier dans une vieille tour bĂątie prĂšs du village de San Miguel, sur la rive gauche de la Fluvia. Le moine intrĂ©pide dĂ©fendit ce poste pendant trois jours, bravant le feu de la mousqueterie et de l'artillerie, et l’épaisse fumĂ©e qu’on alluma au pied de la tour pour Ă©touffer la garnison. Les assaillants perdirent une quarantaine d’hommes et eurent beaucoup de blessĂ©s dans l’attaque de cette bicoque. Le manque de vivres et de munition put seul dĂ©terminer le capucin Ă  accepter une espĂšce de capitulation, d’aprĂšs laquelle il descendit du sommet de la tour Ă  l’aide de cordes, tous les planchers intĂ©rieurs ayant Ă©tĂ© dĂ©vorĂ©s par les Uammcs. Il paraĂźt, d’aprĂšs cette relation, que les murs de la tour Ă©taient trĂšs-Ă©pais et qu’elle Ă©tait recouverte d’une voĂ»te en maçonnerie, circonstance extrĂȘmement favorable h la dĂ©fense, mais rare Ă  rencontrer. Voici un autre exemple plus conforme au sujet du texte, et qui est assez instructif pour le rapporter au long, il est tirĂ© du commentaire sur Polybe par Folard, qui est lui-mĂȘme un des acteurs principaux de cette scĂšne Une grande cassine, appelĂ©e la Bouline, s’élevait dans une plaine, prĂšs d’un canal, oĂč les fourrageurs du prince EugĂšne venaient couper de l’herbe pour les chevaux. Le chevalier Folard, qui servait dans l’armĂ©e du due de VandĂŽme, proposa d’occuper cette cassine pour resserrer la droite de l’armĂ©e ennemie et empĂȘcher ses fourrages. Sa proposition fut acceptĂ©e. Je fus tout Ă©tonnĂ©, dit-il lui-mĂȘme, d’y trouver des crĂ©neaux pratiquĂ©s dans l’enclos de la cour, et je jugeai bien que celui qui les avait faits ‱l’était pas un fort habile homme; car, outre qu’ils Ă©taient l rop bas, ils Ă©taient de plus d’un pied de diamĂštre, en sorte ffue ceux du dehors avaient le mĂȘme avantage pour tirer que ceux du dedans, dĂ©faut auquel il Ă©tait impossible de remĂ©dier 346 COMiiATS ET ACTIONS PARTICULIÈRES. sans les fermer, ce qui n’était pas aisĂ© , faute de temps. On mit quatre compagnies dans la cassine, et, Ă  peine les premiĂšres dispositions Ă©taient-elles prises, que l’ennemi se prĂ©senta en grandes forces amenant du canon. Je me jetai dans ce poste, dit encore Folard, au moment oĂč l’on venait de fermer la porte du cĂŽtĂ© du canal. Je trouvai nos gens fort empressĂ©s, car on voyait, malgrĂ© l’obscuritĂ©, les ennemis qui s’avançaient droit Ă  nous. La Tour-Fragnier avait dĂ©jĂ  fait avancer un foudre oĂč l’on fait cuver le vin, contre une seconde porte de l’enclos, ce qui nous mettait en sĂ»retĂ©. Je lui dis qu’il en fallait faire autant Ă  celle du canal. On avait postĂ© La Roque, avec sa compagnie, dans un colombier qui Ă©tait tout ce qu’il y avait de meilleur Ă  dĂ©fendre bravement. 11 y avait six marches de pierre pour y monter, et la porte Ă©tait si petite qu’on ne pouvait y entrer qu’un Ă  un, autre avantage. Il lit monter par une Ă©chelle, Ă  l’étage d’en haut, sept grenadiers pour tirer des fenĂȘtres oĂč il y avait des barreaux de fer, et occupa le bas. VoilĂ  pour celui-ci. Les autres compagnies furent distribuĂ©es aux portes, tout autour du mur de clĂŽture, dans les celliers et dans un poulailler. Les choses Ă©taient dans cet Ă©tat quand les ennemis arrivĂšrent avec du canon ; ils avaient presque tous les grenadiers de l’armĂ©e, du moins quinze cents. Monsieur le prince de Wurtemberg Ă©tait Ă  la tĂšte de celte entreprise, oĂč j’ai tirĂ© plus d’instruction des fautes qui lui sont Ă©chappĂ©es que s’il n’en eĂ»t fait aucune. Pendant qu’on dĂ©telait le canon, qui fut pointĂ© contre la porte opposĂ©e au canal, le prince de Wurtemberg disposa toutes choses pour l’attaque. Trois coups servirent de signal Ă  l’infanterie. La cassine fut enveloppĂ©e de toutes parts, hors du cĂŽtĂ© du cellier, oĂč les ennemis ne prirent pas garde, Ă  cause de la nuit, qu’il y avait une porte cochĂšre, dont une fois maĂźtres ils l’étaient de toute la cassine, hors le colombier et le poulailler; cette faute leur coĂ»ta bon, sans mettre en ligne de compte la honte qui suit toujours les entreprises mal concertĂ©es. COMBATS ET ACTIONS PARTICULIÈRES. 517 Les ennemis furent bientĂŽt maĂźtres de nos crĂ©neaux en Courant cinq ou six fusils dedans, et dans un instant nous fĂ»mes enveloppĂ©s de mille feux et forcĂ©s de nous rĂ©fugier oĂč nous pĂ»mes. Je m’étais jetĂ© sous le portique d’un pressoir, avec vingt ou trente grenadiers de diffĂ©rentes compagnies, tout auprĂšs de la porte du canal, quand je m’aperçus qu'elle Ă©tait attaquĂ©e. Les ennemis, ne pouvant l’enfoncer, commencĂšrent Ă  la couper h coups de haches. Je dis aux grenadiers que la porte n'ayant pas de crĂ©neaux, il fallait tirer h l’endroit oĂč l'on tĂąchait de la rompre. Je les fis reculer d’environ six pas et ils firent grand feu ; les balles, perçant Ă  travers, tuĂšrent ou blessĂšrent la plupart de ceux qui travaillaient Ă  la couper. On ne s’était pas attendu Ă  cette attaque, parce que l’on croyait que les ennemis ne voudraient pas se mettre entre deux feux, car nous avions environ deux cents hommes Ă  notre pont sur le canal. Je m’aperçus bientĂŽt du succĂšs du feu que nous faisions contre la porte, car on la coupait avec moins de vivacitĂ© ; mais, comme elle n’était que de sapin et fort peu Ă©paisse, ils tirent une ouverture h passer deux hommes, assez incommo- dĂ©ment, parce qu’étant faite trop bas, il fallait qu’ils se baissassent pour entrer. Je jugeai, des lors, qu’il Ă©tait temps d’approcher de cette ouverture. Les premiers des ennemis, poussĂ©s par ceux qui les suivaient, se pressaient d’entrer; mais Ă  peine Ă©taient-ils dedans, qu’ils Ă©taient reçus h coups de baĂŻonnettes et Ă©gorges sans misĂ©ricorde et, comme ceux qui les suivaient ne voyaient rien de cette boucherie, ils se pressaient d’entrer pour avoir la gloire d’étre des premiers ; cela dura un certain temps, lorsqu’on s’aperçut d’une autre ouverture qu’ils venaient dĂ©faire Ă  l’autre battant de la porte; les premiers Ă©taient Ă  peine demi-entrĂ©s, qu’ils furent Ă©gorgĂ©s, et ceux-lĂ  bouchĂšrent le trou. Les ennemis, voyant cela, tirent de puissants efforts pour enfoncer cette porte, et ajoutĂšrent des levers, de sorte qu’ils la firent sauter hors de ses gonds. On Put d’abord leur rĂ©sister, mais quand le second battant qui 548 COMBATS ET ACTIONS PARTICULIÈRES. craquait tomba tout d’un coup, on les vit entrer en foule comme un torrent. Je fus blessĂ© et entraĂźnĂ© dans la cour; l’obscuritĂ© me permit de gagner le poulailler sans ĂȘtre reconnu. J’y trouvai une quinzaine de grenadiers qui tiraient sans cesse sur un corps qui Ă©tait en bataille derriĂšre la cassinc. L’ennemi remplissait la cour, et n’ayant pas eu la prĂ©caution d’éteindre les feux que nos soldats y avaient allumĂ©s, nous les visions et les choisissions Ă  la clartĂ© des feux, comme il nous plaisait. Le prince de Wurtemberg, craignant que les secours n’arrivassent, crut qu’en se rendant maĂźtre du colombier le reste ne tiendrait pas longtemps; il le fit attaquer et s’empara facile- - ment du bas; mais les sept grenadiers qui dĂ©fendaient le haut, ne voulurent point se rendre et continuĂšrent leur feu au grand prĂ©judice des attaquants, et il y a lieu de s’étonner que celui-ci, maĂźtre du bas, ne songeĂąt pas Ă  y mettre le feu, ou Ă  le faire sauter en y jetant un baril de poudre, et d’en faire autant au poulailler. C’était ce que nous craignions le plus, et ce qui nous obligea Ă  faire un trou dans le plancher, pour tirer d’en haut sur ceux qui s’aviseraient d’entrer dans l’étage infĂ©rieur, et y en ayant eu un de tuĂ©, on prit cet endroit pour un coupe-gorge, tant la nuit grossit les objets et nous fait paraĂźtre terrible ce qui ne le serait point du tout dans le plein jour. Toute la nuit se passa de. la sorte, et il restait environ une heure de jour quand les secours arrivĂšrent et forcĂšrent le prince de Wurtemberg Ă  abandonner la partie, aprĂšs avoir laissĂ© tout le terrain couvert de ses morts. Il eut sans doute rĂ©ussi s’il n'eĂ»t attaquĂ© qu’une heure ou deux avant jour; et surtout, s’il eĂ»t songĂ© Ă  mettre le feu au bĂątiment; cet oubli est inconcevable de la part d’un homme de guerre tel que le prince. COMBATS ET ACTIONS PAUTICUUÈRES. 349 § 7. - SURPRISE ET ESCALADE D'UN LIEU FORTIFIÉ. I - ' On prend lin lieu fort par surprise quand on parvient Ă  s’y introduire clandestinement en nombre suffisant pour obliger les dĂ©fenseurs Ă  quitter le poste ou Ă  mettre bas les armes. On le prend par escalade, lorsqu’on emploie des Ă©chelles pour franchir ses murailles. Une escalade est rarement tentĂ©e en plein jour et Ă  force ouverte , cependant ce n’est pas sans exemple. Elle se fait plutĂŽt de nuit, parce qu’on a l’espoir de pĂ©nĂ©trer dans les fossĂ©s, et peut-ĂȘtre mĂȘme de dresser les Ă©chelles, avant que les sentinelles aient donnĂ© l’éveil. Si l’escalade se fait de jour, il faut du moins diviser l’attention des dĂ©fenseurs par de fausses attaques dirigĂ©es sur d’autres points. On s’épargne ainsi de grandes pertes. Les Romains, dans ce qu’ils appelaient l'allaque en couronne , posaient lcsĂ©chellessurtoutlcpourtourdc la place,ou du moins dans toutes les parties accessibles, et combattaient partout en mĂȘme temps. Cette mĂ©thode leur a quelquefois rĂ©ussi, mais il est clair qu’elle ne peut ĂȘtre tentĂ©e que dans le cas oĂč les murailles ne sont prĂ©cĂ©dĂ©es que d’un trĂšs-mauvais fossĂ© , ou qu’elles n’en ont pas du tout. Un des plus surs moyens de rĂ©ussir dans la surprise d’une ville , est de se mĂ©nager des intelligences avec l’intĂ©rieur, sinon, de se faire accompagner de quelques guides du pays , parfaitement sĂ»rs, et qui connaissent bien tous les endroits par lesquels on peut pĂ©nĂ©trer sans de trop grandes difficultĂ©s. Ces endroits se trouvent ordinairement dans les parties dĂ©gradĂ©es de l’enceinte , dans les maisons attenantes aux murailles et dont on a nĂ©gligĂ© de fermer les fenĂȘtres par des barreaux , dans les endroits qui donnent sur l’eau et qui, Ă  la longue, se sont comblĂ©s, etc. ; les aqueducs et les Ă©gouts nĂ©gligĂ©s °»t quelquefois permis l’introduction d’hommes armĂ©s Ă  l’insu de la garnison. Mais quand l’ennemi se garde mal, tout est 330 COMBATS ET ACTIONS accessible avec les Ă©chelles ; souvent mĂȘme faut-il choisir de prĂ©fĂ©rence les murailles les plus Ă©levĂ©es, et, en apparence, les moins abordables, parce que c’est probablement lĂ  qu’on trouvera l’ennemi en dĂ©faut, Ă  cause de la sĂ©curitĂ© que lui inspirent ces parties de l’enceinte. C’est ainsi qu’au siĂšge de Badajos, en 1812, les Anglais ont donnĂ© l’escalade aux murailles du chĂąteau qui Ă©taient les plus Ă©levĂ©es delĂ  ville, et ont pĂ©nĂ©trĂ© dans l’intĂ©rieur, pendant que l’attaque, dirigĂ©e sur des brĂšches pratiquĂ©es dans des murailles plus basses, se prolongeait sans succĂšs. On ne doit tenter une escalade que lorsqu’on est bien sĂ»r que les Ă©chelles qu’on a pu se procurer sont d’une longueur suflisante il faut pour cela qu’elles dĂ©passent d’au moins un mĂštre la hauteur des murailles, pour qu’on puisse leur donner du pied, et pour que les cordons en saillie , qui couronnent ordinairement les murs de ville, ne soient pas un obstacle pour l’attaquant. Le duc de Savoie qui, depuis longtemps, mĂ©ditait un coup de main sur GenĂšve , avait fait prĂ©parer des Ă©chelles composĂ©es de plusieurs piĂšces, et qui pouvaient s’allonger suivant le besoin. Il s’en servit dans la nuit du 12 dĂ©cembre 1602, et dĂ©jĂ  un grand nombre de ses soldats Ă©taient dans la ville , lorsqu’un coup de canon , tirĂ© au hasard, brisa les Ă©chelles et donna l’alarme. Tout ce qui Ă©tait entrĂ© fut pris, tuĂ© ou prĂ©cipitĂ© dans les fossĂ©s par les citoyens Ă  demi-velus, et qui, dans cette circonstance , dĂ©ployĂšrent un grand courage. Les Ă©chelles du duc de Savoie , conservĂ©es dans l’arsenal de GenĂšve, ont servi de modĂšle Ă  celles qu’on emploie dans les incendies ; on pourrait en avoir de pareilles dans l’approvisionnement du matĂ©riel qui accompagne les armĂ©es; elles sont facilement transportables, chaque piĂšce n’ayant qu’environ trois mĂštres de longueur. Au moment de l’escalade les Ă©chelles seront couvertes de soldats, il faut donc les Ă©tayer dans le milieu de leur longueur. Cela est d’autant plus nĂ©cessaire qu’on leur donne plus de pied ; sans cette prĂ©caution, elles pourraient se rompre sous COMBATS ET ACTIONS PARTICULIÈRES. 351 la charge. Des soldats exercĂ©s Ă  la gymnastique sont capables d’escalader de hautes murailles avec armes et moyen d’un crochet emmanchĂ© Ă  une perche assez longue pour atteindre le haut du mur. J'ai vu en France les soldats de mon ancien rĂ©giment, le 3 e du gĂ©nie, gravir ainsi les murailles de la citadelle de Montpellier avec la plus grande facilitĂ©. Sans doute que la question change quand la place est dĂ©fendue ; mais cela est excellent pour une surprise ; l’on n’en doit donc pas moins recommander l’exercice de la gymnastique, comme infiniment utile aux armĂ©es. Si ce sont des rochers qu’il faille escalader, c’est en s’aidant des pieds et des mains, en s’accrochant aux buissons, aux racines, en plantant les baĂŻonnettes dans les fentes des rochers , qu’on parvient au sommet. Ces sortes d’escalades sont fort dangereuses quand l’ennemi dĂ©fend le haut, ne fĂ»t- ce que par quelques hommes. Il faut, pour se garantir des pierres qu’ils roulent en bas , faire comme les Français h l’attaque du fort de Scharnitz, prĂšs d’Inspruck ils attachĂšrent leurs havresacs sur leurs tĂštes, et, Ă  l’abri de cette espĂšce de bouclier, ils gravirent les rochers, malgrĂ© les pierres qu’on prĂ©cipitait sur eux. 11 va sans dire que pour tenter la surprise ou l’escalade d’un lieu fortifiĂ©, il faut en avoir la connaissance la plus exacte, tant en ce qui concerne les abords et les fortilications ou moyens de fermeture, que relativement aux rues , h l’emplacement des casernes, des corps-de-garde, de l’arsenal, au logement des principales autoritĂ©s, etc.; il faut connaĂźtre la force-de la garnison, la maniĂšre plus ou moins vigilante dont se fait le service, le caraclĂšre et le talent du chef, si les habitants sont favorables ou contraires ; toutes choses qui doivent influer sur les mesures qu’on aura Ă  prendre. Le secret est l’ñme de toutes les entreprises militaires; mais c’est surtout pour les surprises qu’il est indispensable ; car il est aisĂ© de concevoir que , pour peu que votre projet transpire , l’ennemi se tiendra sur ses gardes, redoublera de vigi- Ô52 COMBATS ET ACTIONS PARTICULIÈRES. lance , et que votre coup sera manquĂ©. Si donc les prĂ©paratifs exigent quelques mesures ostensibles, il faut rĂ©pandre mys- tĂ©rieusement le bruit qu’on se prĂ©pare h une entreprise toute diffĂ©rente de celle qu’on a rĂ©ellement en vue; faire mĂȘme partir quelques petits convois dans une direction opposĂ©e Ă  celle qu’on veut tenir. Cependant les prĂ©paratifs qui peuvent se faire Ă  l’insu de tout le monde sont toujours les meilleurs ; et souvent il est possible de donner, mĂȘme Ă  un trĂšs-grand nombre de personnes, des ordres qui ne sont compris que lorsqu’il est trop tard pour faire jouer les ressorts de la trahison. Le roi de Naples, Joachim Murat, mĂ©ditant d’enlever aux Anglais l’üle de CaprĂ©, qui commande la baye de Naples, et ne pouvant y rĂ©ussir qu’en escaladant les rochers qui la bordent, au moyen d’un trĂšs-grand nombre d’échelles, fit commander tous les allumeurs de falots, et leur enjoignit de se trouver avec leurs Ă©chelles en un lieu indiquĂ© , au jour et Ă  l’heure prescrits; chacun d’eux fut bien surpris de ne s’y pas trouver seul, et ne comprit de quoi il s’agissait qu’en voyant les Ă©chelles partir pour leur destination. Le temps le plus favorable pour une surprise est celui d’une nuit d’hiver, sans clair de lune. On peut ainsi faire une assez longue marche sans ĂȘtre dĂ©couvert, et arriver une heure avant le jour. C’est le moment le plus propice pour l’exĂ©cution , parce que c’est celui oĂč les hommes dorment le plus profondĂ©ment, et que le jour, qui aurait empĂȘchĂ© la surprise , est au contraire nĂ©cessaire pour mener Ă  bonne fin l’attaque commencĂ©e. Si, pendant cette nuit obscure , il fait un -gros vent et de la pluie, on est encore plus sĂ»r de rĂ©ussir, parce que le bruit du vent, surtout quand il vient Ă  vous, couvre le cliquetis des armes et le bruissement inĂ©vitable d’une troupe en mouvement. La pluie est contraire aux mesures de vigilance ; elle transit les sentinelles et rend les patrouilles paresseuses. Lorsqu’avec ce concours de circonstances on a pu choisir un jour oĂč la garnison s’est livrĂ©e Ă  quelque rĂ©jouissance, et oĂč par consĂ©quent les soldais, ayant bu plus que de coutume, se- COMBATS ET ACTIONS PARTICULIÈRES. l'onl disposĂ©s Ă  la nĂ©gligence , on aura toutes les chances de succĂšs. Il est extrĂȘmement important de pouvoir se reconnaĂźtre dans l’obscuritĂ©; ainsi donc, outre le mot et le signe au moyen desquels les soldats montrent Ă  quelle troupe ils appartiennent , on fera portera chacun une marque bieu visible, telle que du papier au shako , un mouchoir blanc autour du bras, ou la chemise liĂ©e en ceinture autour du corps, etc. C’est l’usage de mettre la chemise par dessus l’armure, pour se reconnaĂźtre de nuit, qui a fait donner le nom de camisade s aux attaques par surprise. Ou se munit de pĂ©tards, de haches et de leviers pour enfoncer les portes ; de poutres et d'Ă©chelles pour renverser ou escalader les murailles. 11 faut de plus des claies et des fascines, si l’on doit rencontrer des fossĂ©s bourbeux avec les claies on se fait aisĂ©ment un passage sur la vase Ă  demi-liquide; des planches larges peuvent les remplacer. Avec les fascines on comble les mares, les petits fossĂ©s ou cuneiies qu’on trouve sur son chemin. Tout cela est portĂ© Ă  bras d’hommes depuis la derniĂšre halte les chariots et les bĂȘtes de somme pourraient vous faire dĂ©couvrir; on les laisse donc Ă  une certaine distance, et depuis lĂ  on s’approche en silence avec toutes les prĂ©cautions possibles pour n’ùtre pas dĂ©couvert ; en particulier on ne permet pas aux soldats d’allumer leurs pipes, le feu se voyant de trĂšs-loin pendant la nuit. Chacun doit d’au- huitplus restera son poste, qu’il aurait beaucoup de peine Ă  le retrouver quand il l’aurait quittĂ©. Si l’on rencontre quelque chien dont les aboiements pourraient donner l’éveil, il faut tĂącher de s’en dĂ©livrer en se servant de toute autre chose l u e d’une arme Ă  feu. Les dispositions d’attaque doivent varier suivant les circonstances; mais, en gĂ©nĂ©ral, il est bon de partager la troupe en trois parties , la premiĂšre pour pĂ©nĂ©trer dans la ville , la ^coiide pour rester eu rĂ©serve au dehors et protĂ©ger la redite en cas de malheur, et la troisiĂšme pour prendre posi- 23 ,>54 COMBATS HT ACTIONS [' tion du cĂŽlĂ© oĂč les secours pourraient arriver Ă  l’ennemi. Quand la premiĂšre division a pĂ©nĂ©trĂ© dans la ville, par escalade ou autrement, elle s’empare de suite des contours des quartiers adjacents et de l’issue des principales rues, pendant que des dĂ©tachements courent aux portes pour les ouvrir aux troupes du dehors, aprĂšs avoir pris ou tuĂ© les gardes. AussitĂŽt que les portes seront ouvertes, et que vous serez en nombre, vous vous rĂ©pandrez dans la ville, aprĂšs avoir laissĂ© toutefois de bonnes rĂ©serves sur les points dĂ©signĂ©s pour la retraite en cas d’échec, ^ous vous rendrez Ă  la fois chez le commandant de la place, aux casernes, Ă  l’arsenal, aux corps- de-garde de l’intĂ©rieur, pour empĂȘcher, s’il est possible, la rĂ©union des dĂ©fenseurs, et paralyser leurs efforts en vous emparant du chef qui doit les diriger. Si vous laissez Ă  l’ennemi le temps et les moyens de revenir de sa stupeur et de se concentrer dans l’intĂ©rieur de la ville, vous courrez le risque d’ĂȘtre chassĂ©s, parce que vous ĂȘtes faibles partout, dans le grand nombre de points que vous occupez. Ainsi, sans parler du fameux exemple de CrĂ©mone, connu de tout le monde, oĂč le prince EugĂšne, dĂ©jĂ  maĂźtre d’une grande partie de la ville, et aprĂšs s’ĂȘtre saisi du marĂ©chal de Villeroi, fut nĂ©anmoins obligĂ© d’abandonner sa proie, nous pouvons citer, Ă  l’appui de ce qui prĂ©cĂšde, et pour prouver que tout n’est pas perdu pour le dĂ©fenseur quand l’ennemi n’est encore maĂźtre que des postes extĂ©rieurs, l’exemple plus rĂ©cent de la surprise de Berg-op-Zoom en 4844 le gĂ©nĂ©ral anglais Sir Graham, informĂ© que la garnison d’une aussi grande place Ă©tait hors de proportion avec l’étendue de ses fortifications , que les fossĂ©s Ă©taient gelĂ©s , et que la population Ă©tait mal disposĂ©e pour les Français, mĂ©dita un coup de main pour le 8 mars. Le gĂ©nĂ©ral Bizannet commandait dans la place. Graham partagea sa troupe en quatre colonnes, et commença l’attaque Ă  dix heures du soir. Une des colonnes, qui devait servir de rĂ©serve, se prĂ©senta Ă  la porte de Steenbergen, pendant qu’une autre, aux ordres des gĂ©nĂ©raux Skerret et Gorre, COJIIIATS ET ACTIONS PAR ,">30 pĂ©nĂštre dans le port, file le long des remparts et se rend maĂźtresse de la porte d’Anvers. Les deux autres colonnes se joignent Ă  eux, aprĂšs avoir passĂ© les fossĂ©s sur la glace et escaladĂ© le bastion d’Orange. Mais la garnison n’avait pas tardĂ© Ă  se rassembler, et, quoique forcĂ©e d’abandonner aux Anglais toute la partie gauche du port, elle les repoussa nĂ©anmoins pendant la nuit de tous les autres points, et, quand le jour parut, les voyant confinĂ©s dans celte partie de l’enceinte, elle marcha sur eux. Trois colonnes balayent le rempart et refoulent les assaillants vers la porte d'eau, oĂč la mitraille, Ă  laquelle ils ne peuvent rĂ©pondre, les force Ă  mettre bas les armes. Le gĂ©nĂ©ral Cook fit encore rĂ©sistance dans le bastion d’Orange Ă  la faveur des palissades, mais il dut aussi se rendre aprĂšs une lutte sanglante. La perte des Anglais fut considĂ©rable. Les fautes commises par l’attaquant sont 1° d’avoir commencĂ© trop tĂŽt il a trouvĂ© tous les officiers de la garnison sur pied; 2° de n’avoir pas abattu le pont-levis poftr ouvrir la porte d'Anvers aux troupes du dehors, qui restĂšrent spectatrices du dĂ©sastre quand la marĂ©e montante empĂȘcha de porter secours, et ĂŽta tout moyen de retraite Ă  ceux qui Ă©taient dedans; 5° de s'ĂȘtre trop divisĂ© en se portant Ă  droite et Ă  gauche du pont, et en s’étendant sur un trop grand dĂ©veloppement. Le dĂ©fenseur combattit toujours du fort au faible ; 'lavait sur les Anglais l’avantage de la connaissance exacte des localitĂ©s et de nuit cet avantage est grand, d’une artillerie Lieu servie et d’une concentration naturelle. On conçoit combien les ordres doivent ĂȘtre circonstanciĂ©s dans une opĂ©ration de cette nature, pour que chacun sache ce qu’il a Ă  faire. MalgrĂ© cela, il est bien difficile qu’il ne s'introduise pas de la confusion et du dĂ©sordre parmi les troupes as saillantes, les chefs ne pouvant, pendant la nuit, voirie ma] ei le prĂ©venir Ă  temps. Aussi est-ce folie que de tenter de Pareilles entreprises quand on a affaire Ă  une troupe nom- lieuse et aguerrie, ayant avec elle ce que la nature tnĂȘme V Ăą'ifĂź COMBATS ET ACTIONS PARTICULIÈRES. de l’opĂ©ration ne permet pas de conduire avec soi, du moins dans les premiers moments, de la cavalerie et de, l’artillerie. Quand une fois l’alarme est rĂ©pandue dans la ville, il est bon de dĂ©tourner l’attention des dĂ©fenseurs par de fausses attaques, oĂč l’on fait grand bruit, bien qu’on n’y emploie que peu de monde. Un dĂ©tachement de cavalerie peut servir utilement Ă  cet effet, parce qu'en se portant r ’ nt autour des murs il se multiplie aux yeux de la garnison. S’il est possible d’entrer par plusieurs endroits Ă  la fois, comme les Anglais Ă  Berg-op-Zoom, cela vaut toujours mieux, parce que si une colonne est repoussĂ©e, l’autre peut avoir du succĂšs ; et, dans tous les cas, l’ennemi Ă©tant obligĂ© de se partager, offre moins de rĂ©sistance. Quelquefois les fausses attaques rĂ©ussissent, quand les vĂ©ritables sont repoussĂ©es alors les rĂŽles changent. Quoiqu’il en soit, les diverses colonnes doivent toujours avoir pour but de s’appuyer mutuellement; sans cela, l’attaque est dĂ©cousue et n’a que peu de chances de succĂšs. Quand la troupe est maĂźtresse de l’enceinte, et qu’elle pĂ©nĂštre dans l’intĂ©rieur de la ville, les chefs doivent faire tous leurs efforts pour la tenir rĂ©unie et empĂȘcher les soldats indisciplinĂ©s de se jeter dans les maisons pour s’y occuper de toute autre chose que du combat. Uappclons-nous que lu ville n’est point en notre pouvoir tant qu’il reste quelque part un foyer de rĂ©sistance ; jusque-lĂ , nous n’avons pas trop de tous nos moyens pour assurer le succĂšs. D'ailleurs les dĂ©sordres que commettent des soldats dĂ©bandĂ©s ne doivent jamais ĂȘtre tolĂ©rĂ©s ; ils souillent les plus beaux triortiphcs. Puisque c’est au moyen des Ă©chelles que les lieux fortifiĂ©s peuvent ĂȘtre enlevĂ©s, les dĂ©fenseurs doivent prĂ©parer tout ce qui peut servir Ă  les briser ou les renverser. Ils auront sur les parapets, ou du moins dans les parties les plus accessibles, de grosses poutres rondes, retenues pardes cordes, et qui, lorsque ces cordes seront subitement coupĂ©es, rouleront sur les assaillants, les Ă©craseront et briseront les Ă©chelles. Ils tien- droĂźif prĂšs des remparts, dans des hangars toujours ouverts, COMBATS ET ACTIONS PARTICULIÈRES. 557 des fourches et des crochets au moyen desquels on puisse repousser les Ă©chelles, des laux emmanchĂ©es pour balayer les parapets. On s’approvisionnera aussi de balles ardentes pour Ă©clairer les fossĂ©s, au moment de l’attaque. Les parties les plus basses des murailles seront, autant que possible, fraisĂ©es au sommet. Mais ce qui vous mettra le mieux Ă  l’abri du danger des surprises, c’est une exacte vigilance qui, bien loin de se ral- lcniir dans les nuits orageuses, doit redoubler d’activitĂ©, puisque ces moments sont ceux que l’ennemi choisit de prĂ©fĂ©rence pour faire ses coups. 11 faut que des rondes frĂ©quentes tiennent les postes Ă©veillĂ©s, et que les sentinelles, de quart d’heure en quart d’heure, fassent courir ce cri, que l’une transmet a la suivante tout autour des murs Sentinelles, prenez garde Ă  vous ! Ce n’est pas assez des rondes faites par les subalternes, le commandant ira lui-mĂȘme, Ă  des heures diffĂ©rentes, voir par scs propres yeux si tout se passe comme il l’entend. Les jours de marchĂ©, on mettra des paysans aux portes pour reconnaĂźtre ceux qui entrent, et s’assurer que ce ne sont pas des soldats dĂ©guisĂ©s. On ne permettra point aux eharriots de s'arrĂȘter ni aux portes, ni sur les ponts; on les lcra filer un Ă  un ; on fera mĂȘme bien de n’en point laisser approcher, qu’on n’ait vu ce qu’ils portent, et qu’on n’ait reconnu que ce sont bien rĂ©ellement des paysans des environs qui les amĂšnent. On sait que , plus d’une fois, on a introduit par ces moyens des soldats dans les villes qu’on voulait surprendre, lesquels, restant cachĂ©s jusqu’à l’heure convenable, s’emparaient d’une porte et l’ouvraient aux troupes lui s’étaient avancĂ©es pendant la nuit. Un charriot, renversĂ© a dessein, a souvent sulli pour empĂȘcher un pont-levis de Jouer, et pour donner le temps Ă  un corps, embusquĂ© dans 1° voisinage, d'accourir et de surprendre la place. Les fossĂ©s remplis d’eau sont sans doute une grande garante contre le danger des surprises ; il ne faut cependant pas COMBATS ET ACTIONS PARTICULIÈRES. ĂŽoK trop s’y lier, ni se garder avec moins de soins ; car l’ennemi peut franchir ces fossĂ©s avec des claies, des radeaux et mĂȘme des bateaux, qu’il aurait fait approcher pendant la nuit et transporter Ă  bras d’hommes jusqu’aux fossĂ©s. Rien n’est impossible Ă  une volontĂ© forte, et ce que l’entreprise a d’extraordinaire et d’inattendu, est prĂ©cisĂ©ment ce qui la fait rĂ©ussir. Dans l’hiver ces fossĂ©s sont trĂšs-dangereux, parce qu’ordi- nairement les murailles qu’ils baignent ont peu de hauteur; l’eau venant Ă  se geler, l’ennemi a une grande facilitĂ© de livrer l’escalade. Il faut donc casser la glace tous les jours, et se bien tenir sur ses gardes. On ne surprend pas une garnison qui veille et fait rĂ©guliĂšrement son service ; on ne songe guĂšre Ă  enlever par escalade les murailles qu’elle occupe. § 8. — RĂ©flexions sur les ManƓuvres. AprĂšs avoir parlĂ© des diverses actions de guerre oĂč les manƓuvres rĂ©glementaires trouvent leur application , il n’est pas hors de propos, en terminant ce chapitre, de prĂ©senter quelques rĂ©flexions sur les manƓuvres elles-mĂȘmes, pour en faire comprendre l’esprit. Les caractĂšres d’une bonne Ă©volution sont ; 1° La promptitude car, tant que la manƓuvre dure , la troupe est dans un Ă©tat de crise ; il faut qu’elle en sorte le plus promptement possible. 2° La facilitĂ© , afin que les chefs et les soldats l’exĂ©cutent, pour ainsi dire, sans y penser. Une manƓuvre difficile amĂšne la confusion, et la confusion entraĂźne les dĂ©routes. Qui dit facilitĂ©, dit en mĂȘme temps simplicitĂ©. Une manƓuvre ne peut pas ĂȘtre facile si elle n’est simple. 5° La sĂ»retĂ©; c'est-Ă -dire que si l’ennemi vient Ă  se prĂ©senter inopinĂ©ment dans une pĂ©riode quelconque de rĂ©volu- COMBATS ET ACTIONS l'AUTICULlÈUKS. 58 COMBATS ET ACTIONS PARTICULIÈRES. en effet, par la direction, que l'on fixe le point oĂč chaque bataillon doit se porter dans une manƓuvre , pour coopĂ©rer Ă  une opĂ©ration dĂ©terminĂ©e. Si la direction n’est pas suivie, le bataillon qui s’en Ă©carte manque son but, ou se jette sur un bataillon voisin, en mĂŽme temps qu'il laisse de l’autre cĂŽtĂ© un espace qui s’agrandit toujours, et dont l’ennemi peut profiter. Il rĂ©sulte de lĂ  un dĂ©sordre toujours fĂącheux. On a vu souvent une attaque cchouer parce que les troupes qui en Ă©taient chargĂ©es, n’ayant pas conserve leurs directions, avaient aussi perdu leurs intervalles, Ă©taient arrivĂ©es dĂ©cousues, croisĂ©es, brouillĂ©es, et hors d’état de se dĂ©ployer promptement, devant l’ennemi, au moment opportun. Quand on marche, c’est pour avancer; il ne faut donc pas, dans l’intention de conserver l’ordre strict et l’alignement rigoureux , arrĂȘter la troupe, la faire piĂ©tiner cela fatigue et ne mĂšne h rien de bon. Que vos drapeaux, vos guides s’avancent dans les directions qui leur sont prescrites , d'un pas ferme et rĂ©glĂ© ; qu’ils conservent leurs distances et leurs alignements entre eux, le reste suivra ; il y aura toujours assez d’ordre tant que la troupe restera unie et marchera du mĂȘme pas. C’est pour se former Ă  ces principes qu’il est nĂ©cessaire de conduire quelquefois les bataillons en promenade militaire, et de leur faire exĂ©cuter les manƓuvres dans les terrains accidentĂ©s, semĂ©s d’obstacles de tout genre. Il est un cas oĂč il est permis, je dis plus, oĂč il est nĂ©cessaire de sortir du pas cadencĂ© et rĂ©glĂ© ; c’est celui oĂč il s’agit de franchir rapidement un espace limitĂ© , pour arriver avant l’ennemi sur quelque point important, pour se dĂ©ployer plus promptement que lui et commencer le feu pendant qu’il est encore en marche , pour se porter inopinĂ©ment sur un de ses flancs , etc. Alors il faut donner au pas toute la vitesse possible , prendre vĂ©ritablement le pas de course , avec la seule attention de conserver assez d’ordre pour ne pas aller Ă  la dĂ©bandade, et que les corps ne se mĂȘlent point. On n’assujĂ©tit le soldat ni Ă  la cadence, ni Ă  la mesure du pas ; chacun se COMBATS ET ACTIONS PARTICULIER FS. 50 > ItĂ tc d’avancer et n’a d’autre soin que de ne pas se laisser dĂ©passer, ni de sortir soi-mĂšme du rang. Il scraii bon d’exercer quelquefois la troupe au pas de course , pour l’accoutumer Ă  l’espĂšce de confusion qui en rĂ©sulte. Elle pourrait se troubler si ou le lui faisait prendre pour la premiĂšre fois sur le champ de bataille , et trĂšs-certainement elle l’exĂ©cuterait mal. Une chose qui se pratique rarement aux exercices, et qui cependant est bien importante Ă  la guerre, c’est le ralliement au drapeau, dans la supposition que le balailion, aprĂšs avoir Ă©tĂ© culbutĂ©, cherche de nouveau h se rassembler pour recommencer le combat. Ce quia la bataille deNeueneck a fait beaucoup d'honneur aux Bernois et les a portĂ©s trĂšs-haut dans l’estime de leurs ennemis mĂȘmes, c’est celte persĂ©vĂ©rance avec laquelle ils se sont ralliĂ©s, Ă  plusieurs reprises, pour soutenir les charges rĂ©itĂ©rĂ©es de tronpes plus nombreuses, mieux exercĂ©es et aussi braves qu’eux. C’est ainsi qu’on parvient Ă  sauver l’honneur, mĂȘme au milieu d’une dĂ©faite; c’est ainsi qu’on fait payer cher au vainqueur les lauriers dont il se pare. Bien ne relĂšve tant une nation, et surtout une nation faible, qu’une bataille longuement disputĂ©e, oĂč les diffĂ©rents corps ont rivalisĂ© de courage et de constance pour ne cĂ©der que pied Ă  pied un terrain couvert de morts et de dĂ©bris. Mais au contraire, si, aprĂšs un simulacre de rĂ©sistance, l’armĂ©e nationale quitte le champ de bataille, de quelque prĂ©texte qu’elle cherche Ă  colorer sa conduite, qu’elle la dĂ©core du beau nom le prudence, qn’elle la montre comme un rĂ©sultat de la nĂ©cessitĂ©, elle sera perdue Ă  jamais de rĂ©putation, on la mĂ©prisera, et l’on sera toujours prĂȘt Ă  sacrifier le pays, qu’elle a si n *al dĂ©fendu. Il est donc important de faire connaĂźtre aux soldats, de finelle nĂ©cessitĂ© il est pour eux et pour la cause qu’ils dĂ©fendent, de se grouper autour de leurs chefs, tant que le drapeau, Ce signe sacrĂ© du ralliement, flotte dans les airs. Il faut leur Cn seigner Ă  courir d’eux-mĂȘmes pour prendre leur place dans 2i 570 COMBATS HT ACTIONS PARTICULIÈRES. les rangs qui se reforment, et Ă  renouveler le combat lors mĂȘme qu’ils se trouveraient, momentanĂ©ment, sous d’autres officiers que les leurs. Il faut les accoutumer de bonne heure Ă  l’idĂ©e qu’ils doivent sacrifier leur vie pour sauver leur drapeau ; que la honte est attachĂ©e Ă  sa perte, et qu’il appartient aux plus braves de le porter et de le couvrir dans le combat. Les honneurs que l’on rend au drapeau ne sont point une vaine cĂ©rĂ©monie ; ils sont faits pour inspirer le respect que tout militaire doit Ă  ce signe de vaillance et de dĂ©vouement. Voyez les vieux guerriers se dĂ©couvrir devant les enseignes qui les ont souvent conduits h la victoire; ils se glorifient, comme de leurs propres blessures, des traces qu’y ont laissĂ©es les boulets ennemis; ils ont en vĂ©nĂ©ration ces lambeaux qui ont survĂ©cu Ă  vingt batailles. Les devises qui y sont inscrites sont leurs litres de noblesse ; elles leur rappellent de grands et de glorieux souvenirs ; aussi mettent-ils plus de prix Ă  ces marques Ă©clatantes et si bien' mĂ©ritĂ©es de leurs services, qu’à tous les biens dont les autres hommes sont si avides. CHAPITRE VIII. Des Reconnaissances. Les reconnaissances se distinguent en reconnaissances de l’ennemi on reconnaissances Ă  main armĂ©e, et reconnaissances du terrain ou reconnaissances topographiques. Nous parlerons des unes et des autres, bien que les derniĂšres ne se rattachent fpi’indirectement h la tactique. § 1, —. reconnaissances a main armĂ©s. Les reconnaissances Ă  main armĂ©e sont des opĂ©rations de guerre qui ont pour objet de se procurer des renseignements sur la position et la force des corps ennemis, afin d’agir suivant les circonstances. Tant qu’on ignore ces choses, on ne peut prendre aucune mesure d’attaque ou de dĂ©fense bien concertĂ©e ; si l’on marche, ce n’est qu’au hasard et comme Ă  tĂątons ; on risque de tomber dans des embuscades, ou dĂ© foire Ă  faux quelque mouvement offensif ; on peut, d’un moment Ă  l’autre, ĂȘtre attaquĂ© Ă  l’improviste. Il faut donc non- seulement tĂącher de connaĂźtre au juste la composition, la force et l’emplacement des divers corps qui composent l’armĂ©e e »nemie, mais encore ĂȘtre informĂ© de leurs divers mouvements ou simples dĂ©placements, pour en tirer des inductions sur les projets du commandant en chef, et se mettre en garde eontre ses entreprises. Avant tout, on recueille tous les renseignements qu’il est P°ssible de se procurer par la correspondance et l’espionnage, Par les dĂ©serteurs ou les voyageurs. On en dresse des tableaux Il K S R K C t N N A1S S A N C K S. 572 ii compartiments, dont les cases peuvent ĂȘtre facilement renouvelĂ©es, suivant les changements que nĂ©cessitent les nouvelles informations. Avec ces notes et une bonne carte, sur laquelle on pique la position des corps, en les dĂ©signant par des numĂ©ros ou des couleurs de convention, on parvient Ă  se faire une idĂ©e assez nette de la force et de remplacement des corps ennemis. Mais quand on en est trĂšs-rappro- chĂ©, il faut s’assurer, chaque jour, que les positions de la veille n’ont pas Ă©tĂ© changĂ©es, que des mouvements n’ont pas en lieu, soit pour opĂ©rer quelque concentration, soit pour se retirer sur quelqu'autre point. Ie lĂ  la nĂ©cessitĂ© des reconnaissances Ă  main armĂ©e, qui, souvent, sont des actions trĂšs- meurtriĂšres. L’usage, gĂ©nĂ©ralement adoptĂ©, de se couvrir par des avant- postes nombreux qui dĂ©tachent une nuĂ©e de tirailleurs, empĂȘche ordinairement de dĂ©couvrir les camps de l’ennemi et encore plus de voir ses dispositifs d’attaque et de dĂ©fense. Il faut donc, pour sortir de cette obscuritĂ©, pousser une reconnaissance qui, perçant le rideau de troupes lĂ©gĂšres dont l’ennemi s’enveloppe, et refoulant les avant-postes, parvient jusqu’au point d’oĂč l’ollicier, chargĂ© de cette tĂąche, peut voir clairement l’armĂ©e ennemie, apprĂ©cier les avantages ou les inconvĂ©nients de la position qu’elle occupe, compter les bataillons, juger de ses moyens de rĂ©sistance; si elle s’est retranchĂ©e; si elle a reçu des renforts d’artillerie; si le terrain est ou n’est pas favorable Ă  la cavalerie; oĂč celle-ci est campĂ©e, etc. Ces diffĂ©rents objets doivent ĂȘtre saisis avec la promptitude d’un Ɠil exercĂ©, car la pointe qu’on vient de faire ayant mis tout le monde sur pied, on va avoir alfa ire Ă  des forces supĂ©rieures, et il faudra au plus tĂŽt quitter la place. Mais le but est atteint, puisqu’on a ainsi forcĂ© l’ennemi Ă  sortir des lieux qui le masquaient et Ă  dĂ©ployer ses forces. On sait maintenant lout ce qu’on voulait savoir ; il n’y a plus qu’h rentrer au camp, cl au plus vile, pour ne pas s’exposera se voir couper la retraite. DES RECONNAISSANCES. 375 De pareilles reconnaissances prĂ©cĂšdent ordinairement les batailles. Par leur moyen, le gĂ©nĂ©ral s’assure du vĂ©ritable Ă©tat des choses avant de donner ses derniers ordres ; il voit si les corps ennemis ont bien la position qu’il leur assignait d’aprĂšs les rapports qu’il avait reçus, s’ils se prĂȘtent un appui mutuel, s’ils sont trop dissĂ©minĂ©s, si leurs ailes sont en l’air, etc. En marche, c’est l’avant-garde qui reconnaĂźt l’ennemi. Quelquefois la reconnaissance n’a pour objet que de dĂ©couvrir si un point est solidement occupĂ©, si un pont sur lequel on doit passer, n’a point Ă©tĂ© rompu, si un dĂ©filĂ© est fortifiĂ©, si l’ennemi a du canon dans tel endroit, s’il est dans telle ville, s’il suit telle ou telle route aprĂšs une bataille perdue, etc. Dans ces cas particuliers, la reconnaissance est moins nombreuse et se compose le plus souvent de cavalerie, pour que sa marche soit plus rapide. Mais quand il doit y avoir engagement, qu’on prĂ©voit de la rĂ©sistance, on y fait concourir toutes les armes, cl on en donne le commandement Ă  un ollicier expĂ©rimentĂ©. Celui-ci reçoit ordinairement une instruction Ă©crite sur le but de la reconnaissance. Il doit s’en bien pĂ©nĂ©trer, et se faire donner toutes les explications qu’il juge nĂ©cessaires, avant d’exĂ©cuter ses ordres. Il se munit d’une bonne carte, d’une lunette, et de tout ce qu’il faut pour Ă©crire et mĂȘme pour faire le croquis des positions de l’ennemi. 11 s’assure de deux ou trois habitants du payspĂŽur lui servir de guidesetrĂ©pondre Ă  toutes les questions qu’il aura Ă  leur faire sur le nom et la grandeur des villages, la nature des communications, l’étendue des bois, les circonstances des cours d’eau et du terrain, etc. 11 doit encore se faire accompagner d’un ollicier qui sache la langue tin pays et lui serve d’interprĂšte. Le mieux est, lorsque lui- m ĂȘme la sait assez pour comprendre ce qui se dit et adresser quelques questions. En tin, le commandant d’une reconnaissance doit, avant de partir, passer l’inspection de la troupe qui lui est confiĂ©e, pour s’assurer du bon Ă©tal des armes et des Munitions. 374 DES RECONNAISSANCES. Le dĂ©tachement chargĂ© de pousser la reconnaissance, quelque nĂ©cessitĂ© qu'il y ait Ă  ce qu’il arrive promptement Ă  sa destination, ne devra cependant marcher que prĂ©cĂ©dĂ© d’une avant-garde proportionnĂ©e Ă  sa force, et d’éclaireurs qui fouillent les chemins creux, les bois, les villages et tous les endroits ou l’ennemi pourrait se cacher. Ils doivent arrĂȘter toute personne qui voudrait les dĂ©passer et qui pourrait donner avis de la marche. Quand le dĂ©tachement traverse nn village , le commandant s"y arrĂȘte quelques minutes pour prendre des renseignements sur la position de l’ennemi. S’il soupçonne qu’on veuille le tromper, il se fait donner des Ă©tages, et il ne les relĂąche que lorsqu’il s’est assurĂ© qu’on lui a dit la vĂ©ritĂ©. Mais il ne doit pas prolonger trop longtemps ses interrogatoires, de peur que l’ennemi, prĂ©venu de son arrivĂ©e, ne prenne des mesures pour faire Ă©chouer l’expĂ©dition. Le chef portera une attention particuliĂšre Ă  toutes les circonstances du terrain qu’il traverse, afin de dĂ©terminer d'avance les points sur lesquels il pourrait se retirer et oĂč il ferait rĂ©sistance, dans le cas oĂč il serait obligĂ© de combattre en retraite. Il s'arrĂȘtera Ă  la croisĂ©e des chemins pour questionner les guides sur leur direction et leurs aboutissants. Il vĂ©rifiera si la carte, ou le plan topographique dont il est muni, est bien conforme aux localitĂ©s. Pour se faire une idĂ©e nette du pays, et s’y reconnaĂźtre quand il rentrera, il doit se retourner souvent. Le dĂ©tachement reste rĂ©uni, autant que possible, pendant la marche, afin d’ëtre toujours Ă  mĂȘme de soutenir une attaque et de culbuter les premiers postes qu'on rencontrera. Il ne faut donc pas que le corps principal perde de vue son avant-garde, ni celle-ci ses Ă©claireurs ; et, si l’on marchait de nuit, il faudrait mĂȘme les retirer, parce qu’ils deviendraient inutiles, ou du moins les rapprocher assez pour entendre leurs pas. Il faut, dans cette circonstance, s’arrĂȘter souvent pour prĂȘter l’oreille. On n’entre dans les villages que lorsqu’on n’a rien entendu qui puisse Ă©veiller le soupçon, et que les deux ou UES RECONNAISSANCES. 375 Irois hommes qu’on y a envoyĂ©s pour les explorer, sont venus dire qu’ils n’ont rien aperçu. Quand la longueur du chemin force Ă  faire une halte, il faut la faire derriĂšre un bois ou quelque pli de terrain qui cache la troupe. Des sentinelles, placĂ©es dans le bois ou sur la hauteur, de maniĂšre Ă  dĂ©couvrir la campagne sans ĂȘtre vues, avertiront de tout ce qui se passe. Des vedettes seront postĂ©es, Ă  une plus grande distance, sur les chemins du cĂŽtĂ© de l’ennemi; on les mettra doubles pour que l’une puisse quitter et venir informer le commandant de ce qui mĂ©rite son attention, pendant que l’autre reste en observation. Si l’on doit s’arrĂȘter prĂšs d’un village pour prendre quelque nourriture , la troupe le traversera et ira s’établir en avant du cĂŽtĂ© de 1’ ennemi, pour ne pas le lui laisser dans le cas d’une surprise. Le commandant se fera apporter des vivres par les habitants, et les distribuera, sans permettre Ă  personne de s’établir dans les maisons, pas plus aux olliciers qu’aux soldats. Il mettra une garde Ă  l’entrĂ©e du village pour que cet ordre soit rigoureusement observĂ©, et pour appuyer la rĂ©quisition qu’il est obligĂ© de frapper pour avoir ces vivres. Le mieux cependant est de les payer, quand cela est possible. Tant que l’objet de la reconnaissance n’est pas rempli, il faut pousser en avant, sans crainte de se compromettre ; le dĂ©tachement est assez fort pour aborder franchement toute troupe qui se prĂ©sente ; c’est du moins ce que nous supposons dans ce cas. Il est d’autres reconnaissances, faites par de petits dĂ©tachements, oĂč l’on emploie plutĂŽt la ruse que la force pour dĂ©couvrir ce qu’on cherche, et oĂč, par consĂ©quent, on doit Ă©viter un engagement qui pourrait faire manquer l’ex- PĂ©dition. Dans une forte reconnaissance, au contraire, oĂč l’on a prĂ©cisĂ©ment pour but de pĂ©nĂ©trer jusqu’aux positions de 1 ennemi, on ne doit pas se laisser arrĂȘter par la rencontre fortuite d’une troupe sur laquelle on ne comptait pas ; mais, Profitant de cette bonne fortune, on culbute la troupe aven- orĂ©e, on lui fait des prisonniers qui donnent d’utiles rensei- [>liS 57ĂŒ 4 gnements, et on la mĂšne battant jusqu’aux avant-postes, oĂč sa dĂ©roule jette l’alarme. La ligne est bientĂŽt percĂ©e, et l’on ne tarde pas Ă  voir les corps ennemis se dĂ©ployer pour repousser l’attaque. C’est ainsi qu’on les force Ă  se montrer. Le commandant doit, en ce moment, chercher quelque point Ă©levĂ©, d’oĂč il puisse dĂ©couvrir le terrain et se faire une idĂ©e, soit de la position en elle-mĂȘme, soit de la maniĂšre dont elle est occupĂ©e, ainsi que de la force et de la composition des troupes ennemies. Il fait, ou fait faire, par les officiers qui l’accompagnent, un rapide croquis du terrain et de la position de l’ennemi. Mais qu’on n’aille pas , dans l’ivresse du premier succĂšs , poursuivre inconsidĂ©rĂ©ment les fuyards, et, perdant de vue l’objet de la mission, s'engager h tel point, qu’il ne soit plus possible de se retirer. Il faut au contraire savoir s’arrĂȘter Ă  propos et sonner la retraite, mĂȘme au milieu du combat le plus heureux, quand une fois on a vu ce qu’on voulait voir. C’est ici que la prudence doit guider le courage, et le sang- froid prĂ©sider Ă  toute l’opĂ©ration. Ajoutons que le chef du dĂ©tachement en reconnaissance Ă©vitera d’en venir aux mains toutes les fois que cela le dĂ©tournerait de son but ; car sa mission n’est pas de faire essuyer des pertes Ă  l’ennemi, mais de dĂ©couvrir ses projets et de prendre une idĂ©e juste de sa position. Sur la route directe, qu’il attaque, qu’il renverse les postes ennemis, qu’il fasse des prisonniers, qu’il enlĂšve ou encloue des piĂšces de canon, c’est bien ; mais que, dans l’espoir de surprendre un parc , d’enlever un convoi, d'anĂ©antir une troupe qui se garde mal, il quitte son chemin et perde du temps, c’est contre son devoir; il est blĂąmable, lors mĂȘme que le succĂšs couronnerait son entreprise. De pareils crochets ne sont permis qu’autant qu’il y aurait trop de danger h pousser en avant, sans forcer Ă  la retraite les troupes ennemies qui sont sur les cĂŽtĂ©s. Alors il est Ă  prĂ©sumer que l’expĂ©dition est manquĂ©e. Les reconnaissances que, par opposition aux prĂ©cĂ©dentes, UKS RliCONVAISSANCKS. 577 ou pourrait appeler secrĂštes, se conduisent d’aprĂšs d’autres principes. Les grandes reconnaissances se font de vive force, Ă  dĂ©couvert; dans celles-ci, on fait usage de tous les genres de prĂ©cautions pour Ă©viter d’en venir aux mains. D’abord, on n'y emploie que peu de inonde, afin d’échapper plus facilement Ă  la surveillance de l’ennemi, ou h sa poursuite. On cherche Ă  s’approcher pendant la nuit du point qu’on veut atteindre ; °n sc glisse furtivement par des ravins , des chemins creux ; on fait de longs dĂ©tours pour Ă©viter la rencontre des patrouilles ennemies, et on rentre par un autre chemin que celui par lequel on est venu, afin de ne pas tomber dans les embĂ»ches ne l’ennemi, informĂ© de votre passage, pourrait vous dresser. Une reconnaissance secrĂšte n’est ordinairement composĂ©e ‱pie d’une seule espĂšce de .troupes, de la cavalerie dans les Pays plats, de l’infanterie dans les pays montagneux ou trĂšs- coupĂ©s. Elle peut ĂȘtre commandĂ©e par un officier d’un grade infĂ©rieur, s’il est intelligent et brave. C’est mĂȘme par de semblables services que de jeunes olliciers se font connaĂźtre et mĂ©ritent leur avancement. Le dĂ©tachement marche avec prĂ©caution ; il n’est pas assez nombreux pour fournir une avant- garde , mais il se fait prĂ©cĂ©der d’un groupe d’éclaireurs, et ceux-ci envoient un des leurs en avant. Deux ou trois flan- queurs, sur chaque cĂŽtĂ©, sont Ă©galement nĂ©cessaires. Du reste, le commandant a avec lui, aussi bien que s’il s’agissait d’une grande reconnaissance Ă  force ouverte , un ou deux guides ; cela est mĂȘme plus nĂ©cessaire, puisqu’il faut faire des dĂ©tours, eviter souvent les chemins battus. Si ses Ă©claireurs lui annoncent une troupe ennemie , il se jette de cĂŽtĂ© et tĂąche de I Ă©viter en se couvrant d’un bouqHet de bois, d’un pli de ter- Ia ' i, ou de tel autre accident qui peut se prĂ©senter. Sinon, il * a combat quand elle n’est pas trop nombreuse, ou lui Ă©chappe comme cela a le plus souvent lieu, le dĂ©tachement est 580 1>ES RECONNAISSANCES. composĂ© de cavalerie, et deux cavaliers seront chargĂ©s d’avoir constamment les yeux sur eux. On ne les laissera pas communiquer entre eux, pour qu’ils ne puissent pas concerter quelque tromperie funeste au dĂ©tachement. Dans la marche , la troupe observera le silence, surtout pendant la nnit, oĂč elle doit ĂȘtre tout oreilles, Quand elle craindra d’ĂȘtre dĂ©couverte , elle Ă©vitera les chemins frĂ©quentĂ©s et prendra les traverses, en tĂąchant toujours de se couvrir par les bois , les haies, les plis de terrain ; elle ne craindra pas d’aller Ă  travers champs pour se procurer ccl avantage ; elle ne passera jamais prĂšs d’une colline sans s’assurer qu’il n'y a personne derriĂšre ; elle s’arrĂȘtera donc jusqu’à ce qu’un Ă©claireur ait fait signe qu’on peut continuer la route. La mĂȘme prĂ©caution est nĂ©cessaire toutes les fois qu'on passe Ă  une certaine distance d’un bois , d’un ravin , d’une ferme, etc., oĂč l’ennemi pourrait ĂȘtre cachĂ©. Pour les villages, on les Ă©vite autant que possible, afin de ne pas donner l’éveil, surtout en approchant de la destination ; mais si l’on est obligĂ© d’en traverser quelqu’un, on n’y entre qu’aprĂšs l’avoir bien fouillĂ© ; on profite de la circonstance pour questionner quelques notables sur ce qu’ils ont appris de la position et des projets de l’ennemi ; en mĂȘme temps on fait adroitement courir de faux bruits sur la destination du dĂ©tachement, pour dĂ©router l’espionnage. On se procurera des rafraĂźchissements et des vivres, si on n’en avait pas pris en parlant. De .nuit, la pipe est interdite aux soldats. Quand la reconnaissance arrive au point du jour prĂšs des avant-postes de l’ennemi, il faut qu’elle s’embusque et se cache soigneusement, parce que c’est le moment oĂč les patrouilles circulent dans la campagne ; on place des sentinelles sur toutes les avenues, afin que, prĂ©venu Ă  temps, on puisse se retirer Ă  l’approche de ces patrouilles , ou prendre les mesures nĂ©cessaires pour les enlever. Si l’on fait ainsi quelques prisonniers, on en obtiendra sans doute des renseignements utiles. Ce moment est d’ailleurs trĂšs-bon pour dĂ©couvrir les forces de DES RECONNAISSANCES. 581 l’ennemi, parce qu’ordinairement les troupes sont sous les armes jusqu’à la rentrĂ©e des patrouilles. Le commandant cherchera donc quelque point elevĂ© d’oĂč il puisse , sans se dĂ©cou- V ’ir, et Ă  l’aide de sa lunette, voir ce qui se passe aux avant- postes. Les feux de bivouac qui fument dans le lointain peuvent donner, jusqu’à un certain point, l'idĂ©e de la force et de ‱ emplacement des corps que couvrent les avant-postes. S’il fallait pĂ©nĂ©trer jusque-lĂ  , ce ne serait que par une marche de nuit qu’on y parviendrait, et en faisant un grand dĂ©tour, pour s’introduire par les derriĂšres dans les villages occupĂ©s par l’ennemi ; car il n’y aurait aucune probabilitĂ© de rĂ©ussite en traversant la ligne des avant-postes qui couvrent le front. C’est alors que les hommes qui parlent la langue sont utiles ; ils s’approchent avec prĂ©caution du village , rĂ©pondent aux vive des sentinelles, et s’introduisent dans quelque ferme pour questionner les habitants. Les gardes ne sont pas toujours bien nombreuses ni bien vigilantes sur les derriĂšres ; il y a donc possibilitĂ© de les enlever et de savoir par elles ce qu'on dĂ©sire apprendre. Pour enlever de semblables postes, la compagnie franche, qui, au siĂšge de Danlzick, s’est si fort distinguĂ©e sous les ordres du commandant Chambure , s’est quelquefois servie de la ruse suivante quelques soldats se munissaient de sonnettes, et, se mĂȘlant aux troupeaux, ils s’approchaient petit Ă  petit des sentinelles, et parvenaient Ă  s’en dĂ©barrasser sans bruit ; alors ils attaquaient le poste de vive force ; le reste de la compagnie, qui Ă©tait restĂ© cachĂ© , secourait, et le village Ă©tait bientĂŽt en leur possession. Pour u’élre pas reconnu Ă  l’accent, les soldats de Chambure , lorsqu'ils traversaient les postes, rĂ©pondaient en russe aux Prussiens , et en allemand aux Russes. Il y aura bien des occasions °Ăč l’on pourra imiter celle ruse, quand les armĂ©es ennemies seront composĂ©es des troupes de deux nations. Quand la reconnaissance est terminĂ©e , l’ollicier qui en a eiĂ© chargĂ© adresse qu gĂ©nĂ©ral un rapport Ă©crit, lorsque le c °uipte qu’il en peut rendre verbalement ne sullit pas. Ce 382 DES RECONNAISSANCES. rapport, comme tout ce qu’écrit un militaire dans son service , doit ĂȘtre clair, simple et aussi bref que possible. C’est l’objet du rapport, et non la maniĂšre plus ou moins Ă©lĂ©gante dont les choses y sont dites , qui en fait le mĂ©rite. L’officier n’avancera que des faits dont il soit parfaitement sĂ»r ; ses conjectures, il ne les prĂ©sentera qu’avec rĂ©serve ; il se tiendra en garde contre les Ă©carts de son imagination, pour ne s’attacher qu’à la rĂ©alitĂ©. Enfin, il Ă©vitera de trop parler de lui ; et, s’il a lieu d’ĂȘtre satisfait de la maniĂšre dont sa mission a Ă©tĂ© remplie , c’est sur sa troupe qu’il peut adroitement faire tomber quelques Ă©loges. Les petites reconnaissances qui se font tous les malins aux avant-postes, pour s’assurer que l'ennemi ne s’est point approchĂ© pendant la nuit, reçoivent le nom de dĂ©couvertes. Ce ne sont, Ă  proprement parler, que des patrouilles qui se portent, jusqu’à une distance plus ou moins grande, en avant de la ligne des avant-postes. Elles font l’objet d’un service rĂ©gulier auquel tous les officiers sont appelĂ©s. Leur trajet n’est ordinairement pas de plus d’une heure, attendu que les grand’gardes et les piquets se tiennent sous les armes pendant qu’elles durent. Au reste , toutes les prĂ©cautions que nous avons prescrites pour les reconnaissances secrĂštes leur sont applicables. Le commandant doit mettre beaucoup de circonspection dans sa marche, se faire Ă©clairer, s’avancer en silence Ă  la faveur des couverts que le pays peut offrir, s’arrĂȘter souvent pour Ă©couter et examiner, donner l’alarme s’il rencontre l’ennemi, et Ă©viter de se trop engager avec lui. Si la dĂ©couverte, dans uu but spĂ©cial, se porte plus loin que de coutume, et qu’il importe d’en connaĂźtre promptement le rĂ©sultat, on place de distance en distance des ordonnances Ă  cheval, sur la ligne parcourue, pour former comme une chaĂźne entre le dĂ©tachement et la grand’garde. La dĂ©couverte n’exige pas de rapport Ă©crit ; l’oflicier fait simplement un rapport verbal Ă  son chef immĂ©diat, lequel en transmet le rĂ©sumĂ© au commandant des avant-postes. DES RECONNAISSANCES. 383 A cĂŽtĂ© de ces moyens d’obtenir des renseignements de ‱ ennemi, il en est d’autres qui n’oITreni pas les mĂȘmes dangers, ce sont ceux de l’espionnage. Il est malheureusement trop vrai que l’on trouve partout des gens prĂȘts Ă  vendre leur honneur, et Ă  trahir leur patrie pour une somme plus ou moins considĂ©rable, suivant le rang qu’ils occupent dans la sociĂ©tĂ©. Ces moyens, quelque coĂ»teux qu’ils soient, ne sont Pas Ă  nĂ©gliger; car d’un avis reçu h propos dĂ©pend souvent le succĂšs d’une entreprise. Il faut donc payer largement de pareils services, tout en mĂ©prisant les vils agents qui les rendent. C’est de l’or qu’ils veulent, soyez-en prodigues de peur d’en ĂȘtre trahis par les faux rapports qu’ils vous feront. Ils sont toujours Ă  la dĂ©votion de ceux qui paient le mieux. Souvent ils reçoivent des deux mains et font le double espionnage ; c’est Ă  quoi il faut surtout prendre garde. Un espion qui vous trahit de la sorte doit ĂȘtre puni sans misĂ©ricorde Ă  l’instant oĂč son crime est dĂ©couvert. Mais ceci est trop Ă©tranger Ă  notre sujet pour nous y arrĂȘter davantage. ‱ § 2. — Dbs Reconnaissances topographiques. Celles-ci ne sont pas moins importantes que les autres, car un gĂ©nĂ©ral ne saurait, sans une connaissance exacte des localitĂ©s, arrĂȘter un plan d’attaque, ni ordonner le moindre mouvement. Il faut qu'il sache la distance des lieux pour combiner la marche des diverses colonnes, et qu’il soit instruit du genre de difficultĂ©s qu’il rencontrera en chemin, pour prendre ses m esures en consĂ©quence. C’est par des reconnaissances spĂ©ciales qu’il se procure ces renseignements; car les caries, m ĂȘme les plus dĂ©taillĂ©es , sont toujours insuffisantes elles ne donneront jamais, ni la nature du sol, ni la qualitĂ© des routes, ni l’état des riviĂšres et des ponts, ni l’épaisseur des forĂȘts, ni ."M 1>F,S RECONNAISSANCES. la pente des montagnes *, toutes choses qu’il faut pourtant connaĂźtre avant de rien entreprendre. Ce genre de reconnaissances est principalement du ressort des officiers d’étal-major. Us sont chargĂ©s d’aller pendant la paix Ă©tudier les pays qui peuvent devenir le théùtre de la guerre et d’en faire la description, si ce n’est au moyen de plans topographiques qu’il ne leur serait pas permis de prendre, du moins par des mĂ©moires et par des cartes rectifiĂ©es. Ce sont les olliciers d’état-major qui, en prĂ©sence de l’ennemi et sous la protection de quelques troupes , font ordinairement ces croquis qui reprĂ©sentent, d’une maniĂšre plus ou moins exacte, toutes les circonstances les plus essentielles d’une localitĂ©. Ce sont eux qui, Ă  mesure que l’armĂ©e s’avance, dressent les itinĂ©raires, font le levĂ© des positions , des champs de bataille, et souvent de contrĂ©es tout entiĂšres. Cependant les olliciers des autres armes se trouvent quelquefois dans le cas d’avoir Ă  explorer une localitĂ© et d’en faire la description. Il est donc bon d’indiquer ici les moyens qu’ils peuvent employer, sans ĂȘtre obligĂ©s de se rendre experts dans l’art du dessin. Nous renverrons ceux qui voudraient en apprendre davantage Ă  notre Instruction sur le dessin des reconnaissances militaires, et au chapitre XI du MĂ©morial pour les travaux de guerre. Le figurĂ© du terrain, c’est-Ă -dire l’expression de son relief, est ce qu’il y a de plus dillicile Ă  rendre dans un plan topographique. C’est au moyen des hachures qu’on y parvient; mais pour les faire convenablement, il faut une certaine habitude du dessin qui ne s’acquiert que par l’étude et par la pratique. On ne peut pas exiger des olliciers d’infanterie et * On peut Ă  la rigueur et thĂ©oriquement parlant, indiquer sur les plans topographiques le degrĂ© de pente par l’écartement des Inchures; mais en pratique cela n’est pas faisable, ou du moins, cela prĂ©sente de telles difficultĂ©s, qu’il ne serait pas prudent de s’en rapporter Ă  l’exactitude d’un plan pour cet objet. El, d’ailleurs, un chef ne peut pas avoir constamment le compas Ă  la main pour apprĂ©cier les pentes. 2 d 6 ts PI. XVIII. ferme Ympra/iMiĂŽte 'ipidey PrĂ r et VAet/np. Nord Cassine T 3 B& Croquis militaire des environs de A,du cĂŽtĂ© du Nord. DES RECONNAISSANCES. Ô83 de cavalerie qu’ils fassent des dessins de ce genre. Ils n’en auraient d’ailleurs pas toujours le temps. C’est pourquoi je Propose de remplacer ces hachures ou lignes de pente, par d’autres lignes qui marquent simplement le contour des hauteurs , l’une dans le haut et l’autre au pied des pentes. Ces dgnes ne sont pas prĂ©cisĂ©ment des lignes de niveau ; mais ce sont celles que l'Ɠil saisit le plus facilement et qui se prĂ©sentent tout naturellement au bout du crayon quand, faute de temps, on ne veut qu’indiquer la forme gĂ©nĂ©rale d’un plateau, d’un mamelon, d’une croupe de montagnes, etc. La zĂŽne comprise entre ces deux lignes donne l’espace suffisant pour Ă©crire en quelques mots les circonstances de la pente. On dira si la pente est douce ou rapide, accessible ou non Ă  la cava- lerie, quelle peut ĂȘtre approximativement sa hauteur. On aura ainsi sur le plan, et sans confusion, tout ce qu’il importe de connaĂźtre. Pour que les lignes de circonscription des hauteurs ne se confondent pas avec celles qui servent h d’antres indications, il faut les ponctuer en points longs, comme on le voit dans la figure 28 bis. Dans le haut du dessin, les deux lignes de circonscription indiquent clairement un plateau qui s’élĂšve en pente douce au-dessus de la plaine. Plus bas, etprĂšs de la riviĂšre, il y en a deux autres qui reprĂ©sentent un mamelon de forme allongĂ©e, et, ce qui est Ă©crit entre les courbes, fait connaĂźtre la nature des pentes, ou du moins ce qu’il faut Cl > savoir sous le point de vue militaire. Sur la droite du des- s,n > c’est un contrefort que les lignes de circonscription reprĂ©sentent; il se termine Ă  la riviĂšre par des escarpement? de rochers; un petit mamelon, qui se relĂšve h son extrĂ©mitĂ©, est lui-mĂȘme indiquĂ© par deux lignes de circonscription paroliĂšres. Les chiffres entre parenthĂšses donnent les hauteurs des points de la courbe supĂ©rieure au-dessus de ceux qui lui c °>respondent directement dans la courbe infĂ©rieure, bien Ă©tendu que ces hauteurs ne sont estimĂ©es qu’approximative- ^ent. On voit ainsi que le plateau est Ă©levĂ© Ă  droite d’environ 100 P'eds au-dessus de la plaine, au centre de 90, et h gauche DES RECONNAISSANCES* 380 de 75 ; que le mamelon isolĂ© a 10 pieds de hauteur Ă  une de ses extrĂ©mitĂ©s, et 12 pieds Ă  l’autre, et ainsi des autres. H n’est pas facile d'estimer Ă  vue les hauteurs, on ne les verra donc que rarement figurer dans un croquis. J’ai seulement voulu montrer lu possibilitĂ© de mettre sur le plan, et sans la moindre confusion, ce genre de renseignement. Tout officier pourra, je pense, en faisant usage de moyens aussi .simples, arriver Ă  reprĂ©senter, d’une maniĂšre plus ou moins exacte, les accidents d’un terrain qu’il aura parcouru, et dont il se sera appliquĂ© Ă  bien saisir les formes. Le degrĂ© de lidĂ©litĂ© de son dessin ne dĂ©pendra plus que de la justesse de son coup d’Ɠil, qualitĂ© qui ne s’acquiert que par l’exercice; il ne sera du moins plus arretĂ© par la difficultĂ© et la longueur de celle partie du travail. AprĂšs nous ĂȘtre ainsi soustraits h ce que le dessin topographique a de plus rebutant pour ceux auxquels il n’est pas familier, convenons de quelques signes pour reprĂ©senter, aux moindres frais possible , les divers objets qui peuvent figurer sur un plan militaire. Ces objets sont les cours d’eau, les Ă©tangs, les marais, les chemins, les rochers, les bois, les vignes, les bourgs, villages, grandes fermes et autres constructions isolĂ©es qui peuvent jouer un rĂŽle dans un combat; les levĂ©es de terre, les bacs, les guĂ©s, les ponts de pierre et de bois. Tout cela se trouve reprĂ©sentĂ© dans notre feuille. Prenons chacun de ces objets en particulier. Cours d’eau. — lis se reprĂ©sentent ou par deux traits tout simplement, l’un plus fort que l’autre, ou par une suite de traits filĂ©s entre les deux premiers. Une teinte bleue remplacerait avantageusement ces traits filĂ©s. La flĂšche indique la direction du courant. On voit dans le bas de la riviĂšre un moulin Ă  eau. L’affluent sur la droite est un ruisseau encaissĂ©, ce qui se reconnaĂźt aux deux traits irrĂ©guliers qui sont tracĂ©s sur ses bords. Moyens de passage. — A gauche est un bac h traille, au DES RECONNAISSANCES. 387 centre lin pont de pierre qui se distingue du pont de bois, construit sur l'affluent, en ce que ce dernier est plus Ă©troit et n'a pas d’ailes aux abords. Plus haut est un guĂ© indiquĂ© par une ligne ponctuĂ©e h petits points au travers de la riviĂšre. Cette ligne ne peut pas se confondre avec une ligne de circonscription, tant Ă  cause de la diffĂ©rence du trait qu’à cause de sa position. Eattx dormantes .— Les Ă©tangs, les lacs se reprĂ©sentent, comme les riviĂšres, par des traits filĂ©s; la forme en fait seule la diffĂ©rence. Les marais se dessinent par une ligne de contour et quelques traits tirĂ©s horizontalement dans l’intĂ©rieur, avec quelques pointes d’herbe s’élevant au-dessus. On peut noter dans l’intĂ©rieur si le marais est impraticable ou accessible. Bois et vignes. — Ces objets sont fort longs Ă  dessiner par les procĂ©dĂ©s ordinaires de la topographie. Nous nous contenterons, nous, d’en tracer le contour, et nous ferons, dans l’intĂ©rieur, des hachures pour les bois, et un petit cep pour les vignes. Une teinte d’encre de Chine ou de verd-jaunĂ tre remplacera les hachures dans la reprĂ©sentation des bois, si on se sert de couleurs, tout comme une teinte de violet clair servira pour les vignes. Outre les hachures, on Ă©crira dans l’intĂ©rieur la nature et la circonstance caractĂ©ristique du bois, c’est-Ă - dire s’il est taillis ou de haute futaie, fourrĂ© ou Ă  clairiĂšres, etc. Rochers. — Le plus difficile est la reprĂ©sentation des rochers, parce que leurs formes sont extrĂȘmement variables. Un signe conventionnel ne suffit pas pour tous les cas; il faut, plus ou moins, chercher Ă  les imiter. Mais quand ils prĂ©sentent des parois prolongĂ©es, on peut, comme dans notre dessin, se contenter de dessiner la crĂȘte et le pied do ces parois par deux lignes irrĂ©guliĂšrement heurtĂ©es, et de jeter quelques traits en travers pour dĂ©couper la bande que forment ces deux lignes. On voit Ă  droite de notre feuille ce genre de reprĂ©sentation. 588 DES RECONNAISSANCES. Habitations. — S’il fallait dessiner toutes les maisons des bourgs et des villages, comme dans un vĂ©ritable levĂ© topographique, cela prendrait un temps considĂ©rable et dĂ©couragerait la plupart des officiers. Au lieu que , si on veut se contenter d’un simple signe qui en marque la place, la chose deviendra extrĂȘmement facile et par consĂ©quent praticable. Nous nous bornerons donc Ă  reprĂ©senter un village, sans nous inquiĂ©ter de sa forme vĂ©ritable , par un cercle rempli de hachures serrĂ©es. Le bourg sera indiquĂ© de mĂȘme, en remplaçant le cercle par un carrĂ©. D’aprĂšs cela, A est un bourg dans notre plan, B, C, D, E sont des villages. S’il importait d’avoir la forme d’un de ces villages, on en ferait un levĂ© particulier h une plus grande Ă©chelle. La teinte rouge peut remplacer les hachures dans les habitations. Les maisons isolĂ©es, telles que fermes, grandes cassines, relais de poste, cabarets, etc. se dessinent Ă  peu prĂšs dans leur forme et sans Ă©gard h l’échelle. Si l’on voulait s’y astreindre , ces objets, qui ne sont pas sans importance, resteraient inaperçus dans le plan. Un petit corps de chasse indique une maison de poste, un gobelet un cabaret. On voit, sur la gauche du plateau, le signe usitĂ© pour indiquer des moulins h vent, et plus bas, du mĂȘme cĂŽtĂ©, celui des moulins h eau. Communications .—Ce que nous avons dit des bĂątiments isolĂ©s s’applique aussi aux routes et aux chemins, c’est-h- dire, qu’il faut en exagĂ©rer beaucoup la largeur pour les rendre plus visibles. Une grande route, telle que celle de A h B, se reprĂ©sente par deux traits parallĂšles, de mĂȘme un chemin carrossable, tel que celui de D Ă  C, avec cette seule diffĂ©rence que les traits seront un peu plus rapprochĂ©s. Les chemins praticables seulement aux petites voitures, tel que celui de C h B, sont indiquĂ©s par un trait continu et une ligne ponctuĂ©e ; les sentiers, pour les bĂȘtes de somme, par un seul trait. On en voit trois qui aboutissent au bac sur la rive droite. Les distances Ă©tant fort essentielles dans un plan de DES KECONNAISSANCES. 389 la nature de celui dont nous nous occupons, on doit les Ă©crire le long des routes, entre les objets qui s’y trouvent. Les chiffres indiqueront le temps qu’un piĂ©ton met Ă  parcourir les espaces correspondants, Ă  raison d’environ 5000 mĂštres par heure. Si ces distances Ă©taient prises au pas du cheval, il faudrait mettre en note la distance que parcourt le cheval dans une heure, afin d’avoir un terme de comparaison. Quand il y a des chemins coupĂ©s par le cadre, ou a soin d’écrire le nom du lieu vers lequel ils se dirigent, avec l’indication de sa distance, si on la connaĂźt. LevĂ©es et digues .—Ces sortes d’objets sont essentiels Ă  reprĂ©senter, parce qu’une troupe peut s’en faire un abri. Si on se bornait h les dessiner par deux traits parallĂšles, on pourrait les confondre avec un bout de route; il faut donc, pour Ă©viter la confusion, remplir l’intervalle des deux traits par de petites hachures. C’est ce qu’on voit sur la rive gauche de la riviĂšre prĂšs du pont. Tels sont les divers signes conventionnels, au moyen desquels un officier pourra, promptement et facilement, tracer sur le papier le rĂ©sultat de ses observations dans une reconnaissance. Il ne fera pas avec cela un beau dessin, mais il fera un croquis militaire qui pourra ĂȘtre trĂšs-utile, si d’ailleurs le rapport des distances et la forme des objets y sont passablement observĂ©s. Ce croquis doit ĂȘtre complĂ©tĂ© par une aiguille d’orientation dirigĂ©e approximativement dans la ligne nord et sud, et par une Ă©chelle en mĂštre ou en toises, pour mesurer les distances qui ne sont pas cotĂ©es sur le plan. Cette Ă©chelle se dĂ©duit de l’espace qu’un homme Ă  pied parcourt en une heure, environ 5,000mĂštres; chacun la fait d’aprĂšs son pas. Et, comme les distances sont Ă©valuĂ©es en temps le long des toutes, il sera bien de mettre sur le plan une seconde Ă©chelle en rapport avec la premiĂšre, et donnant les espaces parcourus Ă  la minute. Il est bon qu’un officier, et surtout un officier d’état-major, ait ces deux Ă©chelles respectives tracĂ©es sur une 590 DES RECONNAISSANCES. petite rĂšgle pour les cas oĂč il est appelĂ© h faire de semblables levĂ©s, afin de s’épargner la peine de les dresser h nouveau chaque fois. Maintenant que nous sommes convenus de cette maniĂšre de reprĂ©senter les choses dans un croquis militaire, voyons comment il faut s’y prendre pour l'exĂ©cuter. L’oflicicr qui est chargĂ© de la reconnaissance, doit, s’il en a le temps, prĂ©parer son papier il le colle sur un carton pour que le vent ne le soulĂšve pas; il y met les Ă©chelles, et il y place approximativement, mais de maniĂšre Ă  pouvoir ĂȘtre effacĂ©s, les villages qui sont compris dans le terrain qu’il aura Ă  reconnaĂźtre. Pour cela, il mesure leurs distances respectives sur la carte dont il est muni, et prend auprĂšs des habitants les informations qui lui sont nĂ©cessaire^. C’est avec cette Ă©bauche qu’il se met Ă  l’Ɠuvre. ; Nous supposerons que les patrouilles ennemies se soient montrĂ©es dans le pays, et que l’oflicier ait Ă  se prĂ©munir contre leurs entreprises. Il est arrivĂ© de la veille dans le bourg A avec son dĂ©tachement'; il y a couchĂ© et y a pris tous les renseignements que les notables ont voulu lui donner sur la contrĂ©e environnante. Il connaĂźt dĂ©jĂ  la population des villages B, C, 1 et E, leurs distances entre eux et aux endroits oĂč les chemins, qui les quittent, se dirigent ; il sait, qu’indĂ©pendamment du pont de la grande roule, il y a encore pour passer la riviĂšre, un bac Ă  traille au village D, et qu’il doit exister en amont un guĂ© praticable Ă  la cavalerie. Il a consignĂ© ces renseignements dans son garde-notes, et s’est assurĂ© d’un bon guide avant de songer Ă  son repos. Nous n’avons pas besoin de dire qu’il se sera gardĂ© militairement pendant la nuit, puisqu’il n’ignore pas qu’on a aperçu l’ennemi sur les hauteurs de la rive droite. Le lendemain, il n’attend pas que le soleil soit sur l’horizon pour se mettre en campagne ; il a rassemblĂ© son monde Ă  la pointe -B fait partir un petit dĂ©tachement, sous les ordres d’un sous-officier, pour aller reconnaĂźtre les villages 0 DES RECONNAISSANCES. ÔÎM D el E, cl s'assurer qu’il n’y a personne; il en envoyĂ© un autre par le chemin de droite, avec la commission de visiter la grande cassine, de fouiller le ravin et d’explorer les bords de la riviĂšre. Ces deux dĂ©tachements, qui sont confiĂ©s h des sous-ofliciers intelligejils, ont ordre de rejoindre vers le pont. Lui-inĂ©me se met en roule avec le gros de krtroupe, et prĂ©cĂ©dĂ© d’une petite avant-garde; mais il s’arrĂȘte une demi- heure Ă  l'auberge sur la grande route, pour donner le temps Ă  scs deux dĂ©tachements de; faire leur circuit, et prendre des renseignements plus prĂ©cis sur le guĂ© dont on lui a parlĂ© ; il y envoie quelqu’un pour le sonder. AprĂšs cela, il continue sa route, en ma es distances d’aprĂšs sa montre el en commençant Ă  en tracer la direction sur son plan; il s’oriente d’aprĂšs le nord. ArrivĂ© au pont, il y fait une halle et attend que tout son monde l’ait rejoint. 11 laisse alors le tiers de la troupe Ă  la garde du pont, et continue, avec les- deux autres tiers, Ă  marcher droit sur le village B, prĂ©cĂ©dĂ© de ses Ă©claireurs et accompagnĂ© de quelques lanqueurs, qui pourtant ne s’écartent pas hors de vue ; il dessine, Ă  mesure, les portions de route parcourues, en s’orientant toujours de la mĂȘme maniĂšre, et prenant sur son Ă©chelle les longueurs correspondantes au temps mis h les parcourir. Il y marque l'embranchement des chemins ctsentiers, le pied el le sommet des pentes, la maison de poste, etc. Au sujet des pentes, il faut remarquer qu’on doit diminuer la longueur donnĂ©e par l’échelle des minutes, et cela, d’autant plus, que la pente est plus rapide, parce que les distances horizontales, qui sont les seules qu’on puisse mettre sur le plan, sont moindres dans un terrain en pente, et qu’aussi, sur un tel terrain, on parcourt moins d’espace dans un temps donnĂ©. On peut rĂ©duire d’environ un quart, pour les pentes douces, et d’un tiers Ă  la moitiĂ© pour les pentes rapides, les longueurs donnĂ©es par l’échelle. E’Ɠil, quand il est exercĂ© Ă  l’estimation des distances, est d’un grand secours dans ce cas. Tout militaire doit s’elforcer d’acquĂ©rir cette facultĂ©. 392 DES RECONNAISSANCES. ArrivĂ© au village B, l’ollicier y laisse encore un tiers de son dĂ©tachement, et, avec le reste, il pousse en avant jusqu’à une grande demi-lieue, pour s’assurer s’il n’arrive personne parla chaussĂ©e. C’est alors, qu’il peut avoir quelqu’engagement avec l’ennemi. S’il rencontre une patrouille de force infĂ©rieure Ă  la sienne, ou quelque petit poste, il l’attaque et tĂąche de lui faire un ou deux prisonniers qui l’instruisent de la position des corps les plus avancĂ©s. AprĂšs avoir ainsi balayĂ© le pays, il se rabat promptement sur le village B, et c’est alors, qu’à proprement parler, commence son travail topographique. Il se fait seulement prĂ©cĂ©der de quelques Ă©claireurs et ne garde auprĂšs de lui qu’un bon sous-olĂŻicier et deux ou trois soldats; le gros de sa troupe reste au village B, oĂč elle s’établit militairement du cĂŽtĂ© oĂč l’ennemi pourrait arriver. L’officier se porte d’abord Ă  la gauche du plateau vers les ‱ moulins Ă  vent, pour voir les pentes et dĂ©couvrir la campagne de ce cĂŽtĂ©. Il fait le tour du plateau et rentre au village par la maison de poste. De lĂ  il s’achemine sur le village C, avec la moitiĂ© des troupes qu’il a auprĂšs de lui ; l’autre moitiĂ© reçoit l’ordre de quitter le village, dans une heure, et d’aller prendre position au pied des pentes. L’officier, toujours convenablement Ă©clairĂ©, s’avance sur le chemin BC en s’arrĂȘtant un moment au haut et au bas des pentes, pour en marquer la direction sur son croquis. Il a toujours soin de dessiner Ă  mesure, les lignes qu’il parcourt, au moyen de leur orientation et des distances prises sur l’échelle. Dans le village C, il s’informe oĂč vont les deux chemins qui eu sortent, et quelles sont les distances des villages les plus rapprochĂ©s; il Ă©crit cela sur son plan. Il va jusqu’à la riviĂšre par le sentier, traverse le bois taillis et rentre au village. De cette maniĂšre, le principal coude de la riviĂšre se trouve placĂ© sur le croquis. Du village, deux hommes doivent partir pour tĂącher de traverser le marais et d’arriver au guĂ© ; ce ne sera qu’aprĂšs avoir reçu leur rapport, que l’officier pourra Ă©crire le mot impraticable, et le mieux encore serait de s’en assurer lui-mĂȘme, s’il DES RECONNAISSANCES. 393 en avait le temps ; car des subalternes se laissent facilement rebuter par la difficultĂ©, et ne poussent pas bien loin leurs recherches. De C, le dĂ©tachement retourne au pont par le chemin. En passant, l'officier dĂ©tache deux cavaliers pour faire le tour des marais, passer le guĂ© et retourner au bourg A; il estime Ă  vue la distance du pied du coteau, et en trace la courbe sur son plan. AprĂšs cela, il fait le tour de la petite colline, en suivant le pied des hauteurs et les sentiers ; il monte sur cette colline, d’oĂč il dĂ©couvre bien la forme de la riviĂšre ; il dessine l’une et l’autre , et pousse jusqu’à la ferme , toujours en mesurant les distances; il met cette ferme sur son plan, et il revient une seconde fois au pont par le sentier, aprĂšs avoir pris connaissance du bac et placĂ© Ă  vue le moulin sur sa riviĂšre. Toute la troupe est maintenant rĂ©unie entre le pont et les collines. Elle restera lĂ  une heure encore, pendant que son commandant, accompagnĂ© seulement de son guide et de quatre ou cinq cavaliers ou soldats, fera le tour des villages D et E; elle ira ensuite l’attendre au bourg A. L’officier, en parcourant cette seconde partie de son terrain, placera Ă  vue sur son croquis, les bois, l’étang et le ruisseau, ainsi que l’indication des aboutissants des chemins qui partent de D et de E. Suivant que l’officier chargĂ© de la reconnaissance sera plus ou moins expert, que sa troupe sera Ă  pied ou Ă  cheval *, qu’il aura Ă©tĂ© obligĂ© de batailler avec l’ennemi, ou qu’il n’aura rencontrĂ© personne, sa journĂ©e peut ĂȘtre finie quand il rentre au bourg, ou bien il lui reste encore assez de temps pour achever. Dans ce dernier cas, il laissera reposer sa troupe ; et, bien sur qu’il est de n’avoir pas d’ennemi Ă  craindre , il se transportera, escortĂ© seulement de deux ou trois de ses * On comprend combien il est plus avantageux de faire une reconnaissance avec une troupe Ă  cheval qu’avec une troupe Ă  pied ; mais alors il faut dĂ©terminer le rapport qui existe entre la vitesse du cheval au pas, et celle du fantassin. 394 DES RECONNAISSANCES. meilleurs soldats , sur la petite montagne qui est Ă  droite, en passant par la cassine ; du vieux chĂąteau, situĂ© sur le pain de sucre, h l’extrĂ©mitĂ© du contrefort, il dĂ©couvrira parfaitement tout le cours de la riviĂšre, et pourra, en consĂ©quence, corriger son dessin, si cela est nĂ©cessaire. 11 fera le tour des escarpements pour en connaĂźtre la forme, qu’il tĂąchera d’imiter, et il cherchera h donner l’idĂ©e la plus exacte de la montagne par la courbe de son sommet et par celle du pied, qu’il tracera sur place, selon l’idĂ©e qu’il s’en fait d’aprĂšs l’inspection des lieux. Il ne suivra pas le mĂŽme chemin pour rentrer ; mais, longeant le ruisseau encaissĂ© et le bord de la riviĂšre, il mesurera la longueur de la digue, en poussant jusqu’au pont. Ce n’est qu’alors que le travail de reconnaissance sera terminĂ©. De retour Ă  sop cantonnement, il se hĂątera de mettre au net ses notes et de complĂ©ter son croquis. Certes, ce croquis serait bien insullisant si les besoins militaires nĂ©cessitaient un plan exact ; car on ne peut pas espĂ©rer que, fait aussi rapidement, il ne s’y soit pas glissĂ© d’assez fortes erreurs; mais l’essentiel s’y trouve et y est indiquĂ© d’une maniĂšre simple et claire ; le gĂ©nĂ©ral pourra , par son moyen , aussi bien qu’avec un plan beaucoup plus exact et plus fini, connaĂźtre ce qu'il lui importe de savoir. Peut-ĂȘtre mĂŽme prĂ©lĂ©rei a-t-il le croquis au plan , parce que, probablement l’échelle en sera plus grande, qu’il y aura moins de traits et par consĂ©quent plus de clartĂ©, et, qu’étant fait dans un but spĂ©cial, il rendra peut-ĂȘtre mieux les accidents les plus essentiels, sous le point de vue militaire. On peutemployerindiffĂ©remment le crayon ou la plume pour le croquis militaire, c’est-Ă -dire qu’on laisse le dessin tel qu’il a Ă©tĂ© fait sur place avec le crayon, ou que, si le temps le permet , on le passe au trait avec l'encre de la Chine, et mĂȘme on y applique les teintes conventionnelles. Mais, dans tous les cas, il convient de repasser les chiffres et les indications, pour qu’ils ne s’effacent pas. A dĂ©faut d’cucrc de Chine, on se servira d’cncrc ordinaire. De A Ă  D Jt k , ho 1 la tout* entK ctĂ  Deua potttfo Ait &him* paUout. eaveple vrw & fax HfCcXic. ?c plateau off U Dr 1 piftte j t>u tj vaA»K^ Hit Oia'De fiant faut DouJ>C XV! *i»i>* b ido'! O 1 SÀ'\ vĂź'-'Wh. sjnaog ï»inK XUBAdlQ xuBojcg S3U3JCt[3 StOJGlQ sjnoj stu[nog jsj isj^jatiq IOq ISJOIJAIIQ SUOiuM w B S g & o 0 s 400 DES RECONNAISSANCES. commencer l’itinĂ©raire, on Ă©crit ces mots en tĂȘte de la premiĂšre colonne ItinĂ©raire de X... a Y...; on les sĂ©pare, par un trait, du reste de la colonne, dans laquelle on inscrit Ă  mesure les noms des lieux par lesquels on passe. Les notes s’écrivent directement Ă  la plume; le crayon s'effacerait. Les dĂ©tails concernant les ressources d’un pays doivent faire l’objet d’états particuliers, ou tableaux statistiques; ils compliqueraient trop les itinĂ©raires si l'on voulait les y faire entrer. II faut mĂȘme restreindre les tableaux statistiques au strict nĂ©cessaire, si l’on veut qu’ils soient consciencieusement remplis. Quoique ces tableaux soient un peu Ă©trangers Ă  notre sujet, et qu’ils intĂ©ressent principalement le commissariat, nous les joindrons nĂ©anmoins aux itinĂ©raires pour complĂ©ter le chapitre des renseignements utiles Ă  se procurer, en faisant remarquer cette diffĂ©rence des uns aux autres, que les itinĂ©raires ne concernent que la route reconnue, tandis que les Ă©tats statistiques embrassent la contrĂ©e tout entiĂšre. Les tableaux statistiques, tels qu’ils ont Ă©tĂ© employĂ©s par nos Ă©tats-majors divisionnaires, et tels que je les donne ici, forment des cahiers Ă©gaux Ă  ceux des itinĂ©raires. Les feuilles sont aussi pliĂ©es en deux; h gauche sont les dĂ©tails relatifs Ă  la population et Ă  l’industrie ; Ă  droite, les moyens de transport , les tĂȘtes de gros bĂ©tails et les observations. On met dans cette derniĂšre colonne tout ce qui ne se trouve pas dans les autres ; ainsi les forges et autres usines , qui n’ont pas de colonnes spĂ©ciales, y seront inscrites. La colonne des abris ne contient que les maisons habitĂ©es, et non les granges; parce que les tableaux statistiques doivent servir aux dislocations rĂ©guliĂšres oĂč l’on ne loge la troupe que dans les maisons habitĂ©es , et non Ă  des cantonnements serrĂ©s oĂč on la met partout oĂč s’offre un abri. Nous avons fait cette distinction dans les deux tableaux, en intitulant la colonne qui concerne les abris, dans l’un, couverts, dans l’autre, maisons habitĂ©es. CHAPITRE IX. Hissions spĂ©ciales. Ilots comprendrons dans ce chapitre diffĂ©rents objets qui n’ont pas trouvĂ© de place dans les prĂ©cĂ©dents tels sont les convois, les embuscades, les fourrages, les partis. Les officiers chargĂ©s de ces diffĂ©rentes opĂ©rations font un service extraordinaire ; ils sont en mission spĂ©ciale. Les missions appartiennent Ă  ce qu’on appelle la petite guerre, vĂ©ritable Ă©cole pratique des militaires. § i. — Des Convois, Si les convois ne se faisaient pas en arriĂšre de l’armĂ©e , dans le pays dont elle est maĂźtresse, et, par consĂ©quent, loin des principales forces de l’ennemi, ils seraient indubitablement enlevĂ©s ; car il n’y a rien de plus difficile que de dĂ©fendre un convoi de quelque une attaque sĂ©rieuse. FrĂ©dĂ©ric en perdit un considĂ©rable qu’il dirigeait sur Olmiitz, Parce qu’il fallut prendre des chemins qui Ă©taient en la possession de l’ennemi. Ni la bravoure des troupes d’escorte, ni voisinage de l'armĂ©e, qui n’était qu’h quelques lieues, ne Purent le sauver; il tomba en entier dans les mains des Autrichiens, et FrĂ©dĂ©ric , par suite de celle perte, dut lever son Ca mp de devant Olmiitz, qu’il voulait assiĂ©ger. Ordinairement les convois ne sont exposĂ©s qu’aux attaques des partisans ou des corps de troupes lĂ©gĂšres, qui, en raison ^Ă©me de leur petitesse, sont parvenus Ă  se jeter sur les der- r, cres de l’armĂ©e. C’est contre de telles attaques qu’on cherche Ă  se garantir, en donnant des escortes aux convois. Ces esco rtessont principalement conĂŒĂ©csĂ  l’infanterie, parce que 2G MISSIONS SPÉCIALES. 402 celle-ci peut combattre sur toute espĂšce de terrain, et, au besoin, se placer dans les intervalles des chamois ou mĂȘme dessus , pour, de lĂ , se dĂ©fendre encore quand elle est trop vivement pressĂ©e. Cependant la cavalerie est aussi nĂ©cessaire,'tant pour Ă©clairer la marche du convoi Ă  une grande distance, et prĂ©venir promptement de l’approche de l’ennemi, que pour participer Ă  sa dĂ©fense contre une attaque de cavalerie. Celle-ci pouvant se porter trĂšs-rapidement de la tĂŽte Ă  la queue du convoi, trouverait facilement quelque partie sans dĂ©fense, si l’escorte Ă©tait uniquement composĂ©e de fantassins. Pour se faire une idĂ©e de la prise qu'offre Ă  de semblables attaques une file de voitures, il faut savoir qu’un charriotĂ  quatre roues, attelĂ© de quatre chevaux, occupe 10 mĂštres. Ainsi, deux cents charriols de celte espĂšce, marchant sur une seule lile, et serrĂ©s autant que possible, formeraient un convoi lie 2000 mĂštres d’étendue. Comment, sur une aussi grande ligne, l’infanterie seule parviendrait-elle Ă  rĂ©pondre aux feintes de la cavalerie, et h repousser ses attaques rĂ©elles? 1 Nous admettrons donc que l’escorte d’un convoi d’une certaine importance soit composĂ©e d’infanterie et de cavalerie, bien que la premiĂšre y domine, et nous prendrons pour la marche les dispositions suivantes. u Une premiĂšre avant-garde, toute composĂ©e de cavalerie ,' prĂ©cĂ©dera le convoi d’une ou deux lieues, pourTouillcr lif route h une assez grande distancĂ© Ă  droite et Ă ^auchĂš, et aller aux informations. Mais, comme il peut arriver qucTcn- nemi, Ă©ludant les investigations des Ă©claireurs J parvienne Ă  se dĂ©rober h la premiĂšre avant-garde , et Ă  se mettre en embuscade dans l’intervalle qui la sĂ©pare de la tĂȘte du convoi, ĂŒ faut en faire une seconde immĂ©diatement en tĂȘte de la marche , qui envoie quelques coureurs en avant, et qui dĂ©tache des flanqueurs pour Ă©clairer le pays, des deux 1 cĂŽtĂ©s de la route. Plus la file des voitures ou des bĂȘtes de somme est longue , plus le danger des surprises'est h redouter',' et plus, p ar consĂ©quent, il faut redoubler de prĂ©cautions pour l’éviter. MISSIONS SPÉCIALES. 405 Un convoi est presque autant exposĂ© Ă  ĂȘtre attaquĂ© en queue qu’en tĂȘte; il est donc nĂ©cessaire de former une arriĂšre- garde, dans laquelle il entrera quelques cavaliers qui puissent donner promptement avis de ce qui se passe par derriĂšre. Quant Ă  la troupe qui fait le gros de l’escorte, et qui est principalement composĂ©e d’infanterie, on la partagera en trois corps, dont l’un, Ă  la tĂȘte du convoi, marchera avec quelques ouvriers et des voitures chargĂ©es d’outils de toute espĂšce , de cordes, de poutrelles, de madriers et de tout ce qui est nĂ©cessaire pour la rĂ©paration des ponts et des routes. Le second dĂ©tachement se placera au milieu de la colonne, et le troisiĂšme Ă  la queue fermant la marche. On se gardera bien de dissĂ©miner la troupe sur toute l’étendue du convoi, parce qu’en cas de surprise on ne se trouverait nulle part en mesure de repousser l’ennemi. Seulement les corps dont on vient de parler dĂ©tachent quelques hommes qui, marchant sur les cĂŽtĂ©s de la route, forcent les conducteurs des chevaux et des voitures Ă  rester dans l’ordre qui leur a Ă©tĂ© prescrit, et h serrer toujours leurs distances. L'ordre dans la marche est une des conditions les plus importantes Ă  observer. Les charretiers, qui sont ordinairement pris par rĂ©quisition, ne marchent qu’à contre-cƓur, et sont toujours prĂȘts, soit Ă  se sauver avec leurs chevaux au premier danger, soit Ă  s'abandonner Ă  leur nĂ©gligence. Il faut donc user de sĂ©vĂ©ritĂ© Ă  leur Ă©gard, et ne jamais permettre qu’ils quittent leurs places pour causer entre eux, ni qu’ils mĂȘlent leurs chevaux quand les transports se fout Ă  dos. La tĂȘte du convoi doit marcher lentement et d’un pas rĂ©glĂ©, pour qu’il ne se fasse pas des ouvertures dans la colonne. On dĂ©fendra aux charretiers de s’arrĂȘter pour faire boire leurs chevaux, quand on traversera quelque riviĂšre ou ruisseau. S’il y a des munitions de guerre dans le convoi, la pipe sera Interdite Ă  tout le monde. Si un charriol venait Ă  se rompre en route, on rĂ©pprtii ajt promptement sa charge sur les charriots les plus propres Ă  la 404 MISSIONS SI’ recevoir. Il fant avoir un signal dont on soit convenu pour pie toute la colonne s’arrĂȘte quand un pareil accident arrive. Mais si un voiturier est seulement appelĂ© Ă  faire quelque lĂ©gĂšre rĂ©paration indispensable , le convoi continue sa marche ; la voiture sort de la colonne , se met de cĂŽtĂ© et vient ensuite se placer Ă  la queue elle reprendra le lendemain son numĂ©ro d’ordre, h moins que le commandant du convoi n’en dĂ©cide autrement. On ne permettra point aux soldats de mettre leurs sacs sur les voitures, ce Ă  quoi ils sont toujours disposĂ©s, parce qu’un soldat ne doit jamais se sĂ©parer de son sac, et qu’il ne faut pas rallentir la marche d’un convoi par la surcharge des voitures. Encore moins faut-il laisser monter les soldats sur les voitures ou sur les chevaux. Toutes les fois que la largeur de la route le permet, il convient de doubler les voitures et de les faire marcher sur deux files. La colonne est ainsi raccourcie de moitiĂ©, et l’on peut, si les circonstances l’exigent, former plus promptement le parc dĂ©fensif, qui se fait en plaçant tĂȘte h tĂȘte les attelages, et en tournant vers le dehors l’arriĂšre-train des voitures. Les voitures, pour former le parc, tournent Ă  droite et Ă  gauche , font une conversion , et viennent se placer en face les unes des autres, aussi serrĂ©es que possible , et de maniĂšre Ă  ne laisser que peu d’intervalle entre les tĂȘtes des chevaux opposĂ©s. Les voitures Ă©tant ainsi rangĂ©es pVĂšs Ă  prĂšs, leurs chevaux sont garantis, leurs conducteurs effrayĂ©s ne peuvent pas les dĂ©teler, et l’espace qu’elles occupent est considĂ©rablement moindre que celui qu’elles avaient en colonne. Mais cette disposition , ne pouvant se prendre que successivement, Ă  mesure que les voilures ont fait leur conversion en dehors de la colonne , exige assez de temps. Il ne faut donc l’ordonner que lorsqu’elle est absolument indispensable. Dans toute autre circonstance , et lorsqu’on peut raisonnablement espĂ©rer de tenir l’ennemi en respect par les manoeuvres des troupes de l’escorte , il vaut mieux faire iler le convoi que de s’arrĂȘter MISSIONS SPÉCIALES. 40 ,'> pour former le parc dĂ©fensif. Quoiqu’il en soit, ce parc , quand une fois il est formĂ©, est comme une petite forteresse Ă  la faveur de laquelle l’infanterie peut encore combattre avec avantage , mĂŽme lorsqu’elle a Ă©tĂ© obligĂ©e de s’y rĂ©fugier. D’heure en heure on fait de petites haltes de quelques minutes, pour laisser respirer les chevaux et remettre en ordre ce qui pourrait ĂȘtre dĂ©rangĂ© sur les chamois, resserrer les cordes, ajuster les harnais, etc. En outre, et comme dans les marches des troupes, on fait une grande halte au milieu du jour, pendant laquelle on donne h manger et h boire aux chevaux, sans dĂ©teler. On se pourvoit, en partant, des provisions nĂ©cessaires pour cette halte les hommes portent leurs vivres ; le foin et l’avoine se mettent sur les churriols. Il ne reste qu’à chercher l’eau Ă  la halte. Le convoi s’arrĂȘte ordinairement prĂ©s d’un village pour passer la nuit, parce qu’on y trouve des ressources pour la nourriture des hommmes et des chevaux , pour la rĂ©paration des voitures, le ferrage , etc. Cela Ă©tant, et lorsque des mesures impĂ©rieuses n’engagent pas h rester en deçà , il faut faire parquer les voitures au delĂ  du village, parce qu’ayant Ă  se mettre en route de grand matin, il vaut mieux avoir le dĂ©filĂ© derriĂšre soi que devant soi. En effet, si vous restiez derriĂšre, l’ennemi pourrait s’approcher pendant la nuit et se poster de maniĂšre Ă  vous attaquer avec avantage quand une partie du convoi serait encore dans le village. On cherche, pour parquer, un endroit clos de haies ou de murs, de prĂ©fĂ©rence Ă  tout autre, parce qu’on y est plus en sĂ»retĂ©. On enferme dans l’intĂ©rieur du parc les objets les plus prĂ©cieux, tels que les archives, l’argent, les munitions de guerre, et l’on met auprĂšs une garde convenable pour surveiller les charretiĂšre et empĂȘcher qu’on ne fasse du feu dans le voisinage des voitures qui portent de la poudre. Les chevaux sont attachĂ©s en dedans du parc, soit Ă  des piquets, soit *ux voitures elles-mĂȘmes, et chaque attelage reste prĂšs de s oii charriot, autant que la grandeur de l’espace le permet. 406 MISSIONS SPÉCIALES. Mais la troupe, h l’exception de la garde du parc, bivouaque Ă  peu de distance, et occupe militairement le terrain environnant, que l’avant-garde a dĂ», au reste, reconnaĂźtre avant de s’y Ă©tablir. On pose des gardes avancĂ©es et un nombre suffisant de sentinelles, pour la sĂ»retĂ© et pour la police du parc et du bivouac. Personne ne doit quitter le parc, ni le bivouac, sans l’autorisation du commandant. On dĂ©signe ceux qui iront aux vivres et aux fourrages. Il n’est pas plus permis aux officiers, qu’aux soldats et aux charretiers, de s’établir dans les auberges ou les cabarets du village. Le commandant prend donc toutes les mesures pour assurer h tout son monde la subsistance et la paille de couchage il envoie d’avance un officier et quelques fourriers pour prĂ©parer le tout ; il envoie Ă©galement quelqu’un pour chercher l’emplacement du parc, et en fixer le dispositif. Le parc se fait ordinairement en carrĂ© vide ; mais la localitĂ© doit dicter sa forme , qui sera toujours euveloppantc , soit pour fournir un espace clos oĂč l’on puisse renfermer les chevaux et leurs conducteurs, soit pour offrir une espĂšce de retranchement en cas d’attaque. Les voitures se rangent ou h la file , ou Ă  cĂŽtĂ© les unes des autres , suivant la ligne qu’elles occupent dans le carrĂ©, la rĂšgle Ă©tant que tous les limons soient tournĂ©s du mĂŽme cĂŽtĂ© et vers le lieu de destination. Il convient alors de doubler les voitures qui restent Ăč la file , afin que si la nĂ©cessitĂ© y Ă©tait, on pĂ»t fermer les intervalles d’un rang en poussant h bras les voitures de l’autre rang. Lorsque l’espace Ăčl’on doit parquer est restreint, et le nombre des voitures considĂ©rable, on place les voitures sur plusieurs lignes, et l’on forme ainsi des rues parallĂšles assez larges pour recevoir les attelages. Lorsque le convoi se remet en route le lendemain, chaque voiture reprend la mĂȘme place dans la colonne ; et, il cet effet, elle porte un numĂ©ro qui prĂ©vient toute contestation entre les conducteurs ; les officiers veillent d’ailleurs Ăč MISSIONS SPÉCIALES. 407 ce que chacune entre dans la colonne h son tour, et qu’aucune ne retarde les autres. Ces prĂ©cautions, quelque minutieuses qu’elles paraissent, n’en sont pas moins nĂ©cessaires. Il en est d’autres encore que le commandant d’un convoi ne doit pas nĂ©gliger, comme de s’assurer par lui-mĂȘme, avant de se mettre en route, du bon Ă©tat des voitures et de la qualitĂ© des chevaux. Il faut qu’il sache si les chargements ne sont pas trop forts ', et y remĂ©dier quand cela a lieu, soit en employant un plus grand nombre de voitures , soit en renforçant les attelages. Il dresse un Ă©tat gĂ©nĂ©ral de toutes les voitures, avec les noms de leurs conducteurs. Il partage la surveillance entre les officiers, et les instruit avec soin de ce qu’ils auront Ă  faire dans les diffĂ©rents cas qu’il peut prĂ©voir. Il ne manque pas de faire exĂ©cuter plusieurs fois le convoi dĂ©fensif, comme exercice , afin que les charretiers sachent bien comment ils devront conduire leurs voilures dans leur emplacement, et que cela ne fasse pas de confusion. Ce qu’il y a de plus dangereux, pour un convoi qui est entourĂ© de partisans ennemis, ce sont les passages de dĂ©lilĂ©s. On n’y engagera donc les voitures qu’aprĂšs s’étre assurĂ© du dĂ©bouchĂ© , et on les franchira avec toute la vitesse possible. Au passage des ponts, on se mettra en garde aussi bien contre les attaques sur la rive qu’on va quitter, que contre celles qui viendraient du cĂŽtĂ© oĂč l’on se dirige ; car si l’ennemi, profitant d’une nĂ©gligence de l’arriĂšre-garde, arrivait au moment oĂč le pont est encombrĂ©, et oĂč la moitiĂ© des voitures a dĂ©jĂ  passĂ©, il culbuterait aisĂ©ment les troupes de la queue, et s’emparerait de toutes les voitures qui seraient encore de son cĂŽtĂ©. On voit, d’aprĂšs cela, que c’est un devoir, pour un commandant de convoi, de s’informer de toutes les circonstances de la route qu’il devra suivre, d’en faire mĂȘme la reconnaissance particuliĂšre , si on lui en donne le temps, alin de n’ĂȘtre point 11 ne faut pas plus de quatre quintaux par cheval sur chaque voiture, pour peu que les chemins soient marnais cl la mute longue. 408 MISSIONS SPÉCIALES. pris au dĂ©pourvu, ei de savoir d’avance ce qu’il aura h faire dans les endroits difficiles. Quand l’ennemi est annoncĂ© en tĂȘte du convoi par la premiĂšre avant-garde, qui se replie au galop sur l’escorte, les voitures serrent autant que possible et s'arrĂȘtent, ou, mieux encore, elles se forment sur deux files, si la largeur de la route le permet. La seconde avant-garde, et le dĂ©tachement de la tĂȘte, prennent position pour recevoir l’ennemi ; celui du centre vient se placer h cĂŽtĂ© du premier, en ligne avec lui, ou en Ă©chelon, suivant les localitĂ©s et suivant qu’il est plus particuliĂšrement nĂ©cessaire de couvrir un des flancs du convoi que l’autre. Le troisiĂšme dĂ©tachement, qui a appelĂ© h lui l’arriĂšre-garde, reste en rĂ©serve prĂȘt Ă  charger l’ennemi, quand celui-ci, tournant les ailes de la troupe qui lui rĂ©siste de front, chercherait Ă  tomber par le cĂŽtĂ© sur le convoi, pour le couper ou pour y jeter du dĂ©sordre. Cette rĂ©serve doit ĂȘtre immĂ©diatement en tĂȘte des voitures, pour pouvoir facilement passer de la droite Ă  la gauche. Dans cette position, elle a l’avantage de rĂ©pondre, parde petits dĂ©placements, aux mouvements excentriques de l'attaquant. C’est lĂ  que toute la cavalerie de l’escorte sera rĂ©unie. Si le corps principal se trouvait trop rapprochĂ© de la tĂȘte du convoi, la rĂ©serve, pour conserver une distance convenable, serait obligĂ©e de se placer quelque part sur le flanc du convoi; alors on pratiquerait une ouverture dans lu colonne, pour pouvoir passer de la droite Ă  la gauche, sans ĂȘtre obligĂ© de faire le tour. Il est absolument nĂ©cessaire de conserver Ă  la rĂ©serve toute sa mobilitĂ©, parce que c’est elle qui doit rĂ©pondre Ă  toutes les feintes de l’ennemi, et repousser les attaques latĂ©rales que le corps principal n’aurait pas pu empĂȘcher. Dans cette circonstance, bien plus encore que dans toute autre, c’est en manƓuvrant pour faire front Ă  l’ennemi, de quelque cĂŽtĂ© qu’il arrive, qu’on dĂ©jouera ses projets. Il faut donc se mĂ©nager toute la libertĂ© des mouvements, Ă©viter l’encombrc- ment et la gĂȘne. MISSIONS SPÉCIALES. 409 L’attaque est-elle repoussĂ©e, le commandant du convoi se gardera bien de se mettre h la poursuite de l’ennemi, car il ne doit jamais quitter ses voitures, sous peine de tomber dans quelque embuscade, ou de se les voir enlever pendant qu’il suivrait Ă©tourdiment lĂ  piste d’un ennemi qui le joue. Son unique objet est d’arriver Ă  sa destination ; il faut donc qu’il fasse tout son possible pour l’atteindre sans perdre une seule voiture. Cela ne l'empĂȘchera pas cependant de marcher h quelque distance au-devant de l’ennemi, s’il y voit son avantage, ni de tomber sur lui la baĂŻonnette en avant pour le prĂ©venir; car, nous venons de le dire, ce n'est pas en s’adossant aux voitures qu’on les dĂ©fendra efficacement, mais en prenant du champ et en manoeuvrant autour. Ce n’est que lorsqu’on est repoussĂ©, qu’on se replie sur le convoi pour se dĂ©fendre h la faveur des voitures. Dans ce moment dĂ©sespĂ©rĂ© une trop longue rĂ©sistance peut ĂȘtre jugĂ©e inutile, vu la grande supĂ©rioritĂ© de l’ennemi ; il faut alors savoir lui abandonner une partie du convoi pour tĂącher de sauver le reste, en le faisant rĂ©trograder, ou bien lĂącher de le dĂ©truire en coupant les traits des chevaux, brisant les roues, renversant les charriots, et mĂȘme en mettant le feu aux objets qui sont le plus susceptibles de s’enflammer. La dĂ©fense contre une attaque en queue, se conduira d’aprĂšs les mĂȘmes principes le dĂ©tachement du centre se rĂ©unira h celui de la queue et Ă  l’arriĂšre-garde pour former la principale rĂ©sistance; celui de la tĂȘte rĂ©trogradera pour se mettre en rĂ©serve. Mais ici le convoi peut et doit continuer sa roule, pendant que les troupes d’escorte soutiennent le combat. Celles-ci manƓuvreront en retraite, pour ne se sĂ©parer que le moins possible des derniĂšres voitures; mais elles tiendront ferme dans les dĂ©filĂ©s et partout oĂč le terrain leur otfrira des avantages solides. Cependant l’avant-garde de cavalerie, Ă  laquelle on aura expĂ©diĂ© une estafette dĂšs le Premier moment, viendra se joindre Ă  la rĂ©serve. L’attaque sur le flanc est la plus dangereuse, parce que le 410 MISSIONS SPÉCIALES. convoi offre alors beaucoup plus de prise. Les trois dĂ©tachements doivent, dans ce cas, se rĂ©unir du cĂŽtĂ© de l’attaque et se porter assez en avant pour que l’ennemi soit obligĂ© de dĂ©crire un grand cercle, et par consĂ©quent de se mettre en prise quand il voudra se porter sur l’une ou l’autre extrĂ©mitĂ© du convoi. La meilleure disposition Ă  prendre, est d’échelonner le dĂ©tachement du centre par les deux dĂ©tachements des extrĂ©mitĂ©s, auxquels se rĂ©unissent l’avant-garde et l’arriĂšre-garde. Ces trois Ă©chelons, celui du centre en avant des deux autres, formeront sur le cĂŽtĂ© du convoi, un ordre de bataille convexe trĂšs-propre Ă  ce genre de dĂ©fense. Ils peuvent se rĂ©unir au besoin pour faire effort; ils s’appuyent rĂ©ciproquement; l'un sert de rĂ©serve aux deux autres, et ils forcent l’ennemi Ă  s’étendre pour les dĂ©border. Le convoi, qui a doublĂ© ses voitures, continue Ă  marcher en rĂ©glant sa vitesse sur celle des troupes qui le couvrent. Si elles s’arrĂȘtent, il faut qu’il s’arrĂȘte, Ă  moins que l’ennemi n’ait que de l’infanterie, auquel cas le convoi prendra le trot et Ă©chappera par sa vitesse. Mais il n’y a aucune probabilitĂ© que l’attaque se fasse sans cavalerie; dĂšs lors, le convoi, pour ne point se dĂ©couvrir, doit rester, connue nous venons de le dire, Ă  la hauteur des troupes qui marchent sur son flanc; il s’arrĂȘte si elles s’arrĂȘtent, et ne marche que quand elles marchent. Toutefois on le fera marcher plus vite quand on arrivera Ă  quelque dĂ©filĂ© , ou dans quelque localitĂ© oĂč la cavalerie ne lui puisse rien. N’ayant point Ă  craindre d’ĂȘtre attaquĂ© dans ces endroits, il doit chercher Ă  gagner du chemin sous la protection d’une petite avant-garde. En tout cas, l'officier prĂ©posĂ© Ă  la conduite des voitures ne doit rien faire que d’aprĂšs les ordres du commandant du convoi. Si celui-ci juge nĂ©cessaire de former le parc dĂ©fensif, le premier cherche en dehors de la route , et du cĂŽtĂ© opposĂ© Ă  l'ennemi, un emplacement assez grand pour le recevoir et pour permettre aux voitures de tourner et d’aller prendre leur place. MISSIONS SPÉCIALES. 411 Nous avons oubliĂ© de dire que les soldats, placĂ©s le long du convoi pour contenir les charretiers, ne doivent point les quitter pendant le combat; c’est au contraire le moment de les surveiller plus que jamais; les soldats auront l’ordre de aire feu sur eux s’ils dĂ©telaient leurs chevaux pour s’échapper. On ne pourra pas toujours se conformer aux dispositions prĂ©cĂ©dentes. Ainsi on peut n’avoir pas assez de monde pour former trois dĂ©tachements; on se contentera alors d’en faire deux, un Ă  la tĂšte du convoi, l’autre h la queue; peut-ĂȘtre mĂȘme, qu’aprĂšs avoir fourni Ă  l’avant-garde et h l’arriĂšre- garde, il faudra, pour ne pas trop se diviser, rĂ©unir tout le reste de la troupe et le faire marcher du cĂŽtĂ© oĂč l'attaque est le plus Ă  craindre. Mais 011 est toujours ainsi dans l’esprit de la rĂšgle, qui consiste Ă  ne point dissĂ©miner l’escorte tout le long du convoi, mais Ă  la rassembler en groupes assez forts pour faire rĂ©sistance. Au surplus, on ne devrait jamais hasarder un convoi de quelqu’importance sans avoir, au prĂ©alable, fait balayer le pays par des colonnes mobiles. Si le convoi se met en route immĂ©diatement aprĂšs l’expĂ©dition, il a beaucoup de chances de ne faire aucune mauvaise rencontre, et son escorte peut ĂȘtre considĂ©rablement diminuĂ©e. On conclura de ce qui prĂ©cĂšde, que l’attaque d’un convoi est une opĂ©ration peu chanceuse, mĂȘme pour un corps infĂ©rieur Ă  l’escorte. Car, si on prend l’ennemi en dĂ©faut, on dĂ©truit ou on emmĂšne une partie du convoi ; si on Ă©choue, on en est quitte pour se retirer, sans crainte d’ĂȘtre poursuivi. Le corps qui attaque doit ĂȘtre mi-parti d’infanterie et de cavalerie. Il est clair que si, en se cachant derriĂšre un bois, une hauteur, un champ de blĂ©, etc., on parvient Ă  surprendre la tĂȘte ou la queue du convoi, et h l’envelopper avant que les secours lui arrivent, on obtiendra un plein succĂšs. On doit donc essayer de ce moyen avant d’en venir Ă  une attaque ouverte. Mais on ne peut pas supposer assez de nĂ©gligence de la 412 MISSIONS SPÉCIALES. part du commandant du convoi pour admettre qu’on le surprendra ainsi. Il faut donc supposer que sa troupe sera rĂ©unie et en bon ordre au moment de l’attaque. DĂšs lors il convient de diviser son attention, en dirigeant contre lui plusieurs petites colonnes et beaucoup de tirailleurs, qui chercheront Ă  se frayer un chemin jusqu’aux voitures pour tuer les chevaux et embarrasser la route. La cavalerie, faisant un circuit, se porte rapidement sur les parties mal protĂ©gĂ©es. Si elle atteint quelques voitures, elle se contente de chasser les conducteurs et de couper les traits, parce qu’ainsi toute la partie du convoi qui est en arriĂšre se trouve arrĂȘtĂ©e. Si l’on a la libertĂ© du choix pour le lieu et le moment de l’attaque, il est clair qu’elle s’elTectuera quand le convoi sera engagĂ© en partie dans un dĂ©filĂ©, et que l’on pourra en envelopper la tĂšte ou la queue. La rĂ©ussite est alors certaine, l'encombrement inĂ©vitable du dĂ©filĂ©, empĂȘchant une partie des troupes de venir au secours de l’autre. Mais une telle fortune est rare, et il reste encore assez de chances de succĂšs pour attaquer un convoi partout oĂč on le rencontre. Quand on est parvenu h s’emparer de tout ou partie d’un convoi, il faut se hĂąter d’emmener sa prise pour la dĂ©poser en un lieu sur, avant que l’ennemi n’arrive en forces supĂ©rieures pour vous la faire abandonner. Mais plutĂȘt que de la lĂącher dans ce cas, on dĂ©truira les voitures, et, ne gardant que ce qu’elles renferment de plus prĂ©cieux, on le mettra sur le dos des chevaux pour s’enfuir au plus vite. On doit Ă©viter le combat ; le coup est fait. § 2. - DBS Fourrages. Ou dit qu’on fait un fourrage lorsqu’on va en troupe ramasser du foin et de la paille dans les granges, ou faucher MISSIONS SPÉCIALES. 413 sur le terrain l'herbe ou le blĂ© vert. Dans le premier cas on fait un fourrage au sec , dans le second un fourrage au vert. Les fourrages Ă©taient autrefois des opĂ©rations plus sĂ©rieuses que de nos jours, parce que les armĂ©es, moins nombreuses, se tenaient plus ramassĂ©es ; leurs divisions, ne laissant entre elles que de petits intervalles, ne trouvaient pas assez de ressources sur le terrain qu’elles occupaient immĂ©diatement. C’était donc en avant et sur les flancs qu’on allait au fourrage, se mĂ©nageant pour les derniers moments, et dans la supposition d’une retraite, tout le pays en arriĂšre de l’armĂ©e. DĂšs lors les fourrageurs Ă©taient constamment exposĂ©s aux attaques de l’ennemi. Maintenant que les armĂ©es sont plus nombreuses et composĂ©es de corps, qui, pouvant se suflire Ă  eux-mĂȘmes, campent h d’assez grandes distances, elles trouvent dans l’espace qu’elles occupent de quoi nourrir les chevaux. Cependant il n’en faut pas moins user de prĂ©cautions, lorsqu’on se dĂ©cide Ă  faire un fourrage rĂ©gulier, pour ne pas tomber dans une nĂ©gligence qui tĂŽt ou tard deviendrait fatale. On donne donc aux fourrageurs une escorte assez nombreuse , pour Ă©clairer le pays autour de l’espace que le fourrage doit embrasser, et combattre l’ennemi, s’il se prĂ©sente. Au premier signal de son approche, les fourrageurs quittent la place, emportant ce qu’ils peuvent sur leurs chevaux; la chaĂźne des postes extĂ©rieurs se replie, se concentre, engage le combat, s’il est nĂ©cessaire, et le soutient tant que les fourrageurs ne se sont pas Ă©coulĂ©s. Quand il n’y a plus aucun danger pour ceux-ci, l’escorte bat en retraite ; une plus longue rĂ©sistance serait sans utilitĂ©. Pendant tout le temps que dure le fourrage, les troupes, qui sont restĂ©es au camp ou aux cantonnements les plus voisins, se tiennent sous les armes, afin d’ĂȘtre prĂȘtes Ă  marcher au secours des fourrageurs, et Ă  repousser une attaque qui est toujours Ă  craindre quand on s’est affaibli de quelque dĂ©tachement. 414 MISSIONS SPÉCIALES. Il semble inutile de dire que ce sont les cavaliers eux- mĂȘmes, qui, munis de cordes et de serpes ou de faux, requises aux paysaus, exĂ©cutent l’opĂ©ration matĂ©rielle du fourrage, aprĂšs que des officiers, prĂ©posĂ©s Ă  cela, leur ont distribuĂ© tout le terrain, corps par corps, et ont indiquĂ© Ă  chaque dĂ©tachement l’espace qu’il doit faucher. Il y a, Ă  cet Ă©gard, des rĂšglements dont l’exĂ©cution est principalement confiĂ©e aux olliciers d’état-major. Ces rĂšglements prescrivent, entre autres choses, d’exĂ©cuter plutĂŽt deux fourrages qu’un seul trop considĂ©rable; 1° parce qu’en raison du terrain que ce dernier force d’embrasser, il donne plus de prise Ă  l’ennemi ; 2° parce que la surveillance y devenant plus difficile, le gaspillage est inĂ©vitable ; 3° parce qu’il exige plus de temps. Ils recommandent aussi, dans le cas oĂč les terrains qui doivent ĂȘtre fourragĂ©s, seraient enclos de murs, de haies, ou de fossĂ©s, de pratiquer d’avance les ouvertures nĂ©cessaires pour assurer la communication entre les divers dĂ©tachements de l’escorte. Une reconnaissance prĂ©alable du terrain Ă  fourrager doit ĂȘtre faite pour exĂ©cuter ces choses , arrĂȘter la rĂ©partition entre les corps, et faire l’évaluation approximative de la quantitĂ© de fourrages qu’on se procurera ainsi. Dans les fourrages au sec il faut Ă©puiser ce que peut fournir un village avant d’aller Ă  un autre, et ne pas fourrager dans plusieurs villages Ă  la fois, h cause de la difficultĂ© de couvrir suffisamment, au moyen de l’escorte, un aussi grand espace. Et dans ce dernier cas, celui du fourrage au sec, le devoir des officiers de tout grade est de prĂ©venir le dĂ©sordre si facile Ă  s’introduire dans une opĂ©ration de cette nature ; ils empĂȘcheront les soldats d’entrer ailleurs que dans les granges qui leur sont assignĂ©es par des numĂ©ros marquĂ©s d’avance sur les portes, et les feront partir h mesure qu’ils seront chargĂ©s. Mais ce qui vaut encore mieux, c’est de faire apporter par les habitants la quantitĂ© de paille et de foin h laquelle on croit pouvoir taxer le village, d’aprĂšs ce que l’on! sait de ses richesses en fourrages; ils n’y ont ordinairement pas de rĂ©pu- MISSIONS SPÉCIALES. 413 gnance, parce qu’ils sauvent ainsi du pillage leurs propriĂ©tĂ©s, et qu’ils reçoivent des bons pour les quantitĂ©s fournies. Toutes les gerbes sont dĂ©posĂ©es hors du village ; les cavaliers vien ‱ nent faire leurs trousses dans remplacement dĂ©signĂ©, et, sous aucun prĂ©texte, on ne les laisse entrer dans le village. L’escorte seule le traverse pour en occuper les avenues et protĂ©ger l’opĂ©ration. Dans les estimations prĂ©alables que les officiers d’état- major ont Ă  faire du terrain ou des villages qui sont destinĂ©s aux fourrages, il est nĂ©cessaire que ces officiers sachent apprĂ©cier rapidement ce que chaque culture peut fournir dans une Ă©tendue donnĂ©e. Ils s’accoutumeront Ă  ces estimations en faisant faucher de petites portions pour voir ce qu’elles fournissent de foin , comme aussi en vĂ©rifiant, par un toisĂ© approximatif et rapide, ce qu’une meule ou une grange en peut renfermer. Au bout de fort peu de temps ils sauront estimer, au simple coup-d’Ɠil et d’une maniĂšre snflisamment exacte, ce qu’un champ, un prĂ© d’une grandeur dĂ©terminĂ©e , ou un village dont le nombre des granges est connu, peut fournir d'herbe, de foin et de paille. Voici, au reste, quelques donnĂ©es qui serviront Ă  ces estimations une trousse pĂšse de 120 Ă  ISO livres ; deux trousses font la charge d’un cheval. Le foin entassĂ© pĂšse environ 260 livres le mĂštre cube, ainsi le mĂštre fait les deux trousses ou la charge du cheval. La paille ne pĂšse que 170 livres le mĂštre, il faudra donc un mĂštre et demi pour les deux trousses. Si la paille est en gerbes, on compte qu’il faut une dixainc de gerbes sĂšches pour faire une trousse, les gerbes pesant 12 Ă  15 livres.—Un arpent renfermant 1800 mĂštres carrĂ©s, peut fournir, en moyenne, les quantitĂ©s suivantes en blĂ© et foin prĂȘts Ă  ĂȘtre rĂ©coltĂ©s BlĂ©, 200 gerbes de 15 liv. ou 20 trousses. Foin, 250 bottes de 10 liv. ou 16 trousses. " Cinquante hommes peuvent, en une heure,'couper un arpent. i 416 MISSIONS SPÉCIALES. Quant aux grains, qui se transportent dans des sacs qu’on donne aux fourrageurs, on estime que le mĂštre cube fait 120 rations. 11 pĂšse, en avoine, environ 800 livres, et fait la charge de trois chevaux ; en froment, il pĂšse Ă  peu prĂšs le double , et fait la charge de cinq Ă  six chevaux. Le poids du seigle et de l’orge est intermediaire. Deux trousses suspendues, l’une h droite et l’autre h gauche , font la charge d’un cheval, le cavalier marche h pied et conduit son cheval par la bride ; mais si la distance est courte, il peut, malgrĂ© la charge, monter en selle. Toutes les fois que cela est possible on se sert de voitures pour emporter les fourrages, plutĂŽt que d'en charger les chevaux; car si la distance est grande ce poids les abĂźme. Dans les fourrages , les hommes chargĂ©s de l’opĂ©ration portent, outre les instruments qui leur sont nĂ©cessaires, leurs armes pour se rĂ©unir h l’escorte, en cas de besoin, et repousser une attaque imprĂ©vue. Cela est surtout nĂ©cessaire quand le fourrage est lointain. Et, Ă  ce sujet, on pose en principe, qu’un fourrage ne doit pas se faire si loin qu’on ne puisse l’achever dans la mĂȘme journĂ©e ainsi la plus grande distance peut ĂȘtre fixĂ©e Ă  deux ou trois lieues. . On ne fait les fourrages au vert que quand il ne reste plus rien dans les granges, parce qu’ils ne produisent qu’une nourriture Ă©nervante et malsaine , qu’ils sont toujours plus prĂ©judiciables au pays que les fourrages au sec, et qu’enlin ils exigent plus de temps et un plus grand appareil pour ĂȘtre mis Ă  exĂ©cution. § 3. Dos Embosoades. Avec le genre de guerre actuel et la grande quantitĂ© d’éclaireurs dont les armĂ©es se couvrent, les embuscades ne sont guĂšre possibles qu’entre petits corps ou simples dĂ©tache- MISSIONS SPÉCIALES. 417 ments. Les pays trĂšs-accidentĂ©s y sont principalement propres par la facilitĂ© qu’ils donnent de se cacher. Ce moyen d’attaque par surprise ne peut rĂ©ussir que lorsque l’ennemi se nĂ©glige dans ses marches, et ne s’astreint point aux prĂ©cautions d’usage; car aussitĂŽt qu’une embuscade est Ă©ventĂ©e, son objet est manquĂ©. Dans une embuscade on doit non-seulement s’arranger de maniĂšre Ă  surprendre l’ennemi, mais encore Ă  l’envelopper et Ă  lui ĂŽter tout moyen de retraite ; Ă  cet effet, la troupe embusquĂ©e se partage en plusieurs corps ou dĂ©tachements pour attaquer h la fois par le front, par le liane et sur les derriĂšres. Quand on se rend en embuscade , il faut avoir soin de se faire prĂ©cĂ©der par une petite avant-garde , et de s’éclairer comme de coutume , pour ne pas tomber soi-mĂȘme dans un piĂšge de l’ennemi, et pour se saisir de toutes les personnes qui pourraient lui porter des avis. C’est d’ailleurs une rĂšgle dont un commandant de troupes ne doit jamais se dĂ©partir, et qu’on ne saurait trop rĂ©pĂ©ter, qu’en marche, loin ou prĂšs de l’ennemi, il faut se faire Ă©clairer. Les parties couvertes et cachĂ©es , telles que les bois, les collines, les fondriĂšres, les rochers, les grandes haies, etc. , sont, il est vrai, les plus avantageuses; mais ce ne sont pas les seules oĂč l'on puisse dresser des embuscades ; des digues, des champs couverts de moissons, et mĂȘme des prĂ©s oĂč l’herbe est haute, ou des plaines traversĂ©es par quelques ondulations, offriront quelquefois d'autant plus de facilitĂ©, que l’ennemi, croyant dĂ©couvrir de l’Ɠil toute la campagne, s’abandonne h trop de sĂ©curitĂ©. Un esprit inventif sait tirer parti de toutes ces circonstances, quand il a reconnu chez son adversaire tine tendance Ă  la nĂ©gligence ou Ă  la prĂ©somption. C’est ainsi qu’Annibal dĂ©fit Minutius Entre les deux camps, dit Polybe, Ă©tait une hauteur d’oĂč l’on pouvait fort incommoder l'ennemi. Annibal prit la rĂ©solution de s’en emparer le premier; mais s e doutant que Minutius, fier d'un premier succĂšs , ne manquerait pas de se prĂ©senter, il eut recours Ă  un stratagĂšme 27 JUSSIONS 418 quoique la plaine que commandait la colline lut rase et toute dĂ©couverte , il avait observĂ© qu’il s’y trouvait quantitĂ© d’ondulations et de cavitĂ©s oĂč l’on pouvait cacher du monde. Il y mit cinq cents chevaux et cinq mille fantassins, distribuĂ©s en petites troupes. Ces mesures lui rĂ©ussirent complĂštement Minutius marcha Ă  la dĂ©fense de la colline sans apercevoir l’embuscade qui le prit en flanc et Ă  dos; il fut entiĂšrement dĂ©fait. On cherche aussi, pour dresser des embuscades, les endroits oĂč l’ennemi ne peut pas se dĂ©ployer facilement, oĂč il est obligĂ© de filer en colonne mince et allongĂ©e ; ceux oĂč il est Ă  prĂ©sumer qu’en raison des difficultĂ©s locales quelque dĂ©sordre s’introduira dans sa marche; ceux oit sa troupe sera sĂ©parĂ©e par des obstacles, etc. À quelle distance de la route suivie par l’ennemi une embuscade doit - elle s’établir ? C’est une question qui ne peut se rĂ©soudre que par la nature des lieux et par l’espĂšce de troupes que l’on se propose d’attaquer. Mais on peut dire, en gĂ©nĂ©ral, que si l’on se met trop prĂšs , 'on sera dĂ©couvert par les " ueurs , et que si on se met trop loin, l’ennemi aura le temps de vous Ă©chapper pendant que vous viendrez Ă  lui. La cavalerie se portera plus loin que l’infanterie, parce que le hennissement des chevaux la fait dĂ©couvrir aisĂ©ment. Pour cette raison , et parce qu’elle ne peut pas se porter dans toute espĂšce de terrain , la cavalerie est moins propre que l’infanterie aux embuscades. Toutefois on l’y fait participer par petits dĂ©tachements. On entre dans l’ernbuscade par derriĂšre ou par les flancs, pour que les traces que la troupe laisse sur le chemin ne donnent pas l’éveil Ă  l’ennemi. On part de nuit pour arriver avant le jour au lieu de l’embuscade et s’y poster. Il est bon de prendre d’abord une fausse route, afin que les habitants ne puissent pas vous trahir en faisant connaĂźtre Ă  l’ennemi I e chemin que vous avez suivis. MISSIONS SPÉCIALES. UIS Une troupe embusquĂ©e n’nllume point de feu chaque soldat reste Ă  la place qu’on lui assigne , soit debout, soit assis ou couchĂ© ; il ne fume point; il tient ses armes cachĂ©es pour qne leur Ă©clat ne le fasse pas dĂ©couvrir, les reflets du soleil se voyant Ă  une trĂšs-grande distance, mĂȘme au travers du feuillage. De jour, une partie de la troupe peut dormir, s’il y a longtemps Ă  attendre , parce que, voyant de loin venir l’ennemi, on a le temps de se prĂ©parer; mais la nuit tout le monde doit ĂȘtre alerte pour saisir le moment et se jeter sur l’ennemi au signal convenu. La troupe Ă©tant, comme nous l’avons dit, partagĂ©e en plusieurs corps qui ont des tĂąches particuliĂšres h remplir, il est essentiel que chacun sache bien ce qu’il aura Ăą faire, alin d’éviter toute confusion et de mettre de l’ensemble dans l’attaque. L’infanterie , placĂ©e aussi prĂšs que posssible de la roule , ne fait qu’une dĂ©charge en arrivant, et se prĂ©cipite sur l’ennemi en poussant de grands cris pour l'effrayer. La cavalerie, postĂ©e plus loin , va, par un circuit, lui fermer le chemin en avant et en arriĂšre. Si, par la nature des localitĂ©s, l’embuscade est tellement rapprochĂ©e de la route, que l’on puisse tirer sur ceux qui y passent, les carabiniers , trĂšs-propres Ă  ces sortes d’affaires, ajusteront les officiers pour dĂ©sorganiser la troupe dĂšs le premier moment. L’embuscade ne doit sortir qu’à un signal convenu elle ne bougera pas pour quelques coups de fusil qui ne sont peut-ĂȘtre qu’accidentels. Le commandant juge seul du moment convenable ; c’est Ă  lui de donner le signal. Trop d’impatience Ă©venterait l’embuscade la ferait manquer. C’est bien souvent aprĂšs un engagement plus ou moins sĂ©rieux, et en feignant de se retirer devant l’ennemi, qu’on * amĂšne dans une embuscade. On rĂ©ussit quelquefois, quoique la ruse soit bien connue, pareeque l’ennemi, qui se croit 'auiqueur et qui veut profiter d’un premier succĂšs, ne peut Pas toujours prendre toutes les mesures de prudence qui sont usitĂ©es dans une simple marche, et qu’aussi la bonne fortune 420 MISSIONS SPÉCIALES. nous rend aisĂ©ment prĂ©somptueux. Il est peu de guerres qui ne fournissent quelques exemples de cette vĂ©ritĂ©. En 1622, le comte de Tilly serrait de fort prĂšs Heidelberg le roi de BoliĂšme et Mansfeld passent le Rhin pour secourir celte place. Tilly, Ă  la nouvelle de la marche du roi de BohĂȘme, vient se camper prĂšs de Wislock dans un poste trĂšs-avantageux. Pour l’en tirer, Mansfeld vient l’attaquer, et, pendant le combat, il fait replier scs troupes comme si elles avaient du dessous. Tilly les poursuit chaudement et s’avance jusqu’à Mingelheim, oĂč Jlansfeld avait embusquĂ© une partie de son armĂ©e et beaucoup d'artillerie. Les Bavarois, pris ainsi Ă  l’improviste, furent dĂ©faits en un instant ; ils eurent 2,000 hommes de tuĂ©s; ils perdirent leurs bagages, leurs canons et beaucoup de prisonniers; la ville de Heidelberg fut dĂ©gagĂ©e. Quand on a Ă©tĂ© prĂ©venu que l’ennemi cherche Ă  vous dresser une eiiibuscade, c'est un excellent parti Ă  prendre que de lui en dresser une Ă  lui-mĂȘme ; car, se voyant surpris au moment oĂč il compte surprendre, la dĂ©moralisation se jettera promptement dans ses rangs, et la peur, qui grossit tout, achĂšvera de le perdre. A cet effet, vous devez placer votre embuscade aussi prĂšs que possible de celle de l’ennemi, pour qu’au moment oĂč celle-ci se lĂšve, l’autre sorte et la prenne en flagrant dĂ©lit. Paulin, gĂ©nĂ©ral d’Othon, instruit par des dĂ©serteurs que CĂ©cinna lui a dressĂ© une embuscade, envoyĂ© une partie de scs troupes s’embusquer prĂšs de celles des ennemis, et il marche avec le reste comme s’il n’avait eu aucun avis. L’embuscade de CĂ©cinna fut taillĂ©e en piĂšces, parce qu’elle perdit courage au moment oĂč celle de Paulin se prĂ©senta. Ceci montre que, mĂȘme en s’embusquant, c’est-Ă -dire lorsqu’on se croit assez maĂźtre du pays pour pouvoir surprendre l’ennemi, il faut encore se tenir sur ses gardes, placer des sentinelles, et bien fouiller les environs du lieu oĂč l’on veut se poster. Les sentinelles sont non-seulement nĂ©cessaires pour la propre sĂ»retĂ© de I embuscade, mais encore pour annoncer V11SSI0XS SPÉCIALES. 421 l’arrivĂ©e de la troupe qu’on veut surprendre, et faire passer les divers renseignements qui peuvent intĂ©resser le commandant. 11 faut donc mettre lĂ  des hommes intelligents et ayant l’expĂ©rience de la guerre; il convient mĂȘme de placer en observation un officiel' ou un sous-oflicicr, avec deux ou trois hommes qui transmettront ses rapports. Si les patrouilles ou les sentinelles aperçoivent quelques Ă©claireurs ennemis, elles ne doivent point faire entendre de juĂŻ-vive, mais se cacher ou se retirer sans bruit du cĂŽtĂ© de la troupe embusquĂ©e la moindre indiscrĂ©tion pourrait faire Ă©chouer l’entreprise. Mais si l’ennemi vous dĂ©couvre, sortez aussitĂŽt, et tĂąchez de prendre au moins les soldats qui se sont le plus avancĂ©s; ce sera la faible consolation d’une affaire manquĂ©e. Il est bon d’avoir aux deux flancs de l’embuscade de petits dĂ©tachements de cavalerie pour courir aprĂšs les paysans, qui, l’ayant dĂ©couverte, chercheraient Ă  se sauver pour en donner avis. Mais le hennissement des chevaux, pouvant vous trahir, vous devez choisir les plus tranquilles. Il va sans dire que si la troupe doit rester longtemps cachĂ©e, le commandant, avant de partir, se sera pourvu des provisions nĂ©cessaires aux hommes et aux chevaux. Une fois embusquĂ© personne ne doit quitter le poste, mĂȘme sous dĂ©guisement, crainte d’éveiller les soupçons des habitants, et par suite ceux des ennnmis. Nous terminerons cet article par l’exemple suivant, tirĂ© de la Vie de Bayard , par À. deTerrebasse iLc chevalier Bayard, ayant Ă©tĂ© averti par ses espions qu’il y avait Ă  Naples un trĂ©sorier espagnol qui changeait de l’argent en or, ne douta point que cette somme ne fut destinĂ©e Ă  Gonsalve; il rĂ©solut de ne rien nĂ©gliger pour s’en emparer au passage. Ce gĂ©nĂ©ral Ă©tait bloquĂ© Ă  Barletta et sans argent pour la solde de ses troupes; les moindres convois Ă©taient pour lui de la derniĂšre importance. Bayard, aux aguets jour et nuit, apprit que le trĂ©sorier avait couchĂ© Ă  quinze milles, et qu’il se remettrait le 422 MISSIONS SPÉCIALES. lendemain en route pour Barletla, escortĂ© d’un dĂ©tachement de cavalerie. Le bon chevalier savait qu’il ne pouvait Ă©viter un dĂ©filĂ© assez Ă©troit situĂ© h trois milles de lĂ , et il alla s’embusquer, avec vingt chevaux seulement, entre deux rochers sur le bord de la route. Son compagnon Tardieu reçut ordre de se poster plus bas avec vingt-cinq Albanais, pour que si le trĂ©sorier venait Ă  Ă©chapper d’un cĂŽtĂ©, il fĂ»t pris de l’autre. Vers sept heures du malin, les sentinelles avancĂ©es entendirent les pas des chevaux, et vinrent avertirBayard qui recommanda lopins profond silence. Les Espagnols s’engagĂšrent en toute securitĂ© dans le dĂ©filĂ©, conduisant an milieu d’eux le trĂ©sorier et son valet qui portait l’argent en Croupe. A peine furent-ils passĂ©s, que Bayard et ses gens se prĂ©cipitĂšrent Ă  leurs trous- s’es, aux cris de France! France ! Les Espagnols, surpris et croyant avoir affaire Ă  des ennemis plus nombreux, s’enfuient vers Barletla, laissant le pauvre trĂ©sorier et son valet entre les mains de Bayard qui ne s’amusa point Ă  les poursuivre, ayant tout ce qu’il voulait. » g 4. — Des Partisans. Les partisans sont des troupes irrĂ©guliĂšres agissant pour leur propre compte, et ne recevant du chef de l’armĂ©e que des directions tout Ă  fait gĂ©nĂ©rales, et des passe-ports qui lĂ©gitiment leur existence. Sans ces papiers, on pourrait les prendre pour des brigands et les punir comme tels; ils sont sur terre ce que sont sur mer les corsaires. Les opĂ©rations des partisans sont donc indĂ©pendantes de celles de l’armĂ©e. Elles se dirigent de prĂ©fĂ©rence sur les derriĂšres de l’ennemi, parce que c’est lĂ  qu’il y a des prises Ă  faire. Mais le butin n’esl. pas leur unique objet; elles ont MISSIONS SPÉCIALES. 423 encore celui d’inquiĂ©ter les armĂ©es et de les forcer Ă  se diviser; d’attaquer, disperser les postes isolĂ©s; de tenir les populations hostiles dans l’effroi; d’encourager au contraire et de faciliter les rassemblements des citoyens que le patriotisme porte Ă  s’armer pour la dĂ©fense du pays. En se multipliant par leur agilitĂ© , les partisans tiennent l’ennemi dans une inquiĂ©tude continuelle il est obligĂ© de laisser des garnisons dans les villes, d’établir des postes partout, d'escorter les moindres convois. Les partisans sont donc de puissants auxiliaires pour une armĂ©e qui tient la dĂ©fensive; et ils sont d’autant plus utiles, qu’opĂ©rant dans un pays qu’ils connaissent bien, dont les habitants leur otfrenl toute espĂšce de secours, leurs entreprises peuvent ĂȘtre plus hardies et plus lointaines. Mais pour qu’ils ne soient pas un flĂ©au pour ces mĂȘmes populations qu’ils doivent dĂ©fendre, il faut qu’ils soient duement autorisĂ©s et astreints Ă  la mĂȘme discipline que les troupes rĂ©guliĂšres. Ils porteront un uniforme aussi s' 'e qu’on voudra, mais ils en porteront un qui permette de les reconnaĂźtre et ne les laisse pas confondre avec des contrebandiers, ou avec ces gens qu’on ne voit que trop souvent profiter des malheurs d’une guerre, et attaquer, sans distinction, amis et ennemis dans l’espoir du pillage. Le butin qu’ils font h la guerre est pour eux ; cet appĂąt est nĂ©cessaire pour les engager Ă  essayer de ces coups hardis et dangereux, qui ont tant d’elfet sur le moral de l’ennemi. Mais ce butin n’est dĂ©clarĂ© de bonne prise, vendu et partagĂ© entre les officiers et les soldats, qu’aprĂšs une dĂ©claration authentique d’une autoritĂ© militaire compĂ©tente, telle que le commandant d’un corps d’armĂ©e, ou le gouverneur d’une place dans laquelle les partisans se seraient retirĂ©s aprĂšs leur expĂ©dition. Les partis, c’est-Ă -dire les corps de partisans, doivent ĂȘtre peu nombreux pour Ă©chapper plus facilement aux poursuites °n Ă  la surveillance, et trouver partout des gĂźtes suffisants. Il vaut mieux former, avec le mĂȘme nombre d’hommes, deux 42i HISSIONS SPÉCIALES. partis, agissant sur des points diffĂ©rents, que de les rĂ©unir en un seul. Cela ne les empĂȘchera pas de se tendre la main au besoin, et l’ennemi en sera bien plus inquiĂ©tĂ©. C’est par leur multiplicitĂ© que ces petits corps le tourmentent et l’obligent Ă  se diviser. Ils marchent ordinairement de nuit, s’approchent furtivement, se cachent dans les ravins, dans les bois, dans les blĂ©s; et, quand ils se voient prĂšs de leur but, ils s’élancent comme la panthĂšre sur sa proie, tuent, dispersent les gardes, s’emparent d’un convoi ou d’un magasin, emmĂšnent tout ce qu’ils peuvent, et mettent le feu au reste. Les partisans sont quelquefois tirĂ©s des diffĂ©rents corps de l’armĂ©e, parmi les volontaires qui se' prĂ©sentent. Les chefs qu’on leur donne ne sont pas nĂ©cessairement des officiers ; un bon sous-officier, intelligent, actif, jouissant d’une certaine rĂ©putation parmi ses camarades, et connaissant bien la langue du pays, peut rendre de grands services h la tĂšte d’un parti. Mais, le plus souvent, les partis s’organisent en dehors de l’armĂ©e et se composent de gens dĂ©terminĂ©s, qui mettent h leur tĂšte un homme de leur choix. Les partisans sont Ă  pied ou h cheval. Les partisans fantassins, s’ils n’ont pas la vitesse des partisans cavaliers, et s’ils n’échappent pas aussi facilement qu’eux aux poursuites, jouissent, en revanche, d’autres avantages ils peuvent mieux se cacher et dĂ©rober leur marche ; ils passent parles sentiers les plus difficiles; ils traversent les bois; ils ont moins de besoins que les cavaliers, qui doivent songer Ă  leurs chevaux aussi bien et plus qu’à eux-mĂ©nies. On ne mĂ©langera pas les deux armes, parce que, dans les plaines, l’infanterie arrĂȘterait la cavalerie; dans les montagnes, ce serait la cavalerie qui embarrasserait l’infanterie. Il faut tout un ou tout autre, dans ces corps, dont la mobilitĂ© est la qualitĂ© principale. Pour empĂȘcher que les corps de partisans ne commettent des actes punissables, leurs chefs doivent ĂȘtre astreints Ă  rendre compte de la conduite qu’ils ont tenue pendant tout le temps d’une expĂ©dition. Le gĂ©nĂ©ral, sans les gĂȘner autrement, MISSIONS SPÉCIALES. 4 25 doit exiger d’eux un journal dĂ©taillĂ© de toutes leurs opĂ©rations, du montant des rĂ©quisitions qu’ils auront faites, en subsistances, en habillements ou en argent, objets pour lesquels ils prĂ©senteront, il l’appui, des certificats dĂ©livrĂ©s par les autoritĂ©s locales. Ceci suppose qu’on opĂšre en pays ennemi; chez nous, les partisans n’auraient rien h requĂ©rir des habitants, que la nourriture et le logement ; les bons qu’ils dĂ©livreraient pour cela, seraient admis par le commissariat, comme ceux des aunes troupes. Un bon chef de partisans n’est pas un homme facile Ă  trouver il doit avoir l’instinct de la guerre pour diriger ses marches, Ă©viter les surprises ou les embuscades, dresser lui-mĂȘme des piĂšges Ă  son adversaire, profiter de ses nĂ©gligences, le harceler, le tenir sans cesse dans la crainte d’une apparition soudaine, en tout temps, en tout lieu. Il doit ĂȘtre robuste, fait aux fatigues et aux privations, d’un courage Ă©prouvĂ©, d’un gĂ©nie fĂ©cond en ruses et en stratagĂšmes. Enfin la connaissance exacte de la langue et de la topographie du pays lui est indispensable, pour s’y mĂ©nager des intelligences, prĂ©parer ses coups, et mettre Ă  exĂ©cution ses entreprises. Il doit ĂȘtre toujours muni de bonnes cartes, qui, jointes aux rapports de ses Ă©missaires, le mettent Ă  chaque instant en Ă©tat de connaĂźtre la position de l’ennemi et de mĂ©diter ses opĂ©rations. Il aura avec lui des dĂ©guisements de toute espĂšce, pour pouvoir, au besoin, travestir quelques hommes et les envoyer aux informations, ou leur donner toute autre mission. Il conviendra avec ses soldats de certains signes pour se reconnaĂźtre , en toute circonstance, de nuit comme de jour. Quand il mĂ©ditera un coup de main, il aura la prĂ©voyance d’indiquer quelqu'endroil oĂč sa troupe, en cas d’échec, puisse se rallier ou se cacher. En un mot, l’audace 11e doit jamais se sĂ©parer chez lui de la prudence et de la ruse. Il revĂȘtira plus souvent la peau du renard que celle du lion. Plusieurs chefs de partisans se sont fait une grande rĂ©pu- Ptitation; les noms du baron de Trenck, de Dumoulin, du 42 le plus frĂ©quenles, parce que c’est le moment des entreprises de l’ennemi. C’est aussi alors qu’on fait partir les dĂ©couvertes, comme il a Ă©tĂ© dit en parlant des reconnaissances. Une patrouille est quelquefois remplacĂ©e par une sentinelle volante c’est un soldat intelligent et sĂ»r, qui fait le tour des sentinelles pour les tenir en Ă©veil. Quand cette sentinelle rencontre une troupe quelconque, elle se blottit derriĂšre une baie , un arbre, un buisson , jusqu’à ce que celte troupe ait passĂ© , et la suit pour dĂ©couvrir ses desseins , si possible. Pour la maniĂšre dont on reconnaĂźt les patrouilles, dont on donne et reçoit le mot, et autres dĂ©tails de service , voyez le RĂšglement pour le service des troupes en campagne. § 2. — De la CastramĂ©tation. Un emploie dans l’établissement des camps les lentes , les baraques ou les simples abris en feuillages, suivant les moyens qu’on a Ă  sa disposition et la durĂ©e du camp. S’il n’est que de peu de jours, on se contente de feuillĂ©es qu’on recouvre de paille ou de planches, et dont on laisse la construction Ă  l’industrie des soldats. Quand, au contraire, le camp doit ĂȘtre occupĂ© assez longtemps, et surtout lorsqu’on y doit passer l’hiver, on fait les dĂ©penses nĂ©cessaires pour Ă©lever des baraques en planches, qu’on recouvre de chaume et oĂč le soldat se mĂ©nage les petites aisances que comporte un logement aussi Ă©troit. Les tentes ne sont bonnes que pour la belle saison , parce qu’alors on peut les ouvrir pour en renouveler l’air. On en fait beaucoup moins usage maintenant qu’autre- fois ; elles sont presque exclusivement rĂ©servĂ©es pour les camps d’exercice. Les Français, dans les guerres de la rĂ©volution , ont appris Ă  s’en passer, et on s’en trouve bien ; elles 28 454 DU UEPOS DES TROUPES. Ă©taient un grand embarras pour les armĂ©es qui les traĂźnaient avec elles; et, comme on s’en servait alors non-seulement pour des camps de quelque durĂ©e, mais encore pour se loger dans les marches prĂšs de l’ennemi, oĂč il est essentiel de rester rassemblĂ© , on Ă©tait souvent obligĂ© de les dresser sur des terrains humides; la santĂ© des soldats en souffrait. On prĂ©fĂšre maintenant faire, en pareil cas, bivouaquer la troupe elle se couche sur la paille qu’on lui distribue, souvent mĂŽme tout simplement sur l’herbe ; elle allume degrands feux qui sĂšchent le terrain et tiennent les pieds chauds. Les soldats se font de petits abris contre le vent au moyen de quelques branches ou de planches quand ils peuvent s’en procurer. Mais ordinairement la troupe est rĂ©partie dans les granges, oĂč, quelque serrĂ©e qu’elle y soit, elle se trouvera toujours mieux qu’a la belle Ă©toile , surtout si le temps est froid ou pluvieux. Le cantonnement est la maniĂšre habituelle de loger les soldats, le bivouac est l’exception. Les circonstances dĂ©cident s’il est permis de s’étendre pour rĂ©partir la troupe dans les habitations, ou s’il faut la faire bivouaquer pour la tenir plus rassemblĂ©e et l’avoir sous la main. Une armĂ©e passe toujours au bivouac la nuit qui prĂ©cĂšde la bataille. On dĂ©signe quelquefois sous le nom. de camp le terrain qu’occupe la troupe bivouaquĂ©e ou cantonnĂ©e on dira marcher sur le camp de l’ennemi, pour marcher sur ses positions; quitter son camp, pour quitter les lieux qu’on a occupĂ©s, etc. Ici nous n’avons h parler que des camps proprement dits. Qu’on emploie dans l’établissement de ces camps des tentes, des feuillĂ©es ou des baraques, les rĂšgles Ă  observer sont toujours les mĂȘmes. Et d’abord il faut apporter de l’attention au choix de l’emplacement. Un camp doit toujours ĂȘtre Ă©tabli dans une position favorable, sous le point de vue militaire , et salubre pour les hommes et les chevaux. Il faut se mettre Ă  la proximitĂ© de l’eau, mais s’éloigner des marĂ©cages , qui souvent recĂšlent des fiĂšvres pernicieuses. L’air ne joue pas assez librement dans les grands bois pour qu’on s’y Bataillon voisin' p 2, U KEl'OS DES TROUPES. 435 renferme ; il faut pourtant s’en rapprocher pour fournir aux besoins du chauffage et de la cuisson. Un troisiĂšme besoin de premiĂšre nĂ©cessitĂ© , celui du repos des soldats et de la nourriture des chevaux , exige qu’on recherche les emplacements abondants en paille et en fourrage. VoilĂ  pour ce qui est de la commoditĂ© et de la salubritĂ©. ConsidĂ©rĂ© militairement, un camp doit dominer la campagne environnante , ou du moins n’en ĂȘtre pas dominĂ© ; les ailes seront autant que possible appuyĂ©es Ă  des obstacles naturels, tels que bois, rochers , lacs , etc. Si une riviĂšre ou un ruisseau coule devant le front du camp Ă  une assez grande distance pour permettre Ă  l’armĂ©e de se rassembler et de manƓuvrer, cela n’en vaudra que mieux. Les derriĂšres doivent ĂȘtre libres et offrir une bonne route, si ce n’est plusieurs, pour opĂ©rer la retraite dans le cas oĂč l'on y serait obligĂ©. On voit par lĂ  que la position d’un camp est essentiellement dĂ©fensive. Viennent ensuite les mesures de sĂ»retĂ© ainsi, toutes les avenues du camp, en avant, sur les cĂŽtĂ©s, et mĂȘme sur les derriĂšres seront occupĂ©es par des postes ; les ponts seront particuliĂšrement gardĂ©s et couverts par des retranchements ; les guĂ©s seront observĂ©s, les dĂ©filĂ©s occupĂ©s de maniĂšre Ă  en ĂȘtre maĂźtres. Outre les postes dĂ©tachĂ©s dont on vient de parler, et qui sont quelquefois assez Ă©loignĂ©s, le camp sera encore immĂ©diatement couvert par des gardes qui occuperont une ligne parallĂšle , Ă  la distance de cent Ă  deux cents mĂštres, sur le front et sur les flancs. Si le camp est dressĂ© sur un plateau, comme c’est presque toujours le cas, les gardes du camp seront placĂ©es sur le bord, et de prĂ©fĂ©rence aux parties saillantes d’oĂč l’on dĂ©couvre le mieux la campagne et les pentes mĂȘmes du plateau. On Ă©tablit ordinairement une garde de camp par brigade ; cependant il pourrait y en avoir deux si la brigade Ă©tait trĂšs-nombreuse ; il le faut pour les brigades des ailes qui ont Ă  couvrir les flancs du camp. DU II K PUS DES TllOCPKS. iÔG De peur de surprise, les gardes du camp construisent de petits ouvrages de fortification, Ă  la faveur desquels ils peuvent repousser un houra de cavalerie, et mĂȘme rĂ©sister momentanĂ©ment Ă  des forces supĂ©rieures d’infanterie. Ces petits ouvrages seront construits trĂšs-lestement en mettant des travailleurs des deux cĂŽtĂ©s pour creuser un fossĂ© en dehors et une tranchĂ©e en dedans, comme le montre le profil, fig. 29 e . On donnera au parapet l ,n ,50 seulement de hauteur et l ,n ,00 d’épaisseur. La tranchĂ©e intĂ©rieure aura l m ,00 de largeur au fond, 0'“,S0 de profondeur avec de petits talus sur les bords. C'est dans cette tranchĂ©e que les hommes se tiendront pour charger leurs armes. Le fossĂ© aura 2"',00 de largeur en haut, 1 m ,00 en bas avec la profondeur de l m ,00. Une petite banquette intĂ©rieure, de 0 m ,20 de hauteur et l m ,00 de largeur, formera comme un degrĂ© pour tirer par dessus le parapet. Le terrain naturel sera le degrĂ© intermĂ©diaire entre la tranchĂ©e et la banquette. Si l’on ne peut pas donner au prolil exactement les formes prescrites, on se contentera de faire un bourrelet de terre de trois Ă  quatre pieds de hauteur. Quant Ă  la forme du retranchement, elle se rĂ©duit h celle d'un simple redan, ou d’une lunette dont les faces et les flancs n’ont que la longueur voulue pour contenir la garde sous les armes. On compte un mĂštre de parapet par homme. L’ouvrage est fermĂ© Ă  la gorge par une petite tranchĂ©e et un bourrelet. On substituera quelquefois des abatis aux retranchements. Cela peut convenir dans les pays boisĂ©s. La garde du camp reste au bivouac ; on ne lui donne ni tente, ni baraque ; on lui fait seulement une feuillĂ©e pour se garantir un peu de la pluie et du vent. Les hommes condamnĂ©s i» la prison, ou dĂ©tenus pour cause quelconque, sont confiĂ©s Ă  la garde du camp. A cet effet, on dresse en arriĂšre du retranchement le nombre de tentes nĂ©cessaires pour les recevoir. La rĂšgle principale Ă  suivre dans le tracĂ© du camp, c'est MU ÎIKI'OS MES TROIJI'KS. i57 que le front de bandiĂšre, ou, en d’autres termes, la ligne extĂ©rieure du camp, occupe la mĂȘme Ă©tendue que la troupe en bataille ; et cela non-seulement pour les corps entiers, mais encore pour chaque subdivision en particulier, de telle sorte qu’un bataillon quelconque dans la ligne trouve en avant de ses logements l’espace nĂ©cessaire pour se dĂ©ployer, ainsi que les intervalles qui le sĂ©parent des bataillons voisins. Il en est de mĂȘme pour les escadrons de cavalerie, pour les compagnies de carabiniers, et mĂȘme pour les batteries, quand elles sont placĂ©es en ligne, ce qui n’a pas toujours lieu. On est au contraire dans l’usage de faire camper l’artillerie derriĂšre l’infanterie ; elle forme en quelque sorte un petit camp sĂ©parĂ©. Autant que possible , tout le camp pour l’inlanterie et la cavalerie s’établit sur une seule ligne, la cavalerie aux ailes, l’infanterie au centre. Les tentes ou baraques sont alignĂ©es d’une extrĂ©mitĂ© du camp Ă  l'autre , et prĂ©sentent des rues bien dressĂ©es. Le chef peut ainsi, d’un coup d’Ɠil, embrasser le camp dans toute son Ă©tendue; cela contribue au maintien de l’ordre. Il ne faudrait pourtant pas se jeter dans des bas- fonds ou sur des terrains peu propres au campement pour conserver cet alignement. Il faut, au contraire, savoir plier le tracĂ© d’un camp, comme un ordre de bataille, aux inĂ©galitĂ©s du terrain. Quand l’armĂ©e est formĂ©e sur deux lignes, il y a aussi deux camps, l’un devant l’autre. La rĂ©serve a son camp particulier. Les mĂȘmes rĂšgles seront observĂ©es dans chacun de ces camps en particulier, comme s’il Ă©tait seul. Les Romains, si cĂ©lĂšbres par leurs camps, se rangeaient dans un ordre tout diffĂ©rent ; ils disposaient leurs tentes en carrĂ© plein et les divisaient par rues qui se croisaient Ă  angles droits. C’est que la nature de leurs armes leur permettait de faire, en peu de temps, une enceinte suffisamment forte autour de ce camp, vĂ©ritable image d’une forteresse, pour le prĂ©server d’une irruption soudaine. DerriĂšre un parapet d& 438 DU REPOS DES TROUPES. quelques pieds de hauteur, couronnĂ© d’une palissade, ils Ă©taient Ă  l’abri des attaques de l’ennemi. DĂšs lors ils ont dĂ» adopter celte maniĂšre de camper, qui donnait Ă  leurs retranchements le moins de dĂ©veloppement; en sorte qu’en n'employant au travail qu’une faible portion de l’armĂ©e, et la relevant par intervalles, ils pouvaient, sans trop de fatigue, se fortifier chaque fois qu’ils prenaient un camp, et souvent chaque jour d’une marche. Ce travail, qui nous semble inoui, Ă©tait rendu plus facile par l’usage de faire porter aux soldats deux ou trois pieux ou palissades, bien plus lĂ©gĂšres que les nĂŽtres, ‱ et garnies, Ă  une de leurs extrĂ©mitĂ©s, de cordelettes ou de courroies pour les lier ensemble. Chaque soldat, plantant lui-mĂȘme ses palissades, l’enceinte Ă©tait faite en peu de temps. Il suflisait d’un fossĂ© de cinq Ă  six pieds de profondeur et d’une banquette ou terrasse de quatre pieds de hauteur, sur laquelle les palissades Ă©taient plantĂ©es jointivement, pour avoir un retranchement Ă  l’épreuve des armes dont on se servait alors. II est Ă  prĂ©sumer que dans les camps de passage, les dimensions du fossĂ© Ă©taient encore rĂ©duites; trois Ă  quatre pieds de profondeur devaient sullire. Le camp Ă©tait-il de quelque durĂ©e, on approfondissait et rĂ©largissait son fossĂ©, en mĂȘme temps qu’on donnait plus de relief Ă  son rempart et qu’on doublait les palissades. On allait mĂŽme jusqu’à construire des tours en charpente pour llanquer les parapets, si l’on avait l’intention de se dĂ©fendre dans le camp. De nos jours, de semblables opĂ©rations sont impossibles, parce que pour faire des parapets Ă  l’épreuve du canon et qui couvrent sullisamment, il y a Ă  remuer de grandes quantitĂ©s de terre ; pour les armer de palissades il faut dĂ©peupler les forĂȘts. Que si on se contente de simples bourrelets de quelques pieds de hauteur, comme aux gardes du camp , cela ne sera d’aucune valeur contre une attaque sĂ©rieuse. On ne se fortifie donc rĂ©ellement que lorsqu’on doit rester longtemps dans un camp et qu’on en veut dĂ©fendre la position. Alors on ne nĂ©glige rien pour donner aux ouvrages toute la 1U REPOS DES TROUPES. 439 soliditĂ© possible, et il vaut mieux en faire peu elles faire bien, que d'en commencer une grande quantitĂ© pour ne faire que les Ă©baucher ou leur donner de mauvaises proportions. Cela ne fait que compromettre la troupe en lui inspirant une fausse confiance et en l'enchaĂźnant h de mauvais parapets, qui ne la protĂ©geront qu’imparfaitement. Puis donc que nous ne pouvons pas fortifier nos camps Ă  la maniĂšre des Romains, il ne nous est pas permis de nous agglomĂ©rer comme eux. Il faut nous dĂ©ployer dans l’ordre de bataille, pour qu’à la moindre alerte la troupe, en sortant de ses tentes, soit prĂȘte au combat. Il faut surtout se garder au loin pour empĂȘcher toute surprise, et, enfin, choisir des positions fortes d’assiette, d'un abord dillicile. Dans un pays dĂ©couvert et uni, la cavalerie campe, comme nous avons dit, aux ailes de l’infanterie, parce que c’est sa place de bataille; mais dans les pays coupĂ©s, elle doit ĂȘtre couverte par l’infanterie, c’est-Ă -dire, qu’elle doit camper en seconde ligne. Les parcs d’artillerie s’établissent aussi en arriĂšre, car rien n’est plus Ă  redouter que la surprise d’un parc par le dĂ©sordre Ă©pouvantable qui en rĂ©sulte. Souvent, pour les mieux couvrir, devra-l-on faire camper des brigades sur les flancs et perpendiculairement Ă  la ligne de bataille. C’est principalement lorsqu’on manque d’obstacles naturels pour appuyer les flancs, qu’il faut avoir recours Ă  ce moyen ; on supplĂ©e par la disposition des troupes Ă  la faiblesse de la position. Quelquefois mĂȘme, si l’on est entourĂ© d’ennemis et si l’on a presque autant Ă  craindre par derriĂšre que de front, la seconde ligne devra-t-elle camper le dos tournĂ© Ă  la premiĂšre, de maniĂšre qu’avec les troupes en potence sur les flancs, le camp offrira un vaste rectangle, dont chaque face sera en mesure de recevoir l’ennemi s’il se prĂ©sente. Passant maintenant aux dĂ©tails du camp, nous donnerons les Ă©lĂ©ments sur lesquels est basĂ© le calcul de son Ă©tendue d’abord nous rappellerons que pour estimer l’étendue d’un bataillon qui fixe celle du front de bandiĂšre, on compte un uo DU REDOS DES TROUPES. demi-mĂšire ' e homme dans le rang; c’esl un peu faible, mais on a ainsi Ă©gard Ă  tous les hommes qui restent en serre-file. Supposons, par exemple, un bataillon de 690 hommes, formĂ© sur trois rangs, chaque rang sera de 250 hommes en supposant que les serre-files soient aussi dans le rang, lesquels, occupant chacun un demi-mĂštre, donneront un Iront de 115 mĂštres. Telle serait aussi l’étendue du front de ban- diĂšre. Il n’y aurait plus qu’à tenir compte de l’intervalle qu’on laisse entre les bataillons pour avoir l’espace total occupĂ© dans la ligne par le camp du bataillon que nous avons pris pour exemple. Il n’est pas nĂ©cessaire d’une plus grande exactitude dans ce genre de calculs. Pour l’escadron, on assigne un mĂštre par cavalier dans le rang, et, comme la cavalerie se forme toujours sur deux rangs, on a l’étendue du front en prenant la moitiĂ© du nombre des cavaliers. Les serre-files, qu’il faudrait dĂ©falquer du rang, sont pour l’intervalle entre les escadrons, lequel est toujours petit. Ainsi on compterait que le camp d’un escadron de 120 chevaux aurait, y compris l’intervalle, 00 mĂštres d’étendue. Actuellement les lentes de l’infanterie et de la cavalerie sont les mĂȘmes; elles sont pour douze h seize fantassins, ou pour six Ă  huit cavaliers ces derniers, ayant Ă  soigner sous la tente les harnais de leurs chevaux, ne peuvent pas y entrer en aussi grand nombre. Les lentes, quand elles sont dressĂ©es, ont T 1 ",00 de largeur et Gℱ,00 de longueur. Mais si l’on compte les cordes et les piquets de tension, les rigoles d’écoulement qui se pratiquent autour, et les petits intervalles qu’on laisse entre deux tentes voisines, on pourra, dans le calcul, estimer qu’une lente occupe, en tout, un espace rectangulaire de 6 m ,00 de large et 8 ,n ,00 de longueur; ou, pour parler plus exactement, c’est l’espace qui est nĂ©cessaire Ă  son Ă©tablissement. Voyez la figure 30 e . Les compagnies placent leurs lentes, moitiĂ© Ă  droite, moitiĂ© Ă  gauche des rues du camp, de maniĂ©rĂ© que Insigrands cĂŽtĂ©s DU REPOS DES TROUPES. 441 des tentes, sur lesquels se trouvent les ouvertures ou portes, se regardent figure 52 e . Il y a donc autant de rues que de compagnies. Les tentes des compagnies contiguĂ«s sont adossĂ©es et ne laissent entre elles que des intervalles qui, d’aprĂšs ce qui prĂ©cĂšde, n’ont que 2 m ,OOde largeur. De pareils intervalles subsistent entre les lentes d’une mĂȘme lile. C’est la zĂŽne d'un mĂštre de largeur, que nous avons assignĂ©e h chaque tente pour son Ă©tablissement, qui pourvoit Ă  ces intervalles, en sorte que nous en ferons abstraction dans les estimations qui vont suivre. Si, en raison de la disposition que nous venons d’indiquer, I*es rues du camp restaient trop Ă©troites, on mettrait toutes les tentes d’une compagnie sur une seule file; parce que le nombre des files, Ă©tant ainsi rĂ©duit de moitiĂ©, l’espace disponible, qui resterait pour les rues, serait doublĂ©. La limite qu’on assigne h la largeur des rues est de fi mĂštres. C’est-Ă -dire, que si elles restent au-dessous de cela lorsqu’on campe par demi-compagnies, il faut avoir recours au moyen ci-dessus pour en augmenter la largeur. Les troupes, formĂ©es sur deux rangs, ne sont guĂšre exposĂ©es Ă  cet inconvĂ©nient, parce que leur front est ordinairement assez Ă©tendu pour laisser aux rues du camp une largeur convenable. Pour la cavalerie, les rues ne doivent pas avoir moins de 12 mĂštres; parce que les chevaux, attachĂ©s Ă  des piquets dans les rues, la tĂšte tournĂ©e vers les lentes, occupent deux mĂštres et demi de chaque cĂŽtĂ© ; on laisse deux mĂštres d’intervalle entre les tentes et les piquets chevaux, et enfin il en faut au moins trois, entre les croupes des chevaux, pour un passage dans le milieu de la rue ; ce qui fait 12 mĂštres en tout. Ainsi le minimum de largeur des rues de camp est, pour la cavalerie , double de ce qu’il est pour l’infanterie. 1 Ces intervalles ont rĂ©ellement 2,"50 Ă  2 m i, pareequ’ils sont accrus de tout ce qu’il y a de libre dans la zone d’un mĂštre, que nous laissons autour des lentes. Les piquets des tentes et les rigoles ne prennent guĂšre que 0’" 40 Ă  0 m 30 de cette largeur. Le ‱'este est pour la circulation. 442 DU REPOS DES TROUPES. En avant du front de bandiĂšre, et Ă  10 mĂštres de distance, sont les faisceaux d’armes. C’est lĂ  qu’on plante le drapeau, au milieu de la ligne. A 12 m en arriĂšre des tentes des soldats, sont les cuisines, par demi-compagnies, dans l’alignement des tentes de ces demi-compagnies, et Ă©tabliĂȘs parallĂšlement au camp; 15 mĂštres plus loin, sont les tentes du petit Ă©tat-major, dans l’alignement de celle des soldats le petit Ă©tal-major comprend tous ceux qui figurent dans l’état-major des bataillons, eL n’ont pas le rang d’ollicier; on y joint les musiciens, les vivandiers et les blanchisseuses; 15 mĂštres au delĂ , mesurĂ©s de tĂšte Ă  tĂȘte, sont les tentes des lieutenants et des sous-lieutenants; 15 mĂštres plus loin encore, sont celles deĂŻi capitaines. Jusque-lĂ  toutes les tentes sont tournĂ©es comme celles des soldats, et alignĂ©es sur elles; mais les tentes des capitaines doivent ĂȘtre tournĂ©es en face des rues, et placĂ©es dans le milieu, de maniĂšre Ă  voir facilement ce qui s’y passe, et Ă  les surveiller dans toute leur Ă©tendue. Enfin, en arriĂšre des tentes des capitaines, et toujours Ă  15 mĂštres de distance , sont les tentes de l’état-major faisant face au front de bandiĂšre, comme celles des capitaines. DerriĂšre toutes les tentes et dans l’endroit le plus propice, on place les charriots et les chevaux de bataillon , ainsi que les latrines des officiers. Les latrines des soldats sont, au contraire , placĂ©es en avant du front de bandiĂšre , aussi loin que possible, sans cependant dĂ©passer les gardes du camp on les entoure de feuillĂ©es, et on a soin de les construire dans les endroits les plus bas et les plus cachĂ©s. Toutes les distances convenues se prennent trĂšs-promptement au moyen de deux cordeaux, l’un pour le front du camp et l’autre pour sa profondeur, sur lesquels sont marquĂ©s, par des nƓuds de diffĂ©rentes couleurs, les espaces occupĂ©s par les tentes et les rues. On donne Ă  chaque bataillon ou escadron un cordeau de front et un cordeau de profondeur , au moyen desquels les officiers tracent eux-mĂȘmes leurs camps particuliers sur les emplacements qui leur sont BU REPOS DES TROUPES. 443 indiques par l’état-major. On y joint un cordeau de perpendiculaire , pour que le tracĂ© des rues soit bien d’équerre sur le front de bandiĂšre. Ce cordeau est composĂ© de quatre bouts liĂ©s ensemble et formant un triangle isocĂšle avec sa perpendiculaire voyez la lĂźguro31 mC . Il y a une boucle h chaque angle et une au milieu de la base , pour en tendre les diverses parties. Lorsque la base du triangle est placĂ©e sur la ligne, la boucle du milieu sur le point, le sommet du triangle donne la direction de la perpendiculaire qui passera par ce point. La longueur des parties est ordinairement de 3,4 et 5 mĂštres. Dans ces proportions , l’usage du cordeau est trĂšs-commode. Appliquons les donnĂ©es prĂ©cĂ©dentes au calcul de l’espace qu’occuperait le ranvp d’un bataillon fĂ©dĂ©ral complet sa force est de 750 hommes, non compris l'Ă©tat-major ; la troupe Ă©tant formĂ©e sur deux rangs occuperait 188 mĂštres, et, ajoutant 12 mĂštres pour l’intervalle d’un bataillon Ă  l’autre, nous trouvons 200 mĂštres pour l’étendue du front. Mais il se prĂ©sente ici une difficultĂ© , c’est que dans l’ordre de bataille la compagnie de chasseurs n’entre pas en ligne; elle se place derriĂšre une des ailes du bataillon. Ainsi donc , contradictoirement au principe le front de bandiĂšre du camp n’est pas Ă©gal Ă  celui du bataillon dĂ©ployĂ© ; il est d’environ 30 mĂštres plus grand. Cela serait sans inconvĂ©nient dans un camp d’exercice, mais il y en aurait beaucoup devant l’ennemi. Il faut donc rĂ©duire cet espace Ă  170 mĂštres. Et si l’on fait attention que le service et les maladies rĂ©duisent toujours notablement le nombre des soldats prĂ©sents au camp ', on verra que , mĂȘme en prenant 20 mĂštres sur les 170 pour l’intervalle des bataillons, il restera encore assez de place devant les tentes pour recevoir le bataillon dĂ©ployĂ©, avec les chasseurs en ligne. Nous admettrons doue le chilĂŻre ci-dessus, et nous prendrons i ’ On Ă©value celte rĂ©duction Ă  environ un cinquiĂšme. C’est pourquoi une tente qui rĂ©ellement ne peut recevoirque douze hommes, compte pour quinze ou seize. DU HEDOS DES TROUPES. 444 20 mĂštres pour l’intervalle qu'il faut laisser entre la gauche d’un bataillon campĂ© et la droite du suivant, et ISO mĂštres pour le front de bandiĂšre lig. 52 e . Maintenant le bataillon Ă©tant composĂ© de six compagnies, pour chacune desquelles il faut deux files de tentes perpendiculaires au front de bandiĂšre, il y aura en tout douze liles; et chacune de ces liles occupant, d’aprĂšs ce qui a Ă©tĂ© dit plus haut, un espace de G mĂštres, intervalle compris, cela fera 72 mĂštres Ă  dĂ©duire de la longueur du front de bandiĂšre. Il restera donc 78 mĂštres pour les six rues; chacune de ces rues aura par consĂ©quent 15 mĂštres, ce qui est bien au delĂ  du nĂ©cessaire. On voit donc, qu’avec notre organisation fĂ©dĂ©rale., il n’y a point Ă  craindre d’avoir des rues trop Ă©troites. On pourrait mĂȘme fixer l’étendue du front de bandiĂšre uniquement sur les compagnies qui entrent en ligne , en laissant les chasseurs se rassembler derriĂšre , et avoir encore des rues d’une largeur sullisante. Quand on s’arrangerait ainsi, il faudrait Ă©tablir une ligne particuliĂšre de faisceaux pour les chasseurs, soit en avant, soit en arriĂšre des tentes. C’est Ă  quoi l’on serait obligĂ© si, comme il en est question, on donnait deux compagnies de chasseurs Ă  chaque bataillon. Quant Ă  la profondeur du camp, elle rĂ©sulte du nombre de lentes qu’il faut mettre Ă  la lile pour loger les demi-compagnies. Il en faut huit pour 120 hommes, force normale de la compagnie d'infanterie. Cela fait donc quatre pour une demi- compagnie , lesquelles Ă  8 mĂštres par tente , tout compris, exigent 52 mĂštres. Donc Profondeur pour les tentes des soldats, 52 m Distance des cuisines aux derniĂšres tentes , 12 Distance des lentes du petit Ă©tat-major aux cuisines, 15 Distance des tentes des lieutenants aux prĂ©cĂ©dentes, 15 Distance des tentes des capitaines aux prĂ©cĂ©dentes, 15 Distance des tentes du grand Ă©tat-major aux prĂ©cĂ©d. 15 Largeur de la derniĂšre lile de lentes , 6 110 m nu REPOS DES TROUPES. 445 Ainsi l’espace occupĂ© par les tentes d’un bataillon fĂ©dĂ©ral, campĂ© rĂ©guliĂšrement, est un rectangle de 150 mĂštres de front et 110 mĂštres de >;! ... ’d inp Mais si l’on veut Ă©valuer l’espace qu’il faut encore en avant et en arriĂšre des tentes, on aura Ă  rĂ©unir les quantitĂ©s suivantes ^ ! , -a- Distance des faisceaux d’armes en avant des tentes , 10 m Distance des gardes du camp en avant des faisceaux, 150 Distance des latrines d’olficiers en arriĂšre du grand ,, Ă©tat-major, au moins, . _ ‱ — 30 190 m A quoi ajoutant l’espace occupĂ© par les tentes et trouvĂ© ci- dessus Ă©gal Ă  110 mĂštres, nous aurons 500 mĂštres pour la totalitĂ© de l’espace nĂ©cessaire en profondeur, pour camper l’infanterie. Elle serait gĂȘnĂ©e sur un plateau qui aurait moins que cela. i Quand la profondeur manque, on peut resserrer les intervalles des tentes d’ofiiciers, les rĂ©duire, par exemple, Ă  10 mĂštres, au lieu de 15; on peut faire entrer les tentĂ©s des capitaines dans la ligne des lieutenants; on peut mĂȘme , en cas d’absolue nĂ©cessitĂ© , rĂ©unir les cuisines dans l'intervalle des bataillons, et mettre les tentes du petit Ă©tat- major sur leur emplacement. J-ut Nous avons dit que l’intervalle des bataillons serait de 20 mĂštres dans un campement fĂ©dĂ©ral. Le double est nĂ©cessaire entre deux brigades. On met ordinairement 50 mĂštres d’intervalle entre la cavalerie des ailes et l'infanterie. Il faut remarquer ici que, lorsque les camps de deux troupes voisines font entre eux un angle , on doit augmenter l’intervalle ordinaire, pour que les tentes de la queue du camp ne viennent pas se confondre. Si l'angle est rentrant, cette prĂ©caution n’est plus nĂ©cessaire ; on peut, au contraire, 44i nu REPOS DES TROUPES. dans ce cas, resserrer l’intervalle quand les localitĂ©s l’exigent. La police du camp est confiĂ©e h une garde particuliĂšre qui bivouaque, comme la garde du camp. Elle est Ă©tablie dans l’intĂ©rieur, Ă  la hauteur des cuisines, et vis-Ă -vis les intervalles des bataillons , ses armes contre un chevalet. On construit une feuillĂ©e pour son bivouac. Il n'y a qu’une seule garde de police par brigade *. Les camps de la cavalerie sont disposĂ©s comme ceux de l’infanterie, avec cette seule diffĂ©rence que, dans le sens de la profondeur, on laisse entre les tentes des intervalles de 4 mĂštres pour le fourrage. Ainsi, il faut 12 mĂštres en profondeur pour chaque tente de cavalerie. On ajoute une tente surnumĂ©raire, dans chaque file, pour sĂ©parer les fourrages des cuisines, et l’on y loge les ouvriers , les can- tiniers , les conducteurs de charriots. Les chevaux sont attachĂ©s Ă  des piquets plantĂ©s Ă  2 mĂštres des tentes, et liĂ©s entre eux par une corde. On laisse une ouverture devant chaque intervalle de tentes, pour arriver de la rue centrale aux dĂ©pĂŽts de fourrages et aux tentes. Voyez la figure 33°, dans laquelle les petits rectangles ponctuĂ©s indiquent les espaces occupĂ©s par les chevaux. Le feu Ă©tant plus Ă  craindre que dans un camp d’infanterie, on sĂ©pare davantage les cuisines des derniĂšres tentes on les met Ă  20 mĂštres. Il n’y a pas de tentes de petit Ă©tat-major. Les tentes des lieutenants sont Ă  20 mĂštres des cuisines; celles des capitaines Ă  20 mĂštres de celles des lieutenants. Il n’y a pas, dans l’armĂ©e fĂ©dĂ©rale, de colonels de cavalerie ; c’est le 4 La garde de police peut aussi s’établir dans le milieu du camp du bataillon, entre les cuisines et les tentes des lieutenants. Le petit Ă©tat-major n’ayant pas besoin de plus de-six tentes, il reste une place vide au milieu du camp qui peut ĂȘtre utilisĂ©e ainsi. Cela convient surtout quand le nombre des bataillons de la brigade est impair, pareequ’ainsi la garde de police se trouve au centre. L’intcr- tervalle des bataillons est dĂ©gagĂ© ; ce qui vaut mieux. J'Jscadro/i uoLrin PI,LU. f-O- o L'7 EĂź- nu REPOS DES TROUPES. 447 plus ancien capitaine qui est chef de l’escadron ; en consĂ©quence il n’y a pas d’autre ligne de tentes. L’escadron fĂ©dĂ©ral est composĂ© de deux compagnies, chacune de GO chevaux, olliciers non compris; il occupe donc 60 mĂštres, Ă  raison d’un mĂštre par cavalier. Telle sera donc aussi l’étendue, en front de bandiĂšre, du camp de l’escadron. Les deux compagnies camperont sur quatre files, formant deux rues. Les tentes prendront 24 mĂštres sur le front ; et si nous en mettons 4 pour l’intervalle des escadrons ', il en restera 52 pour les deux rues, ou IG pour chacune d’elles; largeur bien convenable. Cette largeur se rĂ©trĂ©cit pour des escadrons moins nombreux. Si elle arrivait Ă  la limite de 12 mĂštres que nous leur avons assignĂ©e , ou restait au dessous, il faudrait n'avoir que deux files de tentes, et pour cela camper par compagnies entiĂšres. Dix tentes sont nĂ©cessaires Ă  chaque compagnie, non compris celles des olliciers ; savoir, huit pour les cavaliers, h raison de 7 h 8 hommes par tente, et deux pour les ouvriers, les conducteurs , etc. Cela fera donc cinq tentes en profondeur , dont quatre Ă  12 mĂštres et une Ă  8 mĂštres, en tout 56 mĂštres , et l’on aura, si l’on veut Ă©valuer la profondeur du camp, les quantitĂ©s suivantes Espace occupĂ© par les tentes des cavaliers, .SG” Distance des cuisines aux derniĂšres tentes, 20 Distance des tentes des lieutenants aux cuisines, 20 Distance des tentes des capitaines aux prĂ©cĂ©dentes, 20 Largeur de la derniĂšre file de tentes, G 122 m L’espace occupĂ© uniquement par les tentes d’un escadron de cavalerie fĂ©dĂ©rale est donc un rectangle de 56 mĂštres de front et de 122 mĂštres de profondeur. ' C’est que les 60 m comprennent cet intervalle, attendu que les serre-files sont Ă  dĂ©duire du front de l’escadron comptĂ© pour soixante chevaux. 448 DU REPOS DES TROUPES. La cavalerie Ă©tablit, comme l’infanterie, ses faisceaux d’armes Ă  10 mĂštres en avant du front de bandiĂšre. II lui faut aussi un espace de 150 mĂštres jusqu’aux gardes du camp, sur le front et sur les cĂŽtĂ©s. En sorte que le plateau sur lequel elle campe ne doit pas avoir moins de 500 mĂštres de largeur, pour qu’elle y soit convenablement. Il en est de mĂȘme pour l’infanterie, ji lii Les camps de l’artillerie s’établissent de prĂ©fĂ©rence en seconde ligne. On les dispose de maniĂšre Ă  former une enceinte dans laquelle les piĂšces, les caissons et les autres voitures qui marchent avec les batteries, puissent ĂȘtre parquĂ©s. Les instructions n’ont rien de bien prĂ©cis Ă  ce sujet ; elles laissent beaucoup de latitude pour l’arrangement Ă  adopter; elles s’accordent cependant sur un point, c’est que, chaque camp partiel, pour une batterie, doit offrir trois divisions distinctes. Les deux premiĂšres , Ă  droite et h gauche du parc, sont pour les soldats du train ou canonniers conducteurs. La troisiĂšme division , placĂ©e en avant ou en arriĂšre du parc, est destinĂ©e aux canonniers servants. Les tentes des officiers sont avec celte division. Les cuisines sont en arriĂšre du tout pour les tenir Ă©loignĂ©es des poudres et des fourrages. Par cette disposition , les piĂšces et les caissons sont sous une bonne surveillance. Appliquons ces rĂšgles Ă  une batterie fĂ©dĂ©rale de piĂšces de 12, servie par une compagnie d’artillerie, et composĂ©e comme suit Officiers et un chirurgien , 5 VĂ©tĂ©rinaire, 1 Ouvriers , marĂ©chaux et selliers , 4 Trompettes, 3 Sous-officiers et soldats d’artillerie , 78 Canonniers conducteurs, 46 Total des hommes, 157 ! ' Il n’y aura d’autre diffĂ©rence pour une batterie d’un autre calibre que dans le nombre des hommes cl des chevaux qui sera un peu moins considĂ©rable ; la forme du camp restera la mĂȘme. r>Ù UK!'O S DUS TROUPES. 449 Chevaux le selle pour ollioiers, o ut. pour le vĂ©tĂ©rinaire et les sous-otlĂźciers, 8 kl. pour les trompettes, 5 Chevaux de trait, 92 Total des chevaux , 108 On voit de suite , d’aprĂšs celte composition, qu’il doit y avoir quelques modifications Ă  apporter aux rĂšgles de campement de l'infanterie et de la cavalerie, pour les appliquera l’artillerie. 1°. Le nombre des chevaux Ă©tant trĂšs-considĂ©rable par rapport Ă  celui des conducteurs , il faut espacer les tentes , perpendiculairement au front de bandiĂšre , plus qu’on ne le fait dans la cavalerie , alin d’avoir de la place pour les fourrages et pour les chevaux aux piquets. 2° Les canonniers conducteurs, ayant Ă  soigner des harnais bien plus embarrassants que l’équipage ordinaire du cavalier, ne peuvent pas ĂȘtre aussi nombreux dans chaque lente. 5° Les sous-olHciers et les trompettes Ă©tant montĂ©s, et ayant aussi Ă  soigner des Ă©quipages de cheval, on ne peut pas non plus compter qu’une tente serve Ă  quinze ou seize hommes, comme dans l’infanterie Voici comment on pourrait fixer ces Ă©lĂ©ments l’intervalle entre les tentes du train serait proportionnĂ© au nombre de chevaux, en comptant l m ,50 par cheval aux piquets, c’est-Ă - dire que s’il y a, par exemple , dix chevaux affectĂ©s Ă  une tente, il faudra prendre pour chaque tente quinze mĂštres dans la ligne perpendiculaire au front de bandiĂšre. On logerait par tente G canonniers-conducteurs, ou 10 artilleurs. Cette rĂ©duction dans le nombre des hommes sons la mĂȘme tente est d’autant plus nĂ©cessaire, que l’artillerie n’est pas, comme les autres armes, appelĂ©e Ă  un service extĂ©rieur des gardes , et que par consĂ©quent le nombre d'hommes dans les tentes est presque toujours Ă  peu prĂšs au complet. fin voit, d’aprĂšs cela, qu’il faudra 8 tentes pour le train 29 DU REPOS DES TROUPES. 450 et autant pour les canonnicrs-servants ; Ă  quoi nous ajouterons une tente pour le vĂ©tĂ©rinaire et les deux marĂ©chaux, une autre pour les selliers et les trompettes, et enfin 3 pour les officiers. Cela fera en tout 21 tentes pour la compagnie entiĂšre, selon l’effectif que nous avons admis. La chose essentielle est l’arrangement du parc il faut sacrifier toute autre convenance Ă  sa commoditĂ© et Ă  sa sĂ»retĂ©. Il doit ĂȘtre encadrĂ©, de droite et de gauche, par les Ă©curies, et ouvert en avant et en arriĂšre, pour que les voitures puissent y entrer aisĂ©ment et en sortir de mĂȘme. Les voilures, rangĂ©es sur quatre de front, les canons en premiĂšre ligne, les caissons ensuite, et aprĂšs, les autres voitures, occuperont une largeur de 14 mĂštres; un passage entre les tentes et les voitures est nĂ©cessaire de chaque cĂŽtĂ© pour isoler, autant que^ossiblc, les caissons et faciliter les communications; chacun de ces passages aura 8 mĂštres. Cela fera 50 mĂštres pour le parc. Nous prendrons autant pour chaque Ă©curie ou fraction de camp destinĂ©e aux canonniers- conducteurs et aux chevaux, savoir pour les deux files de tentes, rigoles comprises, 12 mĂštres; pour deux passages entre les tentes et les piquets des chevaux , 4 mĂštres; pour la rue oĂč sont les chevaux, 14 mĂštres; total, 50 mĂštres. Ainsi les deux Ă©curies et le parc occuperont 90 mĂštres sur le front de bandiĂšre, les trois subdivisions Ă©tant Ă©gales entre elles voyez la figure 54°. Et si l’on se rappelle qu’une batterie dĂ©ployĂ©e occupe en bataille GO mĂštres, on verra que le principe d’égalitĂ© entre le front de bandiĂšre d’un camp et celui de la troupe dĂ©ployĂ©e, n’est pas appliquĂ© ici. Mais il y a peu d'inconvĂ©nient, parce que l’artillerie, ainsi que nous l’avons dit plus haut, campe derriĂšre l’infanterie, et est par consĂ©quent protĂ©gĂ©e par celle-ci contre les attaques inopinĂ©es de l’ennemi. De sa position retirĂ©e elle peut se porter partout oĂč sa prĂ©sence est nĂ©cessaire. Nous avons le front du camp d’une batterie ; il est de 90 mĂštres, et le mĂȘme pour les batteries fĂ©dĂ©rales de tous les MJ REPOS DES TROUPES. 45 ! calibres. Quant Ă  la profondeur, elle variera selon le nombre des chevaux. Il y en a 108 pour la batterie de douze ; le quart est 27. Il faut donc que les Ă©curies soient assez longues pour recevoir 27 chevaux; or, en comptant un mĂštre et demi par cheval, et laissant au milieu un passage de 3 m ,50, cela fera 44 mĂštres. Actuellement nous placerons les huit tentes des canonniers conducteurs aux huit angles des deux Ă©curies, avec les fourrages dans les intervalles, en laissant toutefois aux deux angles intĂ©rieurs , vers la queue du parc, la place pour la tente du vĂ©tĂ©rinaire , et celle pour la tente des trompettes et des selliers. Toutes ces tentes ont leurs ouvertures du cĂŽtĂ© des chevaux, et tournent le dos au parc. Les tentes descanonniers-servants seront Ă©tablies Ă  20 mĂštres en arriĂšre du parc, et placĂ©es vis-h-vis les Ă©curies sur une seule ligne, quatre Ă  droite , quatre h gauche. Leurs ouvertures seront tournĂ©es vers le front de bandiĂšre. La tente du capitaine sera h 20 mĂštres en arriĂšre de celle des soldats, et placĂ©e dans le milieu de l’intervalle. Celles des lieutenants seront placĂ©es 10 mĂštres plus loin , derriĂšre celle du capitaine les unes et les autres faisant front au parc. Cette disposition a Ă©tĂ© adoptĂ©e pour que le capitaine puisse exercer aisĂ©ment sa surveillance, et que les abords du parc ne soient pas gĂȘnĂ©s de ce cĂŽtĂ©. En additionnant toutes les profondeurs qui viennent d’ĂȘtre indiquĂ©es, on trouve pour total 100 mĂštres. Ainsi le camp d’une batterie de douze exige un espace rectangulaire de 90 mĂštres de front et 100 mĂštres de profondeur pour les tentes seulement. On ne pourrait pas le placer h moins de 30 ou 40 mĂštres de la queue des camps d’infanterie ; et comme ceux-ci ont HO mĂštres de profondeur, et mĂȘme 160 en allant jusqu’aux latrines des soldats , on voit qu’il faut un espace de 500 mĂštres en arriĂšre du front de bandiĂšre pour pouvoir placer ainsi l’artillerie derriĂšre l’infanterie. Plusieurs batteries rĂ©unies camperaient sur le mĂȘme alignement , en laissant seulement entr’elles des intervalles de 452 I>U REPOS IES TROUPES. 4 mĂštres, comme la cavalerie. Cela suffit pour le transport des fourrages. Dans ces camps, les cuisines seront placĂ©es sur les cĂŽtĂ©s , Ă  la hauteur des tentes d’officiers et Ă©loignĂ©es d’elles autant que possible. Nous avons dit que la troisiĂšme division d'un camp d’artillerie est quelquefois placĂ©e en avant du parc. Cela a lieu lorsqu’on fait camper l’artillerie en premiĂšre ligne alors les canonniers-servants s’établissent sur le front de bandiĂšre h In maniĂšre ordinaire, et il n’y a point de diffĂ©rence entre leur camp particulier et celui d’une compagnie d’infanterie, si ce n’est qu’il n'y a pas de tentes de petit Ă©tat-major. On laisse 50 mĂštres entre la tente du capitaine et le parc, qui de In sorte reste assez en arriĂšre de la queue des camps des bataillons voisins, pour qu’on puisse circuler avec les piĂšces. On peut donc, par cette seconde disposition, enchAsser la compagnie d’artillerie entre deux bataillons d’infanterie, sans ĂȘtre gĂȘnĂ© par l’étendue de son parc, et sans lui assigner d’autre espace que celui qui lui est nĂ©cessaire en bataille. Quelquefois aussi les chevaux et les canonniers-conducteurs sont logĂ©s dans les granges voisines ; il n’y a de campĂ©s que les canonniers-servants. Alors ces derniers se placent comme il vient d’ĂȘtre dit, et il n'y a plus de difficultĂ© pour le parc les bouches Ă  feu sont rangĂ©es devant le front sur la ligne des faisceaux, ou un peu en avant; les caissons et les autres voitures sont rangĂ©s en arriĂšre du camp, Ă  une distance convenable. Je suis entrĂ© dans ces dĂ©tails parce que les rĂšglements, que l’on pourrait consulter, passent trop lĂ©gĂšrement sur les camps d’artillerie qui sont si diffĂ©rents de ceux des autres armes. Je terminerai cet article en faisant remarquer qu’il y a de l’avantage, sous plusieurs rapports, h loger le soldat dans des baraques plutĂŽt que sous la toile 1° cela n’exige point de transport, on prend les bois sur les lieux ; 2° les baraques sont plus saines que les tentes; 5° la construction des bara- DU HGPOS DES TROUPES. 453 ques occupe le soldat et dĂ©veloppe son intelligence. Elles se font en feuillage avec couverture de chaume. Quelquefois on les construit plus solidement en charpente, quand le pays est abondant en bois. Quoiqu’il en soit, un camp en baraques ne dilfĂšre pas d’un camp en tentes, quant Ă  la distribution intĂ©rieure et aux principes de l’établissement. § 3. — Des bivouacs. Quand on ne peut pas loger une troupe dans un camp rĂ©gulier et que pourtant on est dans l’obligation de la tenir rassemblĂ©e pour un but quelconque, on la fait bivouaquer. La rĂšgle Ă  suivre, dans l'Ă©tablissement d’un bivouac, est la mĂȘme que pour un campement; c’est-Ă -dire que chaque troupe prend son bivouac dans son ordre de bataille. Mais si les corps sont sĂ©parĂ©s, ils peuvent se donner du large jusqu’à occuper un front de bandiĂšre double de l’espace nĂ©cessaire pour se mettre en bataille. Avec cette Ă©tendue on ne sera jamais gĂȘnĂ© ; il est donc inutile de prendre plus de place, cela ne serait pas sans inconvĂ©nient pour le prompt rassemblement de la troupe dans le cas d’une attaque soudaine. Ainsi, il y a des bivouac serrĂ©s et des bivouac Ă©tendus, suivant les cas les premiers se rĂ©duisent strictement en Ă©tendue Ă  la longueur de la ligne de bataille , les autres peuvent aller jusqu’au double; ils resteront souvent au-dessous et n’iront jamais au-dĂ©lĂ . La ligne des feux de bivouac sera simple dans le dernier cas; elle sera double dans l’autre. Les faisceaux d’armes s’établissent, comme au camp, en avant du front de bandiĂšre et sur un mĂȘme alignement. La premiĂšre ligne de feux sera Ă  20 mĂštres des faisceaux d’armes; la seconde Ă  15 mĂštres de la premiĂšre. Il y aura quatre feux par compagnie, ou un feu par section les sec- DU REPOS DES TROUPES. AU lions impaires en premiĂšre ligne, les sections paires en seconde; et, comme dans l’organisation fĂ©dĂ©rale, chaque compagnie occupe 50 mĂštres en bataille, les feux seront Ă  15 mĂštres les uns des autres dans le sens du front de bandiĂšre ; en sorte que les quatre feux d’une mĂȘme compagnie seront aux quatre angles d’un carrĂ© ayant 15 mĂštres de cĂŽtĂ©. Mars dans un bivouac ces mesures ne se prennent pas au cordeau; le pas doit sullirc on comptera alors 30 pas de la ligne des faisceaux au centre des premiers feux, et 22 pas d’un feu Ă  l’autre dans les deux sens. Les feux des olliciers s’établiront Ă  20 mĂštres, ou 50 pas, en arriĂšre de ceux des soldats ; il y en aura un pour chaque compagnie; les olliciers de l’état-major du bataillon y prendront place. Les compagnies de chasseurs formeront, en arriĂšre du tout et Ă  50 pas de distance, des bivouacs particuliers sur une seule ligne, les faisceaux d’armes en arriĂšre et aussi Ă  30 pas des feux. En sorte que le bivouac serrĂ© d’un bataillon fĂ©dĂ©ral aura 150 mĂštres de front et 95 de profondeur. Soldats et officiers dorment Ă  la belle Ă©toile sur la paille, quand on peut s’en procurer, et les pieds au feu. La cuisine se fait aux feux du bivouac. Si la troupe doit rester plusieurs jours au mĂŽme bivouac, les soldats se font des abris contre le vent et la pluie, au moyen de quelques perches et branches d’arbres qu’ils recouvrent de rameaux, de paille ou de planches '. Les abris-vent , faits En 1851 j’avais adressĂ© Ă  tous les Ă©tats-majors de division une lithographie reprĂ©sentant diverses formes de baraques en feuillage et d’abris-vent, pour que les troupes ne fussent pas trop embarrassĂ©es quand il se serait agi d’établir un bivouac. Celle feuille Ă©tait accompagnĂ©e d’une courte instruction qui en facilitait l’intelligence. L’abri le plus simple offrait un seul plan inclinĂ© , couvert de paille ou de feuillage ; il Ă©tait supportĂ© par six piquets , ou branches d’arbres, inclinĂ©s l’un vers l’autre, et liĂ©s deux Ă  deux par le liant. On posait sur cette espĂšce de rhevalet une perche horizontale, puis des branches, auxquelles la paille Ă©tait attachĂ©e Ă  recou- DU REPOS DES TROUPES. ♩55 de la sorte, s'Ă©tablissent entre les leux des soldats et ceux des officiers, qui doivent ĂȘtre alors assez reculĂ©s en arriĂšre pour laisser la place nĂ©cessaire Ă  ces Ă©tablissements temporaires. Les abris-vent des officiers se construisent aussi derriĂšre leurs feux. Il est facile de voir que, dans ce cas, le bivouac doit ĂȘtre Ă©tendu ; car, mĂȘme en faisant deux lignes d’abri sans intervalles, il n’y aurait pas de quoi placer tous les hommes dans la longueur du front, parce que, couchĂ©s, ils occupent plus de place que dans le rang, et qu’on ne peut pas dĂ©falquer les serre-files. 11 faut au moins 0 m ,65 par homme, ce qui fait pour les cinq compagnies de ligne 200 m . Mais il osl absolument nĂ©cessaire de mĂ©nager des intervalles entre les feuillĂ©es; ce n’est pas trop de compter un quart en sus pour cela ainsi le front du bivouac d’un bataillon aura pour le moins 250 mĂštres d’étendue, tandis que son front de bataille n’est que de 150 mĂštres. Il y a donc un allongement nĂ©cessaire de 100 mĂštres, et, comme nous l'avons dit, le bivouac pourrait s’étendre jusqu’à 500. Avec 250 mĂštres de front de bandiĂšre, aussi bien qu’avec 500, les feux seront Ă©tablis sur une seule ligue, et le bivouac offrira une ligne de faisceaux d’armes, une ligne de feux, une ligne d’abris-venl sur deux rangs, une seconde ligne de leux et une ligne d’abris pour les officiers. Cela se rĂ©pĂšte pour les chasseurs qui sont derriĂšre. Si on ne pouvait pas s’étendre, il faudrait doubler les abris- vent qui sc trouveraient ainsi sur quatre rangs. On doit laisser des couloirs d’au moins 5 mĂštres de largeur entre les rangs qui formeront comme autant de ruelles longitudinales, recoupĂ©es par les passages transversaux et perpendiculaires au front de bandiĂšre. Autant que possible, on loge la cavalerie et le train dans les granges des villages voisins, mĂȘme lorsque l’infanterie est vremcnl dans le sens de la pente, comme le chaume sur les maisons. OU IIEI-OS DES TROUPES. 456 au bivouac. Cependant, quand il faut absolument que les chevaux, aussi bien que les hommes, passent la nuit en plein air, voici comment se dispose le bivouac d’un escadron le commandant le forme en bataille, en arriĂšre de l’emplacement qu’il doit occuper ; il fait rompre par pelotons Ă  droite ; les chevaux de chaque peloton sont placĂ©s sur une seule ligne, ceux du second rang s’intercalant entre ceux du premier, et ils sont attachĂ©s aux piquets Ă  la distance de l m ,50 les uns des autres ; ils sont dĂ©bridĂ©s, mais ils restent sellĂ©s toute la nuit. Les mousquetons ou lances sont formĂ©s en faisceaux derriĂšre chaque rangĂ©e de chevaux ; les sabres et les brides y sont accrochĂ©s. Quand les cavaliers construisent des abris, ils placent contre les parois leurs armes et les brides des chevaux; cela vaut mieux que de les laisser aux faisceaux. Les fourrages sont placĂ©s h la droite des chevaux et dans le prolongement de chaque rang; les feux sont Ă  gauche. Il y a un feu par peloton, ou quatre par escadron, lesquels se trouvent Ă  15 mĂštres les uns des autres, puisque l’escadron a 60 mĂštres de front. C’est comme dans les bivouacs serrĂ©s d’infanterie. Quand les cavaliers construiront des abris, ils trouveront assez de place sur le front de l’escadron pour les faire sur deux rangs seulement. Ils les Ă©tabliront entre les chevaux et la ligne des feux. L’artillerie ne peut pas avoir de rĂšgle fixe pour bivouaquer; elle est obligĂ©e de se conformer aux localitĂ©s; mais en aucun cas les feux ne doivent ĂȘtre rapprochĂ©s du parc. Un arrangement convenable, quand la place s’y prĂȘterait, serait le suivant 1° une seule ligne de feux pour les canonniers-conducteurs et les canonniers-servants; 2° les chevaux sur quatre rangs, disposĂ©s, comme ceux de la cavalerie, perpendiculairement au front de bandiĂšre ; 5° les fourrages; 4° les bouches Ă  feu, les caissons et les voitures parquĂ©s en arriĂšre sur deux rangs. Les officiers, ou se rĂ©partiraient aux feux des canon- 1>U HEPOS DES TROUPES. .157 niers, ou formeraient un l’eu Ă  pari devant le Iront. La profondeur de ce bivouac, jusqu’aux voitures, serait Ă  peu prĂšs la mĂȘme que celle du bivouac de l’escadron ; il faudrait donc le mĂȘme espace en Iront et en profondeur pour l’un et pour l’autre, GĂŒ mĂštres sur 80 environ. § 4. — Des Cantonnements. Pour mettre les troupes eu canlonnemĂ©nt, on les distribue dans les villages qui se trouvent sur le terrain occupĂ© par les troupes c’est la maniĂšre ordinaire de les loger en temps de guerre, et l’on fait comme on peut. Lorsque l’armĂ©e est en marche, elle se cantonne dans l’ordre oĂč elle se trouve .chaque corps prolitanl des commoditĂ©s que lui oll'rentles villages, hameaux ou fermes qu’il occupe; bien entendu que cela se fait en ordre sous la surveillance des chefs, sans quoi les soldats se battraient entre eux pour avoir les meilleurs logements. Mais lorsque l’armĂ©e doit sĂ©journer quelque temps, on l’étend davantage, pour moins fatiguer le pays et pour donner plus de large aux .soldats qui sont ordinairement trĂšs-serrĂ©s dans les cantonnements de route. Cette rĂ©partition des troupes entre les diffĂ©rents villages et hameaux d’une contrĂ©e, s’appelle dislocation; elle exige tous les soins des oflicierĂ  d’état- major, qui en sont ordinairement chargĂ©s, pour allier la sĂ»retĂ© avec la commoditĂ© des troupes, et l’équitĂ© qui exige de ne pas charger certaines communes plus que d’autres, surtout lorsqu’elles doivent pourvoir Ă  la nourriture des troupes. Pour faire connaĂźtre les rĂšgles qu’ils ont Ă  suivre dans la dislocation, nous rappellerons d’abord ce que nous avons dit au sujet des cantonnements dans le premier chapitre, c’est qu’il faut, autant que possible, les Ă©tablir derriĂšre quelque ‱158 DU REPOS DES TROUPES. riviĂšre qui en rende l’attaque plus diflicile. Cela est surtout nĂ©cessaire pour les quartiers d’hiver, qui, devant ĂȘtre de plus longue durĂ©e, sont aussi plus Ă©tendus. Les diffĂ©rents corps seront assez rapprochĂ©s pour se secourir mutuellement. On dĂ©signe un lieu de rassemblement, oĂč tous les corps, en cas d’attaque, puissent arriver avant l’ennemi, les uns par des marches de flanc, les autres par des marches en retraite, tous se rapprochant ainsi de leurs renforts. Turenne fut battu Ă  Ma- riendal pour avoir pĂ©chĂ© contre ces principes voulant profiter de l’éloignement de l’armĂ©e bavaroise, pour donner du repos Ă  ses troupes, il les mit, comme on disait alors, en quartiers de rafraĂźchissement, c’est-Ă -dire qu’il les cantonna ; il indiqua pour point de rassemblement un lieu Ă  peu prĂšs central, mais cependant encore trop prĂšs de l’ennemi. Lorsque Merci arriva sur lui avec toutes ses forces rĂ©unies, Turenne n’eut pas le temps de rassembler les siennes; il fut enveloppĂ© et battu. Turenne rappelait souvent cet Ă©vĂ©nement comme une faute qu’il se reprochait. Quand on lui parlait de ses victoires Vous oubliez, disait-il, que j’ai Ă©tĂ© battu Ă  Mariendal. » Les diffĂ©rentes armes doivent ĂȘtre cantonnĂ©es de maniĂšre Ă  s’appuyer rĂ©ciproquement. L’artillerie se place sur les grandes roules ou Ă  leur proximitĂ©, pour pouvoir, en tout temps, se porter rapidement lĂ  oĂč sa prĂ©sence est nĂ©cessaire ; on la couvre, autant que possible, par les corps d’infanterie. La cavalerie est bien partout oĂč elle trouve du fourrage et de l'eau, sa vitesse lui permettant de rallier en temps opportun, quels que soient les cantonnements qu’elle occupe. H faut cependant Ă©viter de mettre la cavalerie dans des endroits trop exposĂ©s aux surprises, parce qu’elle est moins propre que l’infanterie Ă  repousser ce genre d’attaque. Dans chaque cantonnement partiel ou quartier, on lixe une place d’alarmes, oĂč toute la troupe vient se rĂ©unir au premier signal on prend aux environs toutes les mesures de prudence usitĂ©es devant un ennemi actif et entreprenant. Ce sont sur- DU REPOS DES TROUPES. 459 lout les corps placĂ©s Ă  la lisiĂšre du cantonnement gĂ©nĂ©ral qui doivent Ă©tablir un service rĂ©gulier d’avant-postes; cela ne dispense pourtant pas ceux qui sont placĂ©s en arriĂšre d’avoir aussi des gardes de sĂ»retĂ©. C’est une recommandation que nous avons faite souvent et que nous rĂ©pĂ©tons ici pour la derniĂšre fois. Il faut, d’aprĂšs ce qui prĂ©cĂšde, que chaque bataillon ait sa place d’alarmes ; que, dans chaque brigade, " _ “su de rassemblement choisi du cĂŽtĂ© oĂč cette brigade doit marcher pour opĂ©rer la concentration; que, dans chaque division, il y en ait aussi un pris assez loin de l’ennemi pour que les brigades puissent y arriver sans crainte de se voir coupĂ©es; qu’enlin il y ait pour toute l'armĂ©e une position dĂ©signĂ©e en arriĂšre des cantonnements, oĂč elle se rĂ©unira pour le combat. Cette position doit ĂȘtre connue, non-seulement des commandants des divisions, mais aussi des commandants des brigades, afin que ces derniers, dans le cas oĂč des circonstances particuliĂšres les auraient empĂȘchĂ©s de rejoindre leurs chefs, puissent d’eux-mĂ©mes marcher au rendez-vous gĂ©nĂ©ral. Les communications seront rendues faciles entre les divers lieux de rassemblement Ăč cet effet on rĂ©parera les ponts, on rĂ©largira les chemins dont la voie ne serait pas suffisante, on en ouvrira mĂȘme de nouveaux si cela est nĂ©cessaire. Quel- i que riviĂšre traverse-t-elle les cantonnements, il faut y jeter des ponts pour que les corps ne restent pas sĂ©parĂ©s; y a-t-il des ravins profonds, difficiles Ă  franchir, on y pratiquera des rampes et des chaussĂ©es pour le passage de l’artillerie. , Quand les cantonnements ne sont pas couverts par une riviĂšre non guĂ©able, il est bon de couper les chemins par lesquels l’ennemi pourrait arriver, de construire des abatis ou des retranchements dans les endroits les plus accessibles. Mais ce qui vaut mieux que lout cela, c’est une grande vigilance dans les avant-postes. Toutefois l’un n’empĂȘche pas l’autre. Il va sans dire que les gĂ©nĂ©raux ne quittent point la troupe, DU ISEI’OS DES TUOUl'IiS. 460 mais prennent leurs logements au milieu d’elle, dans l’endroit le plus commode pour expĂ©dier des ordres. En 1694, le comte de Tilly fut enlevĂ© dans un chĂąteau oĂč il s’était logĂ©, parce qu’un marais le sĂ©parait du lieu oĂč Ă©taient ses troupes. Pareille disgrĂące est rĂ©servĂ©e aux olliciers qui voudront ainsi chercher leurs aises , au lieu de penser Ă  leur sĂ»retĂ©. Quand la troupe bivouaque , les gĂ©nĂ©raux doivent bivouaquer avec elle; et, s’ils ont des tentes , ils les rĂ©serveront pour mettre leurs cartes et leurs papiers Ă  l’abri de la pluie ou de la rosĂ©e ; mais eux coucheront sur la paille comme leurs soldats. 11 ne faut pas que ceux-ci puissent croire que , lorsqu’ils sont exposĂ©s Ă  tous les genres de privations, leurs chefs savent s’y soustraire. CelĂą est surtout nĂ©cessaire dans une armĂ©e de milices. C’est le chef d’état-major de l’armĂ©e qui’, en conformitĂ© des vues du gĂ©nĂ©ral en chef, lixe les limites de l’arrondissement de chaque division , des corps de cavalerie , des parcs d’artillerie. Les gĂ©nĂ©raux de division dĂ©terminent, dans leurs arrondissements respectifs, les limites oĂč doivent se renfermer leurs brigades , leurs dĂ©tachements de cavalerie , leurs batteries. Les commandants de brigades distribuent Ăč leur grĂ© les bataillons et les compagnies de carabiniers, dans les villages, hameaux, fermes isolĂ©es de leurs cantonnements. Les cartes gĂ©nĂ©rales peuvent, h la rigueur, sullire pour prĂ©parer ces dislocations ; mais on les fait bien mieux quand on possĂšde quelqu’une de ces belles cartes topographiques qui se font maintenant en France, en PiĂ©mont et dans le royaume Lombardo-VĂ©niticn ', surtout quand elles sont accompagnĂ©es d’étals statistiques donnant le nombre des couverts de ' La ConfĂ©dĂ©ration n’a pas voulu rester en arriĂšre Ă  cet Ă©gard elle fait travailler Ă  un atlas gĂ©nĂ©ral de la Suisse en vingt-cinq feuilles ; cĂštte entreprise rencontre de grandes difficultĂ©s dans la nature du pays, et le peu de fonds qu’on y peut consacrer chaque annĂ©e. Toutefois, ijuelqucs feuilles sont dĂ©jĂ  assez avancĂ©es. Le quarticr- inailre-gĂ©ncral s’occupe activement de cet important objet. DU Itt'U’OS DUS TROUPKS. 401 chaque lieu , ainsi que ses principales ressources. Mais il faut s’attendre, malgrĂ© cela, Ă  de nombreuses rectifications, quand la dislocation s’effectuera. C’est pourquoi il est toujours plus sur de la prĂ©parer sur les lieux mĂŽmes, d’aprĂšs les directions gĂ©nĂ©rales du chef d'Ă©tat-major. Les oiliciers des Ă©tats-majors des divisions et des brigades se partagent la besogne ; ils dressent chacun un Ă©tat de dislocation particulier pour la partie qui le concerne ; ils font appeler les maires ou prĂ©fets des communes, et assoient, de concert avec eux, leur premiĂšre rĂ©partition , en ayant soin de se tenir en garde contre la tendance de ces oiliciers civils a diminuer leurs ressources pour obtenir quelque allĂ©gement. Ils ne doivent donc pas s’en rapporter uniquement h ce qui leur est dit, mais voir par eux- mĂȘmes. Ils visitent toutes les maisons et assignent le nombre de soldats qu’on y peut loger, sans trop de gĂšne pour eux, et sans qu’il en rĂ©sulte une charge trop lourde pour les habitants. Ils Ă©vitent, autant que possible , de sĂ©parer les soldats d’un mĂŽme bataillon ; et, pour peu qu’une attaque soit Ă  craindre , il vaudra souvent mieux, lorsqu’un village sera trop petit pour loger tout le monde, faire bivouaquer aux environs, et Ă  tour de rĂŽle, tout ce qui ne peut pas ĂȘtre placĂ© dans les maisons, que de partager le bataillon pour le cantonner dans deux villages diffĂ©rents. Quand ce premier travail a reçu les rectifications nĂ©cessaires, chaque officier dresse, un Ă©tat particulier, qu’il remet Ă  l’adjudant de division ; celui-ci dresse un Ă©tat de dislocation pour la division entiĂšre ; il le dĂ©pose Ă  l’état-major de l’armĂ©e oĂč l’on rĂ©unit toutes les piĂšces semblables pour en faire un tableau gĂ©nĂ©ral de dislocation. Il y a donc trois espĂšces de tableaux de dislocation, dont les formes diffĂšrent un peu par la nature des dĂ©tails qu’on y fait entrer, ceux des brigades, ceux des divisions et ceux de l’armĂ©e. Je joins ici les tĂȘtes de,ces divers tableaux, oĂč l’on a visĂ© Ăč atteindre le plus grand degrĂ© possible de simplicitĂ© pour s’assurer une meilleure et plus prompte exĂ©cution. 462 DU REPOS DES TROUPES. Tableau de dislocation de la Brigade N °.... Ă  F Ă©poque du.... TĂȘtes des Colonnes. Quartier-gĂ©nĂ©ral de la brigade. Noms des bataillons. NumĂ©ros des compagnies. Cantonnements des compagnies. Lieux de rassemblement des bataillons. Observations. ' Tableau de dislocation de la Division N°.... Ă  Fe'poque du.... t Quartier-gĂ©nĂ©ral de la division. I Quartiers-gĂ©nĂ©raux des brigades. I Bataillons. Tktes des Colonnes. 4 §1. Composition de l’armĂ©e. Ăź>4 §2. Formation des troupes. 68 §3. Armement des troupes. 70 Armes de l’infanterie . 70 Armes de la cavalerie . 81 Artillerie . 85 Chap. 1U. Des Marches et des Manoeuvres. ....... 01 § 1. RĂšgles Ă  observer dans les marches. 91 Éclaireurs . 99 Avant-garde et arriĂšre-garde .. 101 Force d’une colonne de marche . 109 §2. Marches offensives, actions qu’elles amĂšnent. .. 112 Ordre de marche d’une division fĂ©dĂ©rale . 112 .iic TAULE UES MATIÈRES. 468 ' I’*6- Passage des dĂ©filĂ©s . 111» Passage des ponts . 123 Passage des bois . 127 Passage des riviĂšres . 128 ArrivĂ©e de la colonne devant l'ennemi . 157 § 3. Dos marches de flanc. 139 § 4. Des marches en retraite. 146 De l'arriĂšre-gartle . 148 Passage d’un pont en retraite . 151 Passage des dĂ©filĂ©s en retraite . 152 §5, Marche simultanĂ©e de plusieurs colonnes. 156 Des Batailles. 167 §1. DĂ©finitions, ordres de bataille. 168 2. Jeu des dillĂ©rentes armes. 180 §5. Des batailles offensives. 189 Reconnaissance . 189 DĂ©termination du point d’attaque . 191 Attaque des hauteurs . 196 Attaque enveloppante . 198 Attaque sur le flanc . 199 Attaque sur le centre . 203 Concentration . 206 Poursuite du champ de bataille . 214 g 4. Des batailles dĂ©fensives. 217 Positions . 217 Dispositions dĂ©fensives . 221 PropriĂ©tĂ©s dĂ©fensives du terrain . 250 Emploi de la fortification . 253 ManƓuvres dĂ©fensives . 257 Retraite du champ de bataille . 240 ‱ Chnp. V. DĂ©fense ues RiviĂšres et des Montagnes.. . 245 1. DĂ©fense des riviĂšres. 245 Disposition des troupes . 245 TABLE 1ES MATIÈRES. 469 l*ag. TĂȘtes de pont . -47 Moyens secondaires . 254 ManƓuvres . 250 § 2. DĂ©fense des montagnes. 260 Par les habitants . 260 Par les troupes . 201 Secours de l’art . 265 Positions . 264 Retranchements . 271 ManƓuvres . 275 Communications . 285 RĂ©sumĂ© . 288 Des SiĂšges. 290 § 1. Comment on couvre un siĂšge. 290 § 2. Travaux et opĂ©rations du siĂšge. 296 §5. CommentondĂ©fendlesapprocliesd'uneforteresse 502 Chap. VH. Combats ut actions particuliĂšres. 509 §. 1. Combat d’infanterie contre infanterie. 509 En plaine . 511 Sur les hauteurs . 516 Dans les bois .<. . 519 Dans les villages . 521 § 2. Combat de cavalerie contre cavalerie. 524 §5. Combat de cavalerie contre infanterie. 529 § 4. Attaque d’une batterie. 555 § 5. Attaque et dĂ©fense d’une redoute. 557 § 6. Attaque et dĂ©fense d’une cassine. 541 § 7. Surprise et escalade d’un lieu fortifiĂ©. 549 § 8. RĂ©flexions sur les manƓuvres. 558 Des Reconnaissances. 571 § !‱ Reconnaissances Ă  maiii armĂ©e. 571 §2. Reconnaissances topographiques. 585 ItinĂ©raires . . ... . 598 470 TABLE DES-MATIÈRES. l’os- Chap. IX. Missions spĂ©ciales . 401 § I. Des convois. 401 §2. Des fourrages. 412 §3. Des embuscades. 410 § 4. Des partisans. 422 Chap. X. Du Repos des troupes . 427 §1. Des avant-postes. 427 § 2. De la castramĂ©tation.. 433 §3. Des bivouacs. 433 §4. Des cantonnements. . 437 AVIS AU RELIEUR POUR LE PLACEMENT DES PLANCHES. Planche I, h gauche, en regard de la page 3 II, — — H7 III, — _ 141 IV, — — 143 V, — — 137 VI, — — ici VII, — — 1G5 VIII, — _ 177 IX, — — 193 X, — — 195 XI, — _ 203 XII, — — 209 XIII, - - 223 XIV, _ — 227 XV, — — 231 XVI, _ _ 239 XVII, - _ 281 * XVIII, _ _ 385 XIX, - _ 393 XX, — _ 435 XXI, — — 447 K! LIBRAIRIE ß»’2lb. flHjerbttlte; et ffotnp. h paris et Ă  ©mĂšne. Autres ouvrages de Al. G. 11. DUFOUR De la Fortification permanente. 1 vol. 4° avec atlas, 24 fp. MĂ©morial pour les travaux df. guerre. 2 e Ă©dition, I vol. in-8° fig. 7 fr. GĂ©omĂ©trie perspective, avec ses s " ’ 5ns Ă  la recherche des ombres. 4 vol. in-8° avec atlas. Instruction sur le dessin des reconnaissances militaires. In-4° fig. MĂ©moire sur l’Artillerie des anciens et sur celle nu moyen Ăąge. In-4° fig. Carnet nu canonnier, Ă  l’usage des sous-officiers et soldats de l'artillerie suisse; par J. MASSE, lieutenant-colonel d’artillerie. 4 vol. in-48. Manuel nu canonnier conducteur, Ă  l’usage de l’artillerie suisse. 4 vol. in- 48fig. IMPRIMERIE lE K. PELLETIER, RUE DE RHONE. alpha N artiste Nessbeal titre A chaque jour suffit sa peine Les paroles de la chanson A chaque jour suffit sa peine »Nessbeal Papa tape maman, mon cartable, ma tristessemon lit superposĂ©, mes p’tits freres, ma jeunesseOn s’accroche au RER, la vie dĂ©file Ă  toute vitesseCourir, grandir, j’me sens libre dans l’ivresseLes sous, des soucis, au p’tit dĂ©j j’en mange par centainesD’vant la porte les huissiers, impossible d’fuir les problĂšmesAujourd’hui j’en rigole, Ă  chaque jour suffit sa peineMariages, enterrements, des roses, bouquets de chrysanthĂšmesLa flĂšme, de s’rĂ©veiller, de travailler, d’sĂ©cher les coursMon destin correctionnel, Dieu seul sait c’que j’encours,un jour prochain, Y a plus de suspens dans mon parcours,enfant tĂȘtu j’peux pas stopper l’compte Ă  reboursÀ chaque jour suffit sa peine 5 x Ça meurt pas en silence, un homme qui se noieLa traversĂ© du miroir, nos sourires,j’étais petit, j’avais peur dans l’noirNuit blanche dans ce couloir, j’marche, interminable est c’boulevardJ’écris de la main gauche, dĂ©gueulasse est mon buvardEt dit tout Ă  un point cru, une histoire, une dĂ©faite, un exploitÀ chaque jour suffit sa peine, demain j’trouve un emploiTomber, se relever, partir, tout le monde cherche sa voixPartager + de paroles* Amnezia La salade* Au jour le jour feat. Marc Antoine* 10 000 Questions* Le loup dans la bergerie* On Aime Ca* A Chaque Jour Suffit Sa Peine* Ma solitude feat. Isleym* Clown Triste* EnterrĂ© vivant* Amour EternelUn regard, l’amour, rentre dans ta vie sans l’savoirC’monde un grand mensonge, on cache les apparencesUn calvĂšre, du caviar, ça commence par une romanceTriompher, regretter, pas le temps d’souffler que ça r’commenceÀ chaque jour suffit sa peine, on sera tous roi avec d’la patienceÀ chaque jour suffit sa peine... 5 xRien ne dure dans ce monde cruel pas mĂȘme nos souffrancesÀ chaque jour suffit sa peine...Tu vas tomber, t’relever, jamais r’culerL’essentiel c’est que t’avancesÀ chaque jour suffit sa peine...Grosse dĂ©dicace, tout passe, seul les murs restent en placeÀ chaque jour suffit sa peine...À chaque jour suffit sa haineOn trouve pas l’bonheur dans l’oseilleÀ chaque jour suffit ca peine, moi j’respire Ă  peine, les keufs et les cirĂšnes m’endormentSurement Ă  Fleury ou Ă  Fresnes, le daron fait l’adhan et moi je traine seul dehorshai-hai-haine, oh oh oh, Ă  chaque jour suffit sa peine 2 xÀ chaque jour suffit sa peineÀ chaque jour suffit sa peine...N E 2 S...À chaque jour suffit sa peine

a chaque jour suffit sa peine parole